Emmanuel DĂ©sveaux
Emmanuel Désveaux, né le [1] à Paris, est un enseignant-chercheur et anthropologue français. Directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, il est spécialiste d'anthropologie structurale américaniste et européaniste.
Naissance | |
---|---|
Nationalité | |
Activité | |
RĂ©dacteur Ă |
A travaillé pour | |
---|---|
Site web |
Biographie
Études
Emmanuel Désveaux étudie la géographie et l’Histoire à l’Université Paris VIII Vincennes. Au cours de sa formation, il réalise un premier terrain chez les Wan, une société Mandingue de Côte d'Ivoire dont il analyse l’économie rurale. C’est cette première expérience ethnographique qui lui donne le goût de l’anthropologie.
Il rencontre ensuite Claude Lévi-Strauss qui l’encourage alors dans son désir de travailler sur les Indiens d’Amérique du Nord et s’inscrit en thèse au LAS sous la direction de Maurice Godelier. Entre 1980 et 1984, il effectue trois séjours de longue durée dans le Grand Nord canadien chez les Ojibwa septentrionaux, à Big Trout Lake (aujourd’hui Kitchenuhmaykoosib) et dans les communautés avoisinantes du Nord-Ouest de l’Ontario. Il obtient le titre de docteur en 1984.
Carrière
Emmanuel Désveaux est élu maitre de conférence en 1991 à l'EHESS, il passe son habilitation à diriger de recherches en 1999.
Il enseigne à Rio de Janeiro en 1996, et l'année suivante, à Vienne. Plus récemment, sur une période de 15 ans, il enseigne régulièrement au département d'anthropologie de l'université de l'Indiana à Bloomington, à l'invitation de Ray DeMallie et de Douglas Parks[2] (d'où son titre d'adjunct professor), à Berlin (à la Humbold Universität et la Freie Universität, 2007-2009) et à l'université de Virginie à Charlottesville (2019). Il a été directeur scientifique du musée du quai Branly-Jacques Chirac de 2001 à 2006[3] et commissaire de l’exposition « Kodiak, Alaska, les masques de la collection Alphonse Pinart »[4] - [5] (Paris, 2002). Il fonde en 2009 avec Michel de Fornel le LIAS[6]centre de linguistique anthropologique et sociolinguistique au sein de l'Institut Marcel Mauss (EHESS/CNRS, UMR 8178).
De 2013 à 2017, il est directeur des Éditions de l'EHESS. Depuis 2021, il est responsable de la formation anthropologie sociale et ethnologie à l'EHESS. Il coordonne de 2014 à 2018, le programme ANR SOURVA : Aux sources de la variation culturelle. Dans ce cadre, Emmanuel Désveaux s'est lancé depuis 2010 dans une vaste enquête sur l'architecture vernaculaire des hautes vallées alpines[7]. Il est actuellement responsable, depuis 2019, du projet ANR Nambikwara, programme scientifique visant à numériser, transcrire et analyser les carnets de terrain de Claude Lévi-Strauss.
Travaux
Extensions de la logique transformationnelle
La pensée d’Emmanuel Désveaux est largement influencée par le structuralisme lévi-straussien et plus précisément par la tétralogie des Mythologiques qui servira de fondement théorique à ses travaux.
Cet intérêt profond pour le structuralisme, d’abord théorique, se cristallise dans son expérience de terrain. Alors qu’il ambitionne, influencé par le matérialisme de Maurice Godelier, de réaliser une thèse sur les aspects économiques de la société Ojibwa alors en voie d’abandon de ses modes de vie traditionnels, c’est la constance de la tradition orale qui le fascine et fait basculer son ethnographie. Il recueille, avec surprise, une variante nouvelle du mythe du dénicheur d'oiseaux qui corrobore la théorie lévi-straussienne de la dimension transformationnelle des mythes américains[8].
Dans la continuité du travail de Lévi-Strauss, Emmanuel Désveaux s’attache à penser l’Amérique comme une aire culturelle unie, régie par des processus de transformations structuraux inconscients. Il propose notamment, pour faciliter l’utilisation de la célèbre formule canonique des mythes, d’utiliser la structure quadratique inspirée des groupes de Klein[9].
L’originalité de son approche est d’avoir étendu la logique transformationnelle à d’autres champs que ceux des mythes (culture matérielle, terminologie de parenté, organisation sociale), mais également au-delà des seules frontières de l’Amérique. Ainsi, même si cette dernière est pour lui le continent logique par excellence, ses recherches tentent de révéler, dans d’autres aires culturelles, les transformations structurelles à l'œuvre.
Emmanuel Désveaux s’intéresse aux attendus épistémologiques du structuralisme lévi-straussien (en particulier aux quadrants, groupe de Klein et formule canonique des mythique, tout comme un inavouable arrière-plan diffusionniste) comme à la parenté. Il se livre ainsi à une critique acérée des fondements de ce que ce qu’on appelle la « raison parentaire »[10]. Son livre Quadratura americana, Essai d’anthropologie lévi-straussienne, publié en 2001, rend compte de cet ensemble de réflexions[11]. Emmanuel Désveaux s’est attaché à poursuivre la démonstration en ce qui concerne les langues, dans l'optique de renouveler la question des classifications linguistiques en Amérique[12].
Emmanuel Désveaux poursuit l’étude et la critique de l'œuvre lévi-straussienne. En 2016, il écrit la préface et édite l'autobiographie de Claude Lévi-Strauss intitulée De Montaigne à Montaigne Éditions EHESS [13] - [14], une présentation et l’analyse de deux conférences de l’auteur espacées de quarante cinq ans. Ses réflexions critiques portent notamment sur l’époque fonctionnaliste des travaux de Lévi-Strauss, mais également sur certaines inclinations du maître pour le naturalisme[10].
