István Jacsó
Dr. István Jacsó (né le à Debrecen en Hongrie, mort le à Budapest[1]) était un juriste, entraîneur et dirigeant sportif hongrois, honoré en Hongrie pour avoir été le seul membre du Comité olympique hongrois à s'être opposé en 1984 au boycott des Jeux Olympiques de Los Angeles.
Naissance |
Debrecen (Hongrie) |
---|---|
Décès |
Budapest (Hongrie) |
Nationalité | Hongrois |
Profession | |
Activité principale |
Membre du Comité olympique hongrois Membre de la direction de la Fédération hongroise de handball et président de la Commission de discipline |
Carrière juridique et sportive
István Jacsó met déjà en danger sa vie professionnelle en 1944, au moment de l'occupation allemande de la Hongrie, lorsqu'il assiste les victimes des persécutions[2], aidant à sauver des Juifs. Il travaille aussi comme avocat de la défense en 1956, dans le contexte des procès faisant suite à l'écrasement de la révolution hongroise[1].
En 1977, il est décoré par l'Ordre hongrois des avocats (Magyar Ügyvédi Kamara) de la médaille « Pour excellence du travail d'avocat » (Kiváló Ügyvédi Munkáért)[3].
Il a également une carrière d'entraîneur sportif[2], et est pendant plusieurs décennies président de la Commission de discipline de la Fédération hongroise de handball[1]. Il est non seulement membre de la direction de la fédération de handball[4], mais aussi membre du Comité olympique hongrois, où il représente le handball[5].
Opposition au boycott des Jeux Olympiques de Los Angeles
En 1984, le secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique, Konstantin Tchernenko, décide le boycott des Jeux Olympiques de Los Angeles[1], signant l'échec de la diplomatie sportive de Juan Antonio Samaranch, président du Comité international olympique, qui disposait pourtant de bonnes relations à Moscou où il avait été ambassadeur quelques années auparavant[6]. C'est ainsi qu'en avril, István Buda (hu), président de l'Office national de l'éducation physique et du sport (Országos Testnevelési és Sport Hivatal, OTSH) et du Comité olympique hongrois, est convoqué deux fois au Kremlin, où il a beau exprimer le souhait des Hongrois de participer, on veut le persuader que la sécurité des sportifs est en danger[4]. Le , le Comité olympique hongrois « condamne toute tentative dirigée contre les sportifs de l'URSS et d'autres pays socialistes », et le , le Parti communiste de l'Union soviétique fait savoir aux dirigeants socialistes que les sportifs soviétiques ne participeront pas aux Jeux Olympiques en raison de risques pour leur sécurité, du fait de « la campagne d'incitation à la haine contre l'URSS et les pays socialistes pour laquelle certains milieux extrémistes utilisent même les sites des compétitions »[7]. En réalité, il s'agit de répliquer au boycott américain des Jeux Olympiques de Moscou de 1980 qui faisait suite à l'invasion soviétique de l'Afghanistan[4].
Le , le bureau politique du Parti socialiste ouvrier hongrois exprime une recommandation au Comité olympique hongrois de déclarer la non-participation aux Jeux Olympiques « compte tenu des circonstances », et demande à ce Comité et à l'OTSH, tous deux présidés par István Buda, de « s'assurer de l'exécution des tâches découlant de leur prise de position »[7]. László Békesi (en), membre du Comité olympique hongrois et futur ministre de l'Économie à deux reprises, avant et après la chute du communisme, parvient à joindre le premier secrétaire du Parti, János Kádár, qui lui résume en privé ses raisons de ne pas s'opposer à la décision soviétique de boycott : la Hongrie n'avait pas rempli une seule année ses obligations matérielles au sein du Pacte de Varsovie, elle recevait d'URSS l'énergie à moitié prix, elle était entrée au FMI et à la BIRD (future Banque mondiale) sans l'accord de l'URSS, et enfin elle menait des tentatives d'économie de marché dont l'URSS prenait acte sans rien dire[4]. Le , le Comité olympique hongrois vote donc sur la question du boycott « sur proposition du président de l'OTSH »[1] ; la Hongrie est parmi les derniers pays concernés à en décider, alors que les logements avaient déjà été réservés et que les sportifs avaient déjà prévu leur voyage en détail[6].
