Littérature gaonique
La littĂ©rature gaonique (hĂ©breu : ŚĄŚ€ŚšŚŚȘ ŚŚŚŚŚ ŚŚ sifrout hagueonim) dĂ©signe lâensemble de la production littĂ©raire des gueonim, directeurs des acadĂ©mies talmudiques de Babylonie, au cours dâune pĂ©riode sâĂ©tendant approximativement de 600 Ă 1040 EC.
Figures centrales pour la majeure partie du monde juif en leur temps et successeurs des docteurs du Talmud babyloniens, les gueonim de Soura et Poumbedita visent Ă imposer le Talmud de Babylone au dĂ©triment du Talmud de JĂ©rusalem par le biais de milliers de responsa oĂč le Talmud de JĂ©rusalem nâa, pendant longtemps, pas droit de citĂ©, de codes ou monographies lĂ©gales et des premiers commentaires du Talmud. Saadia Gaon et ses successeurs Ă©largissent leur champ dâactivitĂ©, intĂ©grant les savoirs dĂ©veloppĂ©s en terre dâIsraĂ«l et abordant, sous lâinfluence du monde arabe, la linguistique, la thĂ©ologie, lâhistoire et lâĂ©thique.
Responsa[1]
Les responsa adressĂ©s par les gueonim Ă des correspondants le plus souvent Ă©trangers constituent la piĂšce la plus caractĂ©ristique de leur littĂ©rature. Ils ne deviennent dâailleurs un phĂ©nomĂšne significatif de la littĂ©rature rabbinique quâĂ cette Ă©poque.
Originellement conçus pour rĂ©pondre Ă des points de loi, les responsa jouent un rĂŽle de premier plan dans la dissĂ©mination du Talmud de Babylone, consolidant la position dominante du pĂŽle babylonien sur le pĂŽle historique de la terre dâIsraĂ«l, dâautant plus quâils sâaccompagnent de dons substantiels aux acadĂ©mies auxquelles ils sont adressĂ©s. Les sujets se diversifient avec le temps pour aborder la liturgie, les coutumes Ă suivre, la mĂ©thodologie talmudique, lâinterprĂ©tation de tel passage ou tel verset biblique, les attaques portĂ©es contre la tradition rabbinique etc.
Nombre de ces responsa transitent par lâĂgypte et sont conservĂ©s dans la Gueniza du Caire, considĂ©rĂ©e pour cette raison comme une fenĂȘtre majeure sur cette Ă©poque.
Commentaires de la Mishna et du Talmud
Les responsa des gueonim fournissent les premiers exemples de commentaires du Talmud. En effet, interrogĂ©s sur un point de loi, les gueonim citent toujours en commentant, mĂȘme briĂšvement, le ou les passages talmudiques sur lesquels se base leur dĂ©cision ou rĂ©futation[2]. Cependant, des ouvrages plus gĂ©nĂ©raux apparaissent Ă partir du IXe siĂšcle afin de faciliter lâĂ©tude de la Mishna et du Talmud. Ils peuvent ĂȘtre rĂ©partis en trois catĂ©gories.
Lexiques
Dans le dernier quart du IXe siĂšcle, Tsemah ben PaltoĂŻ de Poumbedita rĂ©dige un lexique du langage du Talmud de Babylone que les auteurs de la pĂ©riode mĂ©diĂ©vale appelleront Aroukh et dont il ne reste que quelques citations[3]. Un siĂšcle plus tard environ, Saadia Gaon rĂ©dige un ouvrage de mĂȘme type pour la Mishna. Ce commentaire a Ă©tĂ© discutĂ© dans plusieurs journaux sous le titre de Millot haMishna et pourrait avoir influencĂ© le commentaire de HaĂŻ Gaon sur lâordre Taharot, le seul entiĂšrement conservĂ© Ă ce jour[4] - [5].
Commentaires longs
Nombre de commentaires gaoniques sur le Talmud, parmi lesquels celui de PaltoĂŻ bar Abaye, ont disparu et ne sont connus que par les mentions qui en sont faites par les autoritĂ©s mĂ©diĂ©vales. Beaucoup de fragments de ces commentaires ont Ă©tĂ© dĂ©couverts dans la Gueniza du Caire au XXe siĂšcle et ont Ă©tĂ© rassemblĂ©s entre 1928 et 1962 par Benjamin Menashe Lewin qui les a organisĂ©s avec les citations dâauteurs mĂ©diĂ©vaux selon lâordre des traitĂ©s du Talmud dans son Otzar HaGueonim[4] - [5].
Introductions méthodologiques
La premiĂšre introduction au Talmud est rĂ©digĂ©e vers 883 par un auteur inconnu, gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ© comme un gaon de Soura. IntitulĂ©e Seder tannaĂŻm veamoraĂŻm, elle est divisĂ©e en deux parties. La premiĂšre, historique, dĂ©crit la chaĂźne de la transmission de la Torah jusquâaux derniers savoraĂŻm (transmetteurs et Ă©diteurs du Talmud de Babylone) tandis que la seconde est mĂ©thodologique et rĂ©sume les modalitĂ©s de prise de dĂ©cision lĂ©gale.
