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Notre-Dame de Kibeho

Notre-Dame de Kibeho est le nom sous lequel est invoquée la Vierge Marie telle qu'elle serait apparue à trois jeunes filles (Alphonsine Mumureke, Nathalie Mukamazimpaka et Marie-Claire Mukangango) à Kibeho, petit village du sud du Rwanda, du au . Ces apparitions, dont le message porte sur la prière, la conversion des cœurs et sur le risque d'une guerre prochaine (génocide des Tutsi au Rwanda) si les chrétiens ne se convertissent pas, ont d'abord été l'objet de méfiance de la part de l'entourage des présumées voyantes.

Notre-Dame de Kibeho
Image illustrative de l’article Notre-Dame de Kibeho
Notre-Dame des Douleurs, vocable sous lequel la Vierge s'est présentée à Kibeho.
Apparition mariale
Autres noms Mère du Verbe
Vénéré à Sanctuaire de Kibeho, Rwanda
Vénéré par l'Église catholique
FĂŞte 28 novembre
Attributs Vierge légèrement métis, vêtue d'une robe blanche et d'un grand voile bleu, tenant un chapelet de Notre-Dame des Douleurs. Des fleurs à ses pieds.

Une enquête canonique a amené l'évêque a autoriser le culte de Notre-Dame de Kibeho en 1988, puis de démarrer la construction d'une première chapelle en 1992. Après la guerre civile, le sanctuaire marial reprend ses activités et les pèlerinages se développent.

En 2001, Mgr Misago (en), prononce la reconnaissance officielle de ces apparitions. Kibeho devient un centre de pèlerinage connu même à l'extérieur du pays.

Les apparitions

Historique

Dans la journée du , une jeune élève du collège de Kibeho, Alphonsine Mumureke, déclare voir « une dame » d'une beauté incomparable qui se serait présentée à elle comme la « Mère du Verbe ». Elle l'identifie aussitôt comme la Vierge Marie. Le phénomène va se reproduire à de nombreuses reprises, que ce soit en privé ou en public[1] - [2] - [3]. L'apparition est décrite comme « une belle femme - ni blanche ni noire - flottant au-dessus du sol dans une robe fluide sans couture, avec un voile qui couvrait ses cheveux. Elle ne portait pas de chaussures »[3] - [4].

Les premières rĂ©actions sont pour la plupart mĂ©fiantes, notamment de la part des professeurs du collèges et des autres Ă©lèves[2] - [3]. Rapidement, deux autres Ă©lèves du collège assurent avoir vu la Dame. Il s'agit de Nathalie Mukamazimpaka, Ă  partir du , et de Marie-Claire Mukangango Ă  partir du . MĂŞme si les critiques et la mĂ©fiance restent vives, un groupe d'Ă©lèves et de professeurs assistent Ă  des rĂ©unions avec les prĂ©sumĂ©es voyantes oĂą l'on rĂ©cite le chapelet. BientĂ´t, la nouvelle se rĂ©pand en dehors du collège et du village. On vient de la rĂ©gion entière pour voir les prĂ©sumĂ©es voyantes mais surtout assister aux apparitions publiques. Les 31 mai et , on compte environ 10 000 personnes venues assister aux prĂ©sumĂ©es apparitions[1] - [2].

Le [N 1], les voyants dĂ©crivent la Vierge en pleurs. Devant 10 000 personnes[N 2], les trois voyantes Alphonsine, Nathalie et Marie-Claire, ont soudain des visions effrayantes : les jeunes filles se mettent Ă  pleurer, claquer des dents et tremblent. La Vierge, disent-elles, leur montre « des tĂŞtes dĂ©capitĂ©es », « un fleuve de sang », « des gens qui s'entretuent », des cadavres abandonnĂ©s sans que personne vienne les enterrer. La foule en garde une impression de peur, de panique et de tristesse[2] - [5] - [4].

Très vite Nathalie et Marie-Claire disent ne plus avoir d'apparitions, et seule Alphonsine continue d'en bénéficier. Ces apparitions prennent fin le [2] - [4] - [N 3].

GĂ©nocide des Tutsi au Rwanda

Mémorial du génocide installé dans l'église de Ntarama.

Les visions des voyantes du vont être interprétées, à postériori comme une « annonce prophétique » des massacres du génocide de 1994[6] - [2] - [5] - [4].

