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Espace de discussion de rue

Les espaces de discussion de rue en CĂŽte d’Ivoire Ă©taient des regroupements de populations constituĂ©es Ă  majoritĂ© de jeunes adultes, dans les rues d'Abidjan et dans certaines autres villes du pays. Ils Ă©taient appelĂ©s « parlements », « agoras », « congrĂšs » ou « grins » et Ă©taient utilisĂ©s par certains partis politiques comme un moyen de diffusion de masse de propagande. Le caractĂšre dĂ©mocratique de ces espaces de discussion et leur rĂŽle dans le jeu politique a nourri la controverse, de par l'impossibilitĂ© d'exprimer une opinion diffĂ©rente de celle Ă©noncĂ©e. Ces espaces ont Ă©tĂ© rasĂ©s et interdits dans les jours qui ont suivi la prise de fonction d'Alassane Ouattara en [1].

Organisation et fonctionnement

La « Sorbonne » au Plateau en 2007, aujourd'hui rasée.

Ils ont pris la dĂ©nomination de « parlements », mais on les appelle Ă©galement « agoras », ou encore « congrĂšs » et sont en rĂ©alitĂ© des espaces de discussion de rue accueillant des regroupements de populations, en majoritĂ© jeunes, Ă  Abidjan et dans certaines autres villes de CĂŽte d’Ivoire. Ces « parlements » qui se sont particuliĂšrement illustrĂ©s pendant la crise politico-militaire en CĂŽte d'Ivoire sont organisĂ©s Ă  travers diverses structures de gestion dont les plus connues sont la FĂ©dĂ©ration nationale des orateurs des parlements et agoras de CĂŽte d'Ivoire (Fenapci), l'Union des orateurs des parlements de CĂŽte d'Ivoire (Unopaci) et la Coordination des parlements et agoras de Yopougon (Copayo).

En CĂŽte d'Ivoire, ces espaces de discussion de rue Ă©taient politiquement trĂšs orientĂ©s. Ils fonctionnent comme des instruments de conquĂȘte du pouvoir politique et s'insĂšrent dans les stratĂ©gies globales des partis qui les utilisent. Dans ce systĂšme, ils servent de relais et de supports Ă  la propagande idĂ©ologique[2].

Ainsi, les plus populaires des « parlements », « agoras », ou « congrÚs », sont pro-FPI, tandis que « grins », plus rares, seraient plutÎt proches du Rassemblement des républicains ou du PDCI.

Critique du phénomÚne

Le caractÚre démocratique de ces espaces et leur rÎle dans le jeu politique est cependant diversement apprécié.

Les opinions favorables au phĂ©nomĂšne, y perçoivent la rĂ©invention par les acteurs politiques ivoiriens d’une forme de « politique par le bas »[3]. Un systĂšme qui part du bas de la pyramide sociale et se poursuit jusqu’au sommet de l'État et qui, Ă  leur avis, implique les acteurs fondamentaux que sont les populations ; cette approche offre, selon eux, une occasion inestimable aux populations les plus dĂ©munies Ă©conomiquement et en majoritĂ© analphabĂštes d’ĂȘtre informĂ©es dans ces « parlements », par des orateurs qui s’expriment dans un langage comprĂ©hensible pour tous et permet une vĂ©ritable participation populaire au dĂ©bat politique dans de vrais espaces de libre expression[4].

De leur point de vue, la crĂ©ation de ces espaces qui constituaient une toile serrĂ©e de contrĂŽle social et politique, traduisait Ă©galement un renforcement de la vitalitĂ© du rĂ©seau de diffusion de l'information en CĂŽte d’Ivoire autant qu’une affirmation des jeunes urbains qui, Ă  la faveur du conflit et de la violence, « se lĂšvent en hommes » dans l’espace public[5] et fortifiait la participation des masses populaires dans les conflits.

Pour les opinions dĂ©favorables au phĂ©nomĂšne, le mode de pensĂ©e monolithique dĂ©fendu et promu dans chacune des tendances de ces espaces est un indicateur de la rĂ©cupĂ©ration politicienne de ceux-ci. Cet assujettissement est plutĂŽt perçu comme le signe d'un processus d'affaiblissement des possibilitĂ©s de participation des masses populaires au jeu dĂ©mocratique. Les jeunes animateurs de ces espaces, qualifiĂ©s d’« extrĂ©mistes manipulĂ©s »[6] attisent, selon ces opinions, la haine contre les Ă©trangers, s’attaquent Ă  la France[7] et, profĂšrent Ă  longueur de journĂ©e des sentences contre leurs adversaires politiques. Ils sont en consĂ©quence perçus comme une menace pour la sĂ©curitĂ© et les droits de l'homme dans leur pays[6] et l’on s’interroge Ă©galement sur les risques jugĂ©s rĂ©els de les voir Ă©chapper, Ă  terme, Ă  tout contrĂŽle pour basculer Ă  leur tour dans une rĂ©bellion[6].

Enfin, quelques observateurs analysent le phĂ©nomĂšne sous un rapport plutĂŽt socio-Ă©conomique. Dans cette perspective ils mettent en corrĂ©lation le contexte de crise Ă©conomique qui caractĂ©rise la CĂŽte d’Ivoire, le trĂšs grand nombre de jeunes frappĂ©s par le chĂŽmage, et l’opportunitĂ© d’accĂ©der Ă  de nouveaux rĂ©seaux sociaux et Ă©conomiques qu’offre Ă  certains, la participation aux activitĂ©s de ces espaces de discussion de rue[8].

Références

Compléments

Article connexe

Liens externes

  • (en) Arnault K., Reckoning with scales in media anthropology: the patriotic Movement and the mediation of autochtony in CĂŽte d'Ivoire, in 8th EASA Conference, workshop Media and the Global, Vienna, 2004.
  • (fr) Bahi A. , La Sorbonne d'Abidjan : rĂȘve de dĂ©mocratie ou naissance d'un espace public, in Revue Africaine de Sociologie 7, 2003, p. 1-18
  • (en) Banegas R., CĂŽte d'Ivoire : patriotism, ethnonationalism and other african modes of self-writing, in African Affairs, 2006, p. 535-552
  • (fr) Bayart J-F., Le politique par le bas en Afrique. Question de mĂ©thode, in Politique africaine, 1981, p. 53-82.
  • (en) Dozon J-P., Post-prophetism and post HouphouĂ©tism in Ivory Coast, in Social Compass, 2001, p. 369-402
  • (fr) SiluĂ© N-O., MĂ©diatisation des idĂ©ologies politiques dans les espaces de discussion de rue : le cas du discours politique sur l'identitĂ© nationale au cours des audiences foraines de 2006, CERAP CĂŽte d’Ivoire, MĂ©moire de DESS. 2006.
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