MĂ©canisme de coexistence
La coexistence des espĂšces est un des facteurs majeurs permettant de maintenir une forte diversitĂ©, qu'elle soit stable ou instable. Cette thĂ©orie explique que plusieurs espĂšces au sein d'une communautĂ© puissent exister dans un mĂȘme environnement Ă©cologique sans qu'il n'y ait exclusion compĂ©titive.
Généralités
Rappelons le principe d'exclusion compĂ©titive (ou principe de Gause) : pour un ensemble de conditions et de ressources donnĂ©es, Ă l'Ă©quilibre (soit Ă l'issue d'une compĂ©tition), une seule espĂšce survit et celle-ci reste la mĂȘme s'il n'y a pas de changement des conditions. D'aprĂšs ce principe, deux populations ne peuvent subsister dans la mĂȘme niche Ă©cologique. Il ne devrait donc exister que peu d'espĂšces, alors qu'en rĂ©alitĂ© il existe une forte diversitĂ© dans la nature et de nombreuses espĂšces coexistent. C'est ce que met en Ă©vidence Hutchinson en 1960 , il Ă©met le Paradoxe du plancton, celui-ci pose la question de savoir comment autant d'organismes peuvent survivre dans un mĂȘme milieu homogĂšne sans entrer en compĂ©tition. La rĂ©ponse Ă ce paradoxe est que cette homogĂ©nĂ©itĂ© n'existe pas Ă l'Ă©chelle microscopique de ces organismes, leurs environnement ne mesure en rĂ©alitĂ© que quelques micromĂštres. Cependant, ce n'est pas le cas pour les espĂšces de plus grande envergure, il doit donc exister des mĂ©canismes permettant cette coexistence. Celle-ci fonctionne selon diffĂ©rents types de mĂ©canismes, des mĂ©canismes dit Ă©galisateurs ("equalizing") caractĂ©risĂ© par une rĂ©duction de la fitness moyenne entre espĂšces et d'autres dit stabilisateurs ("stabilizing") caractĂ©risĂ©s par une augmentation de la diffĂ©renciation des niches Ă©cologiques. La diffĂ©rence de fitness entre espĂšces entraĂźne normalement l'exclusion des autres espĂšces par la meilleure au sein de sa niche Ă©cologique (effet du principe de Gause), celle-ci s'oppose aux mĂ©canismes de stabilitĂ©s qui maintiennent une diversitĂ© via la diffĂ©renciation de niche Ă©cologique. L'Ă©quilibre entre ces deux forces opposĂ©es permettrait donc la coexistence.
Pour la plupart des espÚces coexistantes, la croissance de leur population est densité dépendante négative (effet de compétition), c'est-à -dire qu'il y a une croissance de la population lorsque le nombre d'individus est faible (ce qui rend peu probable une extinction locale). Lorsque la population décroßt, les individus de cette population entrent de plus en plus en compétition avec les individus d'autres espÚces. à l'inverse, lors de sa croissance, on observe une réduction de la compétition interspécifique par rapport à la compétition intraspécifique, ce qui permet la coexistence. On parle alors de coexistence stable, les espÚces peuvent se remettre d'une faible densité sur le long terme. à l'inverse, une coexistence instable signifie qu'il n'y a pas de tendance au rétablissement et que les espÚces ne sont pas maintenues dans le systÚme sur de longues périodes[1].
Exemples de mécanismes de coexistence
Il existe un trÚs grand nombre de mécanismes de coexistence, seulement certains d'entre eux sont décrits ci-dessous.
Deux grands types de mécanismes
Deux mécanismes différents peuvent permettre cette coexistence : une réduction de la différence de fitness moyenne entre espÚces (mécanisme égalisateur) ou une augmentation de la compétition intraspécifique par rapport à la compétition interspécifique (mécanisme stabilisateur)[1].
MĂ©canismes Ă©galisateurs
Les mécanismes égalisateurs ont été décrits comme des forces neutres. Les mécanismes d'égalisation réduisent les inégalités entre les fitness des espÚces, ce qui va contribuer à la stabilité de la coexistence lorsqu'il n'y a pas différenciation de niches. Les espÚces obtiennent donc des fitness plus semblables. Cependant cela pourrait réduire ou supprimer les effets des mécanismes de stabilisation.
