Massacres de RĂo Negro
Les massacres de RĂo Negro sont plusieurs massacres perpĂ©trĂ©s contre les villageois de RĂo Negro tant leur village ainsi qu'Ă Xococ, Cerro Pacoxom, Los Encuentros et Agua FrĂa au Guatemala entre 1980 et 1982[1]. Plus de 440 Mayas Achi auraient Ă©tĂ© tuĂ©s dans le village de RĂo Negro et la sĂ©rie de meurtres extrajudiciaires qui ont coĂ»tĂ© la vie Ă près de 5 000 personnes entre 1980 et 1982 prit le nom de « massacres de RĂo Negro ». Le gouvernement dĂ©clara que le refus de relocalisation des villageois pour la construction du barrage hydroĂ©lectrique de Chixoy Ă©tait une activitĂ© de contre-insurrection bien que des religieux, des journalistes et les survivants rejettent le fait que le village ait connu une quelconque activitĂ© de guĂ©rilla organisĂ©e[2] - [3].
Massacres de RĂo Negro | |
MĂ©morial du massacre Ă RĂo Negro (Guatemala). | |
Date | 1980 – 1982 |
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Lieu | RĂo Negro Xococ Cerro Pacoxom Los Encuentros Agua FrĂa |
Victimes | Habitants de RĂo Negro |
Type | Exécution par arme à feu Viols Kidnapping |
Contexte
En 1978, alors en guerre civile, le gouvernement du Guatemala opérait des réformes de développement économique, dont la construction du barrage hydroélectrique de Chixoy. Financé en grande partie par la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement, le barrage fut construit à Rabinal dans le département de Baja Verapaz, historiquement peuplé de Mayas Achis. Pour terminer la construction, le gouvernement engagea la relocalisation volontaire et forcée des communautés vivant dans les vallées fertiles vers les hautes terres plus difficiles à cultiver[2] - [3].
DĂ©roulement
Massacre du 4 mars 1980 et exĂ©cutions extrajudiciaires du 8 juillet 1980 Ă RĂo Negro
Le , deux membres de l'armĂ©e du Guatemala et un agent d'une patrouille de police militaire vinrent au village de RĂo Negro alors qu'ils cherchaient les personnes ayant volĂ© des provisions aux travailleurs de l'Institut national guatĂ©maltèque d'Ă©lectricitĂ© (INDE) qui construisaient le barrage hydroĂ©lectrique de Chixoy. En rĂ©action, les membres du villages se sont rĂ©unis devant la chapelle[N 1] et une dispute Ă©clata. Très rapidement, l'agent de police militaire fut frappĂ©[4]. Selon la Cour interamĂ©ricaine des droits de l'homme, les preuves fournies n'indiquent pas qui de l'agent frappĂ© oĂą des deux autres militaires ont tirĂ©, rĂ©sultant dans la mort de 6 villageois, tandis qu'une septième fut blessĂ©e et transportĂ©e Ă l'hĂ´pital de Cobán oĂą elle mourut de ses blessures. Ces sept morts Ă©taient des chefs et reprĂ©sentants de la communautĂ©[5].
Ă€ la suite du massacre, deux chefs du comitĂ© de la communautĂ© de RĂo Negro qui nĂ©gociaient les relocalisations, Valeriano Osorio Chen et Evaristo Osorio, reçurent l'injonction de se rendre aux bureaux de l'INDE Ă Chinatzul le . L'injonction leur demandait notamment de prĂ©senter les registres contenant l'accord signĂ© et les engagements faits par l'INDE[5]. Le jour mĂŞme, ils partirent pour cet office, mais ne revinrent pas. Leurs corps furent retrouvĂ©s plusieurs jours plus tard, Ă Purulha, nus et avec des traces de balles[6].
