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In girum imus nocte ecce et consumimur igni

In girum imus nocte ecce et consumimur igni est un hexamètre dactylique latin, attribué, par certains, à Virgile[1], par d'autres à un auteur postérieur à cause de sa forme palindrome[2]. Il évoque les papillons de nuit qui tournent autour de la chandelle avant de s'y brûler[3].

Tableau de Mihály Zichy, Le triomphe du Génie de la Destruction 1878).

Signification

Cet hexamètre signifie littéralement : « Nous tournoyons dans la nuit, et nous voilà consumés par le feu ». Il peut se rapporter aux papillons de nuit qui, attirés par la flamme d'une chandelle, volent et tournent autour d'elle, jusqu'à ce qu'ils soient brûlés par le feu[3]. Il s'agirait alors d'une métaphore néoplatonicienne de l'amour sacré, convertissant l'amant en la chose aimée[4], que l'on retrouve, entre autres, chez Pétrarque et chez Goethe[5].

« Comme parfois, au temps chaud, un petit papillon, attiré par la lumière, vient voler dans les yeux, ce qui cause à lui la mort et aux autres la douleur ; Ainsi je cours sans cesse à mon fatal soleil [...] (Pétrarque[6])


Pour d'autres, il décrit les démons qui tournent sans fin dans le feu et la nuit de l'enfer[7], et vise les ambitieux qui, fascinés par les splendeurs du pouvoir, de la richesse ou de la gloire, s'en approchent de trop près[8].

Évocations

Palindrome dans sa totalité.

Au cinéma

Une forme abrégée de cette sentence (In girum imus nocte et consumimur igni) — qui n'en reste pas moins un palindrome, même si elle perd son rythme hexamétrique — sert de titre à un film français réalisé par Guy Debord (1978), sorti en salles en 1981. Ce film décrit la société contemporaine, où chacun se brûle en tournant autour des biens de consommation[9].

En littérature

Le livre de Guy Debord (réédition de Gallimard).

En 1966, Maurice Roche produit le palindrome sans son déictique médian, dans son premier roman, Compact[10], mais en le rendant difficilement identifiable, car il le scinde, présentant sa première partie comme une « devise », à la page 33, et dissimulant sa partie symétrique, qualifiée « slogan », page 35, en la francisant en un calembour ressortissant à la veine joycienne d'« une langue argotique et babélienne, tissée de jeux de mots »[11] mise en oeuvre dans Finnegans Wake.

Umberto Eco cite ce palindrome dans son roman Le Nom de la rose (1980), l'intégrant ainsi dans un cadre médiéval.

À la suite de son film, l'auteur Guy Debord a publié un premier ouvrage dénommé Ordures et décombres déballés à la sortie du film « In Girum Imus Nocte et Consumimur Igni » publié par les éditions Champ Libre en 1982 ; puis un second titré In girum imus nocte et consumimur igni. Édition critique, publié par les éditions Gérard Lebovici en 1990 puis réédité par Gallimard en 1999 (ISBN 978-2-07-075679-7).

En danse

Un spectacle de danse (In girum imus nocte et consumimur igni), au nom là encore abrégé, conçu et mis en scène par Roberto Castello, s'est déroulé en 2018 au centre chorégraphique national de Nantes, en référence probable au film de Guy Debord[12].

Dans la musique

Igineci est une pièce musicale de techno industrielle composée par Moth (« papillon de nuit » en anglais) sur le label Toxic Waste Buried[13].

La phrase est citée dans la chanson « Salamandrina » de Einstürzende Neubauten.

À la télévision

Le palindrome incomplet (sans « ecce ») est également énoncé vers le milieu du deuxième épisode de la série télévisée La Prophétie d'Avignon (2007), par l'un des « frères de Judas », avant qu'il ne se jette dans le vide du haut d'une des tours du palais des papes.

Notes

  1. Philippe Dubois, « (Petite) Histoire des palindromes », Littératures, vol. 7, no 1,‎ , p. 125–139 (DOI 10.3406/litts.1983.1242, lire en ligne, consulté le )
  2. Souvent attribuée à Virgile (on trouve de nombreuses références imaginaires à un vers de l'Énéide sur Internet), cette sentence est plus probablement d'une locution latine tardive (du VIe siècle ?), voire une invention de l'époque médiévale, friande de ce genre de virtuosité rhétorique. Un début de piste : la seule citation vérifiable, sans le mot « ecce », se trouve à la page 428 du volume 3 de l'Histoire universelle de César Cantú, publiée par Firmin Didot Frères à Paris en 1844.
  3. Opuscoli religiosi, letterarj e morali, serie terze, tomo I, Modena, 1870, p. 212 : "… parole che si prestano ad essere lette da diritta a sinistra, come appunto il verso : In girum imus nocte et consumimur igni, detto delle farfallette notturne che aggirandosi attorno alle fiammelle vi si vasero ad abbruciare".
  4. André Chastel, Marsile Ficin et l'art, Droz, (ISBN 2-600-00505-6 et 978-2-600-00505-0, OCLC 36685102), pp. 142-143
  5. Christophe Imbert, « Quatre poètes pour approcher une culture de l’amour : Ovide, Pétrarque, Shakespeare, Goethe », Littératures, vol. 50, no 1,‎ , p. 55–96 (DOI 10.3406/litts.2004.1924, lire en ligne, consulté le )
  6. PĂ©trarque, Les Rimes, trad. Francisque Reynard (1883), Rime XCI
  7. César Cantú, Histoire universelle, Paris : Firmin Didot Frères, volume III, 1844 p. 428 : ce vers concernerait les démons.
  8. La spirale du déclassement. Essai sur la société des illusions, Paris, Éditions du Seuil, , 224 p. (ISBN 978-2-02-107284-6, lire en ligne).
  9. Pierre-Emmanuel Finzi, « In girum imus nocte et consumimur igni (1978-81) Guy Debord et le deuil de l’engagement » [PDF], sur larevuedesressources.org, (consulté le ).
  10. Maurice Roche (préf. Philippe Sollers), Compact : roman, Paris, Seuil, coll. « Tel Quel », , 168 p.
  11. Jean-Noël Vuarnet, « Roche avec Joyce », Les Sujets de l'Ecriture, L'Isle-sur-la-Sorgue, Les Voisins du Zéro, no 1 « La Violence. Le Chant. Maurice Roche »,‎ , p. 195
  12. Andrea.pelegri.kristic, « Des corps (un peu trop) frénétiques », sur iogazette.fr, (consulté le ).
  13. Vidéo youtube de la pièce musicale Igineci par Moth, consulté le .

Voir aussi

Articles connexes

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