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Dynamique du vol en présence de rafales

La dynamique du vol en présence de rafales est l'étude du comportement d'un aéronef en présence d'un flux aérien qui diffère d'un écoulement laminaire, soit un écoulement turbulent causé par des rafales horizontales et/ou un cisaillement vertical des vents. Cette turbulence est définie par la Federal Aviation Administration (FAA) de façon purement qualitative[1] et ne permet pas de prédire quels sont les risques associés à un aéronef dans des circonstances données. Une définition plus quantitative donnée par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) s'exprime comme étant le taux de diffusion de l'énergie des tourbillons exprimé en m2/s3. Cette dernière définition ne prend pas cependant en compte la masse et la vitesse de l'aéronef alors qu'un planeur sera beaucoup plus sensible à la turbulence de bas niveau que les lourds avions de ligne. Il est donc important de présenter une formulation plus précise.

Système ondulatoire avec rotor dans la vallée d'Owens (Californie). Altocumulus lenticularis avec des altocumulus associés au rotor. Ces nuages à l'aspect bénin peuvent détruire un aéronef à cause des violentes rafales engendrées.

La formulation simplifiée de la réaction d'un planeur en présence de rafales horizontales ou verticales est peu abordée dans la littérature sauf par Schmidt[2], Asselin[3] et peut-être quelques autres auteurs. Cependant, contrairement au lieu commun disant que les nuages d'orage présentent le danger (justifié) le plus sérieux pour l'aviation, de petits nuages à l'air tout à fait inoffensif peuvent désintégrer un planeur en provoquant des facteurs de charge de 16 à 20 G comme Larry Edgar en fut victime le 25 avril 1955[4] - [5] - [6] - [7].

En outre, une rafale de face de 70 km/h appliquée à un planeur volant à 70 km/h va provoquer un facteur de charge de 4 G. Cela peut se produire dans la couche sous-ondulatoire (rotors associée aux ondes orographiques). Il peut en être de même à l'intérieur des nuages d'orage violent. Même les ascendances thermiques puissantes peuvent engendrer des facteurs de charge conséquents qui ne sont pas un danger réel pour les planeurs mais peuvent incommoder d'autres catégories d'usagers.

Estimation rapide des facteurs de charge

La turbulence et le tourbillon (vorticité)

Flux laminaire en haut et turbulent en bas

Soit v le champ des vitesses, on appelle vorticité en un point la quantité suivante :

Cette quantité décrit le mouvement tourbillonnaire de l'air. Ainsi, plus la vorticité est grande, plus forte sera l'intensité de la turbulence ressentie comme expliqué ci-dessous.

Violence de la turbulence en fonction de la vitesse de l'aéronef

Pour faire bref, toute condition aérologique engendrant des courants ascendants utilisable par un pilote de planeur sera appelée turbulence par un pilote d'avion à moteur car ce dernier ne pourra (ou ne voudra) pas exploiter ces courants ascendants. Qui plus est, plus l'aéronef volera vite, plus il sera soumis à des facteurs de charge importants qui sont estimés dans ce qui suit. Soit d la distance entre un courant ascendant de vitesse verticale w et un courant descendant de vitesse verticale -w et soit u la vitesse de l'aéronef. L'accélération moyenne a subie par cet avion sera :

On considère une ascendance thermique assez forte où w = 5 m/s, u = 125 m/s (vitesse maximale autorisée jusqu'à 10 000 pieds) et d = 100 m (distance moyenne entre l'ascendance et la descendance). On obtient alors a = 12,5 m/s2 ce qui est supérieur à l'accélération de la gravité (10 m/s2). Le passager ou le pilote de cet aéronef qualifiera cette turbulence de sévère. Toutefois, un pilote de planeur volant à 20 m/s, subira une accélération de 2 m/s2 et qualifiera cette turbulence de légère. De plus ce pilote centrera correctement cette colonne ascendante et se retrouvera dans le noyau laminaire de l'ascendance et ne sera pratiquement plus soumis à une quelconque turbulence.