- Quantifier la coexistence
oĂč
- ri : Représente la force du mécanisme
- bi : Nombre d'individus de l'espĂšce i
- k : Fitness
- (k - ki) : Montre comment l'espÚce invasive i est adaptée à l'environnement
- A influence
- (k -ki) définit de deux maniÚres la force du mécanisme créé :
- c'est le maximum de désavantage (k-ki) que peut avoir une espÚce sur sa fitness moyenne et dans un systÚme persistant, plus la valeur de A est grande, plus la tolérance est large pour l'espÚce la plus faible ;
- mesure de combien le mécanisme augmente le taux de récupération de chaque espÚce.
Dans le modĂšle Ă©galisateur, on peut voir que le A qui dĂ©finit le mĂ©canisme utilisĂ©, peut ĂȘtre plus faible mais les espĂšces peuvent malgrĂ© tout coexister. Cependant un mĂ©canisme qui a seulement des propriĂ©tĂ©s Ă©galisatrices ne peut pas stabiliser la coexistence tout seul. Il faut que A soit positif pour que le mĂ©canisme soit stable. La diffĂ©rence de fitness modifie les composantes de l'Ă©quation et tend Ă dominer les effets Ă©galisateurs. De mĂȘme, en conjonction avec les autres mĂ©canismes, la non-linĂ©aritĂ© des mĂ©canismes peut potentiellement avoir un important rĂŽle Ă©galiseur, aidant ainsi la stabilitĂ© de coexistence de nombreuses espĂšces[2].
MĂ©canismes stabilisateurs
Pour qu'il y ait coexistence d'espÚces, il faut que les mécanismes de stabilisation surpassent les différences de fitness entre espÚces (Chesson, 2000). Ces mécanismes provoquent une augmentation du taux de croissance à faible densité de toutes les espÚces[1].
Dans ce mécanisme, la coexistence est favorisée par une concentration de la compétition intraspécifique en dépit de la compétition interspécifique.
- Stabilisation
Le processus majeur permettant le mĂ©canisme de stabilisation est la diffĂ©renciation des niches Ă©cologiques. Celle-ci induit une sĂ©lection naturelle qui amĂšne des espĂšces concurrentes Ă utiliser un mĂȘme environnement diffĂ©remment. On observe dans ce cas un dĂ©placement de niche pour chacune. Ce principe s'oppose Ă l'idĂ©e d'exclusion compĂ©titive ou l'une des espĂšces conduit l'autre Ă l'extinction. D'aprĂšs l'Ă©quation de Lotka-Volterra, la diffĂ©renciation de niches conduit Ă la coexistence car avec ce mĂ©canisme la compĂ©tition intraspĂ©cifique est supĂ©rieure Ă l'interspĂ©cifique.
Dans son Ă©tude, MacArthur (1958) a montrĂ© la coexistence de plusieurs espĂšces de Parulines sur un mĂȘme espace. Les cinq espĂšces de Parulines frĂ©quentent chacune le haut des conifĂšres. Les cinq espĂšces occupent donc la mĂȘme niche mais diffĂ©remment. Certaines Parulines se nourrissent aux extrĂ©mitĂ©s des branches, d'autres dans les parties intĂ©rieures ou encore sur l'Ă©corce et le lichen des branches. Les zones d'alimentation diffĂšrent mais Ă©galement l'utilisation pour la reproduction avec des pĂ©riodes un peu diffĂ©rentes. Ces Parulines passent donc d'une niche identique Ă des niches diffĂ©rentes par la diffĂ©renciation de celle-ci[3].
Les mécanismes indépendants des fluctuations
Pour ces mécanismes les fluctuations environnementales ne vont pas modifier les conditions de coexistence des espÚces.
