DĂ©termination de la constante de Hubble
La constante de Hubble quantifie lâaccĂ©lĂ©ration (ou la rĂ©cession) de lâexpansion de lâunivers.
Introduction
Edwin Hubble est lâun des plus importants astrophysiciens du dĂ©but du XXe siĂšcle. Outre une constante qui porte son nom, il a crĂ©Ă© aussi avec Arthur Eddington une classification des galaxies encore utilisĂ©e aujourdâhui. La constante de Hubble quantifie lâaccĂ©lĂ©ration (ou la rĂ©cession) de lâexpansion de lâunivers. Elle est directement liĂ©e Ă la constante cosmologique introduite par Einstein dans la relativitĂ© gĂ©nĂ©rale qui permet de modĂ©liser lâunivers. La constante dâexpansion de lâunivers permet, entre autres, de dĂ©terminer lâĂąge de lâunivers, via deux constantes lâĂ©nergie de la matiĂšre et la densitĂ© Ă©nergĂ©tique du vide. La constante de Hubble permet aussi de dĂ©terminer la taille de lâunivers observable ( =ct), le coefficient de courbure () ainsi que la densitĂ© des Ă©lĂ©ments lumineux (H,D,3He,4He,âŠ) crĂ©Ă©s aprĂšs le big-bang. La constante de Hubble a Ă©tĂ© trĂšs difficile Ă mesurer dans le passĂ©, et de nombreux problĂšmes ont Ă©tĂ© sous-estimĂ©s ou ignorĂ©s.
La constante de Hubble se formule dâune maniĂšre trĂšs simple : = oĂč v est la vitesse radiale, elle se mesure en . Ce sujet est Ă traiter de maniĂšre Ă comprendre les diffĂ©rents procĂ©dĂ©s physiques, puis les principaux indicateurs de la constante dâexpansion de lâunivers. Le vĂ©ritable enjeu des diffĂ©rents systĂšmes de dĂ©termination de est lâincertitude du rĂ©sultat. En effet les diffĂ©rents systĂšmes ont chacun leur propre prĂ©cision. Il convient d'Ă©tudier lesquels sont les plus efficaces et lesquels sont les plus simples dâutilisation.
DonnĂ©es et rĂ©sultats dâobservations
PremiÚres recherches et outils physiques utilisés
Les premiĂšres mesures de la constante de Hubble ont Ă©tĂ© faites en Ă©tudiant les galaxies et amas de galaxies. DâaprĂšs la formule, dĂ©terminer est trĂšs simple : mesurer la vitesse dâĂ©loignement et la distance dâune galaxie Ă une distance suffisamment grande oĂč les mesures de lâexpansion de Hubble sont possibles, et ainsi la constante de Hubble se rapproche de la relation entre vitesse et distance. Mais, ce principe se base sur une physique qui nâest applicable que si la vitesse dâĂ©loignement est supĂ©rieure Ă 10 000 km/s. De plus, les diffĂ©rentes mesures ont Ă©tĂ© faites avec diffĂ©rentes mĂ©thodes, avec chacune ses dĂ©fauts. Il faut Ă©tudier aussi ces diffĂ©rentes mĂ©thodes et apprĂ©cier leurs avantages.
Lâeffet Sunyaev-Zel'dovich
Cet effet est basĂ© sur la distorsion du spectre du fond diffus cosmologique, mesurable en rayons X, par les Ă©lectrons chauds inclus dans les gaz des amas riches via la diffusion Compton inverse. Lâavantage de cette mĂ©thode est quâelle est applicable Ă de trĂšs longues distances. Le problĂšme est que plusieurs phĂ©nomĂšnes peuvent interagir sur la dĂ©termination de la constante de Hubble, comme le regroupement du gaz qui rĂ©duit ou si lâamas est « allongĂ© », ce qui augmente .
La relation de Tully-Fisher
Cette relation permet de rĂ©duire les incertitudes concernant la distance dâune galaxie spirale. Elle met en relation la vitesse de rotation dâune galaxie et sa luminositĂ© totale. Elle indique que plus la galaxie spirale est massive plus elle tourne rapidement. Sa vitesse de rotation se mesure dâune maniĂšre spectroscopique par effet Doppler. Mais, la rĂ©duction des incertitudes est utilisable uniquement pour les amas de galaxies. Mais grĂące au tĂ©lescope Hubble et au « projet clĂ© », il a Ă©tĂ© possible de multiplier par 4 le nombre dâĂ©talonnages et ainsi d'accentuer la prĂ©cision des mesures de . Mould et Mador ont ainsi obtenu une valeur de . Une autre relation de mĂȘme type existe pour les galaxies elliptiques, basĂ©e sur la luminositĂ© intrinsĂšque et la vitesse de dispersion des Ă©toiles internes Ă la galaxie (plan fondamental).
