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EugĂšne de Sicile

Eugenius de Sicile ou de Palerme (vers 1130 – 1202) est un homme de lettres et un important traducteur du grec et de l’arabe vers le latin. Issu de la noblesse italo-grecque, ayant servi Ă  la cour normande de Sicile durant le 12e siĂšcle, il pratiqua une vaste carriĂšre d’haut officier royal entre 1159 et 1202. À la suite de son pĂšre et de son grand-pĂšre, il fut honorĂ© du titre d’amiral[1]. Eugenius fut le dernier amiral du royaume normand de Sicile. Les dĂ©tails sur les dĂ©buts de sa carriĂšre sont inconnus, mais ses poĂšmes iambiques donnent un certain aperçu de celles-ci. Pendant le rĂšgne de Guillaume II (1166-89), il a Ă©tĂ© maĂźtre de la duana royal (1174-89) dans la rĂ©gion de Salerne, d’Amalfi, d’Apulie et de Capoue. Durant le rĂšgne de TancrĂšde (1189-1194), il prit le titre d’amiral qu’il honora jusqu’à la mort du Souverain. En 1194, lorsque l’empereur Henri VI (1194-1197), Ă©poux de Constance de Hauteville, fille de Roger II, s’est emparĂ© du Royaume, Eugenius et les conseillers de la reine Sybille d’Acerra furent accusĂ©s de trahison. La plupart ont Ă©tĂ© emprisonnĂ©s en Germanie au ChĂąteau de Trifels. En 1196, Eugenius fut libĂ©rĂ© et rappelĂ© au service du chancelier impĂ©rial Conrad de Querfurt, dans les offices de l’administration de la rĂ©gion d’Apulie. AprĂšs 1202, il n’existe plus de document attestant des activitĂ©s d’Eugenius.

EugĂšne de Sicile
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Biographie

D'origine grecque, c'est un haut fonctionnaire de l'administration fiscale de Guillaume II de Sicile. Il devient amiral en 1190-1194 sous le roi TancrĂšde. AprĂšs la mort de TancrĂšde, ses compĂ©tences administratives lui valent d'ĂȘtre employĂ© par le rĂ©gime des Hohenstaufen.

EugĂšne de Sicile est aussi poĂšte et traducteur (on a d'ailleurs suggĂ©rĂ© de l'identifier au chroniqueur sicilien Hugo Falcandus). Sa traduction latine Ă  partir de l'arabe de l'Optique de PtolĂ©mĂ©e constitue la seule source de cette Ɠuvre qui nous soit parvenue. Cependant, la traduction arabe sur laquelle il se base est fort imparfaite et incomplĂšte et le latin d'EugĂšne est qualifiĂ© d'« assez barbare » par A. Lejeune, qui l'a Ă©ditĂ©[2]. Le texte est dĂšs lors parfois obscur.

L’élite italo-grecque de la cour du royaume de Sicile

DĂšs l’établissement des Normands avec Roger Ier de Sicile (1071-1101) en Italie du Sud et en Sicile, une Ă©lite italo-grecque prit forme au cƓur de la cour royale et se perpĂ©tua durant tout le 12e siĂšcle. L’apparition de cette Ă©lite s’explique par la proximitĂ© du rĂŽle qu’elle exerça auprĂšs des rois normands. Leur rĂŽle Ă  la Cour constitue l’unique reprĂ©sentation de l’identitĂ© de cette Ă©lite que l’on retrouve dans les sources. Les poĂšmes d’Eugenius de Sicile, en tant qu’officier royal, figurent comme tĂ©moins de cette identitĂ© italo-grecque, ainsi que les poĂšmes de son prĂ©dĂ©cesseur, l’Anonyme poĂšte de Malte, aussi officier de cour[3].

Le premier siĂšge normand avait Ă©tĂ© Ă©tabli Ă  Mileto, dans la rĂ©gion sud de Calabre qui avait fait partie des concessions byzantines depuis la reconquĂȘte Justinienne. Au 11e siĂšcle, la population du sud de la Calabre Ă©tait majoritairement grecque et ses sujets avaient acquis un patrimoine byzantin important au niveau de l’éducation et de l’administration. Les Normands surent intĂ©grer ces Ă©lĂ©ments culturels notables dans leur appareil d’État, comme ce fut le cas pour les Ă©lĂ©ments arabes. Au cours du rĂšgne de Roger II (1105-1154), les officiers italo-grecs de la Cour ont jouĂ© un rĂŽle central dans l’administration royale[4].Cette prĂ©dominance grecque tend Ă  s’attĂ©nuer avec le Souverain succĂ©dant, Guillaume I (1154-1166), en raison de la place grandissante des Latins Ă  la Cour durant ce rĂšgne, ainsi que durant la rĂ©gence de la reine Margarite de Navarre (1166-1171).

