NĂ©ofisherisme
Le nĂ©ofisherisme est une thĂ©orie Ă©conomique selon laquelle une hausse des taux d'intĂ©rĂȘt permet une augmentation de l'inflation. FondĂ©e sur une rĂ©interprĂ©tation de l'Ă©quation de Fisher, le nĂ©ofisherisme inverse la relation gĂ©nĂ©ralement acceptĂ©e comme vraie entre taux d'intĂ©rĂȘt et inflation.
Concept
La thĂšse mainstream en Ă©conomie monĂ©taire est qu'une hausse des taux d'intĂ©rĂȘt fait chuter l'activitĂ© Ă©conomique en rendant les investissements plus coĂ»teux et moins rentables, et qu'une politique de taux d'intĂ©rĂȘt bas est nĂ©cessaire en pĂ©riode de crise Ă©conomique afin de faire redĂ©marrer l'activitĂ© Ă©conomique et donc l'inflation[1].
Les tenants du nĂ©ofisherisme s'opposent Ă cette thĂšse. Ils fondent leur argument sur l'Ă©quation de Fisher, selon laquelle le taux d'intĂ©rĂȘt nominal est Ă©gal au taux d'intĂ©rĂȘt rĂ©el additionnĂ© Ă l'anticipation de l'inflation (qui, sur le long terme, est Ă©gale Ă l'inflation effective). Les nĂ©ofisheristes dĂ©duisent qu'une hausse du taux d'intĂ©rĂȘt nominal permet une hausse de l'inflation[2].
De maniĂšre formelle, si le taux d'intĂ©rĂȘt nominal = inflation anticipĂ©e + taux d'intĂ©rĂȘt rĂ©el, et que le taux d'intĂ©rĂȘt rĂ©el est dĂ©terminĂ© Ă long terme par les caractĂ©ristiques du systĂšme Ă©conomique, alors, pour respecter l'Ă©galitĂ©, l'inflation et le taux d'intĂ©rĂȘt nominal varieraient dans le mĂȘme sens[3].
Canaux de transmission
Renchérissement de la production
Les taux d'intĂ©rĂȘt Ă©levĂ©s renchĂ©rissent la production et l'investissement, ce qui cause une augmentation des prix[4].
Chute de la masse monétaire en circulation
Lorsque les taux d'intĂ©rĂȘt baissent, les banques perdent des clients (qui prĂ©fĂšrent thĂ©sauriser leur argent) ; moins de monnaie est investie dans l'Ă©conomie, empĂȘchant sa stimulation, et causant une baisse de l'inflation[3].
Analyses empiriques
Le nĂ©ofisherisme est dĂ©fendu par plusieurs Ă©conomistes, tels que Stephen Williamson, Jim Bullard et John Cochrane. Ils montrent que si, sur le court terme, une rĂ©duction permanente du taux d'intĂ©rĂȘt nominal fait baisser le taux d'intĂ©rĂȘt rĂ©el et fait augmenter l'inflation, sur le long terme, le taux d'intĂ©rĂȘt rĂ©el revient Ă sa valeur normale et l'inflation est rĂ©duite ; l'inverse est vrai dans le cas d'une augmentation du taux d'intĂ©rĂȘt[2].
Une Ă©tude de la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale des Ătats-Unis montre qu'il existe, empiriquement, une corrĂ©lation positive entre taux d'intĂ©rĂȘt et inflation. L'Ă©tude ne prouve toutefois pas de causalitĂ©[5].
Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e en 2021 par Peter V. Bias et Joshua D. Hall sur des donnĂ©es des Ătats-Unis montrent qu'entre 1929 et 2008, le lien de causalitĂ© nĂ©ofisherien n'est pas dĂ©montrĂ© : c'est l'inflation qui faisait augmenter le taux d'intĂ©rĂȘt, et non l'inverse. En revanche, entre 2008 et 2015, lorsque les taux d'intĂ©rĂȘt Ă©taient proches du taux plancher zĂ©ro, l'Ă©tude trouve « quelques preuves empiriques, mais limitĂ©es, d'une relation nĂ©ofishĂ©rienne ». La relation se serait Ă nouveau inversĂ©e pour redevenir classique depuis 2016[1].
Notes et références
- (en) Peter V. Bias et Joshua D. Hall, « A Test of Neo-Fisherism: 1964â2019 », The B.E. Journal of Macroeconomics, vol. 21, no 1,â , p. 221â251 (ISSN 1935-1690 et 2194-6116, DOI 10.1515/bejm-2017-0234, lire en ligne, consultĂ© le )
- Patrick Artus, 40 ans d'austérité salariale : comment en sortir ?, copyright 2014 (ISBN 978-2-7381-5178-0 et 2-7381-5178-7, OCLC 1241711916, lire en ligne)
- Yoann Brun, Lou Dumez, Matthias Knol et Fabrice Tricou, Monnaie et financement de l'Ă©conomie, dl 2019 (ISBN 978-2-35030-634-6 et 2-35030-634-8, OCLC 1134989408, lire en ligne)
- Emel Parlar Dal, Turkey's political economy in the 21st Century, Palgrave Macmillan, (ISBN 978-3-030-27632-4 et 3-030-27632-5, OCLC 1130901774, lire en ligne)
- « Was Irving Fisher Right on Raising Inflation? | St. Louis Fed », sur www.stlouisfed.org (consulté le )