Jovan Vladimir
Jovan Vladimir (Alphabet serbe cyrillique: ĐĐŸĐČĐ°Đœ ĐĐ»Đ°ĐŽĐžĐŒĐžŃ)[note 1], (mort le Ă Prespa, en MacĂ©doine) Ă©tait un souverain serbe de la DioclĂ©e entre les annĂ©es 990 et 1016, durant la guerre prolongĂ©e entre Byzance et le premier empire bulgare. Il tenta de protĂ©ger la DioclĂ©e du tsar expansionniste Samuel de Bulgarie en faisant une alliance avec Byzance ; Samuel conquit la DioclĂ©e en 997 fit prisonnier Jovan Vladimir. D'aprĂšs la tradition serbe, Kosara, fille de Samuel, tomba amoureuse du prisonnier, et supplia son pĂšre pour sa main. Il accepta, rendant la DioclĂ©e Ă son nouveau beau-fils, et lui donnant en outre le territoire de Dyrrachium. Vladimir Ă©tait connu comme un souverain pieux, juste et compatissant. Il rĂ©gna en paix, Ă©vitant la participation au conflit majeur. La guerre culmina avec la dĂ©faite de Samuel par les Byzantins en 1014, peu aprĂšs que le tsar est mort. Jovan Vladimir fut finalement victime d'un complot organisĂ© par Ivan Vladislav, le dernier souverain du premier empire bulgare[1]. Il fut dĂ©capitĂ© devant une Ă©glise Ă Prespa.
Vie et martyre
Une trentaine dâannĂ©es avant le rĂšgne de Jovan Vladimir, la DioclĂ©e faisait partie du premier Ă©tat serbe unifiĂ© dĂ©nommĂ© Serblia (ΣΔÏÎČλÎčα) dans le De Administrando Imperio de Constantin VII. Cet Ă©tat se dĂ©sintĂ©gra aprĂšs la mort de son prince, le prince Äaslav, vers 960, ce qui prĂ©cipita la montĂ©e en puissance dâautres principautĂ©s serbes, notamment celle de DioclĂ©e. Aux environs de 990, Vladimir, encore jeune homme, succĂ©da Ă son pĂšre Petrislav comme prince de DioclĂ©e, qui comprenait approximativement le MontĂ©nĂ©gro actuel, le Nord-est de lâHerzĂ©govine, et Koplik en Albanie. Elle comprenait deux provinces : la Zenta au Sud et Podgorica au Nord. Sa cour se situait dans une localitĂ© aujourdâhui appelĂ©e Kraljic, dans la rĂ©gion de la Krajna de la municipalitĂ© de Bar, au sud du MontĂ©nĂ©gro.
Jovan Vladimir apparaĂźt pendant la longue guerre entre Byzance et le Tsar Samuil (Ă©galement orthographiĂ© « Samuel ») - l'hĂ©ritier du premier Empire bulgare. Comme les prĂ©cĂ©dents dirigeants serbes, il subissait la pression de lâexpansion bulgare tout en Ă©tant courtisĂ© par lâempereur byzantin. Dans sa lutte contre le puissant Samuil, Basile II sollicitait lâappui des autres princes balkaniques, et câest dans cette intention quâil prit contact avec Jovan Vladimir. La mission diplomatique serbe dont lâarrivĂ©e Ă Constantinople en 992 fait lâobjet dâune mention dans une charte du monastĂšre de la Grande Laure de lâAthos rĂ©digĂ©e en 993, Ă©tait certainement diligentĂ©e par Jovan Vladimir. Il avait, lui aussi, intĂ©rĂȘt Ă contrecarrer les plans de Samuil.
Cependant, lâalliance avec Byzance nâaida pas le prince. En 997 Samuil attaqua la DioclĂ©e, et aprĂšs plusieurs semaines de combats, Vladimir ayant compris quâil ne pouvait rĂ©sister Ă lâimmense puissance du Tsar, se retira avec son armĂ©e et le peuple sur la colline du Kosorog (Obliquus). DâaprĂšs la Chronique du prĂȘtre de DioclĂ©e, Jovan Vladimir accomplit un miracle : la colline Ă©tait infestĂ©e de serpents venimeux, mais lorsquâil offrit une priĂšre au Seigneur, leur morsure devint inoffensive. Samuil laissa une partie de son armĂ©e assiĂ©ger la colline et se lança Ă la conquĂȘte dâautres territoires. AprĂšs un temps, Vladimir cĂ©da afin de dĂ©livrer son peuple de la famine et de lâĂ©pĂ©e et fut emprisonnĂ© Ă Prespa.