Les ancĂȘtres d’Eugenius et l’office d’amiral

L’office d’amiral a Ă©tĂ© repris par les Normands lorsque Palerme fut conquise en 1071. DĂ©rivĂ© du titre d’émir arabe, gouverneur de Palerme, il apparait en 1086 comme amiratus Palermi, puis se transforme en ጀΌᜎρ (amiral) s’étendant Ă  tous les domaines du grand comte Roger. Les fonctions de l’amiral furent celles du contrĂŽle de l’administration fiscale, ainsi que de l’organisation de la marine royale. L’office fut donnĂ© Ă  des descendants grecs de grandes familles, Ă©duquĂ©es, riches et pieuses. De mĂȘme, beaucoup de Grecs ayant pratiquĂ© dans la trĂ©sorerie impĂ©riale byzantine (vestiarion), furent employĂ©s comme trĂ©soriers et chambellans[5].

Eugenius, premier de ce nom, grand-pĂšre de l’amiral Eugenius II, avait reçu du grand comte Roger en 1092, une Ă©glise en ruine dans la rĂ©gion de Troina en Sicile. Il avait reçu l’ordre d’y fonder un monastĂšre Basilien dĂ©diĂ© Ă  saint Michel. Il apparait portant l’office d’anotarius, puis dans une charte de 1169, confirmant la concession du monastĂšre, il apparait comme Eugenius Admiratus. Il fut parmi les premiers Ă  obtenir le titre d’amiral. Eugenius I fut aussi dĂ©signĂ© parmi les honorables archons et par le titre de ϰύρÎčÎżÏ‚ (maĂźtre) qui laisse entendre qu’il provenait d’une famille d’origine noble. Son fils Jean, pĂšre d’Eugenius II, fut Ă  son tour amiral et connut une carriĂšre militaire exemplaire durant les guerres de Roger II. La mĂšre d’Eugenius II fut probablement la sƓur de l’amiral Basil, de la famille Graffeus, Ă  la tĂȘte de la trĂ©sorerie royale (1140), puisque dans son eulogie dĂ©diĂ©e Ă  Guillaume I, il prĂ©cise ĂȘtre le neveu de celui-ci[6].

ƒuvres

Le royaume normand de Sicile et du sud de l’Italie fut l’une des uniques rĂ©gions oĂč les civilisations latine, grecque et arabe ont cohabitĂ© en cohĂ©sion et en paix. Durant la Renaissance du 12e siĂšcle, c’est au sein de ce Royaume que la rencontre entre le grec et le latin a Ă©tĂ© la plus importante. Parmi les plus Ă©minents traducteurs grecs de la cour royale figure Eugenius au cĂŽtĂ© de son collĂšgue devancier Henricus Aristippus. Ils ont tous les deux rĂ©digĂ© une eulogie sur Guillaume I et ont partagĂ© un vif intĂ©rĂȘt Ă  la fois pour la philosophie, la science et le naturalisme[7]. Eugenius Ă©tait principalement mathĂ©maticien, mais il Ă©tait un homme de lettre Ă©tablie, Ă  la fois poĂšte et philosophe. Il a composĂ© des poĂšmes iambiques en langue grecque, dont vingt-quatre ont Ă©tĂ© conservĂ©s sous un recueil[8] formant un commentaire de philosophie politique et morale, de science naturelle et d’évĂ©nements de sa vie. Comme traducteur, il a travaillĂ© sur la rĂ©vision grecque de la fable arabe KalÄ«la wa-Dimna ou Stephanites kai Ichnelates, sur le thĂšme du miroir des princes. Il a traduit du grec au latin la prophĂ©tie de Sybilla Erythraea, qui fut probablement rapportĂ© en 1158, par Henri Astrippide alors ambassadeur royal Ă  Constantinople. L’Amalgeste de PtolĂ©mĂ©e a probablement Ă©tĂ© apportĂ© au mĂȘme moment. Ce dernier fut traduit vers 1160 par un traducteur inconnu, aidĂ© d’Eugenius par sa connaissance de l’arabe. Il a aussi traduit de l’arabe au latin l’Optics de PtolĂ©mĂ©e[9].

