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DĂ©claration de Windhoek

La Déclaration de Windhoek (ou Déclaration de Windhoek pour le développement d’une presse africaine indépendante et pluraliste[1]) a été rédigée par une soixantaine de journalistes africains en conclusion du Séminaire pour le développement d’une presse africaine indépendante et pluraliste organisé en à Windhoek (Namibie) par l’UNESCO et les Nations Unies (UN/DPI), en étroite collaboration avec diverses organisations professionnelles des médias représentatives de la profession à l’échelle internationale et régionale. Ce texte décrit de manière incisive la situation des journalistes africains indépendants à la fin des années 1980 et définit les conditions nécessaires pour l’établissement et le développement d’une presse indépendante, libre et pluraliste en Afrique[2].

Une nouvelle stratégie de communication

Approuvée formellement par les États membres de l’UNESCO lors de la 28e session de la Conférence générale ()[3], la Déclaration de Windhoek est devenue depuis lors un document de référence majeur au sein du système des Nations unies[4]. Elle s’inscrit dans le cadre de la Nouvelle stratégie de la communication décidée par la Conférence générale de l’UNESCO lors de sa 25e session en , au moment même où tombait le mur de Berlin[5].

Cette nouvelle stratégie a entraîné de facto la mise à l’écart du Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication (NOMIC) qui avait fait l’objet d’âpres controverses au sein de l’Organisation dans les années 1980. Celles-ci avaient profondément divisé l’UNESCO et avaient notamment entraîné le départ des États-Unis et du Royaume Uni, respectivement en 1984 et 1985. Le NOMIC avait également donné lieu à une vive opposition de la part de plusieurs organisations professionnelles des médias, qui voyaient dans le Nouvel ordre un moyen permettant aux États de contrôler la presse sous le prétexte, entre autres, de favoriser une circulation plus large et mieux équilibrée de l’information entre le Nord et le Sud. Tout en maintenant le besoin de promouvoir une diffusion plus large et mieux équilibrée de l’information, la Nouvelle stratégie de la communication adoptée en novembre 1989 précise que cet objectif devait se faire "sans entrave à la liberté d’expression", conformément au principe fondamental de la "libre circulation des idées par le mot et par l’image" contenu dans l’Acte constitutif de l’UNESCO[6] - [7].

Genèse du séminaire de Windhoek

Le séminaire de Windhoek est une suite directe de la Table ronde Est/Ouest que le Directeur-général de l’UNESCO, Federico Mayor[2], avait mise sur pied de manière spontanée en , soit quelques semaines après la chute du mur de Berlin, pour relever un des nombreux défis liés à la fin de la Guerre froide, celui de la démocratisation du paysage médiatique dans les pays d’Europe centrale et orientale[8]. La table ronde avait réuni une soixantaine de journalistes indépendants originaires des pays du Bloc soviétique, ainsi qu’un certain nombre de journalistes occidentaux (Europe occidentale et Amérique du Nord). Mais contrairement au séminaire de Windhoek, la Table ronde Est/Ouest n’avait adopté aucun texte final et s’était limitée à offrir aux participants, dont la plupart venaient à peine de sortir de la clandestinité, une plateforme de libre expression. Suivie par des très nombreux observateurs représentant les États membres de l’UNESCO, la Table ronde Est/Ouest avait suscité beaucoup d’intérêt notamment auprès des diplomates africains qui avaient demandé au Directeur-général qu’une conférence semblable soit organisée sur leur continent[1]. C’est en réponse à la requête des diplomates africains que ce dernier a décidé d’organiser le séminaire de Windhoek[8].

Le processus de Windhoek

Les résultats du séminaire de Windhoek ont été accueillis extrêmement favorablement par les États membres de l’UNESCO qui, lors de la 26e session de la Conférence générale, en , ont invité le Directeur général à "étendre aux autres régions du monde les efforts entrepris jusqu’ici en Afrique et en Europe ; à célébrer l’anniversaire de la Déclaration de Windhoek adoptée le ; à transmettre à l’Assemblée générale des Nations Unies le souhait exprimé par les États membres de l’UNESCO qu’elle proclame le – Journée mondiale de la liberté de la presse"[9].

