Hybristophilie
L’hybristophilie (du grec hybrizein, « commettre un outrage contre quelqu'un » et de philein, « qui aime »), est une paraphilie dans laquelle un individu est sexuellement attiré par d'autres ayant commis un crime (viol, meurtre). Dans la culture populaire, ce phénomène est connu sous le nom de « Syndrome Bonnie et Clyde ». L’enclitophilie désigne plus particulièrement l'attirance sexuelle pour les femmes criminelles[1].
Historique et caractéristiques
Cette paraphilie a été pour la première fois décrite par le sexologue John Money en 1986[2]. Pour le professeur de médecine légale Anil Aggrawal, l'hybristophilie est une attirance sexuelle envers une personne ayant commis un acte de violence[3]. Corey Vitello, pour sa part, précise que l'hybristophilie est selon lui une paraphilie de nature largement prédatrice, consistant à rechercher pour la satisfaction sexuelle des partenaires ayant commis des crimes graves, comme des meurtres ou des viols [4].
Il faut préciser par ailleurs que la majorité des recherches scientifiques sur l'hybristophilie se sont concentrées sur les femmes attirées par des criminels masculins. Ces recherches se penchent notamment sur une forme dite « passive » d'hybristophilie : le phénomène des murder groupies[5]". Pour Agnès Giard, « sous sa forme la plus courante, cette attirance pour les outsiders n'a rien de dangereux. C'est le fantasme du voyou[6] ». Mais pour certaines personnes, cela ne reste pas dans le domaine du fantasme : elles cherchent à se mettre en relation avec des criminels dangereux. Des hommes ayant commis des meurtres et des viols en série reçoivent ainsi en prison des courriers d'admiratrices aux connotations fréquemment sexuelles. En prison, Landru, assassin de onze femmes, avait par exemple reçu plus de 4 000 lettres enflammées, dont 800 demandes en mariage. Dans certains cas, les admiratrices de ces criminels vont jusqu'à épouser l'objet de leur affection. Les femmes sont souvent convaincues, en dépit de toutes les preuves, de l'innocence de ces criminels ou fantasment la possibilité de les sauver. Elisabeth, une travailleuse sociale de 50 ans, qui avait noué une relation avec Nordahl Lelandais en prison, explique: « L'homme que je voyais n'était pas celui qu'on disait. Je voyais l'homme avant les actes[7] ».
Il existe aussi des cas d'hommes hybristophiles. Ainsi, à sa sortie de prison, la criminelle Karla Homolka, qui a commis une série de viols et des meurtres avec son mari Paul Bernardo (dont le viol et le meurtre de sa propre petite sœur), épouse le frère de son avocate (Sylvie Bordelais), Thierry Bordelais, se rebaptisant alors Leanne Bordelais[8]. Ils ont eu trois enfants ensemble.
Une autre forme d'hybristophilie, dite « agressive », concerne des personnes qui vont activement aider des criminels à commettre des actes de violence[9]. On peut citer l'exemple de Monique Olivier, conjointe de Michel Fourniret, pédocriminel et tueur en série français, qu'elle a substantiellement aidé à commettre des enlèvements, des viols et des meurtres de petites filles.
En 2023, un collectif d’artistes français fascinés par le True Crime crée l’International Hybristophila Pride[10] dans le but de représenter les individus attirés sexuellement, affectivement ou spirituellement par d’autres ayant commis des crimes, donnant ainsi leur propre définition épurée de l’hybristophilie. Un photographe franco-norvégien confectionne le drapeau de la communauté qui adopte la locution latine « ama et fac quod vis » comme devise. L’association proclame le 23 mai, jour de la mort de Bonnie et Clyde, Journée Internationale de la Fierté Hybristophile.
Notes et références
- Dr Yvon Samuel. Les Amoureux des criminelles (L'enclitophilie), Paris, Lib. Maloine, 1939, 426 p.
- Money, J. (1986). Lovemaps: Clinical concepts of sexual/erotic health and pathology, paraphilia, and gender transposition in childhood, adolescence, and maturity. New York, NY: Irvington.
- Aggrawal, A. (2009). Forensic and medico-legal aspects of sexual crimes and unusual sexual practices. Boca Raton, FL: CRC Press.
- Vitello, C. (2006). Hybristophilia: The love of criminals. In E. W. Hickey (Ed.), Sex crimes and paraphilia. pp. 197 – 206, Upper Saddle River, NJ: Pearson.
- Sarteschi, C. M. (2016) Mass and serial murder in america, springerbriefs in behavioral criminology, ebook, https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-319-44281-5?noAccess=true
- Agnès Giard, "Le fantasme du vilain (et de la vilaine)", Libération, 29 août 2008, https://www.liberation.fr/debats/2008/08/29/le-fantasme-du-vilain-et-de-la-vilaine_1812208/
- Clément Guillet, "«Vous m'avez toujours fascinée»: que se passe-t-il dans la tête des femmes amoureuses des serial killers?", Slate, 3 mars 2022, http://www.slate.fr/story/223986/femmes-serial-killers-criminels-attirance-syndrome-bonnie-and-clyde-amour
- « La nouvelle vie de Karla Homolka en Guadeloupe », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- Fox, J. A., & Levin, J. (2015). Extreme killing: Understanding serial and mass murder (3rd ed.). London: Sage Publications.
- (en) International Hybristophilia Pride, « Site officiel de l’International Hybristophilia Pride », sur International Hybristophilia Pride,
Ouvrages sources
- Troubles psychosexuels Considérations générales (DMS)
- Sheila Isenberg : Femmes qui aiment les hommes qui tuent, 3 Ă©dition, Backinprint.com 2000, (ISBN 978-0595003990)
Voir aussi
Bibliographie
- Isabelle Horlans, L'amour (fou) pour un criminel, Paris, Le Cherche-Midi, , 208 p. (ISBN 978-2-7491-3527-4)