Phénomènes transitoires

Fonction de Heaviside

On considère un planeur ayant une vitesse de chute en air calme de volant en air calme, et qui pénètre brusquement à t=0 dans une ascendance de vitesse verticale wa. On suppose qu'avant de pénétrer dans la colonne ascendante, la trajectoire du planeur est stabilisée. Ainsi lorsque le planeur pénètre dans la colonne ascendante, sa vitesse verticale est la suivante[8] :

avec

  • m est la masse du planeur.
  • ρ est la masse volumique de l'air.
  • S est la surface alaire
  • V est la vitesse air.

L'accélération verticale est la suivante :

Donc, si l'on remplace τ :

La secousse est maximale à t = 0.

La formule physiquement est raisonnable. Plus la surface alaire est grande ou plus la vitesse horizontale ou verticale sont grandes, plus la secousse sera importante. Si la masse augmente, la secousse sera moindre (effet paquebot).

On considère un exemple numérique pour obtenir les ordres de grandeur.

On considère une surface alaire de 15 m2, une masse volumique de 1,22 kg/m3 et une masse totale du planeur de 300 kg et une vitesse air de 20 m/s. Le temps caractéristique est donc de :

seconde.

On considère une ascendance de 5 m/s. L'accélération verticale sera de m/s2. Dans ces conditions le facteur de charge sera de (2 + 1) G.

Cette formule explique pourquoi les aéronefs peuvent se rompre à 20 000 pieds dans un cumulonimbus supercellulaire où les ascendances peuvent atteindre 50 m/s[9].

La formule ci-dessus donnerait un facteur de charge de 21 G.

Cas général

On étend le modèle précédent où lieu de considérer une fonction en escalier, on considère qu'à t = 0, le planeur pénètre dans une ascendance dont la force est « aléatoire ».

On considère maintenant que

On définit la fonction de transition h(t) telle que h(t) = 0 pour t < 0 et pour t ≥ 0. On a alors :

où * est le produit de convolution.

L'expression de la solution sous la forme d'un produit de convolution est classique. On pourra consulter l'ouvrage de Vrabie[10].

Cependant, dans la boîte déroulante, une démonstration explicite est fournie.

Transition linéaire

On étend le modèle précédent où lieu de considérer une fonction en escalier, on considère qu'à t = 0, le planeur pénètre dans une ascendance dont la force augment linéairement au cours du temps.

On considère maintenant que

La vitesse verticale du planeur est la suivante :

L'accélération verticale est la suivante :

Le jerk vertical est le suivant :[Note 1]

On suppose que le planeur vole à 20 m/s et que l'ascendance a un rayon de 70 m. On constate alors que . On obtient alors la formule simplifiée :

Ce formulaire démontre, que lorsqu'un planeur entre dans une ascendance, sa vitesse verticale est à une bonne précision la vitesse de l'ascendance moins sa vitesse de chute.

On suppose que le planeur vole à la vitesse V et la largeur de la zone de transition est d. On a alors :

On suppose que d = 10 mètres et wa = 5 m/s. On a alors :

m/s2

Le facteur de charge est encore de 2 G. Cela confirme que les courants verticaux trop forts peuvent détruire un aéronef.

Transition en forme de cosinus

Lorsqu'un planeur vole dans une ascendance thermique (ou dans un rotor, on peut supposer le la vitesse verticale a une forme sinusoïdale. Le rayon d'un thermique est de l'ordre de 70 mètres tandis qu'un rotor a une structure plus complexe comme discuté infra[Note 2].

On étend le modèle précédent où lieu de considérer une fonction en escalier, on considère qu'à t = 0, le planeur pénètre dans une ascendance dont la force augmente ainsi[13] :

On définit

La vitesse verticale est la suivante :

L'accélération verticale est la suivante :

Donc,

Vol dans une ascendance thermique

On suppose que le planeur vole à 20 m/s et que l'ascendance a un rayon de 70 m. On constate alors que . On obtient alors la formule simplifiée :

De même, on a . On a donc une simplification supplémentaire :

La vitesse du planeur suit donc approximativement le profil de l'ascendance.