Poésie italienne byzantine

Les vingt-quatre poĂšmes iambiques d’Eugenius ont Ă©tĂ© conservĂ©s dans un unique manuscrit produit au monastĂšre Saint-Nicolas de Casole au 14e siĂšcle, Ă  proximitĂ© d’Otrante. Par ailleurs, durant le 13e siĂšcle, c’est dans la rĂ©gion d’Otrante que la culture grecque a continuĂ© de briller. Le codex contient aussi des Ă©pigrammes d’auteurs grecs de l’école d’Otrante, ainsi que d’éminents auteurs byzantins, tel que Theodore Prodomos. Une eulogie d’Eugenius se trouve aussi dans le manuscrit, attestant de celui-ci sa longue attache Ă  la rĂ©gion d’Apulie et sa notoriĂ©tĂ© en tant que poĂšte et homme politique. Les poĂšmes d’Eugenius ont Ă©tĂ© composĂ©s en des temps diffĂ©rents et sont de longueurs variables. Certaines Ă©pigrammes plus courtes sont dĂ©diĂ©es Ă  des sujets religieux tels que (xi) Sur l’icĂŽne de Jean Chrysostome, (xii) Sur la table sacrĂ©e et (xiii) Sur la crucifixion. Trois poĂšmes sont adressĂ©s au prieur Kalos de Brindisi, probablement l’archevĂȘque Peter de Brindisi, composĂ©s autour de 1187. Une dizaine d’iambiques sont consacrĂ©s Ă  l’éloge de diverses vertus et Ă  la condamnation de divers vices, thĂšmes rĂ©pandus parmi les Byzantins de cette Ă©poque. Parmi les vices ; (ii) Gourmandise, (iii) Avarice, (vi) VerbositĂ©, (vii) Envie, (viii) BlĂąme, (xx) MĂ©disance, et parmi les vertus ; (iv) VirginitĂ©, (v) CharitĂ©, (xxiii) Modestie. Un de ses poĂšme, Le NĂ©nuphar de Palerme, illustre un exemple de sa qualitĂ© d’observateur naturaliste. Ses poĂšmes dĂ©montrent une vaste connaissance du grec ancien de l’auteur. Il partage un fond mythologique similaire au poĂšte Anonyme de Malte, Ă©voquant parfois les mĂȘmes histoires, comme celle du personnage Tantale. Certains supposent que le poĂšte Anonyme de Malte pourrait ĂȘtre Eugenius.  Il a aussi utilisĂ© des thĂšmes d’inspirations latines, nommĂ©ment provenant De consolatione philosophiae de BoĂšce, dont la reprise du sujet de la rota Fortuna. Il se peut qu’il ait eu accĂšs Ă  ce dernier par la bibliothĂšque du Mont-Cassino qui en dĂ©tenait un exemplaire depuis le 11e siĂšcle[10].

Vie et travail d’officier royal d’Eugenius

Homme de lettres et magister Ă  la duana (1159-89)

La complexitĂ© de la diaspora, duquel Ă©merge le royaume normand en Italie du Sud et dans laquelle Eugenius vĂ©cut, a fortement caractĂ©risĂ© le destin de la rĂ©gion jusqu’à la chute des Normands en 1194. De la domination du Saint-Empire germanique en Italie de Nord, Ă  la proximitĂ© des Papes, aux intĂ©rĂȘts de Constantinople, jusqu’à la gouvernance de sujets d’appartenance culturelle distincts : Lombards de Salerne et Capoue, Arabes de Sicile et Grecques d’Apulie et Calabre. La chronique historique du Liber de regno Sicilie d’Hugues Falcand, relatant les Ă©vĂ©nements du rĂšgne de Guillaume I et de la rĂ©gence de Marguerite de Navarre (1154-69), illustre la turbulence dans laquelle Eugenius a baignĂ© aux dĂ©buts de sa carriĂšre[11].

