Hyperopération
En mathématiques, les hyperopérations (ou hyperopérateurs) constituent une suite infinie d'opérations[1] - [2] - [3] qui prolonge logiquement la suite des opérations arithmétiques élémentaires suivantes :
- addition (n = 1) :
- multiplication (n = 2) :
- exponentiation (n = 3) :
Reuben Goodstein[4] proposa de baptiser les opĂ©rations au-delĂ de l'exponentiation en utilisant des prĂ©fixes grecs : tĂ©tration (n = 4), pentation (n = 5), hexation (n = 6), etc. L'hyperopĂ©ration Ă l'ordre n peut se noter Ă l'aide d'une flĂšche de Knuth au rang n â 2. .
La flĂȘche de Knuth au rang m est dĂ©finie rĂ©cursivement par : et
Elle peut aussi se définir à l'aide de la rÚgle : . Chacune croßt plus vite que la précédente.
Des suites similaires ont historiquement porté diverses appellations, telles que la fonction d'Ackermann[1] (à 3 arguments), la hiérarchie d'Ackermann[5], la hiérarchie de Grzegorczyk[6] - [7] (plus générale), la version de Goodstein de la fonction d'Ackermann[4], hyper-n[1] - [8] - [9] - [2] - [10].
DĂ©finition
La suite d'hyperopérateurs est la suite d'opérations binaires indexée par , définie récursivement comme suit :
(Remarque : pour n = 0, on peut ignorer le premier argument, car alors l'hyperopérateur consiste simplement à incrémenter le second argument d'une unité : succession.)
Pour n = 0, 1, 2, 3, cette définition reproduit les opérations arithmétiques élémentaires, dans l'ordre : succession, addition, multiplication, exponentiation. Par convention donc, les opérations arithmétiques élémentaires sont également à considérer comme des hyperopérateurs.
Pour n ℠4, cette suite se poursuit par des nouvelles opérations.
Voici la liste des 7 premiÚres hyperopérations :
n | Operation | Définition | Noms | Domaines de validité | |
---|---|---|---|---|---|
0 | successeur, « zération » | b réel | |||
1 | addition | a et b réels | |||
2 | multiplication | a et b réels | |||
3 | exponentiation | a et b réels | |||
4 | tĂ©tration | a > 0, b entier â„ â1 (extensions proposĂ©es) | |||
5 | ou | pentation | a et b entiers, a > 0, b â„ 0 | ||
6 | hexation | a et b entiers, a > 0, b â„ 0 |
Cas spéciaux
Hn(0, b) =
- 0, oĂč n = 2, ou n = 3, b â„ 1, ou n â„ 4, b impair (â„ â1)
- 1, oĂč n = 3, b = 0, ou n â„ 4, b pair (â„ 0)
- b, oĂč n = 1
- b + 1, oĂč n = 0
Hn(a, 0) =
- 0, oĂč n = 2
- 1, oĂč n = 0, ou n â„ 3
- a, oĂč n = 1
Hn(a, â1) =
- 0, oĂč n = 0, ou n â„ 4
- a â 1, oĂč n = 1
- âa, oĂč n = 2
- 1a , oĂč n = 3
Hn(2, 2) =
- 3, oĂč n = 0
- 4, oĂč n â„ 1, dĂ©montrable facilement par rĂ©currence.
Histoire
Une des premiÚres discussions autour des hyperopérateurs fut celle d'Albert Bennet[11] en 1914, qui développa la théorie des hypéropérations commutatives.
12 ans plus tard, Wilhelm Ackermann définit la fonction [12] qui s'approche de la séquence d'hyperopérateurs.
