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Indicateurs de volume et de déplacement d'une structure architecturale

L’indicateur de volume (W) et l’indicateur de dĂ©placement (Δ) sont deux concepts numĂ©riques associĂ©s dĂ©couverts par Philippe Samyn en 1997 pour l'optimisation de la gĂ©omĂ©trie des structures architecturales.

La structure architecturale

On entend par structure rĂ©sistante toute chose, amorphe ou vivante, supportant sans se rompre les forces auxquelles elle peut normalement ĂȘtre soumise.

Caractérisée par sa forme et ses matériaux constitutifs, et tridimensionnelle par essence, la structure amorphe présente généralement une géométrie à deux dimensions, à laquelle on donne une épaisseur, ou une géométrie à trois dimensions (la structure tridimensionnelle). Cette derniÚre est formée de deux structures bidimensionnelles situées dans des plans non parallÚles ou de volumes courbes tridimensionnels comme aussi pour toutes les choses vivantes dont une famille particuliÚre concerne les coques (une surface tridimensionnelle avec une épaisseur), comme, par exemple, la structure des voitures, bateaux ou avions, ou encore des crùnes humains, coquillages ou tiges de pissenlit.

La gĂ©omĂ©trie de la majoritĂ© des structures dites « architecturales » (telle que celles des bĂątiments ou des ponts) est bidimensionnelle et son Ă©tude revĂȘt une grande importance qu’il s’agisse d’esthĂ©tique, de commoditĂ© ou d’économie. De nombreux critĂšres entrent donc en ligne de compte dans sa dĂ©finition.

Objectif

Ce travail se limite à la recherche de la géométrie conduisant à la structure de volume minimum.

Le coĂ»t d’une structure dĂ©pend de la nature et de la quantitĂ© des matĂ©riaux utilisĂ©s ainsi que des outils et des ressources humaines nĂ©cessaires Ă  sa fabrication.

Si les progrĂšs techniques permettent de rĂ©duire tant le coĂ»t des outils que l’importance des ressources humaines nĂ©cessaires, et si les outils de calcul informatique permettent maintenant de dimensionner une structure de maniĂšre qu’elle y soit sollicitĂ©e en tout point Ă  la contrainte admissible de ses matĂ©riaux constitutifs, il faut aussi que sa gĂ©omĂ©trie soit optimale. La recherche de cet optimum est cependant loin d’ĂȘtre Ă©vidente, tant le choix est vaste.

En outre, la rĂ©sistance de la structure n’est pas le seul critĂšre Ă  prendre en compte, il faut aussi dans de nombreux cas s’assurer du fait qu’elle ne se dĂ©forme pas de maniĂšre excessive sous charges statiques ou qu’elle ne se mette pas Ă  vibrer de maniĂšre dĂ©sagrĂ©able ou dangereuse sous charges dynamiques.

Cette approche ne tient pas compte des phĂ©nomĂšnes d’instabilitĂ© Ă©lastique. Il peut en effet ĂȘtre dĂ©montrĂ© qu’il est toujours possible de dessiner la structure de maniĂšre Ă  en rendre l’influence nĂ©gligeable.

Indicateurs

Il s’agit de dessiner la morphologie optimale pour une structure bidimensionnelle d’épaisseur constante :

  • qui s’inscrit dans un rectangle de dimensions dĂ©terminĂ©es, longitudinale L et transversale H, exprimĂ©es en mĂštres (m) ;
  • rĂ©alisĂ©e en un ou plusieurs matĂ©riaux prĂ©sentant un(des) module(s) d’élasticitĂ© E, exprimĂ©e en pascal (Pa), et sollicitĂ©(s) en tout point Ă  sa (ses) contrainte(s) admissible(s) σ, exprimĂ©e (en Pa) ;
  • rĂ©sistante aux sollicitations maximales auxquelles elle est soumise, sous la forme d’une « rĂ©sultante » F, exprimĂ©e en newtons (N).

À chaque forme choisie correspond un volume de matiĂšre V (en mĂštres cubes) et une dĂ©formation maximale ÎŽ (en mĂštres).