Certains de ses poĂšmes sont un Ă©cho similaire au Liber de la pĂ©riode du rĂšgne de Guillaume I. Il n’existe pas de trace sur l’exactitude des fonctions qu’a exercĂ©e Eugenius durant cette pĂ©riode. Le poĂšme (xxiv), panĂ©gyrique sur le roi Guillaume I, a possiblement Ă©tĂ© Ă©crit vers 1158. Il semble cĂ©lĂ©brer les rĂ©ussites du souverain Ă  dominer les coalitions, nommĂ©ment par le TraitĂ© de BĂ©nĂ©vent (1156). L’absence de dĂ©signation rĂ©fĂ©rant Ă  son titre de haut fonctionnaire, sous-tend qu’il travaillait dĂ©jĂ  Ă  la Cour, possiblement comme notaire Ă  la duana. Son poĂšme (xxi) Sur la RoyautĂ©, plus tardif, dĂ©crit les qualitĂ©s que doit incarner un souverain idĂ©al. Il fait probablement rĂ©fĂ©rence au dĂ©faut que personnifie Guillaume I, dĂ©crit dans le Liber Ă  partir de 1160 sous le qualitatif de tyran.

The shepherd of the flock [Eugenius declares] 
 is not chosen from it (for the ram does not pasture the sheep, not the bull drives the herd of cows), but from a race as much higher and more excellent as is the difference between a rational being and a dump animal 
 In the same way our own rulers should in truth be of a nobler order
 But since it is not possible for us to reach up to a higher sphere nor to bring down from Heaven immaterial supramundane princes to be our kings, we appoint of necessity from among ourselves these present governors to rule our consent. [12]

Le poĂšme s’inspire de la doctrine de Platon, teintĂ© de Lois, Politique et RĂ©publique, insĂ©rant des Ă©lĂ©ments d'HomĂšre et de la Bible, citant intĂ©gralement les versets d’IsaĂŻe, 5 : 11 et 22. Les poĂšmes sur les vices, Jalousie, MĂ©disance, ColĂšre, laisse entendre une atmosphĂšre de discorde et d’intrigue rĂ©gnant Ă  la Cour[13]. Evelyn Jamison dresse une fine analyse de ces poĂšmes, ainsi que sur l’Ɠuvre et la carriĂšre d’Eugenius. Son travail Admiral Eugenius of Sicily reste aujourd’hui inĂ©galĂ© et n’a pas encore Ă©tĂ© dĂ©passĂ©.

Les premiers enregistrements conservĂ©s qui attestent de l’activitĂ© d’Eugenius au sein de la duana, ou de l’administration royale des affaires, Ă  titre de magister, datent de 1174 dans la principautĂ© de Salerne. En 1178, il servit dans la rĂ©gion de Salerne et d’Amalfi en tant que maitre de la duana de secretis et de la duana baronum, pour le compte de Walter de Moac, amiral de la marine royal et maitre des deux duana. Par la suite, aucun registre n’apparait sous son nom jusqu’en 1187 dans la rĂ©gion Brindisi Ă  Apulie. Les registres d’office de sa carriĂšre de magister de la duana baronum, constituent un important portrait de l’activitĂ© de sa vie, de ses vues en tant que penseur politique et son rapport avec les Ă©vĂ©nements contemporains au travail portant son nom. Durant le rĂšgne de Guillaume II, rien dans les PoĂšmes n’évoque les problĂšmes politiques et gouvernementaux. En ses quinze annĂ©es de service fiscal sur le continent italien, Eugenius acquit une connaissance sur les caractĂ©ristiques des diffĂ©rentes populations, du danger de leur divergence et de la menace d’invasion Ă©trangĂšre[14].