Dans son article de 1947[4], Reuben Goodstein introduit la suite d'opĂ©rations maintenant appelĂ©e hyperopĂ©rations et suggĂ©ra les noms de tĂ©tration, pentation, etc. pour les opĂ©rations au-delĂ de l'exponentiation (car ils correspondent aux indices 4, 5, etc. de la suite). C'est une fonction Ă trois arguments : , la suite des hyperopĂ©rations peut ĂȘtre rapprochĂ©e de la fonction d'Ackermann . La fonction d'Ackermann originelle utilise la mĂȘme rĂšgle rĂ©cursive que Goodstein mais diffĂšre d'elle de deux maniĂšres : Tout d'abord dĂ©finit une suite d'opĂ©rations partant de l'addition (n = 0) plutĂŽt que de la succession. Ensuite, les conditions initiales pour sont , diffĂ©rent en cela des hyperopĂ©rations au-delĂ de l'exponentiation[13] - [14] - [15]. La signification du b + 1 dans l'expression qui prĂ©cĂšde vient que = , oĂč b compte le nombre d'opĂ©rateurs plutĂŽt que le nombre d'opĂ©randes a, comme le fait b dans , etc pour les opĂ©rations de niveau supĂ©rieur (voir la fonction d'Ackermann pour davantage de dĂ©tails).
Notations
De nombreuses notations ont été développées et sont applicables aux hyperopérateurs.
Nom | Notation Ă©quivalente Ă | Commentaire |
---|---|---|
Notation des flÚches de Knuth | Utilisée par Knuth[16] (pour n ℠2), et rencontrée dans divers ouvrages[17] - [18]. | |
Notation de Goodstein | Utilisée par Reuben Goodstein[4]. | |
Fonction d'Ackermann originelle | Utilisée par Wilhelm Ackermann[12]. | |
Fonction d'Ackermann-Péter | Ceci correspond aux hyperopérations en base 2 (). | |
Notation de Nambiar | Utilisée par Nambiar[19] | |
Notation boßte | Utilisée par Rubtsov et Romerio[3]. | |
Notation exposant | Utilisée par Robert Munafo[9]. | |
Notation indice | Utilisée par John Donner et Alfred Tarski (pour n ℠1)[20]. | |
Notation crochets | Utilisée sur des forums, pour des raisons de simplicité. | |
Notation des flÚches chaßnées de Conway | Utilisée par John Horton Conway (pour n ℠3). | |
Notation de Bowers | Utilisée par Jonathan Bowers (pour n ℠1). |
Variante de départ à partir de a
En 1928, Wilhelm Ackermann a défini une fonction à 3 arguments qui a progressivement évolué vers une fonction à 2 arguments connue sous le nom de la fonction d'Ackermann. La fonction originelle d'Ackermann était moins similaire aux hyperopérations modernes, car ses conditions initiales commencent avec pour tout n > 2. En outre, l'addition est assignée à n = 0, la multiplication à n = 1 et exponentiation à n = 2, de sorte que les conditions initiales produisent des opérations trÚs différentes de la tétration et des hyperopérations suivantes.
n | Opération | Commentaire |
---|---|---|
0 | ||
1 | ||
2 | ||
3 | L'itération de cette opération est différente de l'itération de la tétration. | |
4 | Ă ne pas confondre avec la pentation. |
Une autre condition initiale qui a Ă©tĂ© utilisĂ©e est (oĂč la base est constante ), due Ă RĂłzsa PĂ©ter, qui ne forme pas une hiĂ©rarchie d'hyperopĂ©rations.
Variante de départ à partir de 0
En 1984, C. W. Clenshaw et F. W. J. Olver ont commencĂ© Ă discuter de l'utilisation des hyperopĂ©rations pour empĂȘcher une erreur d'un ordinateur Ă virgule flottante[21]. Depuis lors, de nombreux autres auteurs[22] - [23] - [24] ont eu un intĂ©rĂȘt pour l'application des hyperopĂ©rations Ă la reprĂ©sentation Ă virgule flottante (car Hn(a, b) sont tous dĂ©finis pour b = â1). Tout en discutant de tĂ©tration, Clenshaw et al. ont soutenu la condition initiale , et rĂ©alise encore une autre hiĂ©rarchie d'hyperopĂ©rations. Tout comme dans la variante prĂ©cĂ©dente, la quatriĂšme opĂ©ration est trĂšs similaire Ă la tĂ©tration, mais est diffĂ©rente de celle-ci.
n | Opération | Commentaire |
---|---|---|
0 | ||
1 | ||
2 | ||
3 | ||
4 | L'itération de cette opération est différente de l'itération de la tétration. | |
5 | Ă ne pas confondre avec Pentation. |
Voir aussi
Références
- (en) Daniel Geisler, « What lies beyond exponentiation? », (consulté le ).
