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Droit international privé de l'Union européenne

Le Droit international privé de l'Union européenne est issu de l'avènement de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) puis de la communauté économique européenne (CEE) et enfin celui de l'Union européenne a permis une harmonisation du droit international privé des différents Etats-membres dans certains domaines particuliers du droit, comme les obligations contractuelles, les obligations alimentaires ou encore les mariages.

Le conflit de juridictions en droit international privé européen

Le droit positif en vigueur au sein de l'Union européenne en matière de conflit de juridictions est issu du règlement (UE) n°1215/2012 dit «Bruxelles I bis». Ce règlement est applicable à la matière civile et commerciale, bien que certaines matières soient explicitement exclues de son champ d'application comme les litiges liées à l'état ou à la capacité des personnes, à l'arbitrage ou encore à la sécurité sociale[1]. La notion de matière civile et commerciale exclut toutes les activités menées à travers l'exercice d'une prérogative de puissance publique[2].

L'article 4 du règlement Bruxelles I bis pose une règle de conflit à caractère général. La juridiction compétente, sous réserve des règles spéciales énoncées plus loin dans le règlement est la juridiction de l'État-membre dans lequel le défendeur a son domicile[3]. Ainsi, la compétence générale est celle du domicile du défendeur. L'article 5 du règlement prévoit que seules les dispositions des articles 2 à 7 du règlement permettent de déroger à cette compétence générale.

C'est l'article 7 du règlement qui édicte des règles spéciales, notamment pour la matière délictuelle et contractuelle.

Le conflit de lois en droit international privé européen

Sous l'impulsion du droit communautaire, une grande partie du droit international privé des Etats-membres de l'Union européenne a été harmonisé. L'application des règles de droit international privé nationales est devenue dès lors plus marginale.

En matière d'obligations contractuelles

En 1980, dans le cadre de la CEE est signée la convention de Rome relative à la loi applicable aux obligations contractuelles. Entrée en vigueur le , elle a pour but de déterminer la loi applicable aux obligations contractuelles dans les situations comportant un conflit de lois[4]. Cette convention a été remplacée par le règlement (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du sur la loi applicable aux obligations contractuelles dit «Règlement Rome I». Ce règlement s'applique pour tous les contrats conclus après le [5].

La convention de Rome comme le règlement Rome I consacre la théorie de l'autonomie de la volonté, en vertu de laquelle la loi applicable au contrat est la loi choisie par les parties[6]. Généralement, ce choix de loi prend la forme d'une clause insérée au contrat qui prévoit la loi gouvernant ce dernier.

En l'absence de choix de loi par les parties le règlement Rome I prévoit un retour à la méthode conflictuelle pour déterminer la loi applicable. Cette loi va dépendre de la qualification du contrat considéré. L'article 4 du règlement édicte une série de rattachements qui doivent permettre de rechercher la loi applicable à l'obligation contractuelle. Par exemple, un contrat de vente sera régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle. La solution est identique s'agissant d'un contrat de prestation de service qui se verra appliquer la loi du pays dans lequel le prestataire a sa résidence habituelle. En revanche, un contrat portant sur un droit réel immobilier ou un bail d'immeuble sera régi par la loi du lieu de situation de l'immeuble[7]. Pour les contrats qui ne sont pas explicitement nommés au premier paragrpahe de l'article 4 du règlement, la règle générale posée consiste à appliquer la loi du lieu de résidence habituelle du débiteur de la prestation caractéristique du contrat[8]. A titre d'exemple, dans un contrat de vente le débiteur de la prestation caractéristique est le vendeur qui s'oblige à délivrer un bien, c'est pourquoi l'article 4.1 du règlement a prévu que la loi du lieu de la résidence habituelle du vendeur était applicable au contrat de vente.

La résidence habituelle est déterminée par l'article 19 du règlement. Pour une personne morale, la résidence habituelle correspond au lieu où se trouve son siège social. Pour une personne physique, la résidence habituelle est le lieu où cette personne a son établissement principal[9].

Enfin, le règlement Rome I possède un caractère universel en vertu de son article 2 ce qui signifie que la loi désignée par le règlement est applicable même si ce n'est pas la loi d'un Etat-membre qui est désignée[10].

Règles de conflit spéciales à finalité protectrice

En raison de la vulnérabilité de certaines personnes, le règlement Rome I prévoit des règles spéciales de conflit, applicables aux parties dites «faibles». C'est le cas notamment du salarié qui, subordonné à son employeur se trouve dans un état de faiblesse par rapport à ce dernier, ce qui justifie que la liberté contractuelle soit encadrée en de pareils cas. Le même raisonnement est employé s'agissant du consommateur, qui souffre d'une faiblesse par rapport au professionnel. Il ne connaît bien souvent pas le marché dans lequel il contracte et un professionnel pourrait essayer de tirer profit de cette faiblesse.

