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Nappe de Thiaroye

14° 45′ 30″ N, 17° 22′ 32″ O

La nappe phréatique de Thiaroye est située près de Dakar dans la ville de Pikine, un quartier dense et populaire. Le sommet de la nappe est proche de la surface et inonde régulièrement les habitations durant la saison des pluies. Ces inondations répétées causent des problèmes importants dans la région.

GĂ©ologie

La nappe phrĂ©atique de Thiaroye se trouve sur la presqu'Ă®le du Cap-Vert. Cette nappe forme la partie ouest de la nappe des sables quaternaires de la presqu'Ă®le du Cap-Vert. La nappe des sables quaternaires est une nappe phrĂ©atique non confinĂ©e d'environ 300 km2 qui s'Ă©tend de Kanak Ă  Dakar. Elle est composĂ©e de dĂ©pĂ´ts sableux liĂ©s aux variations du climat et du niveau de la mer ainsi que de dĂ©pĂ´ts sableux marquĂ©s par le volcanisme des Mamelles[1].

La nappe de Thiaroye est coupée à l'est par la nappe infra-basaltique de Dakar, une nappe phréatique confinée par une couche de basalte [2]. À l'ouest, la limite est moins claire. On la situe approximativement à l'est de Pikine.

La nappe de Thiaroye est posée sur une couche de roches marneuses. Cette couche de roche est marquée par des dépressions remplies de sable qui influencent la profondeur de la nappe[1].

Climatologie

La presqu'Ă®le du Cap-Vert est dotĂ©e d'un microclimat influencĂ© par l'ocĂ©an Atlantique et la rĂ©gion saharienne [3]. La tempĂ©rature moyenne (1980-2005) est de 24,7 °C [4] avec un maximum entre mars et octobre et un minimum entre novembre et fĂ©vrier[3]. L'Ă©vapotranspiration est estimĂ©e Ă  environ 700 mm/an et l'humiditĂ© relative (entre 70 et 98 %) varie peu durant l'annĂ©e Ă  cause de la proximitĂ© de l'ocĂ©an[4].

Le climat de la région est marqué par une saison des pluies entre juillet et septembre qui concentre la majorité des précipitations [5]. La figure 1 présente la pluviométrie annuelle caractérisée par une importante variabilité. On peut aussi remarquer une baisse des précipitations annuelles depuis la fin des années 1960.

figure 1: Pluviométrie Station Dakar Yoff

Ă€ cause du rĂ©chauffement climatique, il est probable que les tempĂ©ratures vont augmenter et que les prĂ©cipitations vont dĂ©croĂ®tre. Le niveau de la mer risque aussi de s'Ă©lever avant 2100 d'environ 0.2-0,9 m [6].

Cause des inondations

La nappe est naturellement proche de la surface. En effet, cette région est située dans un ancien réseau dunaire formé de collines et de dépressions sans lien direct avec la mer. Sans intervention humaine, la nappe forme des lacs dans ces dépressions.

En 1950, la ville de Dakar a commencĂ© Ă  pomper cette nappe pour l’eau potable avec un dĂ©bit moyen de 17 000 m3/j. Ceci a induit un abaissement de la nappe. Comme cette nappe est en contact avec la mer, cette baisse de niveau a crĂ©Ă© un risque d'intrusion d'eau de mer dans l'eau non-salĂ©e de la nappe. Comme ce risque devenait majeur, l'exploitation de la nappe a Ă©tĂ© stoppĂ©e entre 1959-1961 [5].

En 1961, le pompage reprend. Il est toutefois rĂ©duit Ă  environ 10 000 m3/j pour protĂ©ger la nappe des intrusions d'eau salĂ©e [5]. Ce pompage durera jusqu'en 1988. Il s'ajoute Ă  une baisse des prĂ©cipitations depuis la fin des annĂ©es 1960 [7]. Il aura donc comme consĂ©quence de baisser le niveau de la nappe et ainsi que d'assĂ©cher des terrains naturellement inondĂ©s.

Dans les années 1970, Dakar était soumis à un important exode rural partiellement dû à la sécheresse et à une urbanisation importante due à son nouveau statut de capitale [6]. Les terrains asséchés par la baisse de la nappe ont donc été très rapidement utilisés pour construire des nouvelles habitations. Ce secteur correspond à la ville de Pikine où environ 900 000 personnes vivent actuellement.