L’administration siculo-normande selon E. Jamison (sous Roger II et aprùs Roger II) [15]

Eugenius, amiral royal (1190-94)

En 1183, Constance de Hauteville avait Ă©tĂ© donnĂ©e en mariage par Guillaume II Ă  l’empereur Henri VI. Lorsque celui-ci dĂ©cĂšde en 1189 sans hĂ©ritĂ© et testament, Constance devient alors hĂ©ritiĂšre lĂ©gitime. Le comte TancrĂšde de Lecce, petit fils illĂ©gitime de Roger II, a Ă©tĂ© courroucĂ© Ă  Palerme en 1190, supportĂ© du vice-chancelier Mathieu de Salerne. Reconnu en Sicile, en Calabre et en Terra d'Otranto, son rĂšgne de quatre ans, rencontre une opposition impĂ©riale de la noblesse et du haut clergĂ© d’Apulie et de Terra di Lavoro[16]. Du fait de son exile Ă  Constantinople, le roi TancrĂšde Ă©tait familier Ă  la langue et la culture grecque qu’il avait appris. Ayant Ă©tĂ© constable et maitre justicier d’Apulie et de Terra di Lavoro dĂšs 1181, il avait connaissance des aptitudes et de l’expĂ©rience d’Eugenius, magister de la duana. Au printemps 1190, Eugenius est appelĂ© Ă  la tĂȘte de l’administration financiĂšre avec le nouveau titre de regius amiratus. Son rĂŽle remplace le conseil d’officiers de la duana, ainsi que celui de la trĂ©sorerie du camĂ©rier du palais. Il atteint ainsi le sommet des ambitions d’un officier de famille grecque et la dignitĂ© qu’avait connue son pĂšre, grand-pĂšre et oncle. L’office d’amiral Ă©tait dĂ©sormais rĂ©parti sous ses deux fonctions initiales : l’amiral Magaritus de Brindisi, Ă  la tĂȘte de la marine royale et l’amiral Eugenius, Ă  la tĂȘte de la camera et la duana. En 1193, le Royaume connut une sĂ©rie d’évĂ©nements qui allait mener Ă  la chute des Normands en Sicile; le dĂ©cĂšs du chancelier Mathieu d’Ajello et du jeune roi Roger, l’état de santĂ© critique de l’amiral Magaritus, puis le dĂ©cĂšs du roi TancrĂšde en fĂ©vrier 1194[17].

Tragédie de la monarchie sicilienne

Pendant la rĂ©gence de la reine Sibylle, Eugenius poursuivit ses fonctions d’amiral royal et comptait parmi les conseillers de la Reine. Toutefois, en novembre 1194, Henri avait conquis une grande partie du Royaume. Il avait contraint la Reine Ă  lui concĂ©der le palais de Palerme, en lui promettant Tarente et le comtĂ© de Lecce pour son fils, le jeune roi Guillaume III[18].

Extrait du Liber ad honorem Augusti, de Petrus d’Eboli, f. 136, reprĂ©sentant la reine Sybille et ses conseillers[19].


En décembre 1194, la Reine et ses conseillers se trouvent condamnés pour trahison et condamnés à la prison en Germanie. Guillaume III a été fait prisonnier au Chùteau Hohenem en Autriche, la reine Sibylle et ses filles ont été confinées au couvent du Mont-Sainte-Odile, tandis que les conseillers, parmi lesquels figure Eugenius, ont été conduits à la forteresse impériale de Trifels[20].

L’un des poĂšmes d’Eugenius, (i) Sur sa captivitĂ©, a Ă©tĂ© composĂ© en cette prison. Il constitue un tĂ©moignage considĂ©rable de cet Ă©pisode tragique et contribue Ă  la controverse qui fit rage concernant la vĂ©ritĂ© sur les accusations portĂ©es contre Sibylle et sur les partisans. Le poĂšme argue une prĂ©occupation sur la tragĂ©die de Sicile et sur les notions de complot et traitrise. Certains tĂ©moignages contemporains plaident en faveur de l’innocence de la famille royale, accusant l’Empereur d’abus et de tromperie. Les plus importants sont les chroniques des Annales du Mont-Cassin et de Ceccano[21]. Dans son poĂšme Sur sa captivitĂ©, il Ă©crit :

Books and writings on all kinds of subjects, come and be my close companions and welcome my despondency into the sweetness of your society, which from my childhood up I have valued above pleasant and costly possessions[22].

En ce passage, Jamison note qu’il y a de bonnes raisons de penser qu’il a planifiĂ© et en parti composer en prose latine d’autres travaux comme l’Historia Hugonis Falcandi ou le Liber de Regno Siciliae. Elle prĂ©cise que ces chroniques prĂ©sentent des passages dĂ©finis de la fable de Stephanites et Ichnelates et de Sybilla Erythraea, mais aussi de fortes similitudes avec les Poems concernant leurs approches et certains passages. Dans la conclusion du prologue d’Historia, l’auteur prĂ©cise qu’il a composĂ© ses mĂ©moires Ă  la cour de Sicile et qu’il a Ă©tĂ© le spectateur de ce qu’il raconte[23].