Les lentilles gravitationnelles
Tout comme lâeffet Sunyaev-Zelâdovich, cette mĂ©thode est applicable Ă de trĂšs grandes distances. Elle est basĂ©e sur des thĂ©ories physiques fiables. Cette technique associe la longueur dâonde et le potentiel gravitationnel traversĂ© par la lumiĂšre. Elle utilise les lentilles gravitationnelles qui dĂ©forment la trajectoire de la lumiĂšre de sorte que lâon voit deux ou plusieurs images dâun mĂȘme objet (effet prĂ©dit par Einstein). Refsdael a notĂ© que les temps mis par la lumiĂšre pour nous parvenir, pour ces deux images produites par la lentille gravitationnelle, Ă©taient dĂ©pendants de la longueur dâonde et du potentiel gravitationnel traversĂ© par la lumiĂšre. Ce principe nâa, pour lâinstant, Ă©tĂ© appliquĂ© quâĂ deux cas, et la valeur de se situe entre , avec une incertitude importante de 20-30 %.
Le problĂšme est que les lentilles gravitationnelles sont trop peu nombreuses, de plus il est nĂ©cessaire dâavoir une gĂ©omĂ©trie spĂ©cifique pour pouvoir utiliser ce procĂ©dĂ©, et bien souvent les mesures sont tellement difficiles quâelles ne sont pas validĂ©es.
Les quasars, ces objets du fond du cosmos
Les quasars (quasi-stellar objects) sont des objets qui ont Ă©tĂ© dĂ©couverts rĂ©cemment. Appartenant aux objets lointains, les scientifiques sont plutĂŽt circonspects quant Ă leur rĂŽle dans lâunivers. Il semblerait que ce soit de toutes jeunes galaxies qui viennent de naĂźtre. En effet, ce sont des sources extrĂȘmement Ă©nergĂ©tiques. Mais, ces objets sont trĂšs irrĂ©guliers et trĂšs variĂ©s.
Les céphéides, de bons étalons
Les cĂ©phĂ©ides sont des Ă©toiles jeunes, brillantes, dont lâatmosphĂšre pulse dâune maniĂšre rĂ©guliĂšre dâune pĂ©riode allant de 2 Ă 100 jours. Elles se trouvent en abondance tout prĂšs des galaxies spirales et Ă©cliptiques. Ce qui est intĂ©ressant, câest que lâon a pu dĂ©finir une relation entre leur pĂ©riode de pulsation et leur luminositĂ© intrinsĂšque. La dispersion de cette relation dans le spectre de l'infrarouge (8000 A) sâĂ©lĂšve Ă prĂšs de 20 % de sa lumiĂšre. Avec la loi de la dilution de lumiĂšre, cela donne une incertitude d'environ 10 % quant Ă la distance dâun seul cĂ©phĂ©ide. Cette relation permet une approximation de lâordre de 98 % de la dĂ©termination de la constante H0, en observant un groupe de 25 cĂ©phĂ©ides dans une galaxie. Mais, leur intĂ©rĂȘt est limitĂ©, car ils ne sont plus observables aprĂšs 20 Mpc du fait de leur brillance. Ces cĂ©phĂ©ides se trouvent pour la plupart dans les galaxies nous entourant (Virgo, Fornax), et les groupes qui nous entourent (M101 et M81). Mais ce point est prĂ©cisĂ© plus loin, Ă propos du projet clĂ© H0 lancĂ© sur le tĂ©lescope spatial Hubble.
Les Supernovae
Les supernovae sont des explosions dâĂ©toiles de masse importante (>8 Msoleil), en fin de vie, dues aux rĂ©actions nuclĂ©aires qui se passent en leur centre, et qui ne sont pas contrĂŽlĂ©es (matiĂšre dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e). Les supernovae de type "Ia" rĂ©sultent de lâexplosion dâune naine blanche de carbone-oxygĂšne qui brĂ»le en 56Ni. Ces supernovae nâaffichent pas dâhydrogĂšne dans leur spectre, et leur principal atout est dâavoir une luminositĂ© Ă©gale Ă celle d'une galaxie de luminositĂ© modĂ©rĂ©e. DâoĂč lâavantage de cette mĂ©thode par rapport Ă celle utilisant les cĂ©phĂ©ides, car les supernovae de type "Ia" sont visibles Ă des distances proches de cent Mpc. Il semble quâil existe une relation applicable sur ces supernovae entre leur magnitude absolue ou leur luminositĂ© maximale et le taux dâinclinaison de la courbe de lumiĂšre de la supernova. Si lâon exclut lâobservation faite par le tĂ©lescope Hubble, seulement dix supernovae de type "Ia" ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©es, dont il dĂ©coule une constante comprise entre 57-68 km/s/Mpc. Le rĂ©sultat est faussĂ© par diffĂ©rents facteurs, comme le fait que la luminositĂ© nâest pas constante (contrairement Ă ce qui est utilisĂ© dans la relation).
