Jaga
Jaga est un terme utilisé par les Portugais pour désigner des peuples, probablement des Yaka, des Suku, des Teke, des Luba, des Kuba et des Hungana, guerriers africains de l'est et du sud du royaume du Kongo, pratiquant des razzias. Les Portugais appellent Jaga les différents groupes avec lesquels ils entrent en conflit, désignant ainsi indistinctement des peuples largement distincts, les regroupant indûment au sens ethnologique.
La question des Jaga
L'historiographie du royaume du Kongo est basée notamment sur le récit de Duarte Lopez, rapporté par Filippo Pigafetta, Relatione del Reame di Congo et delle circonvicine contrade[1] - [2]. Il y est relaté que le roi Alvare Ier du Kongo a été, en 1568, chassé de sa capitale, Mbanza-Kongo, par une invasion de « féroces nomades cannibales »[note 1], les Jaga[2]. L'historiographie du XVIIe siècle reprend ce thème, attribuant ainsi l'invasion de l'Angola à des barbares envahisseurs identifiés aux Jaga[4] et, d'une manière générale, leur attribue les troubles en Afrique portugaise atlantique, et on cherche un mythique pays d'origine à ce peuple allégué[5].
En 1973, l'historien américain Joseph C. Miller, propose un passage en revue des éléments connus sur le sujet et avance que le groupe qui chasse le roi en 1568 n'est probablement pas un groupe « d'étrangers » mais des sujets du roi, quoique aidés peut-être par des Teke et que ces « cannibales » ont été inventés par les missionnaires, les esclavagistes et le gouvernement portugais pour justifier leurs propres actions en cet endroit de l'Afrique[6].
Selon lui, les « envahisseurs » Jaga de l'Angola sont en fait des Imbalagas [7] - [8]. Concernant les premiers groupes auxquels se heurtent les Portugais au XVIe siècle, ils sont dorénavant identifiés comme étant les Yaka du Kwango[2] - [9] - [10].
En 1978, un autre historien américain, John K. Thorton, apporte des nuances à l'analyse de Miller, notamment la participation des Teke à l'éviction du roi en 1568[11] ; Miller rédige un « droit de réponse »[12]. Mais, après ce débat, l'idée que les Jaga forment un groupe ethnique est définitivement enterrée néanmoins[13].
Jaga désigne en pratique des groupes ayant des modes vie similaires et non pas un groupe ethnique[14] - [15] et connote la notion « d'étranger » et de « brigand »[16] - [note 2].
Les Imbalagas vivaient dans des campements fortifiés, regroupant exclusivement des hommes adultes[18], qui recrutaient à l'extérieur de leur groupe des garçons adolescents, après leur avoir fait passer des rites d'intégration à base de cannibalismes[18]. Les Imbalagas ne trouvaient des femmes que par des raids effectués en dehors de leurs groupess[18], où leurs présence n'était pas autorisées[18]. Ils participent aux raids militaires des Portugais contre les populations africaines de l'intérieur de l'Angolas[18], qui leur procure des femmes et adolescents et aux Portugais des esclavess[18]. Les combattants Imbalagas étaient accompagnés dans ces raids de soldats portugais apportant cavalerie, artillerie et mousquetss[18]. Il leur est arrivé d'être battus par des combattants adverses plus nombreuxs[18] ou parvenant à lancer des attaques les jours de pluie ou forte humidité qui empêchaient d'utiliser les mousquets et canons à mèche du milieu du XVIIe siècle[18].
Notes et références
Notes
Références
- Lopez et Pigafetta 2002.
- Bontinck 1980, p. 387.
- Thornton 1978, p. 223.
- Miller 1973, p. 124-125.
- Miller 1973, p. 129.
- Miller 1973, p. 123.
- Miller 1973, p. 131.
- Oliver Roland et Anthony Atmore, Medieval Africa, 1250–1800, Cambridge University Press, 2001, p. 175
- Miller 1978, p. 229.
- Oliver et Atmore 2001, p. 172.
- Thorton 1978.
- Miller 1978.
- Bontinck 1980, p. 389.
- Thornton 1978, p. 226.
- Oliver et Atmore 2001, p. 174.
- Hilton 1981, p. 197.
- James 2018, p. 183.
- "Protest and Resistance in Angola and Brazil: Comparative Studies" par Ronald H. Chilcote, Univ of California Press, janvier 2021 le dans Le Monde
Bibliographie
- (en) Toby Green, A fistful of shells : West Africa from the rise of the slave trade to the age of revolution, Chicago, University of Chicago Press, (ISBN 9780226644578, OCLC 1051687994)
- (en) W. Martin James, Historical Dictionary of Angola, Rowman & Littlefield, .
- Duarte Lopez et Filippo Pigafetta (trad. Willy Bal, présentation et notes Willy Bal), Le royaume de Congo [Kongo] & les contrées environnantes (1591), Paris, Chandeigne / UNESCO, coll. « Magellane », (ISBN 978-2-906462-82-3).
- (en) Roland Oliver et Anthony Atmore, Medieval Africa, 1250–1800, Cambridge University Press, .
- (en) Anne Hilton, « The Jaga Reconsidered », The Journal of African History, vol. 22, no 2, , p. 191-202 (JSTOR 181582).
- François Bontinck, « Un mausolée pour les Jaga », Cahiers d'études africaines, vol. 20, no 79, , p. 387-389 (DOI 10.3406/cea.1980.2344, lire en ligne).
- (en) Joseph C. Miller, « Thanatopsis », Cahiers d'études africaines, vol. 18, nos 69-70, , p. 229-231 (DOI 10.3406/cea.1978.2408, lire en ligne).
- (en) John K. Thornton, « A Resurrection for the Jaga », Cahiers d'études africaines, vol. 18, nos 69-70, , p. 223-227 (DOI 10.3406/cea.1978.2407).
- (en) Joseph C. Miller, « Requiem for the "Jaga" », Cahiers d'études africaines, vol. 13, no 49, , p. 121-149 (DOI 10.3406/cea.1973.2728).
- W.-G.-L. Randles, « De la traite à la colonisation : les Portugais en Angola », Annales. Économies, sociétés, civilisations, vol. 24, no 2, , p. 289-304 (DOI 10.3406/ahess.1969.422054, lire en ligne).
- (en) Jan Vansina, « More on the Invasions of Kongo and Angola by the Jaga and the Lunda. », The Journal of African History, vol. 7, no 3, , p. 421-429 (JSTOR 180111).
- Alfred Fierro, « Jaga », dans Encyclopædia Universalis en ligne (lire en ligne).