Leur calcul dĂ©pend des facteurs L, H, E, σ, et F. Ces calculs sont longs et fastidieux, ils  brouillent la recherche de la forme optimale.

Il est cependant possible de s’affranchir de ces facteurs en les portant Ă  l’unitĂ©, toute autre caractĂ©ristique restant Ă©gale. La longueur L est ainsi ramenĂ©e Ă  m, H Ă  H/L, E et σ Ă  1 Pa, et F Ă  1N.

À cette structure « rĂ©duite » correspond un volume de matiĂšre W= σV/ FL (l’indicateur de volume) et une dĂ©formation maximale Δ = EÎŽ / σL (l’indicateur de dĂ©placement).

Ils ont pour principale caractĂ©ristique d’ĂȘtre des nombres sans dimensions physiques (adimensionnels) et dont la valeur, pour chaque morphologie considĂ©rĂ©e, ne dĂ©pend que du rapport L/H, c’est-Ă -dire de l’élancement gĂ©omĂ©trique de la forme.

La mĂ©thode s’étend aisĂ©ment aux structures tridimensionnelles comme illustrĂ© dans les exemples qui suivent.

La thĂ©orie relative aux indicateurs est enseignĂ©e depuis 2000, entre autres, au dĂ©partement du gĂ©nie civil et d’architecture de la Vrije Universiteit Brussel (VUB : service de mĂ©canique des matĂ©riaux et des constructions), et y a fait l’objet de recherches et contributions rĂ©guliĂšres sous la direction de Dr Ir Philippe Samyn (de 2000 Ă  2006), de Dr Ir Willy Patrick De Wilde (de 2000 Ă  2011) et de Dr Ir Lincy Pyl maintenant.

L’ouvrage de rĂ©fĂ©rence[1], depuis la thĂšse en rĂ©fĂ©rence[2], rend compte du dĂ©veloppement de la thĂ©orie chez Samyn and Partners et Ă  la VUB jusqu’en 2004.

La thĂ©orie est ouverte Ă  qui veut contribuer car W et Δ peut se calculer pour n’importe quelle structure rĂ©sistante telle que dĂ©finie ci-dessus.

Les progrĂšs en sciences des matĂ©riaux, en robotique et en impression tridimensionnelle permettent de crĂ©er de nouvelles formes structurelles plus lĂ©gĂšres que les plus lĂ©gĂšres connues Ă  ce jour. C’est ainsi, et par exemple, que la gĂ©omĂ©trie des surfaces minimales en un matĂ©riau homogĂšne d’épaisseur constant est fortement modifiĂ©e par la variation tant de l’épaisseur que de la rĂ©sistance locale du matĂ©riau.

Macrostructure, élément structurel, microstructure et matériau

Les macrostructures Ă©tudiĂ©es ici peuvent ĂȘtre composĂ©es « d’élĂ©ments structurels » dont le matĂ©riau prĂ©sente une « microstructure ».

Que l'on cherche Ă  limiter la contrainte ou la dĂ©formation, macrostructure, Ă©lĂ©ment structurel et microstructure ont chacun un poids Vρ, oĂč ρ est le poids volumique des matĂ©riaux, en N/mÂł, qui est fonction des sollicitations {F0} (pour « force » en gĂ©nĂ©ral) qui leur sont appliquĂ©es, de leur taille {L0} (pour « taille » en gĂ©nĂ©ral) , de leur forme {Ge} (pour « forme » en gĂ©nĂ©ral), de la matiĂšre qui les constituent {Ma} (pour « matiĂšre » en gĂ©nĂ©ral).

Ou encore, forme et matiĂšre ({Ge}{Ma}) dĂ©finissent le poids (Vρ) de la structure rĂ©pondant aux sollicitations et aux portĂ©es voulues ({F0}{L0}).

En mĂ©canique des matĂ©riaux et au niveau de l’élĂ©ment structurel, le paramĂštre {Ge} correspond, pour un type de sollicitations considĂ©rĂ©, au «facteur de forme» pour les structures de section continue en matĂ©riau ne comportant pas de vides.

