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Marche des femmes sur Grand-Bassam

La marche des femmes sur Grand-Bassam dĂ©signe un mouvement de contestation Ă  l'initiative des femmes en CĂ´te d'Ivoire, qui se rendent d'Abidjan Ă  Grand-Bassam du 22 au pour demander la libĂ©ration des responsables politiques emprisonnĂ©s par les autoritĂ©s coloniales françaises. Le bilan de la journĂ©e du Ă©tait de cinq gendarmes agressĂ©s et quatre femmes arrĂŞtĂ©es selon les autoritĂ©s locales, tandis que le journal Le Patriote de Saint-Étienne du faisait Ă©tat de plus de 40 femmes blessĂ©es.

Marche des femmes sur Grand-Bassam
À nos vaillantes femmes qui, par leur marche historique sur la prison de Grand-Bassam le 24-12-1949, ont arraché la liberté confisquée des hommes. 06/02/1999, Maire F. Able
Plaque commémorative de la statue érigée en hommage à la Marche des femmes sur Grand-Bassam.
Date 22-24 décembre 1949
Lieu Grand-Bassam
Cause Emprisonnement sans jugement de dirigeants politiques du PDCI
Résultat 40 blessées, échec de la manifestation dans un premier temps.
Marche d'Abidjan et de Bassam Ă  Grand-Bassam Ă  travers les plages et cocoteraies pour rejoindre la prison

Contexte politique

Le , 8 dirigeants du Parti dĂ©mocratique de CĂ´te d'Ivoire (PDCI) sont incarcĂ©rĂ©s sans jugement Ă  la prison de Grand-Bassam par les autoritĂ©s coloniales Ă  la suite d'une action de contestation. 10 mois plus tard, la date du procès n'Ă©tait pas encore fixĂ©e alors que les dĂ©tenus souffrent de conditions prĂ©caires[1]. Dès le , ils dĂ©cidèrent d'entamer une grève de la faim pour faire rĂ©agir les autoritĂ©s[2], sans succès. Celles-ci affirmèrent que les prisonniers se cachent pour manger alors mĂŞme que certains sont hospitalisĂ©s Ă  cause de problèmes de santĂ©.

De leur côté, les militantes, dont certaines sont des femmes ou sœurs de détenus, s'organisent pour obtenir leur libération. Plusieurs actions politiques sont entreprises pour faire réagir le gouvernement : diverses lettres au procureur, pressions économiques par le boycott des produits importés[2] qui est suivi par une partie de la population, etc., en vain.

Le , une première manifestation à Abidjan est organisée dans le calme mais sans résultat. La passivité du gouvernement sera à l'origine de la grande marche des jours suivants.

DĂ©roulement

Le , plusieurs dĂ©lĂ©gations de femmes prennent le taxi-bus afin de manifester devant le palais du procureur. Pour Ă©viter d'ĂŞtre arrĂŞtĂ©es, certaines rusent en s'habillant aux couleurs de la France et en agitant des drapeaux tricolores. Les autoritĂ©s ne sont pas dupes très longtemps et commencent Ă  restreindre la mobilitĂ© des femmes. Les chauffeurs ont pour ordre de ne plus les transporter. Elles dĂ©cident de faire le reste de chemin Ă  pied en passant par la plage ou les cocoteraies pour Ă©viter les policiers qui sillonnent la route[2]. Ă€ onze heure, elles sont plus de 150 devant le Palais de Justice, elles demandent Ă  ĂŞtre reçues par le procureur sans succès. Elles sont repoussĂ©es jusqu'au quartier l'ImpĂ©rial. Tout au long de la journĂ©e, d'autres femmes viennent gonfler les rangs. Le soir, les militantes se reposent et discutent stratĂ©gie chez les habitants qui les hĂ©bergent[3]. MalgrĂ© la pression des forces de l'ordre, environ 2 000 femmes vont ainsi manifester lors de cette marche.

Le , les femmes continuent d'arriver pour manifester. À la suite des refus réitérés du procureur de recevoir leur délégation, elles décident de se rendre directement à la prison le jour suivant pour faire entendre leurs voix.

Le , dès l'aube, elles se séparent en petits groupes pour chercher à rejoindre la prison gardée par les autorités locales. Elles se divisent en plusieurs groupes pour maximiser leur chance, certaines longeant la mer, certaines en pirogues. Divers barrages sont mis en place par les forces de l'ordre séparant les militantes, rendant difficile l'accès à la prison. Pour les repousser, les militaires font usage de gaz lacrymogène[2] ainsi que de pompes à eau puisant directement dans la lagune chargée de sable. Le gouvernement local a affirmé par la suite que les grenades n'étaient pas chargées.

Face à la répression et aux demandes d'Houphouët-Boigny, dirigeant du PDCI, les femmes finissent par abandonner et rentrer chez elles sans obtenir gain de cause[3]. Ce n'est qu'au mois de mars que les militants obtiendront une mise en liberté partielle[2] - [4].

Postérité

DĂ©tail du monument Ă  la marche des femmes.

Bien que sur le moment, les femmes participant à cette marche n'aient pas obtenu gain de cause, le courage qu'elles ont eu en affrontant à mains nues les autorités militaires armées s'est inscrit dans l'historique national et symbolise désormais les capacités de résistance des femmes du pays. Le souvenir de la marche est longtemps resté oral, avant de donner lieu à un premier ouvrage en 1975, sous la plume de Henriette Diabaté. Si cet épisode est sorti de l'oubli, l'historien Nandouhard Akuesson regrette cependant la faible place qui lui est fait dans les programmes scolaires du pays[2].

Le pont reliant le quartier français au reste de la ville a été baptisé « pont de la Victoire » en leur hommage[5]. Une statue représentant trois femmes manifestant a aussi été érigée en leur honneur. Un timbre a été édité à l'effigie de Marie Koré, l'une des dirigeantes du mouvement, frappée à plusieurs reprises, blessée et condamnée à deux mois de prison[2] - [6].

Quant à Anne-Marie Raggi, elle fut membre du Conseil économique et social de 1976 à 2000 et a exercé les fonctions d'adjointe au maire de 1980 à 1985.

Au musée national du costume de Grand-Bassam, une salle est consacrée à l'histoire de la marche[2].

Références

  1. Alassane Diabate, « La prison de Grand-Bassam des origines à 1952 », Revue ivoirienne d'histoire,‎ , p. 24-33 (lire en ligne).
  2. Yassin Ciyow, « En Côte d’Ivoire, la marche des femmes sur Grand-Bassam sort de l’oubli », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  3. Vincent Joly, « Femmes et décolonisation en Afrique occidentale française : Autour de la marche des femmes de Grand-Bassam (décembre 1949) », Genre et événement,‎ , p. 105-117 (lire en ligne).
  4. « Il y a 63 ans, un autre 24 décembre… », sur EHESS (consulté le ).
  5. En savoir plus sur la marche des femmes de Grand Bassam, afrique.arte.tv.
  6. « Rezo-Ivoire .net | raggi anne marie la grande amazone de la marche sur Grand Bassam », sur rezoivoire.net (consulté le )

Voir aussi

Article connexe

Bibliographie

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