Modèle de Hubbard
Le modèle de Hubbard est un modèle étudié en théorie de la matière condensée.
Il décrit des fermions (généralement des électrons) sur un réseau (en général les atomes qui forment un solide), qui interagissent uniquement lorsqu'ils se trouvent sur le même site (c'est-à-dire sur le même atome). Ce modèle a été introduit en 1963 à peu près simultanément par John Hubbard[1], Martin C. Gutzwiller[2] et Junjiro Kanamori[3]. Il est parfois appelé modèle de Hubbard-Gutzwiller-Kanamori pour cette raison. Cependant, dans sa théorie du superéchange dans les isolants antiferromagnétiques, P. W. Anderson avait déjà utilisé des approximations consistant à négliger la répulsion des électrons ne se trouvant pas sur le même site pour calculer l'énergie de l'état virtuel. Ces approximations sont analogues à celles utilisées dans la construction du modèle de Hubbard, et on pourrait argumenter que le modèle devrait s'appeler modèle de Hubbard-Gutzwiller-Kanamori-Anderson.
Le choix d'une interaction de très courte portée (alors que la répulsion coulombienne entre électrons est à longue portée) est une façon approchée de prendre en compte les effets d'écrantage dus aux électrons des couches internes des atomes qui ont pour effet de réduire la portée des interactions effectives entre les électrons. Il est remarquable que même avec une interaction aussi simplifiée, le modèle de Hubbard possède un diagramme de phase très riche. L'étude de ce modèle, ou de modèles reliés, comme le modèle t-J constitue de ce fait une branche importante de la théorie de la matière condensée. Les aspects les plus importants du modèle de Hubbard sont la possibilité de décrire une transition de phase entre un état métallique et un état isolant sous l'effet d'un dopage ou d'une pression, la possibilité d'obtenir des phases ferromagnétiques (Effet Nagaoka ou modèles de Hubbard avec bandes plates), et l'existence de phases antiferromagnétiques itinérantes ou localisées.
Le hamiltonien du modèle de Hubbard s'écrit en seconde quantification :
où sont les indices des sites, indique une somme limitée aux plus proches voisins, représente le spin d'un fermion, mesure la largeur de bande, mesure la répulsion sur site, est l'opérateur de création pour un fermion, est l'opérateur d'annihilation. On voit que le terme en annihile un fermion de spin sur le site et le recrée sur le site premier voisin . Le nombre total de fermions est donc conservé. Le terme en n'est différent de zéro que si deux fermions de spin opposés se trouvent sur le même site. Pour , le hamiltonien de Hubbard se réduit au modèle des liaisons fortes.
Une dimension
En une dimension, le modèle de Hubbard est exactement soluble [4]comme l'ont montré E. H. Lieb et F. Y. Wu en 1967. Au demi-remplissage, le modèle est dans un état isolant pour , avec une fente énergétique dans les excitations de charge qui varie comme pour . Lorsqu'on s'éloigne du demi-remplissage, le modèle de Hubbard est dans un état conducteur parfait. Cet état métallique est un liquide de Luttinger qui présente une séparation spin-charge, et des fluctuations vers un état antiferromagnétique.
Au-delà d'une dimension
Au-dessus d'une dimension, il n'existe pas de solution exacte du modèle de Hubbard. Une approximation de champ moyen dans le cas demi-rempli prédit un ordre antiferromagnétique à longue distance et un état isolant. Au-delà du demi-remplissage, on s'attend à trouver un état métallique. Diverses approximations ont été proposées pour traiter le modèle de Hubbard. Dans son article de 1963, J. Hubbard[1] a introduit trois approximations différentes, appelées dans la littérature sur ce modèle approximations Hubbard I, II, III. En 1965, M. C. Gutzwiller[5] a proposé une fonction d'onde variationnelle obtenue en projetant la fonction d'onde d'un gaz de fermions sans interaction dans un sous espace d'états non doublement occupés. Du fait de la complication de cette fonction d'onde, Gutzwiller a proposé une approximation prenant en compte approximativement la contrainte de non double occupation. Elle a été utilisée par W. Brinkmann et T. M. Rice[6] en 1970 pour décrire la transition métal-isolant du modèle de Hubbard. Dans les années 1980, l'approximation de Gutzwiller a été reformulée en introduisant des particules fictives dans le modèles appelées bosons esclaves. D'autre part, les progrès en capacité de calcul numérique ont permis d'étudier le modèle de Hubbard par diagonalisation exacte ou par une méthode de Monte-Carlo Variationnelle (en utilisant par exemple la fonction d'onde de Gutzwiller) ou encore par l'algorithme de Monte-Carlo quantique.
Résultats exacts
- État de Nagaoka : un seul trou dans un état demi-rempli pour produit un état ferromagnétique.
- Ferromagnétisme : Pour certains réseaux dans lesquels pour il existe des bandes plates (c’est-à-dire que l'énergie des fermions est indépendante de la quasi-impulsion), on peut montrer rigoureusement[7] l'existence d'un état fondamental ferromagnétique.
Notes et références
- (en) « Electron correlations in narrow energy bands », Proceedings of the Royal Society of London. Series A. Mathematical and Physical Sciences, vol. 276, no 1365, , p. 238–257 (ISSN 0080-4630 et 2053-9169, DOI 10.1098/rspa.1963.0204, lire en ligne, consulté le )
- (en) Martin C. Gutzwiller, « Effect of Correlation on the Ferromagnetism of Transition Metals », Physical Review Letters, vol. 10, no 5, , p. 159–162 (ISSN 0031-9007, DOI 10.1103/PhysRevLett.10.159, lire en ligne, consulté le )
- (en) Junjiro Kanamori, « Electron Correlation and Ferromagnetism of Transition Metals », Progress of Theoretical Physics, vol. 30, no 3, , p. 275–289 (ISSN 0033-068X, DOI 10.1143/PTP.30.275, lire en ligne, consulté le )
- (en) Elliott H. Lieb et F. Y. Wu, « Absence of Mott Transition in an Exact Solution of the Short-Range, One-Band Model in One Dimension », Physical Review Letters, vol. 20, no 25, , p. 1445–1448 (ISSN 0031-9007, DOI 10.1103/PhysRevLett.20.1445, lire en ligne, consulté le )
- (en) Martin C. Gutzwiller, « Correlation of Electrons in a Narrow s Band », Physical Review, vol. 137, no 6A, , A1726–A1735 (ISSN 0031-899X, DOI 10.1103/PhysRev.137.A1726, lire en ligne, consulté le )
- W. F. Brinkman et T. M. Rice, « Application of Gutzwiller's Variational Method to the Metal-Insulator Transition », Physical Review B, vol. 2, no 10, , p. 4302–4304 (DOI 10.1103/PhysRevB.2.4302, lire en ligne, consulté le )
- (en) H. Tasaki, « From Nagaoka's Ferromagnetism to Flat-Band Ferromagnetism and Beyond: An Introduction to Ferromagnetism in the Hubbard Model », Progress of Theoretical Physics, vol. 99, no 4, , p. 489–548 (ISSN 0033-068X et 1347-4081, DOI 10.1143/PTP.99.489, lire en ligne, consulté le )
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- J. Hubbard Proc. Roy. Soc. London A 277, 237 (1964)