Graphique de position des astres observés en comparaison avec la constante de Hubble
Ci-dessous est affichĂ© un graphique rĂ©sumant les diffĂ©rents rĂ©sultats de diffĂ©rentes Ă©quipes. Ce diagramme permet de mieux apprĂ©cier les distances des diffĂ©rents corps cĂ©lestes ainsi que leur rĂ©partition sur les 3 droites indiquant trois possibilitĂ©s pour H0. Il est aussi notĂ© en dessous un diagramme rĂ©partissant les diffĂ©rents corps en X et H0 en Y. On remarque que la moyenne de rĂ©partition des corps est sur la ligne H0=71 km/s/Mpc. La ligne verticale indique une vitesse de 5000 km/s. Les observations et les simulations numĂ©riques suggĂšrent que, en dessous de cette limite, les effets du mouvement de lâobjet sont limitĂ©s et non observables.
Résumé des données trouvées
Il semble que les rĂ©sultats rĂ©cents concordent tous plus ou moins. En effet, comme affichĂ©es ci-dessus, les diffĂ©rentes recherches et observations donnent une constante dâexpansion de lâunivers situĂ©e entre 61 et 81 km/s/Mpc. Si on utilise la mĂ©thode la plus prĂ©cise, on obtient alors H0= 73±16 km/s/Mpc (cĂ©phĂ©ides). Il est nĂ©cessaire de signaler que de nouvelles recherches sont actuellement en cours, notamment le « projet clĂ© HST ». En effet, il semble que le tĂ©lescope spatial Hubble puisse donner plus de renseignements dâune prĂ©cision inĂ©galĂ©e. Ci-dessous un Ă©chantillon des rĂ©sultats obtenus grĂące au tĂ©lescope spatial.
(figure Ă venir)
Légendes : SBF : fluctuation de la luminosité de surface.
FP/DN-Ï cluster: fundamental plane (cf. 1.2)
SNII: supernovae de type II
LMC: grand nuage de Magellan
Travaux récents
La constante dâexpansion de Hubble est un facteur important dans la comprĂ©hension de lâĂ©volution, de la forme et de lâĂąge de lâunivers. Depuis maintenant plusieurs dizaines dâannĂ©es, les chercheurs s'efforcent de dĂ©terminer cette constante le plus prĂ©cisĂ©ment possible, et parfois Ă partir de peu de moyens, notamment au dĂ©but dans les annĂ©es 1930. Lâobservation a Ă©tĂ© la base des thĂ©ories jusqu'Ă rĂ©cemment, oĂč les mathĂ©maticiens et les physiciens essaient de comprendre grĂące aux modĂšles numĂ©riques le fonctionnement de lâunivers, et les observations ne servent maintenant quâĂ affirmer ou infirmer les thĂ©ories, et ce grĂące notamment au tĂ©lescope spatial. En effet, il est possible aujourdâhui de voir lâunivers primitif ou presque, ce qui nous permet dâaffiner les diffĂ©rentes hypothĂšses.
Afin de dĂ©terminer la constante dâexpansion de lâunivers, il faut choisir un Ă©lĂ©ment dans lâUnivers qui soit suffisamment loin pour que lâeffet de lâexpansion soit visible par son spectre, et dont on comprenne le fonctionnement interne : luminositĂ©, situation dans la galaxie, Ăąge, etc. Plusieurs candidats se proposent aux chercheurs, chacun avec ses qualitĂ©s et ses dĂ©fauts. Les cĂ©phĂ©ides et les supernovae de type Ia ont Ă©tĂ© choisies. Pour comprendre ce choix, il faut Ă©tudier comment ces objets du ciel profond fonctionnent, les diffĂ©rentes observations qui ont Ă©tĂ© faites (et donc les diffĂ©rents rĂ©sultats qui en dĂ©coulent), les rĂ©sultats et leur application en cosmologie.
