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La CĂ´te sauvage (roman)

La Côte sauvage est l'unique roman de Jean-René Huguenin, publié en 1960 ; l’ouvrage connut un grand succès. L'auteur meurt deux ans plus tard, le , dans un accident de voiture, à l'âge de vingt-six ans.

La CĂ´te sauvage
Auteur Jean-René Huguenin
Pays Drapeau de la France France
Genre Roman
Éditeur Le Seuil
Lieu de parution Paris
Date de parution 1960
ISBN 2020257769

Résumé

De retour de ses deux ans de service militaire, Olivier, personnage principal du roman et âgé d'une vingtaine d'années, retrouve sa maison de Bretagne et sa famille — sa mère, avec laquelle il n'a guère de lien affectif, sa grande sœur Berthe, vieille fille obèse et dépressive qu'il méprise cruellement, et sa petite sœur Anne, son ancienne complice d'enfance, emblème d'une jeunesse heureuse sur le point de s'envoler, à laquelle il voue une adoration possessive.

Olivier apprend qu’Anne s'apprête à épouser Pierre, son meilleur ami ; une fois mariés, ces derniers devront partir pour Beyrouth. Cette annonce de mariage marque le point de départ du roman, et anticipe la mort existentielle du héros. Celui-ci, éprouvant un amour ambigu pour sa sœur, seule personne capable de le rendre heureux, ne peut se résoudre à la laisser partir. Il immiscera le doute entre les deux fiancés par sa seule présence oppressante. « Tu n'as pas besoin de parler — c'est drôle d'ailleurs... Rien qu'en étant là, rien qu'en regardant, en respirant, tu sépares »[1], dira Anne. Mais aussitôt l'objectif atteint, les liens défaits, Olivier s’évertuera à la faire partir le plus vite possible, pour des raisons qui touchent à la nature paradoxale même de son amour et de son être, par orgueil, et parce qu’étant, à présent, entrés dans l’âge adulte, la relation fusionnelle qui l'unit à sa sœur n'est plus réalisable ; qu’Anne soit près de lui ou à Beyrouth, l’absolu est inatteignable.

Ainsi, le roman, au propos fondamentalement tragique, suit le cheminement de ce dernier été, pendant lequel Olivier, Anne, et Pierre, bientôt rejoints par d'autres amis, essayent de vivre avec leurs sentiments destructeurs. La tension de leur relation, au cœur du roman, réside dans des vérités sous-entendues mais jamais dites : Pierre comme Olivier ne pourront jamais posséder totalement Anne, le premier parce qu’elle sera toujours sous l’emprise de son frère, le second, par impossibilité morale. Anne, de son côté et pour les mêmes raisons, ne peut se donner entièrement ni à son futur mari, ni à son frère.

La situation, on le sait,  ne pourra trouver de fin heureuse, et le rĂ©cit gagne en intensitĂ©, Ă  mesure que l'Ă©tĂ© touche Ă  sa fin, Ă  travers la peinture d’âmes dĂ©chirĂ©es ne sachant pas comment vivre, et conduit Ă  un dĂ©nouement qui laisse le lecteur en suspens.

Analyse du roman

Le mouvement du récit

C'est celui du dernier été, de l'écoulement inexorable du temps, de la perte et de la mort qu'il préfigure. Il apparaît comme le dernier moment heureux que les jeunes héros connaîtront, comme le dernier souffle d’une époque révolue où régnait l'impulsivité joyeuse de l'enfance et de l'adolescence. La fin de l'été marque le début de l'âge adulte, de son conformisme et de sa solitude. Olivier redoute ce moment où tous partiront et où les liens seront définitivement rompus. Il se trouve incapable de retenir ces derniers instants de bonheur: « Les jours tombaient, les jours tombaient, insaisissables. (...) De ces journées-là, trop remplies, trop rapides, où il ne profitait pas d'Anne (...), il n'épuisa jamais toute la saveur »[1]. Les anticipations par Olivier du départ d'Anne accentuent l'aspect tragique ; elles rapprochent le départ, ont le goût de la fatalité.