Dans ces quartiers, en partie irréguliers, l’assainissement était et reste peu étendu et peu efficace. Les latrines sont principalement reliées à des fosses septiques qui ne sont pas adaptées à la situation hydrologique. En effet, les eaux usées des fosses septiques se déversent directement dans la nappe qui se trouve proche de la surface même quand la nappe est pompée. L’urbanisation de la zone a donc coïncidé avec une augmentation importante du taux de nitrate dans l’eau. Dans les puits de Thiaroye, par exemple, la concentration de nitrate est passée de 5-40 mg/l en 1970 à 400-450 mg/l en 1997 [8].

La limite admissible pour l'eau potable Ă©tant de 50 mg/l [9] , l'eau de la nappe de Thiaroye est devenue impropre Ă  la consommation si on ne la dilue pas. Ceci a induit une baisse des pompages de la nappe (environ 5 000 m3/j en 2004 [5] ).

En parallèle, la ville de Dakar a commencé à importer de l'eau du lac de Guiers pour satisfaire ses besoins en eau potable [10]. Une partie de cette eau est utilisée à Pikine et se rajoute à la recharge naturelle de cette nappe. De plus, les pluies ont été relativement importantes (mais pas exceptionnelles) à la fin des années 2000, notamment en 2005 et 2009.

Ces trois facteurs (baisse des pompages, augmentation de la recharge et de la prĂ©cipitation) ont fait remonter le niveau de la nappe d'environ 15 cm par annĂ©e[11]. Cette remontĂ©e de la nappe est une catastrophe pour les habitants de la rĂ©gion de Pikine car elle induit un risque Ă©levĂ© d'inondation. Le manque de drainage et la topographie de la rĂ©gion en forme de cuvette aggravent le problème. De plus, la proximitĂ© de la nappe rĂ©duit fortement l’efficacitĂ© des fosses septiques qui refoulent très rĂ©gulièrement.

Plan Jaxaay et inondations

En 2005, la saison des pluies a Ă©tĂ© intense (env. 650 mm) et a crĂ©Ă© une inondation importante Ă  Pikine. Cette inondation a poussĂ© l’État du SĂ©nĂ©gal Ă  initier un plan d'urgence appelĂ© plan Jaxaay. Il a Ă©tĂ© financĂ© Ă  hauteur de 52 milliards de francs CFA (36 millions d'Euros) [11]. Le principe de ce plan est de dĂ©truire les maisons situĂ©es dans les dĂ©pressions les plus importantes et de dĂ©placer les habitants de ces maisons en pĂ©riphĂ©rie. L'espace ainsi gagnĂ© est utilisĂ© pour crĂ©er des bassins de rĂ©tentions (figure).

Ce plan est critiqué pour plusieurs raisons :

  • Les habitants dont les maisons ont Ă©tĂ© dĂ©truites ont Ă©tĂ© relogĂ©s contre leur volontĂ© dans des rĂ©gions loin du centre de Dakar oĂą se trouve la majoritĂ© des emplois. Ils se sont fortement opposĂ©s au plan Jaxaay, notamment en essayant de stopper les bulldozers [11].
  • Les bassins de rĂ©tention sont situĂ©s dans les dĂ©pressions oĂą la nappe est très proche de la surface. L'eau est donc toujours prĂ©sente en surface. Ces bassins sont donc plein toute l'annĂ©e. Ainsi ils ne peuvent pas recueillir l'eau de pluie durant la saison humide. Il faut donc pomper l'eau de ses bassins durant la saison des pluies pour pouvoir utiliser la capacitĂ© de rĂ©tention de ses bassins. MĂŞme avec le pompage, cette capacitĂ© reste limitĂ©e. Le risque d'inondation est donc encore très prĂ©sent.
  • La crĂ©ation de ces bassins dans une zone très peuplĂ©e a induit une perte foncière importante. De plus, ces bassins non protĂ©gĂ©s crĂ©ent un risque de noyade et augmentent l'insĂ©curitĂ©. Ils augmentent aussi le nombre de moustiques et donc le risque de paludisme[11].
Inondations Ă  Pikine

Une autre inondation importante s'est produite en 2009 avec des conséquences similaires pour la région [12].

