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Maigreur constitutionnelle

La maigreur constitutionnelle est un état de maigreur[1] ou de résistance à la prise de poids[2] sans dénutrition.

Épidémiologie

Sa frĂ©quence est difficile Ă  estimer car le diagnostic est mal connu voire niĂ© par certains mĂ©decins et les patients souvent sous-diagnostiquĂ©s. Parmi la population maigre en France Ă©valuĂ©e de manière stable depuis plus de dix ans Ă  4 % de la population française par l’étude ObÉpi, on considère que la maigreur constitutionnelle reprĂ©sente moins de 0,05 % soit 1 patient sur 2 000.

D’abord identifiés chez des jeunes femmes en diagnostic différentiel de l’anorexie mentale, on sait maintenant que la maigreur constitutionnelle est aussi fréquente chez les hommes que chez les femmes et qu’elle est présente à tous les âges de la vie[3].

Diagnostic

Jeune fille maigre

Le diagnostic est difficile car il faut pouvoir y penser face à une maigreur ou une résistance à la prise de poids, alors que les diagnostics de troubles du comportement alimentaire et autres pathologies cachectisantes viendront en premier à l’esprit[4].

À ce jour les critères diagnostiques sont :

  • un antĂ©cĂ©dent familial de maigreur frĂ©quent mais pas toujours retrouvĂ©[5] ;
  • un indice de masse corporelle (IMC) infĂ©rieur Ă  l'IMC cible pour l’âge[5] ;
  • une non-cassure de la courbe de poids[5] ;
  • l’absence de troubles du comportement alimentaire et surtout l’absence de restriction aux questionnaires DEBQ[2] - [5] ;
  • l’absence de syndrome de basse T3, de diminution de l’IGF1[6] ;
  • une fertilitĂ© conservĂ©e[3].

Complications

Complications physiques

Les complications physiques et leurs conséquences sont encore mal connues.

Altération de la masse grasse

Les patients présentant une maigreur constitutionnelle ont une masse grasse diminuée de façon harmonieuse et généralisée sur tout le corps. Cette masse grasse diminuée s’accompagne d’une hypoleptinémie modérée mais sans blocage des hormones sexuelles et donc avec préservation de la fertilité et des règles chez les femmes[3]. Il n’a pas été observé de retard pubertaire.

Altération du muscle

Ils présentent également une altération du muscle avec une diminution de la taille des fibres musculaires ainsi qu’une distribution du type de fibres musculaire anormale, le tout sur un muscle fonctionnant comme au ralenti[7]. On ne connait pas encore la capacité musculaire des patients présentant une maigreur constitutionnelle.

Altération de la masse osseuse

Enfin, on sait maintenant qu’ils prĂ©sentent une altĂ©ration de la masse osseuse ou « ostĂ©oporose Â» avec une diminution du T-score en densitomĂ©trie osseuse et une altĂ©ration de la microarchitecture de l’os au HR-PQCT, augmentant en thĂ©orie le risque fracturaire[8] - [9] - [10].

Altération des hormones de la régulation de l'appétit

Les hormones de la régulation de l’appétit sont modifiées chez ces patients avec des pics des hormones de la satiété (PYY et GLP1) qui sont très rapides et très importants entraînant une sensation de satiété (« coupe-faim ») très rapide[11] - [12] - [13]. En conséquence, les repas sont souvent petits mais doivent être fréquents pour permettre au patient d’avoir sa ration calorique de la journée pour ne pas maigrir. Ils sont donc obligés de faire des goûters ou snacking plusieurs fois par jour sous peine de maigrir encore plus[2].

Les complications psycho-sociales

Les complications psychosociales sont mieux connues.

La plus fréquente est l’erreur diagnostique avec les troubles du comportement alimentaire soit anorexie restrictive en accusant le patient de mentir et de ne pas manger, soit avec la boulimie puisqu’on les voit manger sans grossir[4].

Cette erreur diagnostique médicale peut conduire à mettre en place des thérapeutiques de contrat de poids voire des hospitalisations vouées à l’échec. Il a en effet été démontré l’inefficacité sur la prise de poids d’un régime de suralimentation lipidique avec 700 kcal de plus par jour pendant 1 mois chez des jeunes femmes présentant une maigreur constitutionnelle[2] .

Cette erreur diagnostique peut également conduire à retarder des prises en charge en médecine de la reproduction pour cause de trouble du comportement alimentaire.