Alors quâil languissait en prison, priant jour et nuit, un ange du Seigneur lui apparut et lui prĂ©dit quâil serait libĂ©rĂ© sous peu, mais quâil mourrait en martyr. Son destin en captivitĂ© est l'objet d'un des contes les plus romantiques de la littĂ©rature serbe primitive â lâhistoire de Vladimir et ThĂ©odora Kosara (en) (encore orthographiĂ© Cossara), la fille de Samuil[note 2]. Une tradition orale de l'histoire fut transcrite au XIIe siĂšcle dans la Chronique du prĂȘtre de DioclĂ©e, ci-dessous, la description de la rencontre de Vladimir et Kosara :
« Un jour, la fille de Samuel, Cossara, animĂ©e et inspirĂ©e par lâEsprit-Saint ; approcha son pĂšre et lui demanda de descendre avec ses servantes, laver la tĂȘte et les pieds des captifs enchaĂźnĂ©s, ce que son pĂšre lui accorda. Elle descendit alors et effectua son Ćuvre charitable. Voyant Vladimir parmi les prisonniers, et remarquant sa noble apparence, son humilitĂ©, sa douceur et sa modestie, et le fait qu'il Ă©tait plein de sagesse et de la connaissance du Seigneur, elle s'arrĂȘta pour lui parler ; et son discours lui sembla plus doux que le miel et quâun gĂąteau de miel. »
Kosara tomba donc amoureuse du beau captif et supplia son pĂšre dâautoriser leur mariage. Samuil, aprĂšs avoir conquis les territoires, voulut sâattacher les nouveaux sujets de maniĂšre plus douce, et non uniquement par lâutilisation de la force. Il autorisa le mariage, rendit la DioclĂ©e Ă son beau-fils, et lui accorda par ailleurs tout le territoire de Dyrrachium, afin de les administrer comme son vassal. Il permit Ă©galement Ă lâoncle paternel de Vladimir, Dragomir, de descendre de la montagne oĂč il avait battu en retraite avec son peuple, devant lâarmĂ©e de Samuel, et de reprendre le contrĂŽle de son Ă©tat. Par la suite, la Chronique rapporte que « Vladimir vĂ©cut avec sa femme Cossara en toute saintetĂ© et chastetĂ©, adorant et servant Dieu jour et nuit ; il dirigeait le peuple quâon lui avait confiĂ© dans la crainte de Dieu et la justice » . Durant cette pĂ©riode, le slavon dâĂglise et dâautres influences ecclĂ©siastiques du Patriarcat dâOhrid se rĂ©pandirent dans sa principautĂ©. Il a apparemment rĂ©gnĂ© de maniĂšre pacifique, Ă©vitant dâĂȘtre impliquĂ© dans un conflit majeur. La guerre aboutit Ă la dĂ©faite dĂ©sastreuse de Samuil, battu par les Byzantins en 1014. Le tsar mourut peu aprĂšs dâune crise cardiaque.
La Croix de Vladimir
Gavril Radomir succĂ©da au tsar Samuil son pĂšre, mais son rĂšgne fut de courte durĂ©e : son cousin Vladislav lâassassina en lâan 1015 et rĂ©gna Ă sa place. Vladislav dĂ©sirait affermir sa position en exterminant toute la famille de Samuil, raison pour laquelle il prĂ©parait lâassassinat de Vladimir. Le nouveau tsar lui envoya donc des messagers afin de requĂ©rir sa prĂ©sence Ă Prespa, mais, malgrĂ© les nombreuses promesses de Vladislav de ne lui faire aucun mal, Vladimir ne voulait pas quitter son territoire. Vladislav finit par lui envoyer une croix en or avec son engagement Ă ce sujet, Ă laquelle Vladimir rĂ©pondit en ces termes :
« Nous croyons que notre Seigneur JĂ©sus-Christ, qui est mort pour nous, fut crucifiĂ© non pas sur une croix dâor ou dâargent, mais de bois ; par consĂ©quent, si ta foi et tes paroles sont pures, envoie-moi une croix de bois dans les mains de religieux, dans la foi et la vertu de notre Seigneur JĂ©sus-Christ, j'aurai confiance en la croix vivifiante et dans ce bois prĂ©cieux, et alors je viendrai »
Deux Ă©vĂȘques et un ermite vinrent Ă Vladimir, lui donnĂšrent une croix de bois et confirmĂšrent la promesse de Vladislav. Vladimir embrassa la croix, rassembla quelques fidĂšles et partit pour Prespa. Ă peine arrivĂ©, il entra dans une Ă©glise afin de prier. Lorsquâil sortit de lâĂ©glise, il fut frappĂ© par les soldats de Vladislav et dĂ©capitĂ©, le de lâan 1016, conservant durant tout ce temps, la croix en main. Son oncle Dragomir lui succĂ©da, rĂ©gnant ainsi sur la Travonie et la DioclĂ©e. NĂ©anmoins, selon la Chronique, Dragomir fut massacrĂ© dans sa tentative de sâimposer comme le nouveau prince de DioclĂ©e. Vladislav fut tuĂ© moins de deux ans aprĂšs lâassassinat de Vladimir, au moyen de lances plantĂ©es dans le dos, alors quâil assiĂ©geait Dyrrachium, en fĂ©vrier de lâan 1018. Cependant, la Chronique affirme que Vladimir lui apparut en armes, et le terrassa. En tout Ă©tat de cause, lâempire bulgare pris fin cette annĂ©e-lĂ , et fut incorporĂ© Ă lâempire byzantin. Pour la vingtaine dâannĂ©es qui suit, la DioclĂ©e nâest plus mentionnĂ©e, demeurant sans doute vassale de Byzance.