Le matĂ©riau constitutif de l’élĂ©ment structurel peut cependant possĂ©der une microstructure telle qu’il comprend des vides. Il a alors une structure cellulaire qui amĂ©liore dans tous les cas de charge le facteur de forme.

Le paramĂštre {Ma} caractĂ©rise le matĂ©riau et permet d’en comparer l’efficacitĂ© par rapport Ă  un autre pour un type de sollicitations donnĂ©, et ce indĂ©pendamment du «facteur de forme» de la structure, caractĂ©risĂ© par {Ge}.

Les indicateurs W = σV/FL et Δ = ÎŽE/σL qui viennent d’ĂȘtre dĂ©finis caractĂ©risent les macrostructures, alors que les mĂȘmes notations et symboles en minuscule renverront toujours Ă  l’élĂ©ment structurel. Ainsi, w = σv/fl et Δ = ÎŽE/σl sont les indicateurs de volume et de dĂ©placement de l’élĂ©ment structurel.

La figure 1 reprend, au niveau de l’élĂ©ment structurel, les formulations de Vρ ainsi que de W et Δ pour la traction, la compression, la flexion et le cisaillement simple. La colonne de gauche concerne la limitation des contraintes, celle de droite la limitation des dĂ©formations.

L’indicateur W est, comme on peut l’observer, en relation directe avec {Ge}{Ma}. En effet :

, d'oĂč
ou: .
ou encore: pour un état de sollicitation et une dimension donnés.
Dans ce cas, comme W et Δ ne dĂ©pendent que de :
et donc :

Pour un type de sollicitation considĂ©rĂ©, il s’agit donc du poids spĂ©cifique d’une macrostructure par unitĂ© de force et de longueur, qui ne dĂ©pend de la gĂ©omĂ©trie que par l’intermĂ©diaire de L/H, et des matĂ©riaux que par l’intermĂ©diaire de σ/ρ .

Wρ/σ intĂšgre donc, sans les rĂ©vĂ©ler, l’indice {Ma} d’efficience des matĂ©riaux (ρ/σ et ρ/E pour la traction et la compression hors flambage, ρ/E1/2 pour la compression limitĂ©e par le flambage, ρ/σ2/3 et ρ/E1/2 pour la flexion simple, ρ√3 /σ et ρ/G pour le cisaillement) et l’indice d’efficience {Ge} de la forme.

Toutes autres choses restant Ă©gales, une grappe de tubes de diamĂštre H et d’épaisseur de paroi e remplaçant une barre pleine de mĂȘme volume en un matĂ©riau aux caractĂ©ristiques physiques ρ , σ , E et G , prĂ©sente une densitĂ© apparente ρa = 4k(1-k)ρ oĂč k=e/H , une contrainte admissible apparente σa = 4k(1-k)σ, un module d’élasticitĂ© apparent Ea = 4k(1-k)E et un module de glissement apparent Ga = 4k(1-k)G. Il en dĂ©coule que

et

Ceci explique les meilleures performances des matériaux allégés pour les éléments structurels en compression et sujets à flambement, ainsi que pour les éléments fléchis.

Cet indicateur permet donc de comparer l’efficience de macrostructures ou de systĂšmes intĂ©grĂ©s diffĂ©rents comprenant gĂ©omĂ©trie et matĂ©riau.

La présente approche morphologique fait écho aux travaux de M.F. Ashby qui s'attache, dans son ouvrage Materials Selection in Mechanical Design (1992)[3], à définir une méthode de sélection de matériaux. {Ge} et {Ma} y sont analysés séparément car, pour ses études, {Ma} doit couvrir un grand nombre de caractéristiques physiques des matériaux.

DiffĂ©rente et complĂ©mentaire, elle peut Ă©galement ĂȘtre mise en parallĂšle avec les travaux menĂ©s Ă  partir de 1969 par l'Institut fĂŒr leichte flĂ€chentragwerke Ă  Stuttgart sous la direction de Frei Otto puis de Werner Sobek, qui font rĂ©fĂ©rence Ă  des indices nommĂ©s Tra et Bic[4]. Le Tra est dĂ©fini comme le produit de la longueur de la trajectoire de la force Fr, (menant la structure Ă  la ruine) vers les appuis par l'intensitĂ© de cette force, et le Bic est le rapport de la masse de la structure au Tra.

