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MĂ©dias tactiques (activisme)

Médias tactiques désigne une forme d'activisme dans les médias, qui pratique des interventions temporaires et localisées dans les médias, en tirant parti des faiblesses des systèmes médiatiques et des possibilités ouvertes par diverses technologies.

C'est la traduction française du terme anglais Tactical media, forgĂ© en 1996[1] - [2]. Les mĂ©dias tactiques critiquent l'ordre social ou Ă©conomique dominant, et comportent souvent un Ă©lĂ©ment humoristique ou satirique[3].

Le concept a d'abord Ă©tĂ© popularisĂ© en Europe et aux États-Unis par les thĂ©oriciens et praticiens David Garcia, Geert Lovink (en), Joanne Richardson, et le Critical Art Ensemble. Depuis lors, il a Ă©tĂ© utilisĂ© pour dĂ©crire des pratiques et des collectifs d'activistes très variĂ©es, comme celles de RTMark, des Yes Men, Electronic Disturbance Theater, de la Carbon Defense League, Institute for Applied Autonomy, 0100101110101101.ORG (en), le Bureau of Inverse Technology, Ubermorgen, The Illuminator, irational, subRosa, et I/O/D, entre autres.

Inspirations 

Les médias tactiques empruntent à un grand nombre d'artistes et de mouvements.

Certains auteurs rattachent ses techniques au concept situationniste de dĂ©tournement[4], c'est-Ă -dire dans l'appropriation critique et la transformation d'une Ĺ“uvre existante — qu'il s'agisse d'une Ĺ“uvre d'art, d'un panneau publicitaire ou d'une campagne politique. Dans le cas des mĂ©dias tactiques, ce sont les mĂ©dias eux-mĂŞmes qui font l'objet d'un dĂ©tournement.

Le mouvement dada est une autre inspiration des mĂ©dias tactiques, et ces deux approches sont souvent utilisĂ©es conjointement lors d'actions activistes[5]. Comme dada, les mĂ©dias tactiques visent souvent un effet opposĂ© Ă  celui des mĂ©dias qu'ils infiltrent : ils utilisent la stratĂ©gie du choc pour mettre en lumière des contradictions. 

Les médias tactiques s'inspirent également du surréalisme. Comme le surréalisme, les médias tactiques critiquent certaines dimensions sociales, politique et culturelles d'une société donnée en utilisant ses technologies.

Les mĂ©dias tactiques sont aussi liĂ©s aux mĂ©dias alternatifs crĂ©Ă©s par la contre-culture des annĂ©es 1960. Mais les mĂ©dias tactiques sont temporaires et ils visent moins Ă  construire des alternatives durables aux mĂ©dias dominants. Leur mĂ©thode est plutĂ´t de s'approprier les outils et les structures de diffusion des mĂ©dias dominants pour crĂ©er de nouveaux messages ou de nouveaux usages. Les mĂ©dias tactiques se rapprochent donc d'autres formes d'intervention culturelles et politiques comme la communication guĂ©rilla et le culture jamming.

Origines

Le courant des "médias tactiques" naît au début des années 1990, à la suite de la chute du Mur de Berlin, dans un contexte de renaissance de l'activisme social, politique, économique et médiatique. La naissance des médias tactiques répond aussi à deux facteurs : d'une part la croissance rapide de l'industrie des médias, et d'autre part a possibilité d'accéder à des technologies bon marché, et à des canaux de plus diffusion ouverts, comme les télévisions publiques et l'Internet.

L'Ă©mergence des mĂ©dias tactiques signale aussi un changement dans la façon de penser les mĂ©dias : ils ne sont plus simplement des outils pour la lutte (comme dans l'idĂ©e des mĂ©dias alternatifs qui diffusent une contre-information nĂ©cessaire) mais apparaissent comme des environnements virtuels, constamment en construction[6].