Massacre des villageois de RĂo Negro le 13 fĂ©vrier 1982 Ă Xococ
Au dĂ©but du mois de , un groupe d'hommes armĂ©s mirent le feu au marchĂ© du village de Xococ et tuèrent 5 personnes. Selon l'armĂ©e guatĂ©maltèque, les auteurs de ces tirs Ă©taient la guĂ©rilla et la communautĂ© de RĂo Negro. En rĂ©action, les villageois de Xococ se dĂ©clarèrent ennemis des habitants de RĂo Negro et coupèrent toute relation avec eux. L'armĂ©e entreprit d'armer les villageois et de les entraĂ®ner en patrouilles d'autodĂ©fense civiles qui finirent par entrer en confrontation avec la communautĂ© de RĂo Negro. Les 6 et , au nom de l'armĂ©e du Guatemala, les patrouilleurs de Xococ convoquèrent plusieurs habitants de RĂo Negro dans leur village. LĂ , ils firent l'objet d'abus et d'accusations (d'ĂŞtre membre de guĂ©rilla et d'avoir mis le feu au marchĂ©) de la part des patrouilleurs. Ceux-ci conservèrent les pièces d'identitĂ©s des habitants de RĂo Negro et leur demandèrent de revenir les chercher le [6].
Finalement, le , environ 93 membres[7]. de la communautĂ© de RĂo Negro se rendirent Ă Xococ pour rĂ©cupĂ©rer leurs pièces d'identitĂ©s[6]. Selon les tĂ©moignages recueillis par la Cour interamĂ©ricaine des droits de l'homme, les patrouilleurs de Xococ les attendaient avec des matraques, des bâtons, des cordes et des machettes. Ceux-ci entourèrent les villageois de RĂo Negro, leur prirent de l'argent, puis les autorisèrent Ă faire leur shopping sur le marchĂ©. Vers midi, les patrouilleurs demandèrent aux villageois de RĂo Negro de former des lignes hommes-femmes-enfants. Selon les tĂ©moignages, les hommes furent emmenĂ©s dans un « fossĂ© » et tuĂ©s[N 2].
Par la suite, les patrouilleurs rassemblèrent les villageois de RĂo Negro devant l'Ă©glise, les attachèrent et les attaquèrent avec des matraques et des machettes puis les enfermèrent dans le bâtiment sans eau ni nourriture, parfois pendant deux jours[8].
Finalement, le , une survivante, Teodora Chen, parvient Ă s'Ă©chapper et alerte les villageois de RĂo Negro, dont une partie des habitants partis se cacher dans les montagnes. Le mĂŞme jour, des soldats et des patrouilleurs de Xococ vinrent dans chaque maison de RĂo Negro et demandèrent Ă voir les hommes, les accusant d'avoir rejoint la guĂ©rilla. Ils dirent aux femmes que si les hommes ne revenaient pas, elles seraient Ă©liminĂ©es[7].
Massacre du 13 mars 1982 Ă Cerro Pacoxom
Après leur menace du , des patrouilleurs et des membres de l'armée se sont présentés vers 6h00 du matin le avec des armes, cordes, bâtons et machettes et demandèrent, de maison en maison, à voir les hommes. Or ces derniers passaient la nuit dans les collines pour plus de sécurité. Selon les patrouilleurs et l'armée, l'absence des hommes était la preuve qu'ils faisaient partie des guérillas. En conséquence, ils firent sortir les femmes, dont les femmes enceintes, les personnes âgées et les enfants de leurs maisons et saccagèrent le village[9]. Par la suite, ceux-ci forcèrent les villageois, parfois attachés par le cou ou les mains, à remonter la colline sur trois kilomètres sans eau ni nourriture jusqu'à un lieu-dit appelé « Cerro Pacoxom ». Durant le trajet, les assaillants les insultaient, les poussaient et les frappaient (dont les femmes enceintes) et tuaient les villageois qui ne pouvaient pas continuer. Ils forcèrent aussi les femmes à danser et certaines d'entre elles, ainsi que des filles, furent séparées du groupe et violées[9]. Au moins une de ces femmes tomba enceinte[9].