Cette erreur diagnostique conduit surtout à une stigmatisation sociale de la personne maigre qui est aujourd’hui presque plus mal vue que les personnes obèses, avec de discrimination à l’embauche ou à la titularisation de fonctionnaire notamment. Les patients sont traités de « fils de fer » par exemple. Récemment la proposition de loi voulant interdire les mannequins ayant un indice de masse corporelle au-dessous de 18,5 est un exemple de discrimination de la maigreur.

Le retentissement psychologique est souvent méconnu et sous-estimé.

Causes

Les causes sont encore mal connues.

L'hypothèse génétique

Les patients porteurs de maigreur constitutionnelle se situent toujours dans les percentiles les plus bas des courbes de poids pour l’âge, le sexe et l’ethnie[5]. Cette absence de cassure de la courbe de poids des patients présentant une maigreur constitutionnelle s’inscrit dans l’histoire naturelle du poids de chacun comme nous le disent les courbes de poids et d’IMC retrouvées sur nos carnets de santé[14].

On retrouve également une agrégation familiale avec en moyenne 2,5 sujets atteints sur deux générations dans une même famille[5] - [15].

Image en miroir de l'obésité

Les anomalies des hormones de la régulation de l’appétit sont en miroir de celles retrouvées dans l’obésité[11] - [12] - [13].

Enfin la résistance à la prise de poids s’inscrit également en image en miroir de l’obésité et sa résistance à la perte de poids comme en témoigne le recours de plus en plus fréquent à la chirurgie bariatrique[2].

Tous ces éléments poussent à faire l’hypothèse raisonnable d’une origine génétique à la maigreur constitutionnelle. Des études sont en cours[16].

Le gap énergétique

Curieusement les patients porteurs de maigreur constitutionnelle ont des apports alimentaires supérieurs à leurs dépenses énergétiques[5]. Il a été ainsi démontré un gap énergétique avec une zone de dépenses énergétiques inconnues ou non mesurées chez ces patients qui reste à explorer[2]. Certains ont proposé le rôle de la graisse brune[17] comme pôle de dépense énergétique supplémentaire expliquant la résistance à la prise de poids[18]. Cependant cela ne suffit pas à expliquer la différence. Des études sont en cours.

Traitement

Le premier des traitements demandés par les patients est la prise de poids. À ce jour, il n’y a pas de traitement validé ayant prouvé son efficacité. Seul le sport permet un gain de poids à travers la prise de muscles, mais pas de prise de graisse[19]. Un premier protocole de suralimentation chez des jeunes femmes porteuses de maigreur constitutionnelle a montré l’inefficacité d’un régime de suralimentation de 700 kilocalories de gras en plus par jour pendant un mois. Un deuxième protocole de surnutrition différent, incluant des jeunes hommes et femmes, a montré le même résultat[20] - [21].

La protection de la qualité osseuse est aussi un objectif thérapeutique majeur. On ne connaît pas à ce jour le risque fracturaire réel des patients présentant une maigreur constitutionnelle car il n’y a pas d’étude de cohorte prospective en cours, en raison notamment du sous-diagnostic et de la méconnaissance de la pathologie. Une étude est en cours[22].

La prise en charge psychosociale est également un enjeu majeur. Elle passe d’abord devant la réalité du diagnostic pour le patient et son entourage personnel et professionnel. Elle passe également par un soutien psychologique et à ce jour une acceptation de soi, puisqu’il n’existe pas encore de traitement pour faire prendre du poids sur le long terme.