Le , l'avion du prĂ©sident Rwandais, JuvĂ©nal Habyarimana est abattu par « un mystĂ©rieux tir de missiles ». En quelques heures « les extrĂ©mistes hutus s'emparent du pouvoir »[N 4] et accusent l'opposition armĂ©e du FPR d'ĂŞtre les auteurs du tir de missile. Ils assassinent tous les tĂ©nors de l'opposition hutue et dĂ©clenchent le gĂ©nocide contre les Tutsis prĂ©sents dans le pays, et qui sont « collectivement accusĂ©s d'ĂŞtre complices du FPR ». C'est le dĂ©but d'un Ă©norme gĂ©nocide qui va durer d'avril Ă  juillet 1994. Les massacres feront plus de 800 000 victimes en trois mois[2], et près d'un million de tuĂ©s durant tout le gĂ©nocide[3].

Les extrémistes appellent la population à « venger le Président » tué dans son avion. Ils sont relayés par les autorités locales et « la Radio des Mille Collines » qui répètent les appels à la haine et au meurtre. Plus aucune autorité religieuse n'ose élever la voix pour stopper cette folie meurtrière. Les lieux de culte, qui ont toujours servi de refuge pour les Tutsis pourchassés, ne sont plus respectés en 1994. Même les civils réfugiés dans les églises sont tués[2].

Reconnaissance

Le , l'archevêque de Kigali consacre le Rwanda à la Vierge et confie au père Augustin Misago (en) le soin de constituer une commission d'enquête pour étudier les apparitions de Kibeho. Celui-ci s'entoure de théologiens et après étude rend un avis positif[4].

Le , Mgr Jean-Baptiste Gahamanyi, évêque de Butaré, autorise le culte public de Notre-Dame de Kibeho. La construction d'une « chapelle des apparitions » est décidée. La première pierre est posée le [4].

Les apparitions sont reconnues officiellement le par Mgr Misago, évêque du lieu[7] - [4] - [N 5]. Le décret de reconnaissance est promulgué au cours de la messe solennelle du . Cette messe est concélébrée dans la cathédrale de Gikongoro en présence du nonce apostolique au Rwanda, de tous les membres de la Conférence Épiscopale du Rwanda, de nombreux prêtres des différents diocèses du pays, de religieux et religieuses, et de fidèles laïcs venus d’un peu partout[8].

La fête de Notre-Dame de Kibeho est célébrée le 28 novembre[9].

Message spirituel

En recoupant les messages que la Dame aurait transmis à Alphonsine, Nathalie et Marie-Claire, pour l’Église catholique, le message spirituel de Kibeho, se résumerait ainsi :

  • un appel Ă  la conversion et Ă  la sincĂ©ritĂ© de la prière[5], et mĂŞme une « conversion sans hypocrisie »[10].
  • la tristesse de la Vierge en regardant le monde (les voyantes tĂ©moignèrent de ses pleurs)[5]. Elle leur aurait confiĂ© que le monde court Ă  sa perte sans la conversion (sincère) des cĹ“urs.
  • souffrir pour le salut du monde[5]. La Dame leur aurait dit : « Personne n'arrive au ciel sans souffrir »[1].
  • la rĂ©citation rĂ©gulière du rosaire et remettre Ă  l'honneur le chapelet de Notre-Dame des Douleurs « dont l'apparition dĂ©sire que la pratique croisse »[4] - [N 6].
  • la construction d'une chapelle Ă  Kibeho[4].
  • prier pour l’Église.

Les messages transmis par les voyants « insistent sur la dégradation spirituelle et morale du pays, et soulignent, selon un mode prophétique, les dangers qui peuvent en résulter »[5].

Notoriété et influence

Le sanctuaire marial de Kibeho

L'esplanade des apparitions dans le sanctuaire.

Après une enquête canonique diligentée par le diocèse, le culte à Notre-Dame de Kibeho est autorisé en 1988. Une première chapelle est mise en construction en 1992. Le site se développe rapidement pour répondre à l'afflux des pèlerins qui viennent même des pays voisins[4]. Le génocide de 1994 et les violences qui suivent frappent durement la région. La paix retrouvée, le sanctuaire reprend son expansion. En 2003, le cardinal Crescenzio Sepe, vient inaugurer le sanctuaire appelant à la réconciliation des populations déchirées[11].