S'agissant du contrat de travail les parties restent en principe, libres de choisir la loi applicable à ce contrat. Toutefois, le règlement Rome I prévoit que ce choix de loi ne pourrait avoir pour effet «de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4» de l'article 8 du règlement. En effet, les paragraphes suivants prévoient une série de rattachements en cas d'absence de choix de loi. Le paragraphe 2 prévoit l'application de la loi du lieu dans lequel le salarié exécute son travail de manière habituelle. Le paragraphe 3 lui, prévoit que si ce lieu d'exécution ne peut être déterminé, alors la loi applicable sera celle du pays dans lequel est situé l'établissement qui a embauché le travailleur. En somme, les parties peuvent choisir la loi régissant un contrat de travail, mais ce choix de loi ne pourra pas déroger aux dispositions impératives prévues par la loi du lieu habituel de l'exécution du contrat ou, si ce lieu n'est pas déterminable aux dispositions impératives de la loi du pays dans lequel est situé l'établissement d'embauche. Le but de cette règle est d'éviter que les employeurs n'abusent de leurs salariés, en stipulant des lois qui leur seraient défavorables, comme les lois d'un pays à faible protection sociale par exemple.

Le conflit de loi en matière de responsabilité délictuelle

C'est le Règlement (CE) n°864/2007 du Parlement Européen et du Conseil du sur la loi applicable aux obligations non contractuelles dit «Règlement Rome II» qui envisage la loi applicable aux obligations non contractuelles. Il est entré en vigueur depuis le .

Son article premier détermine son champ d'application. Il est applicable aux obligations non contractuelles. Le règlement exclut de son champ d'application un certain nombre de matières, comme les obligations alimentaires, les obligations résultants d'un régime matrimonial ou encore celles résultant du droit des sociétés[11].

La règle de conflit générale

Le règlement pose une règle de conflit générale qui figure à l'article 4§1. Au sens de cet article, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est «celle du pays où le dommage survient»[12]. Cette règle est aussi connue sous le nom de lex loci damni: la loi du lieu du dommage. Cette règle admet plusieurs tempéraments. L'article 4§2 prévoit que lorsque «la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s'applique»[12]. Ainsi, lorsque le responsable du dommage et la victime de celui-ci possèdent leur résidence habituelle dans le même pays lors de la survenance du dommage, alors c'est la loi de la résidence habituelle commune du responsable et de la victime qui s'appliquera. L'article 4§3 du règlement prévoit une clause d'exception, aux termes de laquelle lorsque le fait dommageable présente «des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique»[12].

Les règles de conflit spéciales

Le règlement Rome II édicte également une série de rattachements spéciaux dans certains cas précis.

En matière d'actes de concurrence déloyale la loi applicable est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être[13].

En matière d'atteinte à l'environnement, l'article 7 offre une option de choix de loi au demandeur. La loi applicable sera celle du lieu du dommage, mais il est également possible d'invoquer la loi du lieu du fait générateur du dommage, dans les cas où celle-ci semble plus favorable.