Références

  1. Apfelbaum M. et Sachet P. [Constitutional thinness]. Rev Prat. 1982;32(3):245-7. PMID 7071484
  2. (en) Germain N, Galusca B, Caron-Dorval D. et al. « Specific appetite, energetic and metabolomics responses to fat overfeeding in resistant-to-bodyweight-gain constitutional thinness Â» Nutrition & diabetes 2014;4:e126.
  3. (en) Tolle V, Kadem M, Bluet-Pajot MT, Frere D, Foulon C, Bossu C, Dardennes R, Mounier C, Zizzari P, Lang F, Epelbaum J, Estour B., « Balance in ghrelin and leptin plasma levels in anorexia nervosa patients and constitutionally thin women Â» J Clin Endocrinol Metab. 2003. 88(1):109-16. PMID 12519838
  4. (en) Estour B, Galusca B, Germain N. « Constitutional thinness and anorexia nervosa: a possible misdiagnosis? Â» Front Endocrinol (Lausanne) 2014;5:175. DOI 10.3389/fendo.2014.00175.
  5. Bossu C, Galusca B, Normand S, Germain N, Collet P, Frere D, Lang F, Laville M, Estour B., Energy expenditure adjusted for body composition differentiates constitutional thinness from both normal subjects and anorexia nervosa. Am J Physiol Endocrinol Metab, 2007. 292(1): p. E132-7, PMID 16912058
  6. (it) Paggi A, Di Giovanni N, Natoli A, « [Study of thyroid function in constitutionally thin subjects] Â» Boll Soc Ital Biol Sper. 1975;51(1-2):1-4. PMID 49187
  7. Germain N, Galusca B, Verney J, Feasson L, Vidal H, Estour B. « Les maigreurs constitutionnelles prĂ©sentent une diminution du mĂ©tabolisme oxydatif dans le muscle squelettique Â» Annales d'Endocrinologie: Elsevier Masson 2012:418.
  8. (en) Galusca B, Zouch M, Germain N, Bossu C, Frere D, Lang F, Lafage-Proust MH, Thomas T, Vico L, Estour B. « Constitutional thinness: unusual human phenotype of low bone quality Â» J Clin Endocrinol Metab. 2008 Jan;93(1):110-7. PMID 17956951
  9. (en) Galusca B, Bossu C, Germain N. et al. « Age-related differences in hormonal and nutritional impact on lean anorexia nervosa bone turnover uncoupling Â» Osteoporos Int. 2006;17(6):888-96. DOI 10.1007/s00198-005-0063-0.
  10. (en) Galusca B, Germain N, Estour B. « Bone abnormalities in constitutional thinness Â» Br J Nutr. 2009;102(11):1698-9. DOI 10.1017/S0007114509991012.
  11. Germain N, Galusca B, Le Roux CW, Bossu C, Ghatei MA, Lang F, Bloom SR, Estour B., Constitutional thinness and lean anorexia nervosa display opposite concentrations of peptide YY, glucagon-like peptide 1, ghrelin, and leptin. Am J Clin Nutr, 2007. 85(4): p. 967-71, PMID 17413094
  12. Germain N, Galusca B, Grouselle D, Frere D, Tolle V, Zizzari P, Lang F, Epelbaum J, Estour B., Ghrelin/obestatin ratio in two populations with low bodyweight: Constitutional thinness and anorexia nervosa. Psychoneuroendocrinology, 2009 Apr;34(3):413-9, PMID 18995969
  13. Germain N, Viltart O, Loyens A, et al. Interleukin-7 Plasma Levels in Human Differentiate Anorexia Nervosa, Constitutional Thinness and Healthy Obesity. PloS one 2016;11(9):e0161890.
  14. Rolland-Cachera MF, Cole TJ, Sempe M, Tichet J, Rossignol C, Charraud A. Body Mass Index variations: centiles from birth to 87 years. Eur J Clin Nutr 1991;45(1):13-21.
  15. (en) Bulik CM and Allison DB, « The genetic epidemiology of thinness Â» Obes Rev. 2001;2(2):107-15. PMID 12119662
  16. ClinicalTrials.gov identifier: NCT02525328
  17. (en) Virtanen KA, Lidell ME, Orava J. et al. « Functional Brown Adipose Tissue in Healthy Adults Â» New England Journal of Medicine 2009;360(15):1518-25. DOI 10.1056/NEJMoa0808949.
  18. (en) Pasanisi F, Pace L, Fonti R et al. « Evidence of Brown Fat Activity in Constitutional Leanness Â» Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism 2013;98(3):1214-8. DOI 10.1210/jc.2012-2981.
  19. https://www.allodocteurs.fr/maladies/maladies-nutritionnelles/poids-obesite/maigreur-constitutionnelle-grossir-j-en-reve_10085.html
  20. ClinicalTrials.gov identifier: NCT02004821
  21. Yiin Ling, Bogdan Galusca, François-Pierre Martin, Simona Bartova, Jérôme Carayol, Sofia Moco, Jacques Epelbaum, Dominique Grouselle, Yves Boirie, Christophe Montaurier, Joyceline Cuenco, James S Minnion, Thierry Thomas, Sylvie Mure, Jörg Hager, Bruno Estour, Nele Gheldof, Natacha Germain, « Resistance to lean mass gain in constitutional thinness in free-living conditions is not overpassed by overfeeding », Journal of Cachexia, Sarcopenia and Muscle,‎ (PMID 32274897).
  22. ClinicalTrials.gov identifier: NCT02532439
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