En juillet 1196, Eugenius est rappelĂ© Ă  travailler au service du chancelier impĂ©rial, Conrad de Querfurt, chargĂ© des affaires de la province d’Apulie. Les plus hauts postes Ă©taient alors donnĂ©s aux Germains. En 1197, il eut une forte rĂ©pression de l’Empereur des partisans normands. Henri a envoyĂ© des ordres afin de punir les otages emportĂ©s en 1194, suivant l’exĂ©cution du comte d’Acerra, frĂšre de Sibylle. Le jeune roi Guillaume a Ă©tĂ© aveuglĂ© et castrĂ©. Il est dĂ©cĂ©dĂ© peu aprĂšs ces Ă©vĂ©nements. Au dĂ©but de 1198, le Pape Innocent III a finalement obtenu la libĂ©ration des prisonniers survivants de Trifels, ainsi que l’autorisation pour Sibylle et ses filles Ă  trouver refuge en France. En 1198, Eugenius est nommĂ© maitre chambellan d'Apulie et de Terra di Lavoro et les derniers registres comportant son nom sont datĂ©s de 1202[24].

Notes et références

  1. John Dillon, « Eugenius of Palermo », dans Christopher Kleinhenz (dir.), Medieval Italy: An Encyclopedia, New York, 2004, p. 322-323.
  2. Albert Lejeune, L' Optique de Claude Ptolémée, dans la version latine d'aprÚs l'arabe de l'émir EugÚne de Sicile., édition critique et exégétique augmentée d'une traduction française et de compléments, Louvain, Bibl. universitaire, 1956; 2e éd. : Brill (Leyde, New York), 1989.
  3. Eleni Tounta, « The Italo-Greek Courtiers and their Saint: Constructing the Italo-Greek Elite's Collective Identity in the Twelfth-Century Norman Kingdom of Sicily », Mediterranean Studies, vol. 8-1, 2020, p. 88-92.
  4. John Dillon, « Greek Language and Litterature », dans Christopher Kleinhenz (dir.), Medieval Italy: An Encyclopedia, New York, Routledge, 2004, p 445-446.
  5. Evelyn Jamison, Admiral Eugenius of Sicily, His Life and Work and the Authorship of the "Epistola Ad Petrum" and the "Historia Hugonis Falcandi Siculi", London, British Academy, 1957, p.33-34.
  6. E. Jamison, Admiral Eugenius
, p.35-37.
  7. Charles Homer Haskins, Studies in the History of Mediaeval Science, New York, 1960, p. 141-143, 171-178.
  8. Les poĂšmes d’Eugenius ont Ă©tĂ© Ă©ditĂ©s en italien par Marcellus Gigante : Eugenii Panormitani versus iambici.
  9. E. Jamison, Admiral Eugenius
, p. xx-xxi.
  10. Caroline Cupane, “Byzantine Poetry at the Norman Court of Sicily (1130-c.1200)”, A Companion to Byzantine Poetry, Vol. 4, 2019, p. 367-368.
  11. Hugo Falcandus, Le livre du royaume de Sicile : Intrigues et complots Ă  la cour normande de Palerme (1154-1169), Ă©d. Egbert TĂŒrk, 2011, p. 7-8.
  12. E. Jamison, Admiral Eugenius
, Poems, xxi, lines 29-47, p. 67.
  13. E. Jamison, Admiral Eugenius
, p. 64-71.
  14. E. Jamison, Admiral Eugenius
, p. 79.
  15. Annliese Nef, « Chapitre 4. État et administration dans la Sicile Normande », ConquĂ©rir et gouverner la Sicile islamique aux XIe et XIIe siĂšcles, Rome, Publications de l’École française de Rome, 2011, p. 248.
  16. E. Jamison, Admiral Eugenius
, p. 80-81.
  17. E. Jamison, Admiral Eugenius
, p. 95, 101-102.
  18. John Dillon, « William III », dans Christopher Kleinhenz (dir.), Medieval Italy: An Encyclopedia, New York, Routledge, 2004, p. 1167-1168.
  19. E. Jamison, Admiral Eugenius