Le cloisonnement des ressources
Le cloisonnement des ressources provoque une réduction de la compétition interspécifique pour les ressources car les espÚces qui utilisaient une niche semblable se mettent à utiliser des ressources différentes et différencient donc leurs niches[4] - [5]. Nous pouvons mettre en évidence une similarité limitante, qui correspond au degré maximum de similarité possible dans l'utilisation des ressources, elle permet la coexistence d'un groupe d'espÚces[6]. Dans ce cas, il est possible d'obtenir un état de coexistence stable quand le nombre d'espÚces est plus grand que le nombre de ressources et quand le principe de Gause n'est pas appliqué.
Ci-dessous sont présentés des modÚles qui ne prennent en compte que les interactions de compétition ne dépendant que de la capacité individuelle des membres à absorber et à convertir les ressources.
ModĂšle Ă©gal
Dans ce modÚle égal, il y a une distribution continue et constante de nourriture, tandis que les déchets et les ressources inutilisées sont évacuées. Un équilibre est obtenu quand la concentration de ressources atteint une valeur constante.
Dans un exemple avec deux ou plusieurs d'espÚces de bactéries pour une ressource unique sans mortalité :
- Exemple d'Ă©quation de la croissance de la population sous le modĂšle Ă©gal
- d/dt(Vri)=Ï(c-r)-ni Ăi(r)
avec :
- Ï = w/V oĂč V est le volume dĂ©finie et w le flux d'entrĂ©e et de sortie ;
- Ăi(r) = fonction de l'augmentation monotone de la concentration des ressources ;
- c = concentration de ressources ajoutés dans l'exemple ;
- rj et ni = concentration de j ressources et i espĂšces Ă temps t.
Dans ce modÚle, on ne peut pas atteindre un équilibre quand le nombre d'espÚces est plus grand que le nombre de ressources, dans ces conditions on obtient un résultat conforme aux mécanismes de compétition[7].
ModĂšle saisonnier
Dans ce modĂšle les ressources sont donnĂ©es de maniĂšre pĂ©riodique, cependant les ressources sont limitĂ©es et finissent par s'Ă©puiser. Une majeure partie de la population meurt jusqu'Ă l'arrivĂ©e des nouvelles ressources, qui permettent de continuer le cycle avec les espĂšces/individus restant. On obtient un Ă©quilibre stable lorsque la compĂ©tition intraspĂ©cifique est plus forte que celle entre espĂšces. Les individus de la mĂȘme espĂšce essayent d'utiliser les mĂȘmes ressources de la mĂȘme maniĂšre et au mĂȘme moment. Ce modĂšle saisonnier possĂšde donc une forme stable quand 2 espĂšces ou plus partagent une seule et mĂȘme ressource.
Il peut donc y avoir un Ă©quilibre stable quand deux espĂšces partagent une seule et mĂȘme ressource, ce qui invalide le principe de Gause, qui spĂ©cifie que le nombre d'espĂšces doit ĂȘtre infĂ©rieur au nombre de ressources disponibles[7].
Cloisonnement des prédateurs
Les prĂ©dateurs peuvent aider au maintien de la diversitĂ© s'ils deviennent des spĂ©cialistes d'une espĂšce de proie, ou s'ils ont un impact diffĂ©rent sur chaque espĂšce qu'ils chassent. Dans ces cas lĂ , la densitĂ© de chaque espĂšce de proie est rĂ©duite, ce qui diminue la compĂ©tition pour les ressources[1]. L'hypothĂšse JanzenâConnell est un type de cloisonnement des prĂ©dateurs, elle explique le maintien de la diversitĂ© des arbres dans les forĂȘts tropicales. Des pathogĂšnes ou des herbivores hĂŽtes-spĂ©cifiques vont rĂ©duire autour d'un arbre le taux de survie des graines et des juvĂ©niles de la mĂȘme espĂšce. Cela empĂȘche l'existence d'une densitĂ© monospĂ©cifique importante. Des Ă©tudes plus rĂ©centes ont montrĂ© que ce mĂ©canisme existe aussi dans les forĂȘts tempĂ©rĂ©es, mais qu'un niveau de prĂ©cipitation plus Ă©levĂ©e est liĂ© Ă un impact plus grand sur la densitĂ© spĂ©cifique selon la distance. De plus, le taux de survie des juvĂ©niles est plus fortement rĂ©duit que celui des graines, qui sont moins affectĂ©es par les pathogĂšnes de type insectes ou bactĂ©ries[8].