Les constantes Ω et Î, base de la cosmologie
Il est important de parler d'abord des constantes ΩM et ΩÎ, trĂšs importantes en cosmologie, car elles dĂ©terminent, avec H0, lâĂąge de lâunivers, sa courbure et dâautres paramĂštres essentiels pour toutes observations et pour tous calculs. Le paramĂštre de densitĂ© de matiĂšre dans lâunivers ΩM est un paramĂštre sans dimension car Ω=Ï/Ïc. Lâeffet de la matiĂšre se traduit toujours par un effet gravitationnel qui tend Ă refermer lâunivers sur lui-mĂȘme. Il existe une valeur critique Ïc (correspondant Ă 1 atome dâhydrogĂšne par mĂštre cube, soit Ïc= (3H0ÂČ)/ (8ÏG)) qui dĂ©finit le mouvement de lâunivers. En effet si Ï>Ïc lâunivers sâeffondrera sur lui-mĂȘme (Big Crunch). Si Ï=Ïc lâunivers est en Ă©quilibre et si Ï<Ïc lâunivers sera en constante expansion. De plus, ΩM, Ă©gal Ă Ï/Ïc, dĂ©finit la courbure de lâunivers selon la relativitĂ© gĂ©nĂ©rale dâEinstein. Soit ΩM >1, et lâespace a une courbure positive, câest-Ă -dire quâon a un univers fermĂ© et donc une gĂ©omĂ©trie sphĂ©rique. Soit ΩM < 1, et lâespace a une courbure nĂ©gative, on dit alors que lâon a un univers ouvert et donc une gĂ©omĂ©trie hyperbolique. Soit ΩM =1, et lâespace a une courbure nulle, on est donc face Ă un univers plat et donc Ă une gĂ©omĂ©trie euclidienne.
La constante cosmologique Î est un paramĂštre purement gĂ©omĂ©trique. Selon la thĂ©orie de la relativitĂ© gĂ©nĂ©rale, toute matiĂšre est Ă©nergie, toute force gravitationnelle a pour source une Ă©nergie. Or, Î est une « constante », lâĂ©nergie qui lui est associĂ©e opĂšre donc quels que soient le temps et la position. De plus, Î engendre une force qui opĂšre mĂȘme en lâabsence totale de matiĂšre et de rayonnement, donc sa source est une Ă©nergie rĂ©sidant dans lâespace vide. Ce sont ces particules virtuelles qui surgissent du nĂ©ant et y retournent sans que personne puisse les mesurer directement. Mais leurs effets sont mesurables (effet Casimir).
On a dĂ©montrĂ© quâen fait Î est une Ă©nergie rĂ©pulsive, ce qui perturbe notre prĂ©cĂ©dente thĂ©orie sur lâĂ©volution. En effet, la densitĂ© totale de lâunivers Ï nâest plus simplement ÏM mais câest ÏM plus la densitĂ© dâĂ©nergie associĂ©e Ă Î. Par consĂ©quent Ω = ΩM +ΩÎ, ce qui complique considĂ©rablement le problĂšme. En effet il se peut maintenant que lâunivers soit en constante expansion sans ĂȘtre forcĂ©ment ouvert !
Avec ces deux constantes, il serait possible de dĂ©terminer si lâunivers est en expansion ou pas. En effet, si H0 nâexistait pas, cela serait trĂšs simple : soit ΩM >ΩΠce qui signifierait que lâUnivers sâeffondre sur lui-mĂȘme, soit ΩM=ΩÎ=0.5 et lâunivers nâa ni expansion ni rĂ©cession, soit ΩM<ΩΠet lâunivers est en constante expansion. Il est donc nĂ©cessaire de fixer une valeur de ces constantes avant de conclure. Dans la figure 1 figurent les rĂ©sultats obtenus par le Supernovae Cosmology Project. Il semble Ă©vident que ΩÎ>ΩM (ΩÎ=0.7 et ΩM=0.3), ce qui signifierait que lâUnivers est expansion.
Figure 1
(figure Ă venir)
Les Ă©talons de la cosmologie.
Plusieurs choix Ă©taient donnĂ©s aux chercheurs quant Ă leur observation et leur dĂ©termination de la constante de Hubble : les quasars, les lentilles gravitationnelles⊠mais ils se sont arrĂȘtĂ©s sur les supernovae de type Ia et les cĂ©phĂ©ides. Il est essentiel de bien expliquer leur choix afin de comprendre la complexitĂ© de cette constante et lâimportance des Ă©talons.
