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Henri Ayme

Henri Ayme, dit le Docteur Ayme, ( - ) est un médecin et chirurgien dentiste, un homme politique responsable du Parti communiste du Vaucluse entre les deux guerres, un spéléologue et un écrivain.

Henri Ayme
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  81 ans)
Arles
Nom de naissance
Henri Louis Joseph Ayme
Nationalité
Activités
Autres informations
Parti politique

Biographie

Famille et Ă©tudes

Henri Louis Joseph Ayme est nĂ© le Ă  Carpentras, dans une famille de paysans moyens[1]. Son père Ă©tait analphabète, une tante Ă©tait religieuse. Après des Ă©tudes primaires et secondaires dans des Ă©coles confessionnelles, et des Ă©tudes de mĂ©decine Ă  la FacultĂ© de Montpellier, il obtient les grades de docteur en 1910 et de chirurgien dentiste en 1912. Il Ă©pouse, en , Ă  Carpentras, une condisciple d’origine russe, RaĂŻssa (« RenĂ©e Â») Slobodsky, nĂ©e le , Ă  Alexandrie, d’un père israĂ©lite. Catholique pratiquant, il la fait baptiser. Il est Ă©galement prĂ©sident du patronage Saint-Joseph de Carpentras oĂą sa piĂ©tĂ© le fait surnommer « l’Austère Â», et il vend la presse catholique aux portes des Ă©glises, Ă  la sortie des messes dominicales. Deux enfants naissent avant-guerre, un garçon, Laurent, Boris (1913), et une fille, Olga (1916). Atteint par la tuberculose, il passe une partie de la guerre en sanatorium Ă  Grasse.

Carrière politique

En 1918, son Ă©volution politique s’amorce, de Catholique royaliste, il devient rĂ©publicain communiste. Il demande ainsi son admission Ă  la loge maçonnique de Carpentras ; elle lui est refusĂ©e pour « suspicion de clĂ©ricalisme Â». Il se lance alors dans le militantisme rĂ©volutionnaire[2] : il est l’un des fondateurs du Parti communiste vauclusien, auquel il reste fidèle, sauf une brève Ă©clipse en 1930-1932. Brillant orateur, il est capable aussi bien de prĂŞcher la bonne parole aux paysans qu’il soigne que de descendre dans la rue et de conduire une manifestation. Dès le premier congrès d’organisation du Parti dans le Vaucluse (Avignon, 1921), celui-ci prend pour hebdomadaire le journal l’Avenir, qu’Ayme vient de crĂ©er Ă  Carpentras. En 1922, il devient secrĂ©taire fĂ©dĂ©ral et, le , c’est dans cette mĂŞme ville que se rĂ©unit le premier congrès fĂ©dĂ©ral. La prĂ©fecture ayant interdit le dĂ©filĂ© avec drapeaux rouges, des bagarres Ă©clatent, un manifestant est renversĂ© Ă  la suite de l’intervention d’une brigade Ă  cheval. Au milieu des militants qui crient « assassins, assassins Â», Ayme s’empare d’un drapeau rouge et met au dĂ©fi le service d’ordre de le lui arracher. Cette action lui vaut l’inscription au carnet B, 3e groupe, « individus dangereux pour l’ordre intĂ©rieur Â».

DĂ©but 1924 il quitte Carpentras pour ouvrir un cabinet dentaire Ă  Cavaillon. Il participe rĂ©gulièrement Ă  la fĂŞte annuelle du Parti Ă  Fontaine-de-Vaucluse et y prend la parole. En , il est Ă  la tĂŞte des militants communistes qui manifestent Ă  Orange contre le congrès fĂ©dĂ©ral de la SFIO : il essaye de prendre la parole en montant sur une chaise, mais la police l’en empĂŞche. Il porte la contradiction dans les rĂ©unions socialistes, attaquant les alliances du Cartel et les guerres coloniales. Il est alors souvent rĂ©clamĂ© par les militants, qui apprĂ©cient son talent d’orateur et d’agitateur.