Iconographie
- Jovan Vladimir.
- Jovan Vladimir, fresque du monastĂšre de Lozen (Bulgarie).
Vénération des reliques
Jovan Vladimir fut enterrĂ© Ă Prespa, et peu aprĂšs, reconnu comme un saint et un martyr, il est fĂȘtĂ© le . Deux ou trois ans plus tard, sa dĂ©pouille fut transfĂ©rĂ©e en DioclĂ©e, et en 1215, ses restes furent Ă nouveau dĂ©placĂ©s, Ă Dyrrachium oĂč ils demeurĂšrent jusquâen 1381, date Ă laquelle ils furent transportĂ©s en lâĂ©glise de Saint Jovan Vladimir, prĂšs dâElbasan, en Albanie. Depuis 1995 ils sont conservĂ©s Ă la cathĂ©drale orthodoxe de Tirana, en Albanie. Les restes du saint sont des reliques qui attirent beaucoup de fidĂšles, particuliĂšrement lors de sa fĂȘte ( pour le calendrier julien, pour le calendrier grĂ©gorien). La croix quâil portait lorsquâil fut dĂ©capitĂ© constitue une autre relique liĂ©e au saint. Elle est, depuis des siĂšcles, confiĂ©e aux soins de la famille AndroviÄ du village de Velji MikuliÄi, dans le sud du MontĂ©nĂ©gro. Elle nâest dĂ©voilĂ©e aux croyants quâune fois lâan, Ă lâoccasion de la PentecĂŽte. Jovan Vladimir est considĂ©rĂ© comme le premier saint serbe et le saint patron de la ville de Bar, au MontĂ©nĂ©gro. Sur les icĂŽnes, il est classiquement reprĂ©sentĂ© comme un monarque portant couronne et habits rĂ©galiens, avec une croix dans la main droite, et sa propre tĂȘte dans la main gauche.
Notes et références
Notes
- Jovan Vladimir se prononce [Ëjovan ËvladimiËr]. Le nom en grec : ÎÏÎŹÎœÎœÎ·Ï ÎÎ»Î±ÎŽÎŻÎŒÎ·ÏÎżÏ (IĆannÄ«s VladimÄ«ros), en bulgare : ĐĐŸĐ°Đœ ĐĐ»Đ°ĐŽĐžĐŒĐžŃ (Yoan Vladimir) ou ĐĐČĐ°Đœ ĐĐ»Đ°ĐŽĐžĐŒĐžŃ (Ivan Vladimir), en albanais : Gjon Vlladimiri ou Jon Vlladimiri.
- D'aprĂšs Jean SkylitzĂšs, elle est la fille de Samuil. D'aprĂšs des annotations de SkylitzĂšs par Michel de DioclĂ©ee, Kosara est la fille d'un certain ThĂ©odorĂ©tos, qui pourrait ĂȘtre le fils du magnat Jean ChrysĂ©lios de Dyrrachium et le beau-frĂšre de Samuil. Une erreur de transcription de ce nom est Ă l'origine du nom ThĂ©odora Kosara donnĂ© Ă Kosara (Ralph-Johannes Lilie, Claudia Ludwig, Beate Zielke et Thomas Pratsch, Prosopographie der mittelbyzantinischen Zeit, (prĂ©sentation en ligne)).
Références
- Jean SkylitzÚs, Synopsis HistoriÎn « Basile et Constantin » chapitre:38 p.295 & 41 p.299