La constante de Hubble se mesure en km/s/Mpc, et est une constante ce qui signifie quâelle ne dĂ©pend ni du temps, ni de sa position. Si par exemple on a H0=50 km/s/Mpc, cela exprime le fait quâun cube ayant un parsec de cĂŽtĂ© se dĂ©veloppe de 50 km toutes les secondes dans les trois directions de lâespace. Donc quel que soit notre point de vue, tout ce qui nous entoure semble sâĂ©loigner, si Ă©videmment on fait abstraction de la force de gravitation. Or ce qui est Ă proximitĂ© est soumis Ă la gravitation (les planĂštes du systĂšme solaire sont attirĂ©es par le Soleil, qui est lui-mĂȘme attirĂ© au centre de la galaxie). Il faut donc regarder les objets beaucoup plus lointains pour que la gravitation soit minime par rapport Ă H0 (car plus lâobjet est loin, plus vite il sâĂ©loigne). De plus afin de voir la vitesse radiale de lâobjet sur son spectre, il faut que celle-ci soit assez importante (i.e. > 5000 km/s). Donc pour rĂ©sumer, plus lâobjet Ă©tudiĂ© est loin, plus il est intĂ©ressant. Câest pourquoi les chercheurs se sont essentiellement intĂ©ressĂ©s aux supernovae de type Ia et aux cĂ©phĂ©ides (les supernovae de type Ia sont visibles Ă des distances proches de 400 Mpc, les cĂ©phĂ©ides sont quant Ă elles visibles jusquâĂ prĂšs de 40 Mpc).
On pourrait se demander alors pourquoi ne pas utiliser les quasars qui sont les objets les plus lointains jamais observĂ©s, mais le fait que ces objets soient lointains ne fait pas forcĂ©ment dâeux de bons indicateurs pour H0. En effet, comme nous allons le voir plus loin, il est important de bien comprendre le fonctionnement des objets que lâon Ă©tudie, or les quasars sont de vĂ©ritables Ă©nigmes pour les scientifiques contrairement aux SnIa et aux cĂ©phĂ©ides qui ont Ă©tĂ© longuement Ă©tudiĂ©s par les chercheurs.
Les mesures les plus rĂ©centes et les plus prĂ©cises de la constante de Hubble ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es grĂące au tĂ©lescope spatial, et ont Ă©tĂ© dirigĂ©es par lâĂ©quipe de Wendy L. Freedman ; ce fut le Hubble Space Telescope KEY PROJECT. Les rĂ©sultats, les graphiques, les mesures sont tirĂ©es principalement des rĂ©sultats qui datent de lâannĂ©e 2000. Le HST Key Project a Ă©tĂ© une longue Ă©tude basĂ©e sur lâobservation de 31 cĂ©phĂ©ides et de 36 supernovae de type Ia, entre autres. La liste des cĂ©phĂ©ides et des supernovae Ă©tudiĂ©es se trouve dans les feuilles 1 et 2 de lâannexe.
Qui sont-ils ?
Afin de pouvoir dĂ©terminer H0, il est nĂ©cessaire de bien comprendre le fonctionnement des objets que nous Ă©tudions, câest-Ă -dire les supernovae et les CĂ©phĂ©ides. Il convient dĂ©sormais d'Ă©tudier comment fonctionnent ces « Ă©toiles » et comment elles sont Ă©tudiĂ©es dans le cadre de la recherche de la constante dâHubble.
Les supernovae de type Ia
Les supernovae de type I sont le rĂ©sultat dâun systĂšme binaire serrĂ©, dans lequel lâune des deux Ă©toiles est de faible masse et est dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e : câest une naine blanche. Lorsque le compagnon, une Ă©toile gĂ©ante, est trop proche de la naine blanche et que son enveloppe extĂ©rieure dĂ©passe son lobe de Roche, lâĂ©toile perd sa masse par lâintermĂ©diaire du point de Lagrange (figure 2) et la masse de la naine blanche sâaccroĂźt alors jusquâĂ dĂ©passer la masse critique de Chandrasekhar (1.4 MSOLEIL). Ă ce stade, la masse de lâĂ©toile est trop importante, et elle sâeffondre sur elle-mĂȘme, la force Ă©lectromagnĂ©tique ne pouvant contrecarrer la force gravitationnelle Ă lâintĂ©rieur de lâĂ©toile. Survient alors une trĂšs forte explosion thermonuclĂ©aire visible dans tout le cosmos (figure3).
Figure 2 : le lobe de Roche.
(figure Ă venir)
Explication sur le lobe de Roche.
Figure 3 : formation dâune supernova.
(figure Ă venir)
Plusieurs images dĂ©taillant par Ă©tapes la formation dâune SNIa.
Lorsquâune supernova de type II atteint la masse critique de 1.4 MSOLEIL, elle crĂ©e une Ă©toile Ă neutron.
Les supernovae de type I et celles de type II sont diffĂ©rentes dans le fait que les premiĂšres nâont pas dâhydrogĂšne dans leur spectre, mais des Ă©lĂ©ments lourds. Les SNI sont donc plus ĂągĂ©es que les SNII. De plus, les SNIa sont un cas particulier des SNI : il existe du silicium dans leur spectre, contrairement aux SNIb et SNIc.