ρ* Ă©tant la masse volumique du matĂ©riau (en kg/mÂł), et α Ă©tant, comme W, une constante dĂ©pendant du type de structure et du cas de charge :

et ; donc, avec la contrainte Ă  la rupture atteinte sous
; et comme .

Contrairement à W, qui est sans dimensions, Bic s'exprime en kg/Nm. Dépendant donc du matériau, il ne permet pas une comparaison indépendante de différentes morphologies.

Il est étonnant de remarquer que malgré l'abondance de leur travaux, aucun n'ait mis en évidence ni ne se soit attaché à étudier W et sa relation avec L/H.

Il semble que seuls V. Quintas Ripoll[5] - [6] et W. Zalewski et St. Kus[7] aient approchĂ© l’indicateur de volume W sans toutefois approfondir la question.

Figure1 : Les indicateurs de volume W = σv / fl et de dĂ©placement Δ = ÎŽE/σl de l’élĂ©ment structurel.

Limites de validitĂ© des formules de W et Δ

Les effets de second ordre n'ont en gĂ©nĂ©ral que trĂšs peu d'influence sur W, alors qu'ils peuvent sensiblement influencer Δ. W et Δ dĂ©pendent alors aussi de E/σ.

L'effort tranchant T peut ĂȘtre dĂ©terminant dans le cas de piĂšces flĂ©chies, courtes et continues, soumises Ă  flexion de telle sorte que W ne descende plus en-dessous d'une certaine valeur, quelle que soit la rĂ©duction de l'Ă©lancement L/H. Cette limitation est cependant trĂšs thĂ©orique car il est toujours possible de la supprimer en transfĂ©rant de la matiĂšre des ailes vers la (ou les) Ăąme(s) prĂšs des appuis.

La contrainte σ Ă  laquelle la structure peut ĂȘtre sollicitĂ©e dĂ©pend de la nature, de la gĂ©omĂ©trie interne, du mode de production et de mise en Ɠuvre des matĂ©riaux, ainsi que de nombreux autres facteurs tels que la prĂ©cision dimensionnelle de la construction rĂ©elle, la nature des assemblages des Ă©lĂ©ments ou la rĂ©sistance au feu, mais Ă©galement de l'habiletĂ© avec laquelle la gĂ©omĂ©trie de la structure est dĂ©finie pour se prĂ©munir des phĂ©nomĂšnes d'instabilitĂ© Ă©lastique. Pierre Latteur[8], qui a dĂ©couvert l’indicateur de flambement a Ă©tudiĂ© l’influence des phĂ©nomĂšnes d’instabilitĂ© Ă©lastique sur W et Δ. Il est Ă  ce sujet important de noter que les contingences d'ancrage d'un Ă©lĂ©ment en traction peuvent en rĂ©duire la contrainte admissible apparente au mĂȘme niveau que la rĂ©duction nĂ©cessaire pour tenir compte d'une instabilitĂ© Ă©lastique modĂ©rĂ©e. L’influence sur W du flambage des piĂšces comprimĂ©es d’une part et des ancrages aux extrĂ©mitĂ©s de piĂšces tendues d’autre part, est analysĂ©e pp. 30 Ă  58 dans l'"ouvrage de rĂ©fĂ©rence"[1].

La contrainte de travail σ est aussi souvent rĂ©duite par la nĂ©cessitĂ© de limiter le dĂ©placement ÎŽ de la structure puisqu'il n'est pas possible de beaucoup faire varier E pour un matĂ©riau donnĂ©.

Les considérations relatives à la fatigue, à la ductilité et aux efforts dynamiques viennent également limiter la contrainte de travail admissible.

Il n'est pas toujours aisé de fixer la nature et l'intensité maximale totale des forces F (y compris le poids propre) à laquelle la structure est soumise, ce qui influence à nouveau directement les contraintes de travail.

