Jour du dépassement
Le jour du dépassement, ou jour du dépassement de la Terre (en anglais : Earth Overshoot Day ou EOD), correspond à la date de l’année, calculée par l'ONG américaine Global Footprint Network, à partir de laquelle l’humanité est supposée avoir consommé l’ensemble des ressources renouvelables que la planète est capable de produire en un an pour régénérer ces consommations ou absorber les déchets produits, dont le CO2. Passé cette date, l’humanité puiserait donc de manière irréversible dans les réserves « non renouvelables » (à échelle de temps humaine) de la Terre et accumulerait les déchets.
En 2022, l'ONG a estimé cette date au .
Le calcul du jour de dépassement est considéré comme un outil de communication simple à comprendre, mais fait l'objet de diverses critiques. Sa capacité à représenter la consommation des ressources de la planète est mise en cause, et il n'est pas considéré comme un outil suffisant à lui seul pour évaluer les politiques et les pratiques socio-environnementales.
Calcul
Le calcul est dérivé de celui de l’empreinte écologique globale, concept développé par Mathis Wackernagel[1], président de Global Footprint Network.
Global Footprint Network présente le jour du dépassement comme le résultat de la formule :
oĂą :
- est le jour de dépassement (compté à partir du 1er janvier) ;
- est la biocapacité ou capacité de production biologique de la planète en hectare global (hag) ;
- est l’empreinte écologique de l'humanité hectare global (hag)
Il s’agit donc du rapport de la biocapacité sur l’empreinte écologique globale, ramené à une date de l’année[2], une date étant perçue comme plus marquante qu’un pourcentage.
De manière similaire peut être calculé le nombre de planètes Terre qui serait nécessaire pour subvenir à la consommation en ressources renouvelables de l'humanité en une année. En 2019 ce nombre est de 1,7 et l'extrapolation des données montre que le seuil de 2 planètes Terre sera dépassé bien avant la fin de la première moitié du XXIe siècle.
En 2019, dans un article paru dans la revue Le Débat[3], Maxime De Blasi a caractérisé l'état de surpopulation mondiale se basant sur la date du jour du dépassement : à partir des projections de population et de PIB mondial à horizon 2050, il a évalué qu'il faudrait une réduction, soit de la population, soit du niveau de vie, dans un facteur 4 à 5 pour permettre à la planète de se régénérer annuellement. Il a ainsi évalué la population mondiale soutenable à entre 2 et 3 milliards d'habitants (hypothèse d'un doublement du PIB mondial d'ici à 2050, ce qui correspond à la poursuite de la croissance de 3 %/an observée avant la pandémie).
Historique
Dates annoncées dans les médias
Chaque année, Global Footprint Network annonce la date du jour du dépassement selon la méthodologie et les données disponibles pour son étude. Cette méthodologie change régulièrement afin de prendre en compte de nouveaux éléments, rendant inadéquate la comparaison entre les années sur la seule base des archives médias.
Année | Date du dépassement |
---|---|
1986 | |
1990 | |
1993 | |
1995 | |
2000 | |
2003 | |
2005 | |
2006 | |
2007 | |
2008 | |
2009 | |
2010 | |
2011 | |
2012 | |
2013 | |
2014 | [4] ou [5] |
2015 | [6] - [7] |
2016 | [8] |
2017 | [9] - [2] |
2018 | |
2019 | [10] - [11] |
2020 | [12] |
2021 | [13] |
2022 |
En 2020, le jour du dépassement est atteint trois semaines plus tard qu'en 2019 ; ce retard est dû aux mesures de confinement adoptées pour contenir et faire reculer la pandémie de Covid-19 dans le monde[14]. En 2021, malgré un monde toujours perturbé par la pandémie de Covid-19, le jour du dépassement retrouve la date de 2019.
Selon la méthode de 2017
Chaque année, la méthodologie est affinée et les données sont mises à jour. Cela conduit Global Footprint Network à faire une actualisation annuelle des dates pour les années précédentes[15], ce qui lui permet d'établir une comparaison entre les années.
Année | Date du dépassement |
---|---|
1970 | |
1971 | |
1972 | |
1973 | |
1974 | |
1975 | |
1976 | |
1977 | |
1978 | |
1979 | |
1980 | |
1981 | |
1982 | |
1983 | |
1984 | |
1985 | |
1986 | |
1987 | |
1988 | |
1989 | |
1990 | |
1991 | |
1992 | |
1993 | |
1994 | |
1995 | |
1996 | |
1997 | |
1998 | |
1999 | |
2000 | |
2001 | |
2002 | |
2003 | |
2004 | |
2005 | |
2006 | |
2007 | |
2008 | |
2009 | |
2010 | |
2011 | |
2012 | |
2013 | |
2014 | |
2015 | |
2016 | |
2017 | |
2018 | |
2019 | |
2020 | |
2021 | |
2022 |
Source : overshootday.org
Pour la France
Le jour du dépassement calculé par pays est le jour où le dépassement mondial se produirait si toute la population mondiale consommait comme la population du pays en question. Selon l'ONG Global Footprint Network, il s’agissait en 2017 du pour la France (données de 2013)[16].