Face Ă  la croissance des pèlerinages, une nouvelle Ă©glise de grande capacitĂ© est mise en construction en 2020. Elle devrait ĂŞtre terminĂ©e en novembre 2021 et permettre d'accueillir 10 000 personnes Ă  l'intĂ©rieur, et dix fois plus sur l'esplanade extĂ©rieure. Le site accueille aujourd'hui plus de 500 000 pèlerins par an venant du Rwanda et de l'Ă©tranger. Les autoritĂ©s civiles espèrent une croissance des pèlerinages et du tourisme sur ce lieu grâce Ă  la mise en service de ces nouvelles infrastructures[12] - [13].

Statue de Notre-Dame de Kibeho

Après la déclaration de reconnaissance des apparitions en juin 2001, Mgr Augustin Misago (en) a lancé en septembre un premier concours d’artistes « appelés à réaliser un modèle de statue de Notre-Dame de Kibeho » en suivant les renseignements fournis par les voyantes reconnues (renseignements collectés par la commission d'enquête canonique). Les premiers modèles fournis ont été trouvés décevants[14].

Un an plus tard, le , un nouveau concours a Ă©tĂ© organisĂ©. Trois groupes d'artistes, tous anciens Ă©lèves de l’École d’Arts de Nyundo, ont Ă©tĂ© composĂ©s. Chaque groupe, composĂ© de deux personnes a rĂ©alisĂ© une statue d'argile cuite de 60 cm. Nathalie Mukamazimpaka, la voyante prĂ©sente sur le sanctuaire Ă©tait rĂ©gulièrement consultĂ©e par les Ă©quipes. Le 11 janvier suivant, un jury a Ă©tĂ© composĂ© pour apprĂ©cier les rĂ©alisations. Après un long dĂ©bat, le jury a choisi « la meilleure statue » parmi les trois modèles prĂ©sentĂ©s. Le jury a demandĂ© aux artistes de « retravailler encore de façon sĂ©rieuse leur Ĺ“uvre ». Après un mois de travail, un nouveau modèle a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©. De nouvelles amĂ©liorations ont Ă©tĂ© demandĂ©es, notamment concernant le symbolisme des fleurs. Une autre statue est commandĂ©e Ă  un artiste de Ruhengeri. Celui-ci s'inspire des prĂ©cĂ©dents modèles, qu'il retravaille pour sculpter une statue en bois colorĂ©. Le modèle est prĂ©sentĂ© de nouveau au jury Ă  Kibeho le . Le jury l'adopte dĂ©finitivement malgrĂ© des imperfections qui persistent visiblement car « aucune statue de la Sainte Vierge ne peut prĂ©tendre ĂŞtre un portrait fidèle de sa personne ». La statue dĂ©finitive est commandĂ©e Ă  l'atelier de Marek Kowalski, artiste polonais, professeur Ă  l'AcadĂ©mie des beaux-arts de Varsovie. La statue, terminĂ©e le , est envoyĂ©e par avion pour ĂŞtre bĂ©nie et intronisĂ©e dans le sanctuaire le 28 novembre[14].

D'après l'Ă©vĂŞque, la statue n'est pas « une image fidèle » de la Vierge apparue Ă  Kibeho, mais « simplement d’un symbole conventionnel ». La statue, sculptĂ© dans du bois et colorĂ©e mesure 1,2 m. Les fleurs vues par les voyantes aux pieds de la Vierge, lors des apparitions sont regroupĂ©es en trois catĂ©gories diffĂ©rentes. Elles symbolisent les hommes, notamment les foules de Kibeho, telles qu’elles sont devant Dieu en gĂ©nĂ©ral et face au message de Kibeho donnĂ© par la Vierge. Ces fleurs au milieu desquelles Marie flotte constituent un des signes distinctifs de la statue de la Vierge de Kibeho[14].

La couleur de la peau de la Vierge n’est ni blanche ni noire ni mulâtresse non plus, elle est entre les deux. Seuls le visage et les mains sont visibles, le reste du corps est caché par ses vêtements. La Vierge est habillée en deux couleurs : une robe blanche, et un grand voile bleu ciel qui prend la forme d’un manteau ou d'une chape descendant en arrière jusqu’aux pieds. Les pieds et les orteils sont invisibles à cause de la robe et du voile qui les couvrent. La Vierge se tient les mains jointes sur la poitrine en direction du menton ; la tête légèrement penchée, « comme une maman qui regarde avec tendresse son enfant debout devant elle ». Un chapelet est passé autour des mains et descend jusqu'au niveau de ses jambes[14].