Les assemblages des Ă©lĂ©ments comprimĂ©s ou tendus sont considĂ©rĂ©s comme articulĂ©s. Tout encastrement, mĂȘme partiel, induit un moment parasite qui a pour consĂ©quence d'alourdir la structure.

Le volume des assemblages vient finalement, pour certains types de structures, s'ajouter au volume net défini par W. Son importance dépend de la nature du matériau et du contexte ; elle est à déterminer dans chaque cas.

Il s'ensuit que n'entrent principalement en ligne de compte que W et Δ pour la conception morphologique d'une structure, en acceptant qu'elle soit hyperamortie (c'est-Ă -dire que son amortissement interne soit supĂ©rieur Ă  l'amortissement critique), ce qui la rend insensible aux sollicitations dynamiques.

Le volume V d'une structure est donc directement proportionnel Ă  l'intensitĂ© totale de la force F qui y est appliquĂ©e, Ă  sa longueur L et au facteur morphologique W; il est inversement proportionnel Ă  la contrainte σ Ă  laquelle il peut ĂȘtre sollicitĂ©. Le poids d'une structure est en outre proportionnel Ă  la densitĂ© ρ de son matĂ©riau constitutif. Par contre, son dĂ©placement maximum ÎŽ reste proportionnel Ă  la portĂ©e L et au facteur morphologique Δ, ainsi qu'au rapport de sa contrainte de travail σ au module d'Ă©lasticitĂ© E.

S'il consiste Ă  limiter le poids (ou le volume) et la dĂ©formation d'une structure pour un Ă©tat de sollicitation F et une portĂ©e L donnĂ©s, toutes autres considĂ©rations restant Ă©gales, l'art de l'ingĂ©nieur en structures consiste donc Ă  minimaliser W et ρ/σ d'une part et Δ et σ/E d'autre part.

PrĂ©cision des formules de W et Δ

Précision théorique

Il est possible, pour la grande majoritĂ© des Ă©lĂ©ments comprimĂ©s, de limiter Ă  25 % la rĂ©duction de la contrainte de travail due Ă  la prise en compte de l'instabilitĂ© Ă©lastique, pour autant que l'auteur de projet se prĂ©occupe d'un tracĂ© gĂ©omĂ©trique efficient, et ce dĂšs ses premiĂšres esquisses. Cela signifie que l'augmentation de leur indicateur de volume peut Ă©galement ĂȘtre limitĂ©e Ă  25 %.

Le volume des éléments soumis à traction pure n'est également que trÚs rarement limité au produit de la distance nette à faire parcourir à la force par une section sollicitée à la contrainte admissible. En d'autres termes, leur indicateur de volume réel est donc aussi supérieur à celui qui découle du calcul de W.

Une barre tendue peut ĂȘtre soudĂ©e en ses extrĂ©mitĂ©s ; aucune matiĂšre supplĂ©mentaire Ă  part celle, nĂ©gligeable, des soudures n'est nĂ©cessaire, mais les liaisons rigides introduisent des moments parasites absorbant une partie de la contrainte admissible.

La barre peut ĂȘtre articulĂ©e Ă  ses extrĂ©mitĂ©s et travailler Ă  sa contrainte admissible, mais cela y requiert des Ɠillets ou mĂ©canismes d'articulation dont le volume est loin d'ĂȘtre nĂ©gligeable et ce d'autant moins que la barre est courte ou fortement sollicitĂ©e. Ainsi que L.H. COX l'a dĂ©montrĂ©[9], il y a d'ailleurs dans ce cas intĂ©rĂȘt Ă  prĂ©voir n barres de section Ω/n chacune, tendues par une force F/n avec 2n Ɠillets, en lieu et place d'une barre de section Ω tendue par une force F avec 2 Ɠillets, le volume total des 2n Ɠillets dans le premier cas Ă©tant bien moindre que celui des 2 Ɠillets dans le second.