L'accélération devient alors :

L'accélération sera donc maximale lorsque et vaudra

On a :

L'accélération sera :

Le facteur de charge devient nettement plus petit. Toutefois, si la vitesse V est grande (avion de transport) et wg est aussi grand, le risque de rupture de l'aéronef demeure.

Modèle du tourbillon se comportant comme un solide rigide

Un rotor peut être modélisé de manière ultra simplifiée comme un simple tourbillon d'axe Ox ayant le comportement d'un tambour rigide[14].

On suppose que la vitesse angulaire de rotation est :

La vorticité sera :

Suivant l'axe Oy, la vitesse verticale w vaudra :

On considère maintenant un aéronef volant à la vitesse V le long de Oy.

On a y(t) = V t, Donc, on a :

Ce cas se ramène donc au cas de cas de la croissance linéaire de la vitesse verticale traité supra.

Vol dans un rotor

Un rotor est presque toujours couplé à un système d'ondes orographiques et correspond à la sous-couche turbulente. Un rotor est composé de votex de différentes taille. Si k est le nombre d'onde du vortex, la fréquence (transformée de Fourier) de tels vortex est proportionnelle à pour et donc principalement les vortex de grand rayon seront dominants[15]. Cependant les vortex peuvent avoir toutes les tailles et l'on considère un vortex de dimension d = 10 mètres[Note 3].

On obtient alors :

L'accélération maximale sera la suivante :

Numériquement, on obtient alors :

Ainsi, une rafale de 5 m/s engendrera une accélération d'environ 1.5 G et donc un facteur de charge de 2.5 G. De telles rafales peuvent se produire[16].

Des rafales verticales de 10 m/s sont assez courantes et le facteur de charge deviendra 3.5 G. Dans le passé, des rotors ont brisé des planeurs avec un facteur de charge de 16 G[5]. Si l'on utilise la formule supra, les rafales verticales auraient été de l'ordre de m/s. Le pilote avait volé dans un nuage de rotor[17].

Effet des rafales horizontales

Dans des conditions extrêmes, Joachim Kuettner et Larry Elgar avaient rencontré des sautes de vitesse air incroyables[18] ; Larry Elgar brisa son planeur et aurait subi des accélérations entre 16 et 20 G. Il apparaît donc qu'un doublement de la vitesse air horizontale de 20 m/s à 40 m/s à la suite d'une rafale risque de désintégrer le planeur.

Soit V0 la vitesse air avant la rencontre de la rafale et v la vitesse de la rafale. Le facteur de charge subit par le planeur est la suivante[19] :

L'accélération verticale du planeur (sans correction de la part du pilote) sera :

  • h est l'altitude du planeur

On suppose que V0 = 20 m/s et que à t = 0, on a V(t=0) = 40 m/s. (Soit v = 20 m/s)

L'accélération initiale est donc :

m/s2.

Soit 3 G. Le facteur de charge est donc (3 + 1) G = 4 G qui est proche du point de rupture d'un planeur.

Ce modèle explique pourquoi Joachim Kuettner avait subi des accélérations de 4 G lorsqu'il vola dans un rotor très sévère et que sa vitesse air augmenta très fortement[18]. Joachim Kuettner décrocha et cela est probablement dû à une rafale négative qui eut réduit sa vitesse air en deçà du point de décrochage. Une demi heure après, Larry Edgar brisa son planeur dans des conditions très semblables. Il subit des accélérations de 16 à 20 G auxquelles il aura survécu. Vu qu'il perdit temporairement connaissance, on ne peut pas déterminer la séquence précise des événements. Il est probable que ces accélérations phénoménales se furent produites après la rupture du planeur mais rien ne permet de l'affirmer.

Ainsi, Joachim Kuettner rédigea le rapport suivant :

« Following a short 1600 ft/min up, 1000 ft/min down reading, the speed increased from 45 mph to 90 mph in a matter of about 2 seconds in spite of a nose -up condition which allowed only the sky to be seen looking out of the window. At 4.5 G reading, the ship stalled again »

Traduction en français : « Le variomètre indiqua pendant une brève période un +8 m/s suivi d'un -5 m/s. La vitesse air passa de 20 m/s à 40 m/s en l'espace de 2 secondes nonobstant l'assiette extrêmement cabrée du planeur qui ne permettait de ne voir que le ciel à travers la verrière. Lorsque l'accéléromètre eut indiqué 4,5 G, le planeur décrocha à nouveau ».

