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Mille arabe

Le Mille arabe (arabe : Ű§Ù„Ù…ÙŠÙ„, al-mÄ«l) est une ancienne mesure de longueur arabe.

Présentation

La longueur du mille arabe a varié entre 1,8 km et 2 km. Cette unité a été utilisée par les géographes et les astronomes arabes. Cette mesure a précédé la mille nautique, une extension du mille romain basée sur une approximation d'une minute d'arc de latitude mesurée suivant un méridien. La mesure de la longueur d'un arc d'un degré a été faite le long d'un méridien à l'aide de piquets d'implantation sur une surface plane d'un désert.

Des travaux pour dĂ©terminer la circonfĂ©rence de la Terre sont commandĂ©es par le calife Al-Ma’mĆ«n qui a fondĂ© l'observatoire de Bagdad. Les calculs sont faits par les Arabes en reprenant les mĂ©thodes grecques de PtolĂ©mĂ©e. La circonfĂ©rence est dĂ©composĂ©e en 360 degrĂ©s, le degrĂ© en 60 minutes. Chaque minute en 60 secondes. Al-Farghani a publiĂ© les ÉlĂ©ments d'astronomie. Dans Les Prairies d'or' ((en arabe Ù…Ű±ÙˆŰŹ Ű§Ù„Ű°Ù‡Űš ومŰčŰ§ŰŻÙ† Ű§Ù„ŰŹÙˆÙ‡Ű± translittĂ©ration : Muruj adh-dhahab wa ma'adin al-jawahir) de Al-Mas'Ă»dĂź, il a Ă©crit que les mesures ont Ă©tĂ© faites dans la plaine de Sindjar et que le degrĂ© a Ă©tĂ© estimĂ© Ă  56 milles, soit une longueur de la circonfĂ©rence de la Terre de 20 160 milles. Il a aussi Ă©crit qu'une autre mesure a Ă©tĂ© faite entre les villes de Palmyre et de Raqqa qui Ă©taient supposĂ©es sur le mĂȘme mĂ©ridien. Dans son AbrĂ©gĂ© d’histoire, Ibn KhallikĂąn (translittĂ©ration : Wafayāt al-aÊżyān wa-anbĂą' abnĂą' az-zamĂąn, aussi appelĂ© WafayĂąt al-a‘yĂąn ou Muáž«taáčŁar fÄ« l-ta’rÄ«áž«) attribue la mesure du degrĂ© aux trois fils d'Al-KhwĂąrizmĂź, d'abord dans la plaine de Sindjar, puis de Koufa, en ajoutant que la valeur du degrĂ© est de 66,66 milles[1], soit une circonfĂ©rence de 24 000 milles.

Cette valeur a Ă©tĂ© critiquĂ©e par Aboul FĂ©da qui a Ă©crit dans sa Chronique que cette mesure Ă©tait dĂ©jĂ  celle de PtolĂ©mĂ©e, et que depuis, sous le califat d'Al-Ma’mĆ«n, les mesures faites ont donnĂ© une longueur de degrĂ© d'arc de 56,66 milles et 56 milles, ce qu'il a rĂ©pĂ©tĂ© dans les prolĂ©gomĂšnes de sa GĂ©ographie[1].

Un mille arabe se dĂ©compose en 4 000 coudĂ©es. En adoptant la longueur de la coudĂ©e juste, on obtient pour la longueur du mille arabe d'Al-Ma’mĆ«n = 1 925 m. Avec un degrĂ© d'arc de 56 milles, la circonfĂ©rence de la terre est de 360 x 56 = 20 160 milles[alpha 1].

Al-Mas'Ă»dĂź a Ă©crit que PtolĂ©mĂ©e avait attribuĂ© Ă  la circonfĂ©rence de la Terre 24 000 milles, et que sous le califat d'Al-Ma’mĆ«n la circonfĂ©rence calculĂ©e Ă©tait de 20 160 milles[2]. Al-Farghani a adoptĂ© un mille arabe de 1 995 m, soit avec la valeur du mille arabe d'Al-Farghani : 20160 x 1,995 = 40 219 km.