Prédation fréquence dépendante
La prédation est capable de maintenir la coexistence parmi un ensemble d'espÚces proies en compétition. Cette interaction a été suggérée comme un facteur majeur déterminant la structure de certaines communautés. En effet, un prédateur peut augmenter la persistance d'une espÚce A en s'attaquant à une espÚce B plus compétitrice que A, diminuant ainsi la compétition interspécifique entre ces deux proies. Sans prédateur, l'espÚce A aurait été envahie par l'espÚce B, mais en présence du prédateur on peut observer une coexistence des 3 espÚces[9].
Finalement, les prĂ©dateurs peuvent favoriser la coexistence en faisant de la sĂ©lection frĂ©quence-dĂ©pendante, c'est-Ă -dire en chassant prĂ©fĂ©rentiellement les proies les plus abondantes[1]. En effet, on observe une augmentation du risque d'ĂȘtre chassĂ© pour une espĂšce proie (inversement proportionnel au temps de recherche du prĂ©dateur) avec l'augmentation de la densitĂ© de cette espĂšce. Si une espĂšce est prĂ©sente en forte densitĂ© dans un environnement donnĂ© alors elle va monopoliser le temps de chasse des prĂ©dateurs et permettre aux autres espĂšces de devenir plus abondante. Lorsque deux espĂšces sont trĂšs visibles, la sĂ©lection frĂ©quence dĂ©pendante va ĂȘtre nulle, c'est-Ă -dire qu'elles seront chassĂ©es avec la mĂȘme intensitĂ© [10].
Ăquation du risque de capture des proies en fonction de la densitĂ©
- Fi=riXiâ(â_(j=1)^n rjXj)
- Fi : Fréquence de chaque proie dans l'alimentation du prédateur
- ri : SusceptibilitĂ© d'ĂȘtre prĂ©datĂ©
- Xi : Densité relative des proies (par rapport aux autres espÚces de proies)
- n : Nombre de proies disponibles
Les mécanismes dépendants des fluctuations / variations
Ces mécanismes sont basés sur les variations temporelles de l'environnement telles que la disponibilité des ressources ou la densité de population.
Effet de stockage
L'effet de stockage correspond Ă l'interaction entre le recrutement et la survie plus ou moins variable des individus adultes au sein dâun environnement changeant. Ce mĂ©canisme peut conduire Ă la coexistence de deux espĂšces en compĂ©tition pour lâespace du moment que les gĂ©nĂ©rations se chevauchent et que les variations dans le recrutement soient suffisamment importantes. Il est capable de maintenir Ă lui seul la coexistence des espĂšces et apporte une contribution positive Ă la persistance des espĂšces dans presque toutes les communautĂ©s (Warner, 1985)[11]. Il mĂšne donc Ă une concentration des effets intraspĂ©cifiques sur la croissance dĂ©mographique grĂące Ă trois caractĂ©ristiques :
- - La croissance tamponnée de la population
On considĂšre que lâutilisation des ressources dans le temps varie selon les espĂšces qui vont limiter leur croissance (rĂ©duction de lâeffort de reproduction) en conditions dĂ©favorables par des traits biologiques en augmentant leur taux de survie dans le but dâaugmenter le succĂšs reproducteur et le taux de croissance lors de conditions favorables[12]. Lâhibernation ou les phases de dormances sont des effets de stockage et peuvent ĂȘtre provoquĂ©s par des pĂ©riodes de pluies ponctuelles dans des dĂ©serts arides par exemple. Cette croissance limitĂ©e de la population signifie que la capacitĂ© de rĂ©agir Ă des conditions favorables l'emporte sur les difficultĂ©s que prĂ©sentent des conditions Ă des moments et Ă des endroits diffĂ©rents. Cela permet de diminuer les effets de la compĂ©tition interspĂ©cifique lorsque les espĂšces ne sont pas dans un environnement favorable. Enfin, elle est associĂ©e Ă des taux de croissance sous-additifs provoquĂ©s par le changement Ă la fois de lâenvironnement et de la compĂ©tition.