Le récit de Kuettner corrobore le modèle supra et donc lorsque les rafales atteignent 20 m/s, les conditions deviennent extrêmement dangereuses.

Notes et références

Notes

  1. La dénomination officielle en français du jerk est l'à-coup qui est cependant ambigu car un à-coup fait plutôt penser à une «fonction» de Dirac. Cependant, le mot jerk est utilisé dans des cours universitaires comme indiqué dans la référence [11]
  2. La référence [12] discute en détail ce modèle.
  3. Les sous-tourbillons peuvent avoir n'importe quelle petite taille tandis que les tourbillons les plus larges peuvent avoir un diamètre de l'ordre de 600 m. Ceci est discuté dans le papier de Sharman[15].

Références

  1. (en) Aeronautical Information Manual, Federal Aviation Administration, , PDF (lire en ligne), p. 7-1-48
  2. Dynamics
  3. Performance
  4. (en) Joachim Kuettner, Rolf Hertenstein, « Observations of mountain-induced rotors and related hypotheses: a review », Proceedings of the 10th AMS Conference on Mountain Meteorology, American meteorological society, , p. 2 (lire en ligne [PDF])
  5. Monster, p. 141
  6. (en) Joachim Kuettner, « The rotor flow in the lee of mountains », GRD research notes, Geophysical research directorate US Air Force, no 6, (lire en ligne [PDF])
  7. (en) Bob Spielman, « Glider crash », Soaring, Soaring Society of America, , p. 32-36
  8. Dynamics, p. 295
  9. (en) Howard B. Bluestein, Severe Convective Thunderstorms and Tornadoes Observations and Dynamics, Springer-Verlag, , 456 p. (ISBN 978-3-642-05380-1, DOI 10.1007/978-3-642-05381-8), p. 112
  10. (en) Ioan Vrabie, Differential Equations : An Introduction to Basic Concepts, Results and Applications, World Scientific Publishing, , 401 p. (ISBN 981-238-838-9, lire en ligne), p. 257
  11. « Vitesse accélération et jerk » [PDF] (consulté le )
  12. (en) J.G Jones, « Studies of Time-Phased Vertical and Lateral Gusts: Development of Multiaxis One-Minus-Cosine Gust Model » [PDF], Federal Aviation Administration, (consulté le )
  13. Dynamics, p. 297
  14. Sylvie Malardel, Fondamentaux de météorologie, deuxième édition, Toulouse, Cépaduès, , 710 p. (ISBN 978-2-85428-851-3), p. 634
  15. (en) R.D. Sharman et al., « Description and Derived Climatologies of Automated In Situ Eddy-Dissipation-Rate Reports of Atmospheric Turbulence », Journal of Applied Meteorology and Climatology, vol. 53, (DOI 10.1175/JAMC-D-13-0329.1, lire en ligne [PDF])
  16. (en) Lukas Strauß, « Turbulence in breaking mountain waves and atmospheric rotors estimated from airborne in situ and Doppler radar measurements », Quarterly Journal of the Royal Meteorological Society, vol. 141, (DOI 10.1002/qj.2604, lire en ligne [PDF])
  17. (en) Richard Scorer, « Theory of mountain waves of large amplitude », Quarterly Journal of the Royal Meteorological Society, vol. 85, no 364, , p. 142 (DOI 10.1002/qj.49708536406)
  18. Monster, p. 136
  19. Performance, p. 270

Bibliographie

  • [Dynamics] (en) Louis V Schmidt, Introduction to Aircraft Flight Dynamics, AIAA, , 397 p. (ISBN 978-1-56347-226-8)
  • [Performance] (en) Mario Asselin, An Introduction to Aircraft Performance, AIAA, , 339 p. (ISBN 978-1-56347-221-3)
  • [Monster] (en) Robert F Whelan, Exploring the monster : Mountain lee waves : the aerial elevator, Wind Canyon Books, , 170 p. (ISBN 978-1-891118-32-6), p. 136
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