Mais le Parti communiste est dans sa pĂ©riode de tactique « classe contre classe Â» et connaĂ®t quelques annĂ©es de crise. DĂ©sillusion, dĂ©saccord idĂ©ologique ? Entre 1930 et 1933 le docteur Ayme s’éloigne du P.C.. Le rapport pour la confĂ©rence rĂ©gionale de Marseille () affirme que cet « intellectuel prĂ©tendu extrĂŞme gauchiste Â», ne comprend pas la politique du Parti Ă  la campagne ; et la mĂŞme annĂ©e, il est exclu, sans doute parce que jugĂ© trop bourgeois. Il est vrai qu’à cette date il exploite quatre cabinets dentaires, Ă  Cavaillon, Isle-sur-la-Sorgue, Apt, dans le Vaucluse, et Lambesc dans les Bouches-du-RhĂ´ne. Ă€ Cavaillon, le cabinet est tenu par son Ă©pouse. Dès 1933 cependant, il est rĂ©intĂ©grĂ©, dans un parti en pleine Ă©volution. L’action antifasciste rapproche en effet Ayme de ses anciens camarades : il est le dĂ©lĂ©guĂ© vauclusien du Parti aux congrès d’Amsterdam et de la salle Pleyel contre la guerre et le fascisme... Lors de la grève gĂ©nĂ©rale du , il conduit le dĂ©filĂ©, oĂą l’on chante l’Internationale et Bandiera rossa, et il parle place de l’Horloge aux centaines de militants[3]. Toujours en 1934, il est candidat au conseil gĂ©nĂ©ral, canton de Cavaillon, et lors d’une manifestation organisĂ©e contre la venue Ă  Carpentras de Philippe Henriot (futur dirigeant de la Milice), Ă  la tĂŞte de 600 manifestants il se heurte Ă  la police Ă  cheval, toujours serrant contre lui un drapeau rouge[4].

Le , il est délégué à Paris pour la manifestation du Front populaire. Le rayon de Vaucluse le désigne comme candidat aux législatives de 1936 dans la circonscription d’Apt, où il obtient un net gain de voix par rapport à 1928.

Dans l’étĂ© 1936, il anime plusieurs meetings en faveur de la RĂ©publique espagnole, fait un voyage en Espagne, avec son fils membre des Jeunesses communistes, et critique vivement la politique de « non-intervention Â» de LĂ©on Blum

Déçu de la rupture du Front populaire, il prend un sensible recul par rapport Ă  son action de propagandiste et de militant. Dès le dĂ©but de la guerre, il se retire dans sa propriĂ©tĂ© de Verquières (Bouches-du-RhĂ´ne). Un rapport de police indique « qu’il s’était beaucoup amendĂ© et paraissait se passionner pour la gĂ©ologie Â» …

Activités spéléologiques

En effet, cet esprit scientifique et curieux s’intéressait également, et depuis longtemps, à la circulation et la résurgence des eaux du Plateau de Vaucluse et de Saint Christol. Dès 1919 il crée la Société des Amis de la Sorgue souterraine, dont Daladier est un temps président d’honneur. Pendant les deux décennies suivantes il finance intégralement, dit-on, les recherches effectuées dans des orifices du Plateau (Aven de l’Aze, Trou souffleur), et dans les profondeurs de la cavité vauclusienne elle-même.

Il pressent l'importance du Trou souffleur dès son apparition Ă  la suite de pluies très importantes, le , sur la commune de Saint-Christol-d'Albion (Vaucluse). Un minuscule orifice s’ouvre, absorbant l’énorme quantitĂ© d’eau qui formait un petit lac dans la dĂ©pression karstique proche du village. De cette entrĂ©e impĂ©nĂ©trable, s’échappe un fort courant d’air, cela durant les 24 heures qui suivent son ouverture. Le Docteur Ayme attaque donc pendant deux longues annĂ©es sa dĂ©sobstruction. Malheureusement, cette première tentative est stoppĂ©e par l’effondrement de la trĂ©mie d’entrĂ©e. L'avenir lui donne raison puisque cette cavitĂ© passe de la cote -20 Ă  la cote -600 mètres en 1986. Déçu par le manque de rĂ©sultat obtenu Ă  partir de la surface du Plateau de Vaucluse, il essaye Ă©galement d'accĂ©der Ă  la Sorgue souterraine en faisant explorer la vasque de Fontaine-de-Vaucluse, exsurgence du système karstique : le , il y fait plonger Negri qui atteignit la profondeur de -27,5 mètres. Negri aperçoit une barque coulĂ©e, et la prend pour celle du plongeur Ottonelli qui avait Ĺ“uvrĂ© en 1878. En fait, il s'agit de la barque utilisĂ©e par Reboul en pour installer le Sorgomètre.