En arrivant Ă Cerro Pacoxom, les soldats et patrouilleurs creusèrent une fosse commune et tuèrent les villageois de RĂo Negro par pendaison, Ă la machette, Ă l'arme Ă feu ou encore, en jetant les bĂ©bĂ©s Ă rĂ©pĂ©tition contre des pierres[10]. Durant le massacre, 17 enfants furent sĂ©lectionnĂ©es (ou donnĂ©s par leurs parents pour ĂŞtre sauvĂ©s) par les soldats et patrouilleurs et ramenĂ©s au village de Xococ. Certains furent gardĂ©s par les patrouilleurs et les militaires, d'autres ont Ă©tĂ© emmenĂ©s près de l'Ă©glise du village et donnĂ©s Ă des habitants de la communautĂ© de Xococ. La plupart de ces enfants sont restĂ©s entre 2 et 4 ans Ă vivre avec les habitants de Xococ, certains Ă©taient obligĂ©s de travailler, d'autres Ă©taient maltraitĂ©s et menacĂ©s et certains avaient dĂ» prendre une nouvelle identitĂ©[11].
Au total, environ 70 femmes et 107 enfants auraient été tués durant ce massacre[12].
Massacre du 14 mai 1982 Ă Los Encuentros
Certains des survivants du massacre du cherchèrent refuge à Los Encuentros. C'est à cet endroit que, le vers 1h00 de l'après-midi, un groupe de soldats et de patrouilleurs attaqua la communauté en leur tirant dessus et en jetant de grenades. La Cour interaméricaine des droits de l'homme rapporte que plusieurs femmes ont été violées, d'autres personnes furent pendues, où furent forcées à se tenir debout sur des plaques d'acier chauffées jusqu'à en mourir. Cette attaque aurait fait environ 79 morts. À au moins trois occasions, un hélicoptère serait venu à Los Encuentros et aurait emmené au moins une quinzaine de personnes qui ont ensuite disparu[12].
Les survivants ont fui dans les montagnes[12].
Massacre du 14 septembre 1982 Ă Agua FrĂa
Quelques survivants des massacres des et fuirent dans le village d'Agua FrĂa situĂ© dans le dĂ©partement du QuichĂ©. Le , un groupe de militaires et de paramilitaires vinrent dans le village et rĂ©unirent les personnes dans un bâtiment. Ils tirèrent sur eux depuis l'extĂ©rieur et incendièrent la structure tuant au moins 92 personnes[13].
Notes
- La Cour interaméricaine des droits de l'homme précise dans sa description des faits que les témoignages n'ont pas précisé si les villages se sont réunis de leur propre initiative où si ce sont les militaires qui les ont obligés.
- Ces Ă©lĂ©ments sont indiquĂ©s par le tĂ©moignage de Teodora Chen, repris par la Cour interamĂ©ricaine (RĂo Negro massacres v. Guatemala 2012, p. 31).
Sources
Références
- RĂo Negro massacres v. Guatemala 2012
- Einbinder 2009
- World Bank Investigation Requests
- RĂo Negro massacres v. Guatemala 2012, p. 28
- RĂo Negro massacres v. Guatemala 2012, p. 29
- RĂo Negro massacres v. Guatemala 2012, p. 30
- RĂo Negro massacres v. Guatemala 2012, p. 32
- RĂo Negro massacres v. Guatemala 2012, p. 31
- RĂo Negro massacres v. Guatemala 2012, p. 33
- RĂo Negro massacres v. Guatemala 2012, p. 34
- RĂo Negro massacres v. Guatemala 2012, p. 35
- RĂo Negro massacres v. Guatemala 2012, p. 36
- RĂo Negro massacres v. Guatemala 2012, p. 37
Bibliographie
- (en) Cour interamĂ©ricaine des droits de l'homme, Case of the RĂo Negro massacres v. Guatemala, (lire en ligne)
- (en) Nathan Einbinder, « Guatemalans Resist Mega-Mines, Hydropower Dams », NISGUA, Guatemala,‎ (lire en ligne)
- (en) « NGOs Demand World Bank Investigation Into 1980s Massacres at Guatemalan Dam Report Reveals 376 Murdered After Resisting Eviction », sur International Rivers Network/Witness for Peace,
Compléments
Articles connexes
- Commission pour l'Ă©claircissement historique
- JesĂşs TecĂş Osorio
- ADIVIMA
Lien externe
- RĂo Negro Massacres sur le site de la Commission des droits de l'homme du Guatemala