La branche française de l'ONG WWF annonce le que le jour du dépassement français calculé par Global Footprint Network tombe en 2018 le . Autrement dit, il faudrait 2,9 Terre si toute l'humanité vivait comme les Français[17].
Pour la Suisse
Le jour du dépassement est calculé pour le 11 mai 2021[18].
Pour le Canada
L'ONG Global Footprint Network a calculé qu'en 2022, le jour du dépassement était le 13 mars au Canada[19].
Critiques
Le concept de jour de dépassement a suscité diverses contestations : Fred Pearce, sur le New Scientist, estime que l'analyse de l'empreinte écologique sous-estime notre surutilisation des ressources de la planète[20]. Leo Hickman, du Guardian, reconnait que « c’est une manière assez intelligente et succincte d’exprimer les problèmes combinés auxquels nous sommes confrontés », mais lui trouve plusieurs inconvénients, en particulier parce qu'il semble comparer des choux avec des carottes[21]. Pour l'auteur Michael Shellenberger du Breakthrough Institute et ses collègues, la notion n'a aucun fondement scientifique[22] et serait un outil politique utilisé par les tenants de décroissance permettant de s'exonérer de recherches de solutions pour accroitre la productivité des terres tout en culpabilisant les citoyens[23] . Cette critique est elle-même contestée, car s'appuyant sur une vision globalisée au niveau mondial, alors que plusieurs pays ont testé la mesure avec succès, et sur plusieurs erreurs méthodologiques[24].
Globalement l'outil est jugé être un très bon outil de communication, robuste et reproductible[25]. Mais il reçoit aussi des fortes critiques[26]. Son calcul additionne divers éléments qui seraient sans rapport avec une surface ou une consommation de ressources et il utiliserait des facteurs multiplicatifs arbitraires[26] - [21] - [20].
Il lui est reproché de mêler les émissions de CO2, la production de viande sans distinction d'efficience, les surfaces agricoles sans distinction de rendement, de consommation en ressource ou autre, la production d'électricité, etc ; de sur-évaluer l’énergie nucléaire dans le calcul de l'empreinte écologique ; de ne pas correspondre au concept qu'il prétend présenter ; de mal calculer les ressources consommées par l'homme et les ressources que la planète est capable de régénérer ; de manquer de transparence sur ses méthodes et sur les données choisies[26] - [27] - [28].
Il y a un accord, y compris de la part de ses concepteurs, pour considérer que l'outil est incomplet, et qu'il ne peut à lui seul refléter tous les enjeux économiques, sociaux et environnementaux[25]. Un des cas mis en avant pour expliquer cette incomplétude est celui des matériaux non renouvelables et des polluants non absorbables tels que le pétrole ou les métaux lourds[29].
L'un des principaux désaccord porte sur la place de l'empreinte CO2 dans le résultat global, pouvant représenter plus de la moitié de « l'addition » et pour plusieurs utilisateurs ou observateurs, un indice réduit à cette empreinte CO2 pourrait être suffisant[25] - [22].
Notes et références
- (en) Mathis Wackernagel, Ecological Footprint and Appropriated Carrying Capacity: A Tool for Planning Toward Sustainability, Vancouver, Canada, School of Community and Regional Planning. The University of British Columbia, (lire en ligne)
- « Le « jour du dépassement de la Terre » en infographies », sur Le Monde.fr (consulté le ).
- Maxime De Blasi, « Environnement, population, niveau de vie », Le Débat, vol. n°206, no 4,‎ , p. 103 (ISSN 0246-2346 et 2111-4587, DOI 10.3917/deba.206.0103, lire en ligne, consulté le )
- Hugo Jalinière, « "Jour du dépassement" : l'humanité vit à crédit depuis lundi 18 août », sur Sciences et Avenir, .
- Christophe Carmarans, « Jour du dépassement: l'humanité vit de plus en plus à crédit », sur le site de RFI, .
- Jean-Luc Goudet, « Après ce 13 août 2015, « Jour du dépassement », la Terre vit à crédit », sur futura-sciences.com, (consulté le ).
- (en) « Earth Overshoot Day », sur le site de Global Footprint Network.
- Marianne Boyer et Eugénie Dums, « Le « jour du dépassement de la Terre » en infographies », sur lemonde.fr, (consulté le ).