István Jacsó est alors le seul à oser voter contre le boycott[1]. Trois autres membres du Comité s'abstiennent, dont László Békesi, alors président de la Fédération hongroise d'athlétisme, et Pál Bogár, ancien capitaine de l'équipe de Hongrie de basket-ball qui avait gagné le Championnat d'Europe en 1955[8].
Conséquences
István Jacsó met ainsi en danger sa carrière d'entraîneur sportif et même toute possibilité d'activité professionnelle[2], mais il s'en sort sans faire l'objet de mesures de rétorsion[9]. En effet, la direction du Parti est même contente qu'il ait opposé une résistance : il y a ainsi la preuve qu'une chose pareille est possible, que c'est la démocratie[4]. En 1985, il ne participe plus aux organes décisionnels[5], mais il continue son travail de juriste jusqu'à sa mort le [1].
La presse hongroise de l'époque ne mentionne que la décision de non-participation « compte tenu des circonstances », et se conforme à la recommandation du du bureau politique du Parti qu'il y ait « un nombre réduit d'envoyés de presse et que les médias rendent compte des événements avec modération » : ainsi seuls Népszabadság et Magyar Nemzet ont des reporters à Los Angeles[7], et les deux nouvelles les plus fréquentes sont la critique de l'organisation des Jeux et celle de la sécurité aux États-Unis[10].
István Jacsó repose au Nouveau cimetière municipal de Budapest-Rákoskeresztúr, parcelle 32/1-5-25[11], où en 2009, à l'occasion du 25e anniversaire de l'ouverture des Jeux Olympiques de Los Angeles, plusieurs associations olympiques hongroises lui ont rendu hommage, ainsi que le président de la Fédération hongroise de handball[8].
Notes et références
- (hu) « Jacsó István - A bátor sportvezető », sur Zalai Sportmúzeumért Alapítvány, [« István Jacsó, le dirigeant sportif courageux »]
- (hu) András Bőhm, « Visszhang I. : Tisztelt Főszerkesztő Úr! », Élet és Irodalom, Budapest, vol. XLVIII, no 20, (ISSN 0424-8848, lire en ligne) [« Écho (courrier des lecteurs) n°1 : À M le rédacteur en chef »] — par András Bőhm, député SZDSZ de Budapest, citant (hu) Zoltán Kovács, « A tagság ugrani készül », Élet és Irodalom, vol. XLVIII, no 19, [« Les membres (du bloc socialiste sportif?) sont prêts à bondir »]
- (hu) « Digni honore — A Magyar Ügyvédi Kamara által adományozott Kiváló Ügyvédi Munkáért ezustéremmel kitüntetettek », sur Budapesti Ügyvédi Kamara [« Récipiendaires de la Médaille d'argent d'excellence du travail d'avocat décernée par l'Ordre hongrois des avocats »]
- (hu) Miklós Újvári, « Birodalmi visszavágó », Magyar Hírlap, (lire en ligne) [« La réplique de l'impérialisme »]
- (hu) « Mindenszentek, Halottak Napja és főhajtás », sur Újpesti Városvédő Egyesület, [« Toussaint, Jour des Morts et hommage »]
- (hu) « Húsz éve kezdődött a csonka olimpia Los Angelesben », sur Múlt-kor történelmi portál, [« C'est il y a vingt ans que commençaient les Jeux olympiques tronqués à Los Angeles », portail Internet d'histoire Múlt-kor]
- (hu) Gábor Thury, « A szocialista országok zöme nem küldött képviselőt Los Angelesbe », Nemzeti Sport, Budapest, (ISSN 0866-2517, lire en ligne) [« La plupart des pays socialistes n'avaient pas envoyé de représentant à Los Angeles »]
- (hu) László Pincési, « 25 éve nyitották meg a magyarok nélküli olimpiát », sur Origo, [« C'est il y a 25 ans qu'ont été ouverts les Jeux olympiques sans les Hongrois »]
- (hu) József Nagy, « Lágy támasz - Schmitt Pál bocskaiban », Mozgó Világ, Budapest, vol. XXXI, no 5, (ISSN 0324-4601, lire en ligne) [« Appui léger : Pál Schmitt en costume hongrois à la Bocskai »]
- (hu) Róbert Takács, « A Los Angeles-i olimpia a magyar sajtóban », Múltunk, no 3, , p. 255-297 (lire en ligne) [« Les Jeux Olympiques de Los Angeles dans la presse hongroise »]
- (hu) « Egyedül szállt szembe a hatalmi gépezettel », sur SportFórum, [« Il s'est opposé seul aux rouages du pouvoir »]