Seize ans plus tard, en octobre-, il dirige les plongées de son beau-frère Magrelli. Ce dernier relève avec précision le début du siphon, jusqu'à la profondeur de -25 mètres, en vue de préparer de futures plongées. Parallèlement à ces recherches scientifiques, le Docteur mettait à profit le cadre frais et verdoyant de la Fontaine-de-Vaucluse : particulièrement agréable en été, pour y tenir pendant toutes ces années les fêtes annuelles du PC départemental.

Il lance par ailleurs un projet qui, s’il ne s’était heurté au refus du maire de droite de l’époque, aurait permis de régulariser le débit des eaux et de fournir une activité régulière aux moulins en aval.

Internement et œuvre littéraire

En tant que communiste le Docteur Ayme est arrêté en 1940, interné à Marseille (Fort Saint-Nicolas), puis au camp de Chabanet (Ardèche) avec d’autres militants. Il les soigne et tente de les organiser. Comme il souffre d’un ulcère à l’œil, les conditions de détention lui sont particulièrement pénibles. Il est par la suite déporté, par le gouvernement de Vichy, en Algérie, à Bossuet (aujourd’hui Dhaya).

Cet arrĂŞt forcĂ© des activitĂ©s pendant plusieurs annĂ©es, lui donne le temps et le dĂ©sir d’écrire. D’écrire de nombreux poèmes, mais surtout un roman fantastique, contrairement Ă  ce que pourrait Ă  première vue suggĂ©rer le titre de l’ouvrage : Vaucluse[5]. Le hĂ©ros, un biologiste spĂ©lĂ©ologue, Ă©garĂ© dans les galeries souterraines de ce Plateau en apparence bien familier, y dĂ©couvre par accident tout une sociĂ©tĂ© merveilleuse, insoupçonnĂ©e Ă  la surface, technologiquement très dĂ©veloppĂ©e, très proche de l’univers de Jules Verne : l’absolue puretĂ© des eaux souterraines, exploitĂ©e rationnellement, y permet, grâce Ă  un système d’irrigation rĂ©volutionnaire, des cultures incroyablement riches, mĂŞme sous terre, et la prĂ©servation de l’organisme humain contre le vieillissement et la mort.

Le livre, Ă©crit pour l’essentiel en prison et en camp, Ă©vite toute allusion politique, mais ce merveilleux scientifique rejoint directement les enthousiasmes pionniers de la littĂ©rature soviĂ©tique des annĂ©es trente : les hommes, libĂ©rĂ©s de la mort, y sont devenus tous semblablement parfaits, grâce Ă  l’accroissement infini de leur expĂ©rience et de leur rĂ©flexion, libĂ©rĂ©es des contraintes matĂ©rielles. Le roman se termine par un grandiose miracle moderne : au beau milieu de la traditionnelle voto (fĂŞte votive) oĂą tous les paysans et les prĂŞtres de la rĂ©gion de Carpentras sont rĂ©unis comme chaque annĂ©e devant la petite fontaine attribuĂ©e Ă  un miracle du santon local Saint Gens, les eaux du sous-sol produisent brusquement un bouillonnement Ă©norme, annonciateur de fertilisation des champs… et de lendemains qui chantent.

Ă€ la LibĂ©ration, Henri Ayme devient conseiller municipal de Cavaillon et rĂ©intĂ©gre le Parti communiste vauclusien[6]. Il est responsable du journal Le cri du Vaucluse, non sans frĂ©quents conflits avec la direction dĂ©partementale : celle-ci privilĂ©gie systĂ©matiquement les Ă©chos des luttes sociales et des entreprises, tandis que, dans l’ambiance favorable de l’immĂ©diat après-guerre, pour attirer un plus large public populaire, il donne une importante place au jardinage, Ă  la cuisine et aux contes provençaux.