Les relations entre les personnages

  • Olivier et Anne : Les sentiments qu’Olivier Ă©prouve pour sa sĹ“ur ne sont jamais clairement exprimĂ©s, et c’est ainsi qu’on les comprend ; la force du roman repose dans sa puissance suggestive. Pour Olivier, Anne est Ă  la fois l’emblème d’un bonheur pur et simple, celui de l’enfance, et d’un amour impossible. L’âge adulte vient placer entre eux une barrière qui n’avait pas besoin d’être pensĂ©e avant, celle du dĂ©sir. Cette dimension nourrit un malaise tout au long du roman, exprime Ă  travers cette rĂ©alitĂ© très matĂ©rielle de la chair l’impossibilitĂ© tragique d’une relation pure. Olivier contemple la beautĂ© de sa sĹ“ur, semble la dĂ©sirer sans jamais la vouloir ; il a peur de ce qu’il ressent pour elle. Anne apparaĂ®t alors comme la figure d’un absolu qui n’est pas rĂ©alisable, d’une insatisfaction originelle. Leur relation prend un aspect morbide. Ce lien particulier qu'ils entretiennent produit un malaise chez ceux qui les entourent ; ces derniers flairent « le monstrueux », et ce point de vue extĂ©rieur contribue Ă  renforcer la tension prĂ©sente dans les rapports entre le frère et la sĹ“ur.
  • Olivier et Pierre : Entre eux, l'amour et la haine se confondent. Tels des frères ennemis, leur lutte se cristallise autour d'Anne ; chacun cherche Ă  la possĂ©der. Pierre se trouve impuissant face Ă  la relation passionnelle qui unit le frère et la sĹ“ur, et Olivier ne peut admettre que sa sĹ“ur entretienne une quelconque relation charnelle. Olivier a d’autant plus de mal Ă  accepter ce mariage que c’est avec son meilleur ami qu’Anne s’enfuit ; c’est l’homme le plus proche de lui qui pourra avoir ce que lui n’aura jamais.

Des personnages condamnés

  • Olivier : Outre la complexitĂ© de sa relation avec Anne, sa souffrance est celle d’une prise de conscience, et d’une rĂ©vĂ©lation tragique ; alors qu’il semble maĂ®tre de sa personne et de son destin dans la première moitiĂ© du roman, la seconde le montre impuissant, en dĂ©tresse. Il voit partir Anne et son enfance qu'il ne peut retenir ni possĂ©der, assiste au dĂ©part de ses amis ; tous arrivent Ă  vivre, sauf lui. L’emprise qu’il a sur les autres n’est pas un pouvoir, puisque ces derniers aussitĂ´t partis, il ne lui reste plus rien que la conscience aiguĂ« de son mal-ĂŞtre. Il finira par dire Ă  Anne: « J'ai voulu tout compliquer par orgueil, mais les meilleurs moments de ma vie , c'Ă©taient les moments simples (...) J'ai bĂŞtement refusĂ© la vie; j'avais peur de rater autre chose..Mais quoi ? Anne, dis-moi ce que je cherchais, ce que j'aurais dĂ» faire ! »[1].
  • Berthe : Elle aussi a sa place dans le drame ; elle est en exil, rejetĂ©e par le mĂ©pris de son frère, qu'elle aime malgrĂ© ses efforts pour le dĂ©tester, et par le couple insĂ©parable qu'il forme avec Anne. Exclue de cette relation, elle se replie dans un duo qu’elle crĂ©e avec sa mère et qu’elle ne supporte pas : ce n’est pas ce qu’elle veut, mais c’est tout ce qu’elle sait faire. Elle reste attentive aux Ă©vĂ©nements, comme spectatrice avide d’intrigues qu’elle ne connaĂ®tra jamais. Elle contemple la vie des autres avec envie tout en sachant qu’elle aurait Ă©tĂ© incapable de la vivre. Ă€ la fin du roman, alors qu’elle se trouve pour la première fois invitĂ©e Ă  une soirĂ©e avec son frère et sa sĹ“ur, elle essaye de se joindre au groupe et abandonne aussitĂ´t, par peur de vivre.

Références

  1. Jean-René Huguenin, La côte sauvage, Le Seuil,
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