Réflexions sur la contemporanéité
Il n’hésite pas à s’emparer de sujets controversés de notre modernité comme la procréation médicalement assistée ou encore la pornographie[15]. Son positionnement contre les études de genre dans Avant le genre. Tryptique d’Anthropologie hardcore suscite des polémiques dans le milieu universitaire[16]. Ces réflexions se poursuivent dans son dernier livre Sexualités, Sociétés, Nativités, où les pratiques sexuelles contemporaines sont mises en regard avec les nouveaux régimes de la procréation (PMA, GPA)[17] - [18].
Principales publications
- Sous le signe de l'ours : mythes et temporalité chez les Ojibwa septentrionaux, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l'homme, 1988, 320 pages. (ISBN 978-2-73510256-3)[19]
- Quadratura Americana: essai d'anthropologie lévi-straussienne, Genève, Georg, « Ethnos », 2001, 648 pages. (ISBN 2-8257-0744-9)[11]
- (dir.), Kodiak, Alaska : les masques de la collection Alphonse Pinart, catalogue de l'exposition, Paris, Musée national des arts d'Afrique et d'Océanie, -, Paris, A. Biro, Musée du Quai Branly, 2002. (ISBN 2-87660-363-2)
- Spectres de l'anthropologie : suite nord-américaine, Montreuil, Aux lieux d'être éditions, « Sciences contemporaines », 2007, 336 pages. (ISBN 978-2-916063-15-7)[20]
- Au-delà du structuralisme : six méditations sur Claude Lévi-Strauss, Bruxelles, Éditions Complexe, 2008, 160 pages. (ISBN 978-2-8048-0154-0)[21]
- Faire des Sciences Sociales, Généraliser, sous la direction de Emmanuel Désveaux et de Michel de Fornel, Paris, Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales, 2012. (ISBN 978-2-7132-2363-1)[22]
- Avant le genre : Triptyque d'anthropologie hardcore, Paris, Éditions de L'EHESS, 2013, 292 pages. (ISBN 978-2-7132-2374-7)
- La parole et la substance : Anthropologie comparée de l'Amérique et de l'Europe, Paris, Les Indes savantes, 2017, 340 pages. (ISBN 978-2-84654-473-3)
- Sexualités, sociétés, nativités. Une enquête anthropologique, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2022, 408 pages. (ISBN 979-10-267-1080-6)[17] - [18]
Références
- « Emmanuel Désveaux », sur Who's Who (consulté le )
- Emmanuel Désveaux et Gilles Havard, « Raymond J. DeMallie (1946-2021) et Douglas R. Parks (1942-2021) », Journal de la société des américanistes,
- Stéphane Baillargeon, « L'entrevue - Le conservateur de l'humanité », sur Le Devoir, (consulté le )
- Le Monde des Livres, « Le musée du quai Branly rejette Darwin », sur Le Monde,
- « Kodiak, Alaska : les masques de la collection Alphonse Pinart, exporevue, magazine, art vivant et actualité », sur Exporevue (consulté le )
- « Lias : Accueil », sur ehess.fr (consulté le ).
- "De LĂ©vi-Strauss Ă Haudricourt : promenade architecturale en Savoie", Techniques & Culture, no 56, 2011/1, p. 202-223.
- Emmanuel Désveaux, « Quadratura Americana : essai d'anthropologie lévi-straussienne », Georg, (consulté le )
- Klaus Hamberger, « Le continent logique. À propos de Quadratura americana d’Emmanuel Désveaux », Journal de la société des américanistes,
- Emmanuel Désveaux, « La consanguinité », L'Homme,
- Nicolas Journet, « Quadratura americana. Essai d'anthropologie lévi-straussienne », Sciences humaines,
- "From Ojibwa to Dakota: Toward a Typology of semantical Transformations in American Indian Languages", Anthropological Linguistics, vol. 51, n. 2, Summer 2009, p. 95-130 (en collaboration avec M. de Fornel).
- Le Monde des Livres, « De Montaigne à Montaigne », sur Le Monde,
- Gérald Gaillard, « De Montaigne à Montaigne », Sciences humaines,
- Emmanuel Désveaux, « Regarder de la pornographie: Encenser la maternité », Grief, , p. 190–204
- Agnès Fine, « Emmanuel Désveaux, Avant le genre. Triptyque d’anthropologie hardcore », Clio. Histoire, Femmes et Sociétés,
- Jean-Louis Schlegel, « Tensions sexuelles. État des lieux sur le sexe et les sexualités », sur revue Esprit,
- Agnès Giard, « Porno et PMA, le syndrome de la Vierge-Marie », sur Libération,
- Philippe Descola, « E. Desveaux, Sous le Signe de l'ours. Mythes et temporalité chez les Ojibwa septentrionaux », L'Homme,
- Nicolas Journet, « Spectres de l'anthropologie. Suite nord-américaine », Sciences humaines,
- Philippe Lacour, « Lévi-Strauss en mode mineur », La Vie des idées, (consulté le )
- Dean J, « Emmanuel Désveaux, Michel de Fornel (dir.), Faire des sciences sociales. Généraliser », Revue d'histoire et de philosophie religieuses, (consulté le )
Liens externes
- Site officiel
- Ressources relatives Ă la recherche :
- Page du chercheur, centre du LIAS (Linguistique anthropologique et sociolinguistique) EHESS/CNRS http://lias.ehess.fr/index.php?798