- - Les réponses différentielles des espÚces à l'environnement
Ă la suite des variations saisonniĂšres, stochastiques ou mĂ©tĂ©orologiques de lâenvironnement, les rĂ©ponses des espĂšces varient selon les fitness relatives dans lâespace et la dispersion dans les diffĂ©rents habitats, modifiant ainsi la compĂ©tition[1].
- - La covariance entre l'environnement et la compétition
Elle dĂ©pend de la densitĂ© des espĂšces et correspond au calcul de la covariance entre la rĂ©ponse environnementale (effet de lâenvironnement sur le taux de croissance par individu dâune population) et la rĂ©ponse compĂ©titive (effet de la compĂ©tition intraspĂ©cifique et interspĂ©cifique sur ce mĂȘme taux de croissance).
On observe une covariance positive entre lâenvironnement et la compĂ©tition lorsquâune espĂšce est dans un environnement favorable, en forte densitĂ© subissant ainsi une compĂ©tition intraspĂ©cifique importante et permettant une coexistence rĂ©gionale par lâeffet de stockage spatial. Ă lâinverse, la compĂ©tition interspĂ©cifique sera plus forte si les espĂšces concurrentes de lâespĂšce concernĂ©e sont favorisĂ©es par lâenvironnement. De plus, la covariance entre lâenvironnement et la compĂ©tition sera faible dans le cas ou les variations spatiales deviennent spatio-temporelles : câest-Ă -dire que les diffĂ©rents habitats varient constamment au cours du temps ce qui ne permet pas Ă des espĂšces d'augmenter en densitĂ© dans un une zone favorable.
La covariance permet de dĂ©terminer si la coexistence peut ĂȘtre favorisĂ©e par une variation spatiale et environnementale [4].
Selon Hutchinson, la variabilité environnementale peut amener à la coexistence en maintenant l'abondance des espÚces à l'écart des équilibres dans lesquels une espÚce est éteinte. En général, plus la variabilité environnementale est élevée plus la coexistence est probable.
- La covariance fitness-densité
Lorsque la répartition des espÚces est non uniforme dans le paysage, c'est-à -dire qu'elles sont présentes dans des zones différentes, il y a coexistence.
En effet, quand des espÚces sont physiquement séparées d'autres espÚces, il y a peu de compétition interspécifique et seulement une compétition intraspécifique, il y a donc un avantage à devenir rare puisque cela affecte la compétition. De plus, les espÚces rares ont plus de chance de se retrouver dans leur niche écologique lorsque leur densité est faible.
Plus une espÚce sera rare, moins elle subira la pression de la compétition interspécifique et donc plus elle aura de chance d'obtenir un habitat favorable [4].
La compétition non linéaire relative
Ce mĂ©canisme se base sur les diffĂ©rences dâefficacitĂ© dâune espĂšce Ă exploiter une ressource combinĂ©e aux variations temporelles de lâabondance des ressources. En effet, le taux de croissance dâune espĂšce peut ĂȘtre reprĂ©sentĂ© comme une fonction dĂ©pendant de facteurs limitants, dit aussi de compĂ©tition. Si les espĂšces ont une rĂ©ponse non linĂ©aire diffĂ©renciĂ©e Ă la fluctuation de facteurs limitants dans le temps ou lâespace, cela peut crĂ©er une situation de coexistence[1].
Par exemple, si une espĂšce croĂźt lorsque les ressources sont abondantes et lâautre inversement quand les ressources sont rares, câest-Ă -dire quâils possĂšdent des temps dâexploitation des ressources diffĂ©rents, lâune des espĂšces sera limitĂ© par le temps lorsque les ressources seront trop abondantes.
Il y aura coexistence si la variation dans le niveau de ressources gĂ©nĂ©rĂ©e par une espĂšce favorise lâautre. En dâautres termes, lâespĂšce avantagĂ©e par les fluctuations du facteur limitant doit tendre Ă diminuer ces fluctuations, avantageant ainsi lâautre espĂšce[13].
Si lâon prend un seul facteur limitant :
- ri(t) = Ei(t)âÏi(F)
- Ei(t) = taux maximum de croissance par individu, en fonction des fluctuations de lâenvironnement,
- F : facteur limitant
- Ïi(F) = corrĂ©lation entre le taux de croissance et le facteur limitant (dĂ©pendance du taux de croissance au facteur limitant).
