Mesure d'instruction in futurum
Une mesure d'instruction in futurum est en droit français une mesure qui peut ĂȘtre ordonnĂ©e par un juge Ă la demande de tout intĂ©ressĂ©, sur requĂȘte ou en rĂ©fĂ©rĂ©, dĂšs lors que cet intĂ©ressĂ© justifie d'un motif lĂ©gitime de conserver ou d'Ă©tablir avant tout procĂšs la preuve des faits dont pourrait dĂ©pendre le litige[1].
Elle permettra donc utilement Ă l'intĂ©ressĂ© de faire Ă©tablir une preuve avant mĂȘme d'engager un procĂšs, ou de la conserver lorsqu'il existe un risque que cette preuve dĂ©pĂ©risse. Elle peut ainsi permettre Ă l'intĂ©ressĂ© d'estimer ses chances de succĂšs dans le cadre d'un tel procĂšs Ă©ventuel. Faire Ă©tablir la preuve Ă ce stade est d'autant plus utile qu'il existe des obstacles procĂ©duraux Ă l'Ă©tablissement de la preuve au cours du procĂšs : en effet, l'article 146 du Code de procĂ©dure civile prĂ©voit alors "qu'en aucun cas, une mesure d'instruction ne peut ĂȘtre ordonnĂ©e en vue de supplĂ©er la carence de la partie dans l'administration de la preuve". Cet article est considĂ©rĂ© comme non applicable Ă la mesure d'instruction in futurum par la jurisprudence.
Les mesures qu'il est possible d'obtenir sur ce fondement sont par exemple : l'expertise, la production de piĂšces, le constat par un huissier.
Application
Un justiciable peut, avant toute action en justice, demander la production de piÚces ou d'éléments de la future partie adverse, avant que ces éléments ne disparaissent.
Trois éléments sont à considérer dans la demande :
- l'aspect temporel, obligatoirement futur (aucune action litigieuse ne doit avoir été préalablement lancée),
- le caractÚre probatoire (nécessité d'obtenir et de conserver une preuve),
- le caractÚre juridique (nécessité de faire trancher un litige par un juge, et choix à ce stade de la juridiction future).
En France
La demande est prĂ©sentĂ©e sous la forme d'une requĂȘte ou en rĂ©fĂ©rĂ©. La requĂȘte permet de faire Ă©chec au contradictoire et ne sera possible que si elle se justifie.
Les articles 145 Ă 153 du code de procĂ©dure civile[2] dĂ©taillent ces requĂȘtes in futurum.
La jurisprudence retient quelques arrĂȘts, dont:
- cass. com., 18 oct. 2011, n°10-18.989, M. et Mme K. contre les sociétés Unis et Unis ingénierie, publié au bulletin[3]
Une expertise peut ĂȘtre demandĂ©e sur la base de l'article 145 du code de procĂ©dure civile sans constituer une carence dans la preuve ou un caractĂšre subsidiaire (l'article 146 du mĂȘme code ne saurait alors s'appliquer).
- cass. com., du , n°96-20.182, société SRIM contre société Coffima, publié au bulletin[4]
En cas de refus de transmission de documents Ă la suite d'une ordonnance, il ne peut pas ĂȘtre exigĂ© de saisie ou confiscation par un huissier, quand une astreinte aurait pu simplement ĂȘtre demandĂ©e.
Exceptions
En droit des baux commerciaux, le bailleur ne peut user d'une mesure d'instruction in futurum afin de déterminer au préalable le montant de l'indemnité d'éviction qu'il devrait envisager de verser dans le cadre de la délivrance d'un congé avec offre d'indemnité d'éviction ; toutefois, le congé étant délivré, il peut saisir le juge des référés afin d'obtenir la désignation d'un expert.
Aux Ătats-Unis
Les tribunaux sont compĂ©tents pour dĂ©finir les documents qui peuvent ĂȘtre transmis avant tout procĂšs. Le terme est « discovery »[5].
Notes et références
- Code de procédure civile - Article 145 (lire en ligne)
- Voir l'article 145 du code de procédure civile sur Légifrance
- Voir l'arrĂȘt n°10-18.989 sur LĂ©gifrance
- Voir l'arrĂȘt n°96-20.182 sur LĂ©gifrance
- Voir par exemple l'article « Secret des affaires et acquisition des preuves Ă travers lâarrĂȘt Laffitte v. Bridgestone », par Jean-Ăric Brin, 13 juil. 2011, Univ. Paris Ouest
- « Les mesures d'instruction in futurum, retour sur la procédure d'instruction, retour sur la procédure de l'article 145 CPC », par François de Bérard, publié à la Gazette du Palais n°342 à 343, 7 et 8 déce. 2012.