Pendant la pĂ©riode des Omeyyades (661–750), le mille omeyadde Ă©tait d'environ 2 285 m, ou un peu plus de deux kilomĂštres, soit environ 2 milles bibliques pour un mille omeyyade.

La longueur du mille arabe selon Gossellin

Pascal-François-Joseph Gossellin (1751-1830), gĂ©ographe et bibliothĂ©caire français, a publiĂ© en 1819 ses « Recherches sur le principe, les bases et l’évaluation des diffĂ©rents systĂšmes mĂ©triques linĂ©aires de l’antiquitĂ© »[3]. Il y Ă©value le mille arabe Ă  1.960 m[4].

Gossellin procÚde de façon étonnante : - il cherche d'abord la longueur (en milles) que les Arabes donnaient à la circonférence terrestre (il trouve 20.400 milles), - puis il divise la circonférence terrestre en km connue à son époque (40.000 km) par le nombre de milles trouvé, - et obtient ainsi (avec les virgules) la longueur du mille arabe : 1 960, 784314 mÚtres !

Sa mĂ©thode n’est Ă©videmment pas correcte, puisqu’elle suppose que les Arabes connaissaient dĂ©jĂ  la longueur exacte de la circonfĂ©rence terrestre. Cependant elle mĂ©rite qu’on s’y arrĂȘte car elle apporte des informations intĂ©ressantes sur la mesure de la circonfĂ©rence terrestre faite par les Arabes : « On voit, dans les auteurs arabes, que le khalife Al-Mamoun, qui rĂ©gnait Ă  Bagdad au commencement du neuviĂšme siĂšcle de l’ùre chrĂ©tienne, ordonna de mesurer plusieurs degrĂ©s de la terre sous diffĂ©rents mĂ©ridiens, et que ses astronomes se divisĂšrent en plusieurs bandes pour exĂ©cuter ses ordres. Les uns, selon Ebn Iounis, se rendirent entre Wamia et Tadmor, ou, suivant MĂ©soudi, entre Racca et Tadmor, ils y mesurĂšrent sĂ©parĂ©ment deux degrĂ©s et trouvĂšrent Ă  chacun 57 milles. Les autres se portĂšrent dans les plaines de Sinjar oĂč le degrĂ© fut trouvĂ© de 56 milles ÂŒ. Mais, selon AlbufĂ©da, on mesura, dans les plaines de Sinjar, deux degrĂ©s contigus du nord au midi : on trouva l’un de 56 milles, l’autre de 56 milles ⅔. On adopta la plus forte estimation et la circonfĂ©rence de la terre fut trouvĂ©e Ă  20.400 milles. »[5] En effet, la mesure de 56 milles ⅔ pour un degrĂ© terrestre donne pour l’ensemble de la circonfĂ©rence terrestre : 56 ⅔ x 360° = 20.400 milles.

La longueur du mille arabe selon Girard

Girard calcule la longueur du mille arabe Ă  partir de la mesure de la coudĂ©e, dont on sait qu’elle constitue la 4.000e partie du mille arabe. Reste Ă  savoir quelle coudĂ©e il convient de retenir. Pierre-Simon Girard (1765-1836) est un ingĂ©nieur en chef des Ponts-et-ChaussĂ©es qui a participĂ©, avec plus de 150 autres savants français, Ă  la Campagne d'Égypte (1798-1801). Au cours de sa mission, Girard a pu mesurer les deux types de coudĂ©e : - la « coudĂ©e Ă©gyptienne » qui avait Ă©tĂ© utilisĂ©e en Égypte jusqu’à l’invasion arabe, - la « coudĂ©e noire », qui, selon Jacob Golius[6], a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e Ă  Bagdad par le calife Al-Ma’mĆ«n (rĂšgne de 813 Ă  833) : Â« Quant Ă  la coudĂ©e noire dont on se sert Ă  Bagdad pour mesurer les Ă©toffes de lin et les autres marchandises prĂ©cieuses, elle fut Ă©tablie par Al-Mamoun, d’aprĂšs la coudĂ©e de l’un de ses esclaves nĂšgres qui se trouvait avoir l’avant-bras plus long que tous les autres ; elle contient 6 palmes et 3 doigts, c’est-Ă -dire 27 doigts. La canne ou perche, appelĂ©e Bab, est de 7 coudĂ©es noires et 1/9. Â»[7] C’est donc cette « coudĂ©e noire », introduite en Égypte par les Arabes pour y remplacer l’ancienne « coudĂ©e Ă©gyptienne » qui datait des Pharaons, que Girard va choisir pour calculer le mille arabe.