La non-linĂ©aritĂ© de la fonction Ïi est mesurĂ©e par une quantitĂ© Ï (Ă©gale Ă 0 pour une rĂ©ponse fonctionnelle de type 1 et positif pour une rĂ©ponse fonctionnelle de type 2).
- ri(t) = Ei(t)âÏi(F)ri â bi(ki âks)âbi(Ïi âÏs)V(Fâi)
- Ïi âÏs = diffĂ©rence de non-linĂ©aritĂ©
- ki âks = diffĂ©rence de fitness en lâabsence de variations.
- V(Fâi) = variance du facteur limitant pour lâespĂšce envahissante (i) et lâespĂšce rĂ©sidente (s).
Ce mĂ©canisme est Ă la fois Ă©galisant et stabilisant, cela peut ĂȘtre visualisable avec cette Ă©quation :
- ri â {b i(k iâk s)âb i(Ïi âÏs)B}+b i|Ï iâÏ s|A.
Le terme entre parenthĂšses sera positif pour une espĂšce et nĂ©gatif pour lâautre, câest donc la partie Ă©galisatrice. |Ï iâÏ s| sera positif, donc stabilisant. Si lâespĂšce au Ï le plus grand possĂšde aussi la variance (V(Fâi)) la plus grande, il y aura un effet dĂ©stabilisant et exclusion compĂ©titive, on remplace alors A par -A.[1]
Exemples de modĂšle illustrant des situations de coexistence
Exemple du modĂšle Lotka-Volterra
Le modÚle Lotka-Volterra a été publié en 1926 et permet d'étudier l'évolution dans le temps de deux populations, celle des proies que l'on notera N et celle des prédateurs P.
- dynamique de la proie : dN / dt = rN â αNP
- dynamique du prĂ©dateur : dP / dt = ÎČNP â bP
avec
- N : Nombre de proie
- P : Nombre de prédateurs
- r : Taux de natalité des proies
- α : Coefficient d'interaction proies / prédateurs
- ÎČ : Taux de mortalitĂ© des prĂ©dateurs = g.α (avec g : taux de conversion du nombre de proies mangĂ©es en nombre de nouveaux prĂ©dateurs produits)
- rN : Croissance malthusienne en absence de prédateur
- α NP : Interaction proie prédateur
- ÎČ NP : Interaction proie prĂ©dateur
- bP : Décroissance exponentielle du prédateur
Ăquations de compĂ©tition de Lokta-Volterra
- dN1/dt = r1N1 (1 - (N1+ α12 . N2) / K1)
- dN2/dt = r2N2 (1 - (N2+ α21 . N1) / K2)
avec K : Capacité de charge
Une fois rĂ©solues, les Ă©quations de Lotka-Volterra nous indiquent les conditions nĂ©cessaires pour quâil y ait coexistence stables des deux espĂšces :
- α11 (= K2 / K1) > α12
- α22 (= K1 / K2) > α21
Pour qu'il y ait coexistence il faut donc bien que la compétition intraspécifique soit plus importante que la compétition interspécifique
Exemple du modĂšle de Lewins (1969)
En 1994, Tilman décrit un modÚle expliquant la coexistence de plusieurs espÚces dans des habitats fragmentés au sein d'une métacommunauté. Il met en évidence un trade-off entre la compétition et la colonisation, c'est-à -dire qu'une espÚce trÚs compétitive ne sera pas une bonne colonisatrice.
ModĂšle de Lewins
dp/dt = patch gagnés - patch perdus dp/dt = cp(1-p) - ep
avec :
- c : taux de colonisation ;
- e : taux d'extinction ;
- p : proportion de patchs occupé.
Prenons l'exemple de deux espÚces 1 et 2. Considérons que l'espÚce 1 soit plus compétitive que l'espÚce 2 (pour tout patch considéré). Il y a donc application du principe de Gause sur un patch donné. Plusieurs autres hypothÚses sont émises, il y a un nombre de patchs infini (vides et occupés), ils sont tous identiques; les mouvements sont possibles de n'importe quel patch à n'importe quel autre patch, les taux de colonisation est fixes dans le temps et des perturbations peuvent mener à une extinction locale à un taux fixe.