L'ancrage des extrĂ©mitĂ©s d'une barre en traction peut aussi se faire par adhĂ©rence, comme c'est la plupart du temps le cas des armatures d'Ă©lĂ©ments en bĂ©ton armĂ©. Il faut dans ce cas particulier une longueur d'ancrage de minimum trente fois le diamĂštre de la barre. La barre prĂ©sente dĂšs lors une longueur L+60H pour un transfert utile sur une longueur L; son indicateur de volume thĂ©orique W = 1 devient W = 1+60H/L. Il faut donc que L/H soit supĂ©rieur Ă  240 (ce qui est toujours thĂ©oriquement possible) pour que W n'augmente pas de plus de 25 %. Cette remarque permet aussi de montrer d'une autre maniĂšre l'intĂ©rĂȘt qu'il y a de prĂ©voir n barres de section Ω/n en lieu et place d'une barre de section Ω.

Finalement, les assemblages à boulons, goujons, goupilles ou clous, en particulier lorsqu'il s'agit de piÚces en bois, réduisent aussi sensiblement les sections utiles.

Pour les éléments tendus, une réduction de 25 % de la contrainte admissible ou une augmentation de 25 % de volume s'impose donc également dans la plupart des cas.

La dĂ©termination du volume et du dĂ©placement d'une structure Ă  l'aide des indicateurs W et Δ est donc fiable au niveau thĂ©orique de la conception Ă  condition :

  • de prendre une contrainte admissible rĂ©duite de 25 % au moins ;
  • de dessiner les Ă©lĂ©ments comprimĂ©s et les assemblages avec discernement.

La proportion d'ensemble d'une structure optimisĂ©e sans tenir compte du flambage se modifie sensiblement lorsque les barres comprimĂ©es doivent ĂȘtre raccourcies pour tenir compte de l'instabilitĂ© Ă©lastique. Elle devient sensible Ă  l'effet d'Ă©chelle et il s'ensuit une Ă©longation de la proportion d'ensemble et un alourdissement de la structure. À l'inverse, un raccourcissement de la proportion d'ensemble s'impose lorsque le volume des assemblages est Ă  prendre en considĂ©ration, puisque l'influence de ce dernier diminue avec l'allongement de barres. Ceci montre tout l'intĂ©rĂȘt qu'il y a Ă  dessiner de maniĂšre appropriĂ©e non seulement les Ă©lĂ©ments comprimĂ©s, mais aussi les assemblages, pour Ă©viter ces Ă©cueils.

Une légÚre nana de Niki de Saint-Phalle est donc à préférer aux lourds émincés de Giacometti.

Précision pratique

Le volume de matiĂšre de la structure, tel que dĂ©terminĂ© Ă  l’aide de W, ne peut ĂȘtre obtenu prĂ©cisĂ©ment que si les valeurs thĂ©oriques de la caractĂ©ristique relevante des sections sollicitĂ©es Ă  σ peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©es pratiquement. Comme illustrĂ© Ă  la figure 1 ci-avant, cette caractĂ©ristique est :

  • Ω pour un Ă©lĂ©ment en compression simple sans flambage ;
  • I pour un Ă©lĂ©ment en compression simple avec flambage (ainsi que pour la dĂ©formation sous flexion simple) ;
  • I/H pour un Ă©lĂ©ment en flexion simple.

Il est toujours possible d’obtenir la valeur prĂ©cise de ces caractĂ©ristiques lorsque les Ă©lĂ©ments sont en matĂ©riaux moulĂ©s, tels que le bĂ©ton armĂ©, ou Ă©quarris, tels que le bois ou la pierre. Ce n’est par contre pas le cas des Ă©lĂ©ments en matĂ©riaux laminĂ©s ou extrudĂ©s, produits en sĂ©ries industrielles, tels que l’acier ou l’aluminium.

Il s’agit alors de produire des sĂ©ries dont l’écart relatif des valeurs soit le plus petit possible, de maniĂšre Ă  Ă©viter une dĂ©pense inutile de matiĂšre. Cette dĂ©pense est homogĂšne lorsque cet Ă©cart relatif c entre deux valeurs kn et kn+1 successives est constant, soit (kn+1 - kn) / kn = c ou kn+1 = (c+1) kn ou encore kn+1 = (c+1)n k0.