Girard a relatĂ© en dĂ©tail son expĂ©dition, ainsi que les rĂ©sultats qu’il a obtenus, dans son « MĂ©moire sur le nilomĂštre de l’üle Ă©lĂ©phantine et les mesures Ă©gyptiennes »[8].

Pour connaitre la valeur de la coudĂ©e noire, Girard va s’appuyer sur le NilomĂštre de l'Ăźle de Rodah (appelĂ© aussi meqyĂąs) construit en 861, donc aprĂšs le califat d’Al-Ma’mĆ«n (et la crĂ©ation de la coudĂ©e noire) : « Golius nous apprend, dans ses notes sur l’Astronomie d’Alfragan, que le meqyĂąs actuellement existant Ă  la pointe mĂ©ridionale de l’üle de Roudah fut commencĂ© sous le rĂšgne d’Al-MĂąmoun, et terminĂ© par son successeur Al-Moutewakkel ; circonstance d’oĂč l’on doit naturellement conclure que les coudĂ©es qui y sont tracĂ©es sont les coudĂ©es noires du premier. »[9] « Les accroissements du fleuve y sont mesurĂ©s sur une colonne de marbre Ă  base octogone, divisĂ©e en seize parties lĂ©gĂšrement inĂ©gales entre elles, mais dont la longueur rĂ©duite fut trouvĂ©e, par notre collĂšgue M. Le PĂšre, inspecteur divisionnaire de Ponts-et-ChaussĂ©es, prĂ©cisĂ©ment Ă©quivalente Ă  vingt pouces du pied de France, ou Ă  541,2 mm. Ce rĂ©sultat fut confirmĂ©, quelque temps aprĂšs, par diffĂ©rentes personnes qui rĂ©pĂ©tĂšrent l’opĂ©ration. Enfin, ayant mesurĂ© moi-mĂȘme, au mois de prairial an IX (juin 1801), la colonne du meqyĂąs, j’ai remarquĂ© que les huit coudĂ©es infĂ©rieures Ă©taient ensemble de 4,346 m et les huit coudĂ©es supĂ©rieures de 4,315 m, entre lesquelles la coudĂ©e moyenne est, ainsi que l’avait trouvĂ©e M. Le PĂšre, 541,2 mm. »[10]

Par ailleurs, Girard trouve dans la canne (ou perche) d’arpentage mentionnĂ©e par Golius l’opportunitĂ© de confirmer la mesure de la « coudĂ©e noire » faite sur le NilomĂštre de l'Ăźle de Rodah : « J’ai mesurĂ© avec le plus grand soin, dans toutes les parties de l’Égypte, la canne qui est employĂ©e Ă  l’arpentage des terres : sa longueur, que j’ai indiquĂ©e dans mon MĂ©moire sur l’agriculture et le commerce, est de 3,85 m qui, divisĂ©s par 7 et 1/9 donnent, pour la valeur de la coudĂ©e noire de l’arpenteur, 541 mm ; quantitĂ© prĂ©cisĂ©ment Ă©gale Ă  la longueur moyenne des coudĂ©es tracĂ©es sur la colonne du meqyĂąs. »[11]

Fort de ces différentes mesures, Girard conclut, pour la longueur de la coudée noire, à 541 mm. Sachant que le mille arabe contient 4.000 coudées, Girard obtient une longueur de 2.160 mÚtres pour le mille arabe.