Stratégie de réductions des inondations

Stratégies non durables

  • DĂ©placer les habitants:

La ville de Pikine est très densément peuplé et les habitants ont peu de ressources pour se reloger. Il est donc très difficile voire impossible d'imaginer déplacer les habitants vers des zones moins exposées.

  • Remblayer (augmenter la hauteur du sol)

Le remblaiement pratiqué de manière spontanée par les habitants n'est pas non plus une solution durable. En effet, l'achat de sable, de gravats ou de déchets (pour les habitants qui n'ont pas les moyens d'obtenir d'autre matériaux) représente un coût et un travail important. De plus, il faut remblayer et reconstruire les maisons concernées chaque année pour suivre la remontée de la nappe. Le remblaiement avec des déchets diminue fortement la qualité de vie des habitants et pose des problèmes d'hygiène ainsi que de stabilité du sol.

Concession de Djiddah Thiaroye Kao (Pikine) remblayée pour éviter les inondations avant d'être abandonnée
  • Pomper durant la saison des pluies

Actuellement un nombre important de pompiers sont mobilisés durant la saison des pluies et plusieurs pompes sont utilisées, avec une certaine efficacité, pour éviter le maximum d'inondations (plan Orsec sénégalais). Ceci représente toutefois un investissement important et un travail à fournir chaque année.

  • Pomper la nappe pour l'eau potable

À cause de la présence de nitrate dans l'eau de Thiaroye, il n'est pas possible de l'utiliser comme eau potable sans la mélanger préalablement à une autre source. Ce mélange d'eaux, pratiqué actuellement [11], a comme conséquence de baisser la qualité de l'eau potable de l'agglomération de Dakar.

Stratégies durables

Trois stratégies ont été proposées pour résoudre le problème des inondations à Pikine.

La première stratégie est d'améliorer l’assainissement en créant un réseau d’égout. Ainsi la recharge additionnelle due à l'eau provenant du lac de Guiers se déverserait directement dans la mer et la pollution dues aux nitrates diminuerait (moins d'eau usée qui se déverse dans la nappe) [5].

La deuxième stratĂ©gie est de reprendre les forages de la nappe et d'utiliser cette eau pour l'irrigation dans la rĂ©gion de Sangalkam Ă  l'est de la presqu'Ă®le du Cap-Vert, Ă  environ 25 km de Pikine [13].

La troisième stratégie est d'améliorer le drainage et de connecter les bassins versants de Pikine avec la mer. Sans intervention humaine, les eaux de pluie se déversent dans les dépressions de terrain (appelées aussi Niayes) et se déversent dans la nappe. L'idée ici est d'améliorer le drainage des communes, de créer des bassins de rétentions au points bas et de relier ses bassins de rétentions avec la mer pour écouler l'eau de pluie vers celle-ci.

Le tableau suivant analyse les avantages et les défauts de chaque stratégie. Il est probable qu'une bonne gestion de la nappe phréatique de Thiaroye intégrerait ces trois stratégies d'une manière coordonnée.

StratégieAvantagesDéfauts
Assainissement
  1. RĂ©duction de la pollution de la nappe notamment du taux de nitrates
  2. L'amélioration de l'assainissement est nécessaire pour une bonne qualité de vie dans la zone
  3. RĂ©duction efficace des inondations
  1. Il est difficile de gérer un système d'évacuation des eaux dans un quartier très peuplé comme Pikine
  2. Les eaux usées ne sont pas les seules causes des inondations.
  3. Le risque resterait important dans les habitations situées dans les régions basses.
Pompage pour l’irrigation
  1. RĂ©ductions des inondations importantes et rapides
  2. Les forages sont déjà construits et peuvent être utilisés
  3. Valorisation de l'eau douce qui peut être utilisée pour l’irrigation
  4. Le nitrate présent dans l'eau est un fertilisant utile pour l'irrigation
  5. Les maraîchers de Sangalkam achètent de l'eau subventionnée provenant du lac de Guiers. L'eau de Thiaroye leur coûterait moins cher et ferait économiser des subventions à l’État.
  6. Il est possible d'arrĂŞter de pomper si la nappe descend trop
  7. Amélioration de l'efficacité de l’assainissement puisque la distance entre la nappe et les fosses septiques augmente
  8. Réduction de l'espace utilisé par les bassins de rétention même s'ils resteraient nécessaire
  1. Risque d'intrusion d'eau salée
  2. Nécessité de construire une conduite d'eau importante et de pomper cette eau
  3. Il existe des sources d'eau plus proche de Sangalkam pour l'irrigation
  4. Sangalkam est proche de la périphérie de Dakar et s'urbanise. L'activité agricole risque donc de diminuer.
Drainage
  1. RĂ©duction des inondations importantes
  2. Amélioration de l'efficacité de l’assainissement puisque la distance entre la nappe et les fosses septiques augmente
  3. Possibilités de créer des espaces verts autour des bassins si la gestion est bonne
  1. Perte d'eau douce vers la mer
  2. Investissement relativement important
  3. Suivi nécessaire des conduites pour éviter les obstructions
  4. Création de bassins de rétention qui sont une gêne pour la population