Notes et références

Notes

  1. Il y aurait eu deux apparitions les 15 et 19 août avec des messages proches. Les sources confondent et fusionnent parfois les deux événements. Les sources sont peu précises sur la ventilation des événements sur les deux dates. Nous ne citons qu'une seule date.
  2. D'autres sources donnent le chiffre de 20 000 personnes.
  3. D'autres présumés voyants et voyantes continuent de déclarer bénéficier d'apparitions. Ni eux ni leurs apparitions n'ont été reconnus par l’Église catholique.
  4. La source indique que les « extrémistes hutus » refusaient le retour au pouvoir des Tutsis, et redoutant que le président ne cède aux pressions internationales, ils ont préféré l'abattre (en faisant reporter la faute au parti adverse).
  5. En 1992, le diocèse de Butare est scindé en deux, et le diocèse de Gikongoro est créé. Cela explique le changement de juridiction épiscopale entre le début des apparitions et la reconnaissance canonique.
  6. Une source indique que le « chapelet des sept-douleurs de la Vierge » est une dévotion ancienne pratiquée chez les Servites de Marie. Cette dévotion est peu connue.

Références

  1. « Les apparitions à Kibeho: Bref aperçu », sur Kibeho Sanctuary (consulté le ).
  2. Maria Malagardis, « Les rêves noirs de la voyante », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. (en) James Dacre, « The schoolgirls who warned of Rwanda's genocide », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. René Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire des "apparitions" de la Vierge Marie, Fayard, , 1426 p. (ISBN 9782213-671321, lire en ligne), p. 1163-1164.
  5. Joachim Bouflet et Philippe Boutry, Un signe dans le ciel : Les apparitions de la Vierge, Paris, Grasset, , 475 p. (ISBN 978-2-246-52051-1), p. 433-434.
  6. « AFRIQUE/RWANDA - “L’avertissement de la Vierge à Kibeho est encore valide et concerne l’humanité toute entière” dit l’évêque de Gikongoro », Agence Fides,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. Emilie Brébant, La Vierge, la guerre, la vérité : approche anthropologique et transnationale des apparitions mariales rwandaises, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, , 554 p. (lire en ligne)
  8. « Reconnaissance des apparitions à Kibeho », sur Kibeho Sanctuary (consulté le ).
  9. (it) Francesco Patruno, « Nostra Signora del Dolore di Kibeho (Rwanda) », sur Santi e Beati, (consulté le ).
  10. Ndagijimana Diogène, « Kibeho : Notre-Dame de Kibeho appelle à la conversion du cœur et à une prière sans hypocrisie », Radio Maria Kibeo,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. « Rwanda: Le cardinal Sepe inaugure le sanctuaire marial de Kibého », Zénit,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. « Des plans sont en cours pour la construction d’une basilique de 10,000 places à Kibeho », bwiza.com, (consulté le ).
  13. (en) Michel Nkurunziza, « Inside proposed Kibeho Basilica », New-York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. « Lieux du culte au Sanctuaire Notre-Dame de Kibeho », sur Kibeho sanctuary (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

  • Patrice Nadeau (trad. de l'anglais), Notre Dame de Kibeho : du coeur de l'Afrique, Marie s'adresse au monde entier, Varennes (QuĂ©bec)/Escalquens, Ada, , 258 p. (ISBN 978-2-89667-005-5).
  • Augustin Misago, Les apparitions de Kibeho au Rwanda, FacultĂ©s catholiques de Kinshasa, , 527 p..
  • Gabriel Maindron, Les apparitions de Kibeho, O.E.I.L., (ISBN 978-2868390219).
  • Gabriel Maindon, Les apparitions Ă  Kibeho : annonce de Marie au cĹ“ur de l'Afrique, DesclĂ©e Brouwer, , 259 p. (ISBN 978-2868393593).
  • Emilie BrĂ©bant, La Vierge, la guerre, la vĂ©ritĂ© : approche anthropologique et transnationale des apparitions mariales rwandaises, Bruxelles, UniversitĂ© libre de Bruxelles, , 554 p. (lire en ligne)
  • RenĂ© Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire des "apparitions" de la Vierge Marie, Fayard, , 1426 p. (ISBN 9782213-671321, lire en ligne), p. 1163-1164.
  • Joachim Bouflet et Philippe Boutry, Un signe dans le ciel : Les apparitions de la Vierge, Paris, Grasset, , 475 p. (ISBN 978-2-246-52051-1), p. 433-434.
  • Yves Chiron, EnquĂŞte sur les apparitions de la Vierge, Perrin-Mame, , 427 p. (ISBN 9-782262-028329), p. 403-404.

Articles connexes

Liens externes

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