Sentant venir la fatigue de l’âge, peut-ĂŞtre déçu de ne pas ĂŞtre dĂ©signĂ© comme candidat aux Ă©lections parlementaires de 1945-1946, il se retire progressivement de l’action politique, et quitte ses fonctions municipales en 1952, annĂ©e de la mort de sa femme. Il consacre ses dernières annĂ©es Ă  mettre en meilleure forme ses travaux des pĂ©riodes prĂ©cĂ©dentes : scientifiques (Vallis clausa), littĂ©raires (Calès ou l’humanitĂ© souterraine), et politiques (La Cause). Il se remarie en 1953 avec Marie JosĂ©phine Magrelli, a encore plusieurs enfants et vit Ă  Verquières. En 1964, il donne son adhĂ©sion au ComitĂ© d’honneur national pour la rĂ©habilitation d’AndrĂ© Marty. Il meurt le Ă  Arles.

Après sa mort, son nom est donnĂ© en 1972, par une municipalitĂ© de gauche, Ă  la plus moderne des nouvelles citĂ©s pĂ©riphĂ©riques de Cavaillon. Devenue plus tard un « quartier difficile Â», celle-ci a abritĂ© un groupe de rap, dont l’un des succès avait pour leit-motiv « Docteur Ayme – c’est – pas Cavaillon – c’est Docteur Ayme Â».

Bibliographie

  • 1945, Vaucluse : roman, imprimerie Mistral, Cavaillon, 230 p.
  •  1955, Vallis Clausa : une merveille du monde nous attend = la Sorgue souterraine : Ă©tude gĂ©ologique et mĂ©canique de la Fontaine de Vaucluse ; Arles, chez l'auteur ; Saint-RĂ©my-de-Provence, imprimerie Lacroix, 160 p.
  •  1960, Calès, ou l'humanitĂ© souterraine, Paris, La Nef de Paris, 195 p.
  •  1962, La Cause, Ă©ditions du Scorpion, Paris, 190 p.
  • Arch. Nat. F7/13022, F7/13029, annĂ©e 1934, F7/13 134. - Arch. DĂ©p. Vaucluse, 1 M 723, 817, 824, 826, 830, 831, 840, 842 ; 3 M 280, 281, 283, 285, 533 ; 4 M 234, 237 ; 10 M 31 et 35. - Arch.mun. Cavaillon, dĂ©lib. conseil mun. – Le Radical du Vaucluse, coll. BM Calvet, Avignon. - TĂ©moignages (Olga Florac Ayme, R.Gros, F.Marin, F. Mitifiot). - État civil Carpentras et Arles
  • « Les grandes figures disparues de la spĂ©lĂ©ologie française », Spelunca (SpĂ©cial Centenaire de la SpĂ©lĂ©ologie), no 31, juillet-, p. 19.
  • Association des anciens responsables de la FĂ©dĂ©ration française de SpĂ©lĂ©ologie: In Memoriam.
  • A. Maureau, R. Moulinas, A. Simon, Histoire de Vaucluse, t.1, Avignon, BarthĂ©lĂ©my, 1993 – F. Marin, CafĂ© des Palmiers, Paris, Éd. Soc., 1993
  • Dictionnaire biographique du mouvement social, notice s. Henri Ayme par Francis Roux, François ChevaldonnĂ©, HĂ©lène Maignan.

Notes références

  1. État civil, Carpentras ; dictionn. bio. du mouvement social; idem pour la suite de ce chapitre.
  2. Sources: Arch. N., F7/13022 (rapports hebdo. s. sit. pol., Vaucluse), 1919-1929 ; tĂ©moignages F. Marin, F. Mitifiot ; idem p. suite chapitre.
  3. Arch. N., F7/13029 (Rapports hebdo. des préfets, Vaucluse, 1934).
  4. Arch. N., F7/13134 (Notes gĂ©nĂ©rales s. les activitĂ©s du P.C., Vaucluse, 1934).
  5. Cf ci-dessous, Sources.
  6. TĂ©moignages O. Ayme, F. Mitifiot ; F. Marin, CafĂ© des Palmiers, cf Sources.

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