Quelle longueur faut-il retenir pour le mille arabe ?

Les 2.160 mĂštres de Girard, Ă©videmment. La mĂ©thode utilisĂ©e par Gossellin est entachĂ©e d’une erreur fondamentale : elle suppose que les savants arabes du calife Al-Ma’mĆ«n avaient obtenu, pour la circonfĂ©rence terrestre, la valeur de 40.000 km connue Ă  l’époque de Gossellin, c’est-Ă -dire dix siĂšcles plus tard (d’autant plus que cette valeur a depuis Ă©tĂ© rĂ©Ă©valuĂ©e Ă  40.075 km !) Au contraire, Girard a effectuĂ© des mesures sur place avec le plus grand soin et son raisonnement est sans faille.

Si l’on applique cette valeur (2.160 m) aux 20.400 milles que les savants arabes avaient trouvĂ©s pour la circonfĂ©rence terrestre, on obtient : 2.160 m x 20.400 milles = 44.064 km, soit un peu moins de 10% d’écart avec la valeur actuelle. C’est une excellente prĂ©cision, si l’on tient compte du fait que les mesures n’avaient Ă©tĂ© faites que sur deux degrĂ©s de mĂ©ridien terrestre.


Notes et références

Notes

  1. Christophe Colomb s'est servi de cette donnĂ©e pour estimer la circonfĂ©rence de la Terre mais s'est trompĂ© sur la longueur du mille utilisĂ© par les Arabes, sous-estimant la distance entre l'Europe et ce qu'il croyait ĂȘtre l'Inde.

Références

  1. Géographie d'Abouféda, p. CCLXXI
  2. Géographie d'Abouféda, p. CCXCI-CCXCII
  3. Pascal-François-Joseph Gossellin (1751-1830) : « Recherches sur le principe, les bases et l’évaluation des diffĂ©rents systĂšmes mĂ©triques linĂ©aires de l’antiquitĂ© » publiĂ© en 1819 Ă  Paris (disponible en ligne sur gallica.bnf.fr)https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62255097?rk=21459;2
  4. Gossellin - Op. cit. p. 83
  5. Gossellin - Op. cit. pp. 77 et 78
  6. Jacob Golius (1596-1667) est un mathĂ©maticien hollandais qui avait traduit en latin le « TraitĂ© d’astronomie » d’Al-Farghani (francisĂ© en Alfragan). Sa traduction avait Ă©tĂ© publiĂ©e Ă  Amsterdam en 1669.
  7. Cet extrait de Golius est cité, et traduit en français, par Gossellin - Op. cit. p. 80
  8. « MĂ©moire sur le nilomĂštre de l’üle Ă©lĂ©phantine et les mesures Ă©gyptiennes » par M. P. S. Girard intĂ©grĂ© Ă  la « Description de l’Égypte ou Recueil des observations et des recherches qui ont Ă©tĂ© faites en Égypte pendant l’expĂ©dition de l’ArmĂ©e française, seconde Ă©dition dĂ©diĂ©e au Roi » - publiĂ©e Ă  Paris par C. L. F. Panckouche (1822) - Tome 6, pp. 1 Ă  96. (disponible sur gallica.bnf.fr) https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k28003b?rk=21459;2
  9. Girard - Op. cit. p. 92
  10. Girard - Op. cit. p. 91
  11. Girard - Op. cit. pp. 91 et 92

Annexes

Bibliographie

  • GĂ©ographie d'AboulfĂ©da traduite de l'arabe en français et accompagnĂ©e de notes et d'Ă©claircissements par M. Reinaud, tome 1, Introduction gĂ©nĂ©rale Ă  la gĂ©ographie des Orientaux, p. CCLXVI-CCLXXIII (lire en ligne)

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