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Indépendance des banques centrales

L'indépendance des banques centrales désigne le caractère indépendant des banques centrales et de leur politique monétaire vis-à-vis de l'État. Si les autorités monétaires ont pendant longtemps été dépendantes des puissances publiques, l'indépendance des banques centrales a fait l'objet de recherches académiques à partir des années 1960, qui ont conduit à l'indépendance de la majorité d'entre elles dans les pays développés.

Concept

La banque centrale est l'autorité monétaire de son pays. Les sciences économiques ont cherché à analyser les effets des politiques monétaires des banques centrales dépendantes et indépendantes du pouvoir politique. Milton Friedman souligne dès 1968 le caractère inflationniste des banques centrales dépendantes du politique, et recommande de suivre une règle d'or d'accroissement de la masse monétaire. Dans un article de 1977, Finn E. Kydland et Edward C. Prescott montrent que les politiques monétaires sont souvent l'objet d'incohérence temporelle. William Nordhaus avait aussi suggéré, en 1975, que les gouvernements faisaient augmenter l'inflation afin de réduire provisoirement le chômage à l'approche d'élections, ce qui déstabilisait le système économique[1].

Des études réalisées dans les années 1990 montrent qu'il existe une relation forte et négative en indépendance de la banque centrale et taux d'inflation. Il en est ainsi d'une étude d'Alberto Alesina et de Lawrence Summers publiée en 1993[1].

Un mouvement d'indépendance des banques centrales est ainsi enclenché dans les années 1970. L'une des dernières du monde développée est la Banque d'Angleterre, qui le devient en 1997. La Banque centrale européenne l'est dès sa création[1].

Degré de dépendance

Le caractère indépendant d'une banque centrale est une question de degré et non de nature. Il existe toute une gamme de dépendance de la banque centrale. Certaines le sont de manière légale mais restent fortement associées au ministère des Finances de leur pays, tandis que d'autres sont légalement dépendantes mais ont, dans les faits, acquis une quasi-autonomie[1].

Indépendance légale

L'indépendance des banques centrales a pu être calculé à partir de plusieurs indicateurs. Les économistes Vittorio Grilli, Donato Masciandaro, et Guido Tabellini ont mis en place en 1991 un indicateur appelé indicateur GMT[2] ; Cukierman, en 1992, un autre[3]. Chacun de ces indicateurs évaluent les lois des banques centrales en calculant un index numérique qui classe l’indépendance légale de chacune des banques centrales.

L’index GMT est composé de deux sous-index, l’indépendance politique et l’indépendance économique de la banque centrale. Le concept d’indépendance politique comprend trois éléments couvrant les procédures de nomination des dirigeants de la banque centrale, les relations entre le conseil de direction et le gouvernement et les responsabilités officielles assignées à la banque centrale. L’indépendance économique de la banque centrale est composée de sept sous-index qui incluent la question du financement du budget de la banque centrale ainsi que la nature des instruments monétaires. Chacun de ces sous-index est évalué selon un système binaire sous lequel le chiffre 1 est assigné ou non. L’index global est obtenu par une simple addition des scores obtenus pour l’indépendance politique et l’indépendance économique.

L'index de Cukierman (1992) comprend seize sous-index qui permettent d’apprécier l’indépendance légale de la banque centrale. Ces sous-index sont regroupés selon quatre thématiques principales :

  1. Les variables sur le statut du directeur exécutif (durée du mandat, procédures de nomination et de démission et les clauses d’incompatibilité) ;
  2. Les variables concernant la formulation des politiques monétaires ;
  3. Les objectifs de la banque centrale ;
  4. Les régulations concernant les limitations d’emprunts.

À chacun de ces seize sous-index est assigné un score allant de 0 à 1. Autrement dit, l’indice de Cukierman tente d’être plus précis que l’indice GMT.

Néanmoins, ces évaluations contiennent certaines limites. Celles-ci ont été regroupées en trois catégories par Mangano (1998)[4], selon lui la valeur de ces indices dépend beaucoup trop de :

  1. Les critères contenus dans l’indice ;
  2. L’interprétation et l’évaluation de la loi liées à chaque critère individuel ;
  3. La façon dont les évaluations sont agrégées et pondérées pour obtenir le score global.

Dès lors certains économistes ont essayé de créer des indicateurs d’indépendance réelle des banques centrales.

Indépendance réelle

Pour évaluer cette indépendance réelle la plupart des économistes créent des indicateurs basés sur le comportement réel.

Ainsi Cukierman/Webb/Neypati (1992) calculent le taux de changement des gouverneurs de banque centrale pour la période 1950-1989. Cet indicateur est basé sur l’hypothèse qu’un changement plus fréquent des gouverneurs de banque centrale signifie une plus faible indépendance des banques centrales. Selon eux un mandat long ne signifie pas systématiquement davantage d’indépendance, mais des durées d’exercice qui sont plus courtes que le cycle électoral pourraient signifier une indépendance plus faible.

Alpanda and Honig (2007), quant à eux, examinent selon quelle proportion la politique monétaire est manipulée pour des raisons politiques en testant la possibilité de cycles monétaires politiques entre 1972 et 2001 sur de multiples pays. Ils observent ainsi l’évolution des agrégats monétaires lors des campagnes politiques. Selon leur résultat, ces cycles existent avant tout dans les pays en voie de développement, ce qui signifie une plus faible indépendance réelle dans ces pays.

Enfin, Eijffinger and Keulen (1995) effectuent une sorte de synthèse entre l’indépendance légale et l’indépendance réelle puisqu’ils démontrent sur le plan empirique qu’il faut à peu près en moyenne cinq ans pour qu’une loi régissant le statut et les procédures d’une banque centrale soit effectivement appliquée.

Critiques et limites

Si l'étude d'Alesina et Summers indiquait un lien fort entre l'indépendance de la banque centrale et la faiblesse du taux d'inflation, d'autres études sont venues nuancer ce résultat. Ainsi, une étude de Cukierman publiée en 1992, à partir d'un plus grand échantillon de pays et prenant en compte les degrés d'indépendance, ne conclut pas aussi clairement à une telle relation[5].

Références

  1. Yoann Brun, Lou Dumez, Matthias Knol et Fabrice Tricou, Monnaie et financement de l'Ă©conomie, dl 2019 (ISBN 978-2-35030-634-6 et 2-35030-634-8, OCLC 1134989408, lire en ligne)
  2. (en) Grilli, V., D. Masciandaro, and G. Tabellini, (1991), Political and Monetary Institutions and Public Financial Policies in the Industrial Economies, Economic Policy, Vol.13, pp. 341-92
  3. (en) Cukierman, A., Webb, S. and Neyapti, B., (1992), Measuring the Independence of Central Bank and its Effects on Policy Outcomes, World Bank Economic Review 6, 353-598
  4. (en) Mangano, G., (1998), Measuring Central Bank: a tale of subjectivity and of its consequences, Oxford Economic Papers, 50, 468-492
  5. Robert Barro, « Indépendance de la Banque centrale : la recette miracle contre l'inflation ? », Melchior - Le site des sciences économiques et sociales, extrait de Robert Barro, Les facteurs de la croissance économique, une analyse transversale par pays, Paris, Economica,
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