Il est nĂ©cessaire de bien comprendre le fonctionnement de lâobjet observĂ©. Les SNIa font partie de ces objets que les astronomes connaissent bien, car ils les ont longuement Ă©tudiĂ©s.
Les Céphéides
Les cĂ©phĂ©ides sont des Ă©toiles jeunes, brillantes, dont lâatmosphĂšre pulse dâune maniĂšre rĂ©guliĂšre dâune pĂ©riode allant de 2 Ă 100 jours. Elles se trouvent en abondance tout proche des galaxies spirales et Ă©cliptiques. Depuis les annĂ©es 1920, le problĂšme de la distance des objets extragalactiques (Ă©toiles, nĂ©buleuses, âŠ) sâest posĂ© aux astrophysiciens. MalgrĂ© les progrĂšs de la technique et lâamĂ©lioration des tĂ©lescopes, une mesure prĂ©cise nâa jamais pu ĂȘtre rĂ©alisĂ©e. Avec le H0 Key Project, le tĂ©lescope spatial a permis de dĂ©couvrir une classe dâĂ©toiles dont le fonctionnement est tout Ă fait compris des astronomes : les cĂ©phĂ©ides. La pulsation de leur enveloppe externe est facilement explicable car elle est due au mĂ©canisme thermodynamique du mĂȘme type que celui produit par une soupape dâun moteur. Câest-Ă -dire que lâhĂ©lium est recyclĂ© de lâĂ©tat dâune ionisation simple Ă un Ă©tat dâune ionisation double, ce qui augmente la compression et a fortiori lâopacitĂ©.
Les thĂ©ories physiques et la mĂ©thode de dĂ©termination dâH0
Le tĂ©lescope Hubble est un outil formidable pour les astronomes, car il permet dâobserver le ciel profond sans les turbulences de lâatmosphĂšre, les nuages, le jour et la nuit. Mais il ne permet dâexpliquer ce que lâon voit, il ne donne que les images et c'est aux thĂ©oriciens de comprendre et dâessayer de dĂ©chiffrer les images et leur signification. Ă lâaide dâoutils mathĂ©matiques, physiques et thermodynamiques puissants, ils peuvent comprendre le fonctionnement dâĂ©toiles distantes de dizaines de milliards de kilomĂštres.
Les théories physiques
Il est indubitablement essentiel de comprendre le fonctionnement de lâobjet que lâon Ă©tudie et que lâon observe, et il est essentiel de bien sâen rendre compte. En effet il est difficile de dĂ©duire une distance dâun objet que lâon voit et que lâon ne connaĂźt pas, car la distance est dĂ©duite de la luminositĂ©, qui est elle-mĂȘme en corrĂ©lation avec lâĂąge, la taille ou lâenvironnement dans lequel se trouve lâobjet. Pour les SNIa, il existe une thĂ©orie qui relie la distance de lâastre et son pic de luminositĂ©. Cet indicateur de distance est sans aucun doute le plus efficace, de plus il offre la meilleure prĂ©cision pour des objets lointains, car câest celui qui a la plus petite Ă©chelle de tous les indicateurs que nous ayons pour ces distances. Cette mĂ©thode est possible grĂące aux tĂ©lescopes terrestres et Ă leur foyer grand champ qui leur permet de produire une image couvrant la surface de la Lune et contenant prĂšs de 5000 galaxies pour une exposition de 10 minutes. Le principe est de regarder une partie du ciel Ă quelques jours voire quelques semaines dâintervalle afin de voir une variation de luminositĂ© dans les galaxies lointaines (Figure 4). Un tel intervalle (une semaine) permet de voir lâintensification de luminositĂ© propre Ă une supernovae, tout en Ă©vitant de dĂ©passer son pic de luminositĂ©, ce qui permet de suivre lâĂ©volution de lâĂ©toile pendant quelques mois et ainsi de dĂ©terminer son maximum de lumiĂšre nĂ©cessaire pour dĂ©composer la lumiĂšre en ses composantes spectrales et ainsi avoir sa distance (Figure 5).
Figure 4 : observation dâune supernova. (figure Ă venir) Images avant et aprĂšs une explosion dâune SNIa dâun important dĂ©calage vers le rouge, prises par lâĂ©quipe du « High-z Supernova Search » en 1999. www.lrz-muenchen.de/projekte/hrlb-projects/webpages/h007z/
Figure 5 : courbe de luminosité.
(figure Ă venir) Exemple de courbe de luminositĂ© dâune SNIa. Reiss et al.: Evidence of an expending universe No.3 1998 (1033, fig.12).