- « L'humanité vivra à crédit à partir de mercredi », sur rtbf.be, (consulté le ).
- Le Jour du DĂ©passement Mondial 2019 sera le 29 juillet, overshootday.org, 26 juin 2019.
- Anne-Aël Durand, « Depuis le 29 juillet, l'humanité vit à crédit sur la Terre : à quoi correspond cette date ? », sur Le Monde,
- « Earth Overshoot Day is August 22, more than three weeks later than last year », sur www.footprintnetwork.org (consulté le )
- (en) « How the Date of Earth Overshoot Day 2021 Was Calculated », sur overshootday.org (consulté le )
- Environnement : la planète a réduit sa consommation de ressources naturelles, Les Échos, 22 août 2020.
- (en) « Media Backgrounder - Past Earth Overshoot Days », sur overshootday.org.
- « Country Overshoot Days »
- Le Jour du dépassement, WWF France, 4 mai 2018.
- « Le Jour du Dépassement de la Terre est atteint en Suisse en ce 11 mai - Radio », sur Play RTS (consulté le )
- (en) « Country Overshoot Days 2022 », sur Earth Overshoot Day,
- (en) Fred Pearce, « Admit it: we can’t measure our ecological footprint », sur New Scientist, (consulté le )
- (en) Leo Hickman, « Earth Overshoot Day: a day to forget or a day to remember? », sur The Guardian, (consulté le ).
- (en) Mathis Wackernagel, Alessandro Galli, Laurel Hanscom, David Lin et Michael Shellenberger, « Ecological Footprint accounts », dans Routledge Handbook of Sustainability Indicators, Routledge, (ISBN 978-1-315-56110-3, DOI 10.4324/9781315561103-16, lire en ligne), p. 244–263
- Le Point magazine, « Michael Shellenberger : « le jour du dépassement n'a aucune valeur scientifique » », sur Le Point, (consulté le )
- (en) William E. Rees et Mathis Wackernagel, « The Shoe Fits, but the Footprint is Larger than Earth », PLoS Biology, vol. 11, no 11,‎ , e1001701 (ISSN 1545-7885, PMID 24223518, PMCID PMC3818166, DOI 10.1371/journal.pbio.1001701, lire en ligne, consulté le )
- Michel David, Cécile Dormoy, Emmanuel Haye et Bruno Tregouet, Une expertise de l'empreinte écologique, COMMISSARIAT GENERAL AU DEVELOPPEMENT DURABLE - SERVICE DE L'OBSERVATION ET DES STATISTIQUES. Orléans, coll. « Etudes et documents », (lire en ligne), p. 10
- (en) Nathan Fiala, « Measuring sustainability: Why the ecological footprint is bad economics and bad environmental science », Ecological Economics, vol. 67, no 4,‎ , p. 519–525 (DOI 10.1016/j.ecolecon.2008.07.023, lire en ligne, consulté le )
- (en) « calculation methodology for the national footprintaccounts, 2010editIon »
- (en) « Eurostat - Ecological Footprint and Biocapacity »
- (en) Florian Schaefer, Ute Luksch, Nancy Steinbach, Julio Cabeça et Jörg Hanauer, Ecological Footprint and Biocapacity : The world’s ability to regenerate resources and absorb waste in a limited time period, Office for Official Publications of the European Communities, , 11 p. (ISBN 92-79-02943-6, lire en ligne)
Voir aussi
Bibliographie
- Catton, William R. Jr. (1980). Overshoot: The Ecological Basis of Revolutionary Change. Urbana: University of Illinois Press (ISBN 0-252-00818-9)
- Wackernagel, Mathis; Niels B. Schulz, Diana Deumling, Alejandro C. Linares, Martin Jenkins, Valerie Kapos, Chad Monfreda, Jonathan Loh, Norman Myers, Richard Norgaard, and Jorgen Randers (2002). "Tracking the ecological overshoot of the human economy". Proceedings of the National Academy of Sciences 99 (14): 9266–9271. DOI 10.1073/pnas.142033699. PMC 123129.
- Wackernagel, M., A. Galli, L. Hanscom, D. Lin, L. Mailhes, T. Drummond (2018), chapitre 16 : "Ecological Footprint Accounts: Principles" p. 244-264, in Simon Bell and Stephen Morse (Editors) 2018. Routledge Handbook of Sustainability Indictors, Routledge International Handbooks. DOI 10.4324/9781315561103-16
- (en) Linus Blomqvist, Barry W. Brook, Erle C. Ellis, Peter M. Kareiva, Ted Nordhaus et Michael Shellenberger, « Does the Shoe Fit? Real versus Imagined Ecological Footprints », PLOS Biology, vol. 11, no e1001700,‎ (DOI journal.pbio.1001700, lire en ligne, consulté le )