Références

  1. Article premier du règlement Bruxelles I bis: «1. Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii). 2. Sont exclus de son application: a) l’état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux ou les régimes patrimoniaux relatifs aux relations qui, selon la loi qui leur est applicable, sont réputés avoir des effets comparables au mariage; b) les faillites, concordats et autres procédures analogues; c) la sécurité sociale; d) l’arbitrage; e) les obligations alimentaires découlant de relations de famille, de parenté, de mariage ou d’alliance; f) les testaments et les successions, y compris les obligations alimentaires résultant du décès.»
  2. Article 1.1 du règlement Bruxelles I bis: «1. Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii).»
  3. Article 4 du règlement Bruxelles I bis: «1. Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. 2. Les personnes qui ne possèdent pas la nationalité de l’État membre dans lequel elles sont domiciliées sont soumises aux règles de compétence applicables aux ressortissants de cet État membre.»
  4. Article 1er de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles: "Les dispositions de la présente convention sont applicables, dans les situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles."
  5. Article 28 du règlement Rome I: "Le présent règlement s'applique aux contrats conclus après le 17 décembre 2009."
  6. Article 3 du règlement Rome I:"1. Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat."
  7. Article 4.1 du règlement rome I: "À défaut de choix exercé conformément à l'article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit : a) le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ; b) le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle ; c) le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d'immeuble est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'immeuble ; d) nonobstant le point c), le bail d'immeuble conclu en vue de l'usage personnel temporaire pour une période maximale de six mois consécutifs est régi par la loi du pays dans lequel le propriétaire a sa résidence habituelle, à condition que le locataire soit une personne physique et qu'il ait sa résidence habituelle dans ce même pays ; e) le contrat de franchise est régi par la loi du pays dans lequel le franchisé a sa résidence habituelle ; f) le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle ; g) le contrat de vente de biens aux enchères est régi par la loi du pays où la vente aux enchères a lieu, si ce lieu peut être déterminé ; h) le contrat conclu au sein d'un système multilatéral qui assure ou facilite la rencontre de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers pour des instruments financiers, au sens de l'article 4, paragraphe 1, point 17), de la directive 2004/39/CE, selon des règles non discrétionnaires et qui est régi par la loi d'un seul pays, est régi par cette loi."
  8. Article 4.2 du règlement Rome I:"Lorsque le contrat n'est pas couvert par le paragraphe 1 ou que les éléments du contrat sont couverts par plusieurs des points a) à h) du paragraphe 1, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle."
  9. Article 19.1 du règlement Rome I: " Aux fins du présent règlement, la résidence habituelle d'une société, association ou personne morale est le lieu où elle a établi son administration centrale. La résidence habituelle d'une personne physique agissant dans l'exercice de son activité professionnelle est le lieu où cette personne a son établissement principal."
  10. Article 2 du règlement Rome I:" La loi désignée par le présent règlement s'applique même si cette loi n'est pas celle d'un État membre."
  11. Article premier du règlement Rome II: «1. Le présent règlement s'applique, dans les situations comportant un conflit de lois, aux obligations non contractuelles relevant de la matière civile et commerciale. Il ne s'applique pas, en particulier, aux matières fiscales, douanières et administratives, ni à la responsabilité encourue par l'État pour les actes et omissions commis dans l'exercice de la puissance publique ("acta iure imperii"). 2. Sont exclues du champ d'application du présent règlement: a) les obligations non contractuelles découlant de relations de famille ou de relations qui, selon la loi qui leur est applicable, ont des effets comparables, y compris les obligations alimentaires; b) les obligations non contractuelles découlant des régimes matrimoniaux, des régimes patrimoniaux relatifs aux relations qui, selon la loi qui leur est applicable, ont des effets comparables au mariage et aux successions; c) les obligations non contractuelles nées de lettres de change, de chèques, de billets à ordre ainsi que d'autres instruments négociables, dans la mesure où les obligations nées de ces autres instruments dérivent de leur caractère négociable; d) les obligations non contractuelles découlant du droit des sociétés, des associations et des personnes morales concernant des matières telles que la constitution, par enregistrement ou autrement, la capacité juridique, le fonctionnement interne et la dissolution des sociétés, des associations et des personnes morales, de la responsabilité personnelle des associés et des organes pour les dettes de la société, de l'association ou de la personne morale et de la responsabilité personnelle des auditeurs vis-à-vis de la société ou vis-à-vis de ses organes chargés du contrôle légal des documents comptables; e) les obligations non contractuelles découlant des relations entre les constituants, les trustees et les bénéficiaires d'un trust créé volontairement; f) les obligations non contractuelles découlant d'un dommage nucléaire; g) les obligations non contractuelles découlant d'atteintes à la vie privée et aux droits de la personnalité, y compris la diffamation. 3. Le présent règlement ne s'applique pas à la preuve et à la procédure, sans préjudice des articles 21 et 22. 4. Aux fins du présent règlement, on entend par "État membre", tous les États membres, à l'exception du Danemark.» https://lynxlex.com/fr/text/rome-ii-r%C3%A8gl-8642007/article-premier-champ-dapplication/668
  12. Article 4 du règlement Rome II:«1. Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent. 2. Toutefois, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s'applique. 3. S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu'un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question.»
  13. Article 6 du règlement Rome II: «1. La loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être. 2. Lorsqu'un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé, l'article 4 est applicable. 3. a) La loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte restreignant la concurrence est celle du pays dans lequel le marché est affecté ou susceptible de l'être. b) Lorsque le marché est affecté ou susceptible de l'être dans plus d'un pays, le demandeur en réparation qui intente l'action devant la juridiction du domicile du défendeur peut choisir de fonder sa demande sur la loi de la juridiction saisie, pourvu que le marché de cet État membre compte parmi ceux qui sont affectés de manière directe et substantielle par la restriction du jeu de la concurrence dont résulte l'obligation non contractuelle sur laquelle la demande est fondée. Lorsque le demandeur, conformément aux règles applicables en matière de compétence judiciaire, cite plusieurs défendeurs devant cette juridiction, il peut uniquement choisir de fonder sa demande sur la loi de cette juridiction si l'acte restreignant la concurrence auquel se rapporte l'action intentée contre chacun de ces défendeurs affecte également de manière directe et substantielle le marché de l'État membre de cette juridiction. 4. Il ne peut être dérogé à la loi applicable en vertu du présent article par un accord tel que mentionné à l'article 14.» https://lynxlex.com/fr/text/rome-ii-r%C3%A8gl-8642007/article-6-concurrence-d%C3%A9loyale-et-actes-restreignant-la-libre-concurrence
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