Les avantages des cĂ©phĂ©ides sont nombreux : elles sont brillantes et ce sont des Ă©toiles relativement jeunes qui se trouvent en abondance dans les galaxies spirales (de mĂȘme type que la Voie LactĂ©e). Leur abondance et leur courbe de lumiĂšre si particuliĂšre en font des objets facilement observables. De plus, leur temps de vie est assez long, car elles sont jeunes, ce qui permet de les observer longtemps et dans diffĂ©rentes longueurs dâonde (contrairement aux supernovae). Tout comme les supernovae de type Ia, leur Ă©chelle est assez petite, ce qui leur permet dâavoir une prĂ©cision de lâordre de 0.1 mag (Udalski et al.1999). La mĂ©thode la plus frĂ©quemment utilisĂ©e pour dĂ©terminer la distance des galaxies proches est la relation pĂ©riode-luminositĂ© (period-luminosity relation, PL relation). BasĂ©e sur la composition chimique des cĂ©phĂ©ides, cette mĂ©thode de dĂ©termination est trĂšs efficace. Mais, il existe plusieurs problĂšmes quant Ă leur observation, comme le fait que les cĂ©phĂ©ides Ă©tant des Ă©toiles jeunes, elles se trouvent souvent dans un environnement riche en poussiĂšre interstellaire qui absorbe la lumiĂšre et a tendance Ă la rougir, ce qui fausse les donnĂ©es. Ou bien encore le fait que les cĂ©phĂ©ides des galaxies distantes de plus de 30 Mpc sont difficilement dĂ©celables (phĂ©nomĂšne dâentassement, le pouvoir sĂ©parateur des tĂ©lescopes diminuant avec la distance dâobservation).
Les mesures de la constante dâexpansion de lâunivers
De nombreuses Ă©quations existent sur la magnitude des cĂ©phĂ©ides, leur composition chimique et leur distance. Avec le Key Project, lâĂ©quipe de W.L. Freedman a rĂ©ussi Ă donner des Ă©quations plus ou moins complexes Ă partir des donnĂ©es prĂ©existantes (notamment les donnĂ©es de Udalski et al.). Les magnitudes visuelles et absolues Ă partir de PL relation et la distance ont Ă©tĂ© choisies comme Ă©tant : MV= -2.760[±0.03] (logP-1)-4.218[±0.02] avec ÏV = ±0.16 Les termes entre crochets MI= -2.962[±0.02] (logP-1) -4.904[±0.01] avec ÏI = ±0.11 sont les incertitudes. ÎŒ0 = W + 3.255[±0.02] (logP -1) +5.899[±0.01] avec ÏW= ±0.08 Lâincertitude Ï sâexprime en pourcentage. P : la pĂ©riode de rotation ; W : index de libre rougissement. GrĂące Ă cela, il a Ă©tĂ© facile de dĂ©terminer leur distance et donc leur vitesse (figure 6).
Figure 6 : graphe distance/vitesse des galaxies avec céphéides. (figure à venir) Les vitesses ont été corrigées en utilisant le modÚle décrit dans Mould et al. (2000a). W.L. Freedman : Final results from the Hubble Space telescope Key Project to measure the Hubble constant. 2001 (55)
On remarque que pour ces galaxies, H0=75 ± 10 km sâ1 Mpcâ1. Les cĂ©phĂ©ides permettent de dĂ©terminer la distance des galaxies auxquelles elles appartiennent. AssociĂ©e aux relations qui permettent de dĂ©terminer la distance des galaxies (Tully-Fischer, plan fondamental), cette mĂ©thode est excellente car dâune certitude maximale. Pour les supernovae de type Ia, le problĂšme a Ă©tĂ© de dĂ©terminer quelles supernovae pouvaient ĂȘtre Ă©tudiĂ©es sans compromettre la prĂ©cision des donnĂ©es, câest-Ă -dire choisir les supernovae dont nous connaissions exactement la distance. LâĂ©quipe de W.L. Freedman est partie de lâĂ©chantillon de Gibson et al. (2000a), lui-mĂȘme basĂ© sur les Ă©tudes de Hamuy et al. (1996) et de Riess et al. (1998) dont les donnĂ©es comptaient 35 supernovae. Gibson a rĂ©duit le nombre des supernovae pour ces Ă©tudes Ă 29, auxquelles lâĂ©quipe de W.L. Freedman en a ajoutĂ© 21 autres. Ce sont donc au total 50 supernovae qui ont Ă©tĂ© utilisĂ©es pour dĂ©terminer la constante dâexpansion de lâunivers. Sur cet Ă©chantillon, il a Ă©tĂ© nĂ©cessaire dâen enlever quelques-unes dans le but dâaffiner le rĂ©sultat ; câest pour cela quâils ont dĂ©cidĂ© de porter leur Ă©tude sur 36 supernovae ayant 3.5 < log (cz) CMB < 4.5 et dont le pic de la magnitude de couleur âBmax â Vmax â < 0.20 (SchĂ©ma3, Annexe). Le rĂ©sultat sur la constante de Hubble associĂ© avec le point zĂ©ro affectĂ© de la correction sur la distance des cĂ©phĂ©ides (en appliquant une correction sur les composĂ©s chimiques internes de -0.2± 0.2mag dex-1, oĂč un dex signifie un facteur de 10 dans la diffĂ©rence chimique) sur NGC 4639, 4536, 3627, 3368, 5253, et IC 4182 (cf. SchĂ©ma2, Annexe) nous donne une valeur finale de H0=71 ± 2 ± 6 km sâ1 Mpcâ1. Pour les diffĂ©rents rĂ©sultats sur les supernovae, se rĂ©fĂ©rer au schĂ©ma 1 de lâAnnexe.