Lâintroduction au Talmud rĂ©digĂ©e par Saadia Gaon nâa pas Ă©tĂ© conservĂ©e tandis que celle de Samuel ben Hofni a pu lâĂȘtre en partie et a Ă©tĂ© Ă©ditĂ©e en 1990. Câest enfin Ă cette catĂ©gorie que se rattache lâIggeret de Sherira Gaon. Actuellement considĂ©rĂ©e comme lâune des sources principales sur la pĂ©riode post-talmudique, elle avait pour but originel de clarifier la chronologie des dĂ©cisions prises dans le Talmud.
Textes de Loi juive
Takkanot
MalgrĂ© lâattachement des gueonim au Talmud, ils se voient contraints, dans des cas exceptionnels, de proclamer de nouveaux dĂ©crets, les takkanot (« amĂ©liorations »), afin de faire face aux nouvelles circonstances. Ces takkanot portent principalement sur des points de propriĂ©tĂ© fonciĂšre, de droit financier, de tĂ©moignage lors dâun procĂšs et de vĆux[4].
Codes et livres de Loi juive
Dans la pĂ©riode prĂ©cĂ©dant lâavĂšnement du califat abbasside et son Ă©tablissement Ă Bagdad, seuls deux codes semblent avoir Ă©tĂ© rĂ©digĂ©s, les SheĂŻltot dâAhaĂŻ de Sabha et les Halakhot Pessoukot de YehoudaĂŻ Gaon. Le premier rapporte les dĂ©cisions de lâacadĂ©mie de Soura et est organisĂ© dâaprĂšs les lections hebdomadaires. Le second tranche selon lâopinion de Poumbedita et suit lâordre des traitĂ©s du Talmud[4] - [6].
Ces codes connaissent une diffusion importante et plusieurs versions ainsi que plusieurs Ă©mulations. Certains comme le Sefer Vehizhir ou le Hilkhot deRav Abba ne montrent pas grande originalitĂ© par rapport Ă leurs modĂšles mais dâautres, comme les Halakhot Guedolot de Simeon Kayyara, rĂ©digĂ© vers lâan 900, exercent une grande influence. Construit sur le modĂšle des Halakhot Pessoukot mais suivant lâopinion de Soura, il contient, entre autres, la premiĂšre Ă©numĂ©rations des six cent treize prescriptions contenues, selon la tradition rabbinique, dans la Torah[6]. Yerouham Fischel Perla a Ă©galement Ă©ditĂ© un Sefer Hamitzvot de Saadia Gaon[4], bien quâil ne sâagisse Ă lâorigine que dâun poĂšme liturgique composĂ© pour la fĂȘte de Chavouot[7]. Un autre Sefer Hamitzvot est composĂ© environ cinquante ans plus tard par le rabbin Hefetz ben Yatzliah ; abondamment citĂ© par les sources ultĂ©rieures, il ne sâagit pas du Sefer Hefetz mentionnĂ© dans les sources mĂ©diĂ©vales ashkĂ©nazes[8].
Saadia Gaon rĂ©volutionne Ă©galement la littĂ©rature gaonique (et rabbinique) en composant des livres arrangĂ©s selon une systĂ©matisation propre et affranchis de la structure des discussions talmudiques[9]. Il en a rĂ©digĂ© plusieurs, traitant chacun dâun sujet spĂ©cifique mais Ă ce jour, seuls les traitĂ©s, plus ou moins conservĂ©s, sur les lois de succession, dâabattage rituel et de tĂ©moignage ont Ă©tĂ© Ă©ditĂ©s[4] - [10]. Dâautres livres sont rĂ©digĂ©s sur le mĂȘme modĂšle par Samuel ben Hofni et HaĂŻ Gaon sur les bĂ©nĂ©dictions, les dons, les transactions commerciales, etc[4].
Notes et références
- Israël Moshe Ta-Shma, « Responsa », sur Jewish Virtual Library, (consulté le )
- W. Bacher & J.Z. Lauterbach, « She'elot u-teshubot », sur Jewish Encyclopedia, 1901-1906 (consulté le )
- Alexander Kohut, Aroukh Completum, vol. 1, Vienne, , xviii
- Encyclopedia Judaica 2008
- Hershkovitsh 1988
- Eisenberg et Domovitsh 2005
- Encyclopedia Judaica, Saadiah (ben Joseph) Gaon, Keter Publishing, , p. 543-555
- (he) J.D. Eisenstein, Otzar Israël, (lire en ligne), « Hefetz ben Yatzliah »
- Gabrielle Sed-Rajna, Saadia ben Joseph ou Saadyah ibn Yusuf al-Fayyumi, Encyclopédie Universalis (lire en ligne)
- (he) (he) Joseph Derenbourg, Sifrei Rabbenou Saadia Gaon ben Yosseph Hafayoumi, t. 9, , p. 1-53
Annexes
Bibliographie
- (en) Encyclopedia Judaica, Geonic Literature, The Gale Group, (lire en ligne)
- (he) Shmouel Hershkovitsh, Sifrout hagueonim, Merhavim, (lire en ligne)
- (he) Juda Eisenberg et Amiram Domovitsh, Tora MiSinaï, librairie Haskel, (lire en ligne), « Gueonim, sifrout hagueonim »