C’est le principe des sĂ©ries gĂ©omĂ©triques dites SĂ©ries Renard (du nom du Colonel Renard qui, le premier, les a utilisĂ©es dans le calcul des diamĂštres des cĂąbles d’aĂ©ronefs) reprises dans la norme française NF X01-002[10]. Lorsque toutes les valeurs nĂ©cessaires sont Ă  peine et juste plus importante qu’une valeur de la sĂ©rie, c reprĂ©sente alors l’augmentation maximale et c/2 l’augmentation moyenne de W. D’emploi universel, la situation des profils mĂ©talliques industriels mĂ©rite Ă  ce sujet un examen approfondi (voir l'"ouvrage de rĂ©fĂ©rence"[1]; pp. 26 Ă  28). Il en dĂ©coule que l’emploi de profilĂ©s industriels induits automatiquement une augmentation importante de W :

  • de la moitiĂ© de l’imprĂ©cision thĂ©orique pour la compression pure ;
  • pratiquement identique pour la compression sujette au flambage ou pour la flexion.

Cette situation s’aggrave lorsque le nombre des profilĂ©s disponibles est restreint, ce qui peut expliquer le recours Ă  des formes qui ne sont pas thĂ©oriquement optimales mais qui tendent Ă  solliciter les profils disponibles Ă  la contrainte admissible σ (comme par exemple les pylĂŽnes de lignes Ă©lectriques Ă  haute tension ou les ponts en treillis de hauteur variable).

Pour les structures en flexion pure, ceci peut aussi expliquer le recours aux plats de longueurs variables ajoutĂ©s sur les ailes des profils en I pour obtenir avec plus de prĂ©cision l’inertie ou le moment rĂ©sistant souhaitĂ©. À l’opposĂ©, la grande variĂ©tĂ© des tubes disponibles permet un Ă©cart relatif de valeur c simultanĂ©ment plus faible et plus constant. Ils couvrent aussi une plage beaucoup plus importante tant dans les petites que dans les grandes valeurs caractĂ©ristiques. Leurs performances gĂ©omĂ©triques Ă©tant en outre pratiquement identiques Ă  celles des profils, les tubes prĂ©sentent la rĂ©ponse industrielle la plus appropriĂ©e pour pratiquement supprimer toute augmentation de l’indicateur de volume W. Les questions pratiques de disponibilitĂ©, et celles liĂ©es Ă  la corrosion peuvent cependant en limiter l’emploi.

Quelques exemples de W et Δ

Les figures suivantes précisent les valeurs des indicateurs en fonction de L/H pour quelques types de structures.

Figure 2 et 3 : W et Δ pour une portĂ©e horizontale isostatique sous une charge verticale uniformĂ©ment rĂ©partie rĂ©alisĂ©e en :

  • profils de section constante, du cylindre plein au I ;
  • treillis de diffĂ©rents types ;
  • arcs paraboliques avec/sans suspentes ou colonnettes, de section constante ou variable.

Figure 4 : W pour le transfert vers deux appuis Ă©quidistants sur l’horizontale d’une charge verticale F=1, ponctuelle (dans ce cas Δ= W) ou uniformĂ©ment rĂ©partie.

Figure 5 et 6 : W pour un mĂąt vertical, de largeur constante, soumis Ă  une charge horizontale uniformĂ©ment rĂ©partie sur sa hauteur ou concentrĂ©e en tĂȘte.

Figure 7 : W pour une coupole de rĂ©volution Ă  axe vertical en membrane, d’épaisseur constante ou variable, sous charge uniformĂ©ment rĂ©partie verticale. Il est Ă©tonnant de constater que la valeur minimale est atteinte pour une coupole cĂŽnique d’épaisseur variable avec un angle d’ouverture de 90° (L/H= 2 ; W= 0,5 !).

Champs d’application dĂ©jĂ  traitĂ© dans l' ouvrage de rĂ©fĂ©rence[1]

  • les treillis,
  • la poutre droite continue,
  • l’arc, le cĂąble et la structure haubanĂ©e,
  • les mĂąts,
  • les portiques,
  • la coupole de rĂ©volution en membrane.