Certaines campagnes de mĂ©dias tactiques peuvent avoir un grand succès. Mais le but ultime des mĂ©dias tactiques n'est pas de remplacer tel ou tel mĂ©dia existant. Les mĂ©dias tactiques se mĂ©fient du branding[7]:258, qui conduit aux phĂ©nomènes contre lesquels ils s'opposent. Les mĂ©dias tactiques ne sont pas des formes stables ou figĂ©es : elles s'adaptent constamment aux systèmes dans lesquels elles opèrent.:264 Geert Lovink, l'un des inventeurs du terme, les dĂ©crit d'ailleurs comme « un terme au sens dĂ©libĂ©rĂ©ment vague, un outil pour crĂ©er des zones de consensus temporaire sur la base d'alliances inattendues. Une alliance temporaire de hackers, d'artistes, de critiques, de journalistes et d'activistes[8]. »

Il existe de nombreux projets de mĂ©dias tactiques dans l'espace physique (dans la rue, les musĂ©es...). Mais la plupart interviennent dans l'espace du rĂ©seau, et particulièrement d'Internet. Le rĂ©seau Internet permet une plus grande diffusion rapide des contenus des mĂ©dias tactiques. L'horizontalitĂ© du rĂ©seau permet aussi des formes de diffusion opposĂ©es aux structures hiĂ©rarchiques qui font l'objet des critiques. 

Exemples

Les projets de tactical media mêlent souvent art et activisme (voir Artivisme.). Selon Geert Lovink, lorsque l'on parle de tactical media il s'agit de « la rencontre d'une forme d'art et d'un activisme avec une attitude positive envers la technologie numérique moderne »[9]. C'est pourquoi on peut leur trouver des précurseurs tant dans le champ de l'art que dans celui de l'activisme. Les tactical media ne sont pas associés à un média en particulier, comme le montrent ces divers exemples

GWbush.com

En 1998, le programmeur informatique et activiste politique Zack Exley (en) achète un nom de domaine et crĂ©e le site web GWbush.com[10]. Il propose ensuite au groupe RTMark (qui se prononce Art Mark) de construire une copie du site de George W. Bush, comme le collectif l'avait dĂ©jĂ  fait avec les sites de grandes entreprises. 

Un peu plus tard, Zack Exley transforme le site en une satire plus grand public (s'attirant les critiques de RTMark)[11] en postant un faux communiquĂ© de presse de la campagne de Bush, annonçant qu'il gracierait « tous les dĂ©tenus incarcĂ©rĂ©s pour des crimes liĂ©s Ă  la drogue, Ă  la condition qu'ils aient tirĂ© les leçons de leurs erreurs. » Le site reçut des millions de visites et l'attention de mĂ©dias comme ABC News, USA Today et Newsweek.

Flotte aérienne tactique

En 2000, l'ArmĂ©e zapatiste de libĂ©ration nationale du Mexique dĂ©cide de lancer sa « flotte aĂ©rienne tactique ». La flotte aĂ©rienne des Zapatistes est constituĂ©e de centaines d'avions en papier. Les Zapatistes les lancent par-dessus les murs d'un bâtiment fĂ©dĂ©ral. Les soldats de l'armĂ©e fĂ©dĂ©rale, surpris, pointent leurs fusils sur les avions de papier - donnant lieu Ă  une image puissante, celle de la paix contre la guerre. Dans cette action, la cible finale est le gouvernement.

Notes et références

  1. Pramod K. Nayar,An Introduction to New Media and Cybercultures, 2010, p. 100
  2. David Garcia et Geert Lovink (en) (1997) The ABC of Tactical Media, intro
  3. Megan Boler, Digital Media and Democracy, Tactics in Hard times, Ă©d. MIT Press, 2010, p. 377
  4. (en) Joanne Richardson, « The Language of Tactical Media from BalkonMagazine, Autumn 2002, No. 12 »
  5. Brian Holmes, Gregory Sholette, Civil Disobedience as Art Art as Civil Disobedience: A conversation between Brian Holmes and Gregory Sholette, Artpapers.org, Vol. 29, no 5, 2005
  6. Florian Schneider et traduit par Germinal Pinalie, « Un monde virtuel est possible: des médias tactiques aux multitudes numériques », Multitudes,‎ (lire en ligne [archive] Accès libre)
  7. (en) Geert Lovink, Dark Fiber : Tracking Critical Internet Culture, The MIT Press, , 382 p. (ISBN 978-0-262-62180-9, lire en ligne), p. 394
  8. (en) Grahama Meikle, Networks of Influence: Internet Activism in Australia and Beyond in Gerard Goggin (ed.), Virtual Nation: the Internet in Australia, University of New South Wales Press, Sydney, 2004, p. 73-87
  9. « Garcia-Lovink - ABC des Médias Tactiques »
  10. Graham Meikle, Future active : media activism and the internet, Routledge, , 225 p. (ISBN 978-0-415-94322-2, lire en ligne), « Turning Signs into Question Marks »
  11. Matthew Yeomans, « The Power Jokers », Slate,
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