- (en) A. J. Robbins, « Home of Tetration », (consulté le )
- (en) C. A. Rubtsov et G. F. Romerio, « Ackermann's Function and New Arithmetical Operation », (consulté le ).
- (en) R. L. Goodstein, « Transfinite ordinals in recursive number theory », Journal of Symbolic Logic, vol. 12, no 4,â , p. 123-129 (DOI 10.2307/2266486, JSTOR 2266486).
- (en) Harvey M. Friedman, « Long Finite Sequences », Journal of Combinatorial Theory, Series A, vol. 95, no 1,â , p. 102-144 (DOI 10.1006/jcta.2000.3154, lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) Manuel Lameiras Campagnola, Cristopher Moore et JosĂ© FĂ©lix Costa, « Transfinite Ordinals in Recursive Number Theory », Journal of Complexity, vol. 18, no 4,â , p. 977-1000 (lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) Marc Wirz, « Characterizing the Grzegorczyk hierarchy by safe recursion », CiteSeer, (consulté le ).
- (en) Markus MĂŒller, « Reihenalgebra », (consultĂ© le )
- (en) Robert Munafo, « Inventing New Operators and Functions », Large Numbers at MROB, (consulté le ).
- (en) I. N. Galidakis, « Mathematics », (consulté le ).
- (en) Albert A. Bennett, « Note on an Operation of the Third Grade », Annals of Mathematics, 2e sĂ©rie, vol. 17, no 2,â , p. 74-75 (JSTOR 2007124).
- (de) Wilhelm Ackermann, « Zum Hilbertschen Aufbau der reellen Zahlen' », Mathematische Annalen, vol. 99,â , p. 118-133 (DOI 10.1007/BF01459088).
- (en) Paul E. Black, « Ackermann's function »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?), Dictionary of Algorithms and Data Structures, U.S. National Institute of Standards and Technology (NIST), (consulté le ).
- (en) Robert Munafo, « Versions of Ackermann's Function », Large Numbers at MROB, (consulté le ).
- (en) J. Cowles et T. Bailey, « Several Versions of Ackermann's Function », Dept. of Computer Science, University of Wyoming, Laramie, WY, (consulté le ).
- (en) Donald E. Knuth, « Mathematics and Computer Science: Coping with Finiteness », Science, vol. 194, no 4271,â , p. 1235-1242 (PMID 17797067, DOI 10.1126/science.194.4271.1235, lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) Daniel Zwillinger, CRC standard mathematical tables and formulae, Boca Raton, CRC Press, , 31e Ă©d. (ISBN 978-1-58488-291-6), p. 4.
- (en) Eric W. Weisstein, CRC Concise Encyclopedia of Mathematics, Boca Raton, CRC Press, , 2e Ă©d., 3242 p. (ISBN 978-1-58488-347-0, LCCN 2002074126), p. 127-128.
- (en) K. K. Nambiar, « Ackermann Functions and Transfinite Ordinals », Applied Mathematics Letters, vol. 8, no 6,â , p. 51-53 (DOI 10.1016/0893-9659(95)00084-4, lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) John Donner et Alfred Tarski, « An extended arithmetic of ordinal numbers », Fundamenta Mathematicae, vol. 65,â , p. 95-127.
- (en) C. W. Clenshaw et F. W. J. Olver, « Beyond floating point », Journal of the ACM, vol. 31, no 2,â , p. 319-328 (DOI 10.1145/62.322429, lire en ligne).
- (en) W. N. Holmes, « Composite Arithmetic: Proposal for a New Standard », Computer, vol. 30, no 3,â , p. 65-73 (DOI 10.1109/2.573666, lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) R. Zimmermann, « Computer Arithmetic: Principles, Architectures, and VLSI Design », Lecture notes, Integrated Systems Laboratory, ETH ZĂŒrich, (consultĂ© le ).
- (en) T. Pinkiewicz, N. Holmes et T. Jamil, « Design of a composite arithmetic unit for rational numbers », Proceedings of the IEEE, (consulté le ), p. 245-252.