Quelques exemples de structure composites avec W minimum

W peut aisĂ©ment ĂȘtre dĂ©terminĂ© pour optimiser des structures composĂ©es de plusieurs Ă©lĂ©ments constructifs diffĂ©rents (voir l'"ouvrage de rĂ©fĂ©rence"[1];pp. 100-106) tel que par exemple pour le mĂąt d’éolienne illustrĂ© en figure 8.

Figure 8

ou une couverture en arc parabolique couplée avec de larges tympans vitrés soumis au vent telle que celle de la gare de Leuven en Belgique illustré en figure 9 (voir référence[11] pour analyse détaillée).

Figure 9

L'optimisation de la structure en trellis de la façade du bùtiment Europa à Bruxelles (voir référence[12] pp. 93-101 pour l'analyse détaillée) est un autre exemple.

Figure 10
Figure 10

Notes et références

  1. Philippe Samyn, Étude de la morphologie des structures Ă  l’aide des indicateurs de volume et de dĂ©placement, Bruxelles, AcadĂ©mie royale de Belgique, Bruxelles, 2004, 482 p ; www.samynandpartners.com (pour e-book en ligne), , 482 p. (ISBN 978-2-8031-0201-3 et 2-8031-0201-3)
  2. Philippe Samyn, Étude comparĂ©e du volume et du dĂ©placement de structures bidimensionnelles, sous charges verticales entre deux appuis vers un outil d'Ă©valuation et de prĂ©dimensionnement des structures, LiĂšges, Tome I : MĂ©moire, 175 p. ; Tome II : Annexes, 184 p. ; Tome III : Figures, 197 p. (4 juillet 1999) ; Tome IV : Épilogue, 33 p. + 14 figures (1 dĂ©cembre 1999). ThĂšse de doctorat en sciences appliquĂ©es, universitĂ© de LiĂšge.
  3. M.F. Ashby, Materials Selection in Mechanical Design, 311 pages, 1997. Edition Butterworth-Heinemann, division de Reed Educational and Professional Publishing Ltd. Oxford (premiĂšre Ă©dition en 1992 chez Pergamon Press Ltd), Grande Bretagne.
  4. Il publikationen : Institut fĂŒr leichte flĂ€chentragwerke, UniversitĂ€t Stuttgart plaffenwaldring
  5. Valentin Quintas Ripoll, Pro. Titular Dep. Estructuras de Edificación E.T.S Arquitectura, Universidad Politécnica de Madrid, Sobre el teorema de Maxwell y la optimización de arcos de cubierta, Informes de la construcción, Vol 40, no 400, mars/avril 1989, pages 57 à 70, Madrid.
  6. Valentin Quintas Ripoll, Sobre las formas de minimo volumen de las celosĂ­as de secciĂłn constante, Informes de la ConstrucciĂłn, Vol 43, no 418, mars/avril 1992, pages 61 Ă  77, Madrid.
  7. W. Zalewski, St. Kus, Shaping structures for least Weight, proceedings of the I.A.S.S International Congress on Shells and Spatial Structures, Stuttgart, 1992, pages 376 Ă  383.
  8. P. Latteur, Optimisation des treillis, arcs, poutres et cĂąbles sur base d'indicateurs morphologiques – Application aux structures soumises en partie ou en totalitĂ© au flambement, Tome I : MĂ©moire, 328 p. ; Tome II : ThĂšse annexe, 12 p. ; Tome III : Annexe au chapitre 2, 432 p. (mai 2000). ThĂšse de doctorat en Sciences AppliquĂ©es, Vrije Universiteit Brussel.
  9. L. H. COX, The design of structures of least weight, 135 p., 1965, Pergamon Press, London.
  10. Association Française de Normalisation (AFNOR), NFX 01-002 Guide pour le choix des séries de nombres normaux et des séries comportant des valeurs plus arrondies de nombres normaux, 6 pages, décembre 1967, Paris.
  11. Jan de Coninck, Leuven Railway Station, Waregem, Vision Publishers, , 176 p. (ISBN 978-90-79881-00-0, www.samynandpartners.com)
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