Les autres méthodes et les résultats
Les autres mĂ©thodes utilisĂ©es par lâĂ©quipe de W.L. Freedman pour la dĂ©termination de la constante dâexpansion de lâunivers sont basĂ©es sur la relation de Tully-Fisher (galaxies), la fluctuation de la brillance de la surface des galaxies, lâĂ©tude des supernovae de type II et le « plan fondamental » (Figure 7). GrĂące Ă toutes ces mesures, lâĂ©quipe de W.L. Freedman a pu donner un rĂ©sultat trĂšs prĂ©cis de H0=72 ± 8 km sâ1 Mpcâ1.
Figure 7 : Récapitulatif des différents résultats pour H0 (figure à venir)
Références : (1) Hamyu et al. 1998 ; (2) Riess et al.1998 ; (3) Jha et al. 1999 ; (4) Gibson et al. 2000a ; (5) Giovanelli et al.1997 ; (6) Aaronson et al.1982, 1986 ; (7) Sakai et al. 2000 ; (8) Jorgensen et al.1996 ; (9) Kelson et al. 2000 ; (10) Lauer et al.1998 ; (11) Ferrarese et al.2000a ; (12) Scmidt et al. 1994 W.L. Freedman: Final results from the HST Key Project to measure the Hubble constant. 2001 (61)
Conclusion
LâĂ©quipe de W.L. Freedman a rĂ©alisĂ© un travail incroyablement important pour la cosmologie, confirmant en effet par lâobservation les diffĂ©rentes thĂ©ories donnant H0 Ă©gale Ă ~70 km.s-1.Mpc-1 ce qui, ajoutĂ© Ă lâhypothĂšse vue au dĂ©but, que ΩÎ=0.7 et ΩM=0.3, donne une expansion de lâunivers ĂągĂ©e de 12.5 milliards dâannĂ©es pour un univers plat (Figure 8), en concordance avec les derniers rĂ©sultats sur lâanisotropie du fond diffus du cosmos.
Figure 8 : les Ăąges de lâexpansion dâun univers plat. (figure Ă venir) Univers plat: Ω=ΩΠ+ ΩM =1 W.L. Freedman: Final results from the HST Key Project to measure the Hubble constant. 2001 (69)
Le travail le plus difficile a sans doute Ă©tĂ© de dĂ©terminer quels seraient les bons Ă©talons afin de dĂ©terminer cette constante, grĂące Ă laquelle il est possible dâexprimer avec certitude pratiquement tous les facteurs cosmologiques (Ω et Î, lâĂąge de lâunivers, la taille de lâunivers observable : H0t0). Les supernovae de type Ia et les cĂ©phĂ©ides sont des points repĂšres dans lâobservation du passĂ©, des Ă©talons qui permettent de dĂ©terminer avec prĂ©cision la distance sĂ©parant la Terre des objets les plus lointains du cosmos (~400 Mpc soit plus de 1 milliard dâannĂ©es-lumiĂšre). On peut espĂ©rer ĂȘtre capable(s) un jour de reconstituer la vie de lâunivers ainsi que son devenir avec une certitude quasi irrĂ©prochable.
Conclusion
DĂ©terminer la constante dâexpansion de lâunivers nâest pas facile. Il existe diffĂ©rentes mĂ©thodes et diffĂ©rents principes sont utilisĂ©s, livrant chacun des rĂ©sultats assez similaires. La constante de Hubble semble ĂȘtre aux alentours de 71 km/s/Mpc. Mais les mĂ©thodes ne cessent de sâamĂ©liorer, et les donnĂ©es sont de plus en plus prĂ©cises, approximation d'une valeur dĂ©finitive espĂ©rĂ©e.
Bibliographie
- W.L.Freedman/ Physics Report 307(1998) 45-51
- W.L.Freedman/ Physics Report 333-334 (2000) 13-31
- Pour la science n°257 (37-41)