La coordination entre ces différents projets est très faible et ce manque compromet une stratégie intégrée de la nappe de Thiaroye. De plus, aucune de ses stratégies ne tient compte des changements liés au réchauffement climatique.

Certains auteurs [14] soutiennent au contraire que le niveau de la nappe des sables quaternaires, au plan régional, baisse ; même si localement comme à Thiaroye par exemple, la tendance est à une remontée. Sur ce, il est globalement proposé une infiltration in situ des eaux dans les zones à bilan hydrique déficitaire, le cas échéant transférer spatialement les eaux excédentaires vers les zones déficitaire (si sols saturés), et cela sur la base de la dynamique négative de la NSQ observée au plan régional. Concernant Thiaroye, l'infiltration est à combiner avec un pompage, pour éviter une stagnation des eaux en surface. En plus de la nappe, les inondations sont surtout liées à une modifications des conditions hydrodynamiques, notamment la baisse de l'infiltrabilité des sols causée par la présence de formations à tendance argileuse, ou de remblais anthropiques composés d'ordures ménagères.

Références

  1. I. Ouedraogo, Contribution a l’étude hydrodynamique de la nappe du littoral dans la banlieue de Dakar, DEA Université Check Anta Diop, 2009
  2. S. Faye, I. Niang Diop, S. Cissé Faye, D.G.Evans, M. Pfister, P. Maloszewski, K. P. Seiler, Seawater intrusion in the Dakar (Senegal) confined aquifer: calibration and testing of a 3D finite element model
  3. Harold Koukoui, Ndéné Ndiaye, Modélisation numérique de la nappe des sables quaternaires de Thiaroye. Phase 1 : Élaboration des paramètres d'entrée du modèle, projet de fin d'étude de l'université Cheick Anta Diop, 2002
  4. (en) Viviana Re, Seynabou Cissé Faye, Abdoulaye Faye et al., Water quality decline in coastal aquifers under anthropic pressure: the case of a suburban area of Dakar (Senegal),Environ. Monit. Assess., vol.172, 2011
  5. Cabinet SGI-Merlin, Étude d’actualisation du plan directeur d’assainissement liquide de Dakar 2025 (PDA), 2010
  6. (en) I.Niang, M.Danshoko et al., Impacts of climate change on the Senegalese coastal zones: Examples of the Cap Vert peninsula and Saloum estuary, Global and Planetary changes, vol. 72, 2010
  7. Données de ANAMS (association nationale de météorologie sénégalaise)
  8. (en) M.Diédhiou, S.Cissé Faye et al., Tracing groundwater nitrate sources in the Dakar suburban area: an isotopic multi-tracer approach, Hydrological Processes, 2011
  9. Chemical fact sheet, WHO Guidelines for drinking-water quality, Geneva, World Health Organization
  10. J.L. Pigeon, Projet d'approvisionnement eau potable à long terme, Étude d'impact, République du Sénégal, 1999
  11. Programme de Mitigation des inondations de Thiaroye - dossier diagnostic, UrbaMonde (Urbaniste sans frontière) http://www.urbamonde.net , 2009
  12. Exemple vidéo de cette inondation
  13. Cabinet Merlin, SENAGROSOL, PDMAS (Mobilisation de ressources en eau alternatives pour l’irrigation dans la région de Dakar), 2008
  14. S.Dasylva, Inondations Ă  Dakar et au Sahel. Gestion durable des eaux de pluie. Enda Editions, Dakar, 267 pages, 2009
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