Ces équations du modÚle de Lewins, une fois résolues, indiquent que pour que l'espÚce 2 puisse survivre (soit qu'elle coexiste avec l'espÚce 1), il faut que lorsque la proportion de patch occupé par l'espÚce 2 (p2) est proche de 0, dp2/dt > 0 soit que c2 > ((e2-e1+c1)/e1)c1.
Nous pouvons donc dire qu'il faut que l'espÚce 2 disperse bien si on veut avoir coexistence. La dispersion facilite le maintien de la diversité. Grùce à ce modÚle, nous comprenons que le trade-off entre la compétition est la colonisation est nécessaire pour qu'il y ait coexistence d'espÚces. Dans le modÚle qu'explicite Tilman en 1994, il prend également en compte la destruction de l'habitat (D) et met en évidence le fait que la destruction de l'habitat est une des causes majeures de la disparition d'espÚces[13] et peut donc mettre fin à la coexistence.
Exemple du ModĂšle neutre (MacArthur et Wilson, 1967)
Pour dĂ©finir un modĂšle neutre, on utilise des relations simples pour dĂ©crire la rĂ©partition des espĂšces. Toutes les espĂšces sont dites gĂ©nĂ©ralistes et peuvent coexister entre elles. On pose dans un premier temps l'hypothĂšse que tous les individus sont Ă©quivalents, on oublie toutes les interactions (Ex: compĂ©tition). Chaque individu a le mĂȘme taux de mortalitĂ©, le mĂȘme taux de reproduction, les mĂȘmes besoins et la mĂȘme durĂ©e de vie. C'est ce que l'on appelle l'Ă©quivalence fonctionnelle des espĂšces. Partant du principe qu'il n'y a aucune diffĂ©rence entre individus, ni de compĂ©tition entre eux, chaque individu est susceptible de devenir le parent d'un nouvel individu dans une communautĂ©, c'est le hasard qui rĂ©git cela. La dynamique des populations est rĂ©gie par le hasard. On ajoute ensuite au fur et Ă mesure des rĂšgles, que l'on peut considĂ©rer comme des restrictions, jusqu'Ă dĂ©crire au mieux le patron que l'on observe et on obtient donc une modĂ©lisation de leurs dynamiques. En raison du caractĂšre irrĂ©aliste de l'Ă©quivalence des espĂšces et de cette simplification radicale du monde naturel avec son absence de processus, les Ă©cologues n'ont pas toujours bien accueilli cette thĂ©orie. Cependant, grĂące Ă la parcimonie du modĂšle il est possible de dĂ©duire les influences de processus Ă©cologiques et Ă©volutifs complexes. Ces prĂ©dictions se sont avĂ©rĂ©es cohĂ©rentes avec les patrons observĂ©s dans certains Ă©cosystĂšmes, suggĂ©rant que la thĂ©orie pouvait avoir une valeur explicative dans ces situations.
Théorie de Hubbell (2001)
Le modÚle neutre d'Hubbell part du principe que les facteurs aléatoires suffisent à expliquer les rÚgles d'assemblages, soit la spéciation, la migration et l'extinction. Ces rÚgles d'assemblages sont phylogéographiques et ne vont concerner qu'un niveau régional.
Les communautés locales sont donc baignées dans une communauté régionale avec un nombre d'individus N supposé fixe et un taux d'immigration fixe. Cette immigration va introduire de nouvelles espÚces mais le taux de richesse des espÚces restera identique. Cela permet donc d'observer une distribution des ressources en richesse des espÚces. La diversité d'une communauté est essentiellement due à l'équilibre entre extinctions locales et immigration[14].
Notes et références
- Peter Chesson, « Mechanisms of Maintenance of Species Diversity », Annual Review of Ecology and Systematics, vol. 31, no 1,â , p. 343â366 (ISSN 0066-4162, DOI 10.1146/annurev.ecolsys.31.1.343, lire en ligne, consultĂ© le )
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