Les Onze Bourreaux
Les Onze Bourreaux est le nom du premier cabaret politique en Allemagne et l’un des premiers cabarets allemands en général.
Histoire
La création d’un cabaret politique est discutée à Munich à partir des années 1885-96, et surtout après 1897, lorsque Otto Julius Bierbaum fait d’un cabaret artistico-littéraire le thème de son roman Stilpe. Dans l’environnement du journal Simplicissimus et de l’Akademisch-Dramatischen Verein (union académique dramatique), on souhaite particulièrement un nouveau théâtre de ce type : le modèle est ici le cabaret montmartrois du Le Chat Noir. En outre, la section, créée en , de la Fédération Goethe pour la protection de l’art et de la science libres (Goethebundes zum Schutze freier Kunst und Wissenschaft) se prononce contre la nouvelle Loi Heinze, qui est perçue comme une menace pour la liberté artistique.
Les initiateurs du projet, dont fait partie Otto Falckenberg, lancent une souscription pour assurer le financement de la nouvelle scène, vendant des parts de la future entreprise à des mécènes munichois. La première a lieu le . Le théâtre ouvre au 28 Türkenstraße à Munich, dans l’arrière-cour de la brasserie Zum Goldenen Hirschen. Les murs sont décorés de peintures exécutées par des artistes comme Félicien Rops ou Thomas Theodor Heine. À l’entrée de la salle de spectacle qui offre 100 places assises, se trouve une tête de mort affublée d’une perruque, dans laquelle est plantée une hache. C’est Bruno Paul qui dessine en 1903 l’affiche du cabaret.
Trois fois par semaine les bourreaux proposent leur programme qui change mensuellement. Leo Greiner compose une « Ballade des bourreaux » pour laquelle le principal musicien du groupe, Hans Richard Weinhöppel, compose une marche. Le programme commence ou s’achève très souvent par cette marche des bourreaux. Les Onze portent de vastes manteaux rouge sang. Le seul membre féminin du groupe lors de la création, Marya Delvard, une Lorraine, en est en même temps la vedette ; elle lance le genre alors très inhabituel en Allemagne de la chanson réaliste à la française (dans le style d’Yvette Guilbert). Frank Wedekind est en 1901-1902 un des bourreaux, il chante ses propres compositions en s’accompagnant à la guitare. Une sélection des chansons et poésies de l’époque a paru sous le titre Greife wacker nach der Sünde. On joue aussi des petites pièces satiriques en un acte. À cause des allusions politiques satiriques, des conflits ont lieu régulièrement avec les services de la censure. Apollinaire en fait le sujet d’un article dans la Grande France en [1].
Des tournées ont lieu dans toute l’Allemagne et au-delà , avec des succès variés[2]. Du 9 au une représentation du groupe est donnée à l’hôtel Savoy de Vienne[3]. À l’automne 1904, le cabaret, qui a souffert de problèmes financiers récurrents, ferme à cause de dettes considérables.
Représentations
- Le prologue du drame Erdgeist (« Le génie de la terre ») de Frank Wedekind, qui impressionne beaucoup Bertolt Brecht[4], et sous forme raccourcie, la pantomime de Wedekind et Breuel Die Kaiserin von Neufundland (« L’impératrice de Terre-neuve »), en 1902.
- Une avant-première de Unter sich de Hermann Bahr a lieu de .
Les bourreaux (avec leurs noms de scène)
- Otto Falckenberg - Peter Luft
- Marc Henry - Balthasar Starr
- Leo Greiner - Dionysius Tod
- Willy Rath - Willibaldus Rost (reste peu de temps). Il est remplacé par Wedekind
- Frank Wedekind, qui, lui, ne s’est jamais choisi un nom de bourreau
- Max Langheinrich - Max Knax
- Wilhelm HĂĽsgen - Till Blut
- Victor Frisch - Gottfried Still
- Willy Ă–rtel] - Serapion Grab
- Ernst Neumann-Neander - Kaspar Beil
- Hans Richard Weinhöppel - Hannes Ruch
- Robert Kothe - Frigidus Strang
Pour ne pas changer le nombre de onze figurant dans le nom du cabaret, les participants supplémentaires apparaissaient comme assistants du bourreau.
Assistants du bourreau
- Marya Delvard (i.e. Marie Biller)
- Hugo Bettauer
- Leonhardt Bulmans (i.e. Sandro Blumenthal)
- Hanns von Gumppenberg
- Waldemar Hecker
- Heinrich Lautensack
- Reinhard Piper
- Ernst Stern
Références
- (de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Die Elf Scharfrichter » (voir la liste des auteurs).
- Sous le titre Français à Munich, cité dans Brunet 1994.
- Palmier 1976.
- –ik: Die elf Scharfrichter, Österreichische Volks-Zeitung 49 (1903), p. 339, 5. (10 décembre 1903).
- Brecht décrit ainsi sa prestation au cabaret, à l'occasion de la mort de Wedekind : « Dans le frac rouge du directeur de cirque (7), il s’avançait devant le rideau, fouet et revolver au poing, et nul ne pourra plus oublier cette voix sèche, dure, métallique, cet énergique visage de faune aux yeux mélancoliques de chouette dans ses traits figés », cité dans Brunet 1994.
Bibliographie
- (de) Otto J. Bierbaum, Stilpe : Ein Roman aus der Froschperspektive, Karlsruhe, Die Blechschachtel, , 238 p. (ISBN 3-936631-02-6)
- (de) Manfred Brauneck (dir.) et Gérard Schneilin (dir.), Theaterlexikon 1. Begriffe und Epochen, Bühnen und Ensembles, Reinbeck, Rowohlt, coll. « rowohlts enzyklopädie », , 5e éd., 1215 p. (ISBN 978-3-499-55673-9)
- Jean-Michel Palmier, « Cabarets de Berlin (1914-1930).-2/5 – Les Onze Bourreaux. Expressionnisme et révolte politique », Cause commune,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Louis Brunet, « Le Cabaret des Elf Scharfrichter », Que Vlo-Ve? (Bulletin international des études sur Guillaume Apollinaire), 3e série, vol. 6,‎ , p. 85-98 (lire en ligne).