, Frontipiece. Eugenius with Sibylla and her supporter (Petrus de Ebulo, Liber ad honorem Augusti, Bern, Codex 120, f. 136, lower drawing, reduced).
  20. E. Jamison, Admiral Eugenius
, p. 105, 110-111, 122, 125-127.
  21. E. Jamison, Admiral Eugenius
, Annales Casinenses et Annales Ceccanences, p. 134-135.
  22. E. Jamison, Admiral Eugenius
, Poems i, ΀οῊ ÎșÏ…ÏÎżáżŠ Î•áœÎłÎ”ÎœÎŻÎżÏ…, ᜅταΜ áœ‘Ï€áż†ÏÏ‡Î”Îœ Δጰς τᜎΜ ϕυλαÎșÎźÎœ, p. 127.
  23. E. Jamison, Admiral Eugenius
, p. 140-142, 144.
  24. E. Jamison, Admiral Eugenius
, p. 172-174.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Evelyn Jamison, Admiral Eugenius of Sicily, His Life and Work, Oxford University Press, 1957.
  • EugĂšne de Sicile, L'optique de Claude PtolĂ©mĂ©e : dans la version latine d'aprĂšs l'arabe de l'Ă©mir EugĂšne de Sicile, Ă©dition critique et exĂ©gĂ©tique, traduction française et complĂ©ments d’Albert Lejeune, Leiden, E.J. Brill, 1989, 371 p.
  • Hugo Falcandus, Le livre du royaume de Sicile : Intrigues et complots Ă  la cour normande de Palerme (1154-1169), Ă©d. Egbert TĂŒrk, Turnhout, Brepols, 2011, 391 p.
  • John Dillon, « Eugenius of Palermo », dans Christopher Kleinhenz (dir.), Medieval Italy: An Encyclopedia, New York, Routledge, 2004, p. 322-323.
  • John Dillon, « Greek Language and Litterature », dans Christopher Kleinhenz (dir.), Medieval Italy: An Encyclopedia, New York, Routledge, 2004, p. 444-449.
  • John Dillon, « Peter of Eboli », dans Christopher Kleinhenz (dir.), Medieval Italy: An Encyclopedia, New York, Routledge, 2004, p. 880.
  • John Dillon, « William III », dans Christopher Kleinhenz (dir.), Medieval Italy: An Encyclopedia, New York, Routledge, 2004, p. 1167-1168.
  • Charles Homer Haskins, Studies in the History of Mediaeval Science, New York, F. Ungar, 1960, 411 p.
  • Evelyn Jamison, Admiral Eugenius of Sicily, His Life and Work and the Authorship of the "Epistola Ad Petrum" and the "Historia Hugonis Falcandi Siculi", London, British Academy, 1957, 424 p.
  • Karla Mallette, The Kingdom of Sicily, 1100-1250: A Literary History; The Middle Ages Series; University of Pennsylvania Press, Philadelphia, 2005, 224 p.
  • Hörandner Wolfram (dir.) et al., A Companion to Byzantine Poetry, Vol. 4 de Brill's Companions to the Byzantine World, Leiden, Brill, 2019, 576 p.
  • Naglis Kardelis, « A Scholarly Monument to Malta’s History », LiteratĆ«ra, vol.52-3, 2010, p. 101-105. https://doi.org/10.15388/Litera.2010.3.7709
  • JosĂ© Martinez Gazquez, « The Importance of Ptolemy and the Almagest in the Work of the Translators of Arabic Science in the Middle Ages », Imago Temporis; Medium Aevum, vol. 13, 2019, p. 97-113. https://doi.org/10.21001/itma.2019.13.05
  • Annliese Nef, « Chapitre 4. État et administration dans la Sicile Normande : ConquĂ©rir et gouverner la Sicile islamique aux xie et xiie siĂšcles », Publications de l’École française de Rome, 2011, p.243-301 https://doi.org/10.4000/books.efr.5376
  • Eleni Tounta, « The Italo-Greek Courtiers and their Saint: Constructing the Italo-Greek Elite's Collective Identity in the Twelfth-Century Norman Kingdom of Sicily », Mediterranean Studies, vol. 8-1, 2020, p. 88-129. https://doi.org/10.5325/mediterraneanstu.28.1.0088

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