La mise en Ĺ“uvre de la rĂ©solution 26C/4.3 a enclenchĂ© un processus en chaĂ®ne dans lequel toutes les initiatives prises Ă©taient liĂ©es les unes aux autres, chacune gĂ©nĂ©rant la suivante. Pour certains, la DĂ©claration de Windhoek a donc jouĂ© un rĂ´le catalyseur dans le mouvement de dĂ©mocratisation qui a marquĂ© le paysage mĂ©diatique international tout au long des annĂ©es 1990. C’est ainsi que l’UNESCO et les Nations unies, toujours avec l’appui des organisations professionnelles des mĂ©dias, ont organisĂ© conjointement 4 autres sĂ©minaires rĂ©gionaux Ă  l’image de celui de Windhoek : le 1er pour les mĂ©dias d’Asie (Alma Ata, Kazakhatan, ), le 2e pour ceux d’AmĂ©rique Latine et des CaraĂŻbes (Santiago, Chili, ), le 3e pour les pays arabes (Sana’a, YĂ©men, ) et le dernier pour l’Europe et l’AmĂ©rique du Nord (Sofia, Bulgarie, )[3]. Chaque sĂ©minaire s’est terminĂ© par l’adoption d’une dĂ©claration dans laquelle les participants ont exprimĂ©" leur plein appui et leur entière adhĂ©sion aux principes fondamentaux de la DĂ©claration de Windhoek en reconnaissant son importance cruciale pour la promotion de mĂ©dias Ă©crits et radiotĂ©lĂ©visĂ©s libres, indĂ©pendants et pluralistes dans toutes les rĂ©gions du monde"[10]. La ConfĂ©rence gĂ©nĂ©rale de l’UNESCO a adoptĂ© les 5 DĂ©clarations de Windhoek, Alma Ata, Santiago, Sana’a et Sofia lors de sa 28e session pour les 3 premières (1995)[3] et de sa 29e session pour les 2 dernières (1997)[7].

Il est tout à fait inhabituel que les États membres d’une organisation intergouvernementale adoptent des textes émanant de la société civile sans leur apporter des modifications, cela d’autant plus que ces Déclarations sont très critiques à l’égard des politiques et pratiques de certains États vis-à-vis des médias, sans toutefois les nommer[7].

Outre l’adoption des 5 Déclarations par les États membres de l’UNESCO, le "processus de Windhoek" a eu plusieurs importantes retombées concrètes dans le domaine des médias :

  • En , le Programme international pour le DĂ©veloppement de la Communication (PIDC) de l’UNESCO a modifiĂ© ses règles de fonctionnement pour tenir compte des recommandations contenues dans la DĂ©claration de Windhoek : depuis lors, les projets soumis par le secteur privĂ© ont pu bĂ©nĂ©ficier du soutien financier du PIDC, au mĂŞme titre que ceux du secteur public[2] - [1].
  • Toujours en 1992 et dans la foulĂ©e du sĂ©minaire de Windhoek, l’UNESCO a apportĂ© son appui Ă  la mise en place d’un rĂ©seau d’alerte mondial installĂ© Ă  Toronto, l’International Freedom of Expression Exchange (IFEX)[11] ainsi qu’à la crĂ©ation du Media Institute of Southern Africa (MISA)[12] dont l’une des missions est de soutenir la mise en Ĺ“uvre des recommandations contenues dans la DĂ©claration de Windhoek[2].
  • En , l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies a proclamĂ© le , JournĂ©e mondiale de la libertĂ© de la presse, concrĂ©tisant ainsi la proposition faite par les participants au SĂ©minaire de Windhoek et reprise Ă  son compte par la ConfĂ©rence gĂ©nĂ©rale de l’UNESCO[1].
  • Ă€ l’occasion de la cĂ©lĂ©bration du , le Directeur-gĂ©nĂ©ral de l’UNESCO a annoncĂ© la crĂ©ation du Prix mondial de la libertĂ© de la presse UNESCO/Guillermo Cano dont le principe avait Ă©tĂ© proposĂ© par les participants au sĂ©minaire de Santiago en . Ce prix est destinĂ© Ă  distinguer une personne, une organisation ou une institution qui a contribuĂ© d’une manière notable Ă  la dĂ©fense et/ou Ă  la promotion de la libertĂ© de la presse oĂą que ce soit dans le monde, surtout si pour cela elle a pris des risques. Il a Ă©tĂ© attribuĂ© pour la première fois en 1997 et, depuis lors, il est remis chaque annĂ©e par le Directeur gĂ©nĂ©ral Ă  l’occasion de la cĂ©lĂ©bration de la JournĂ©e mondiale de la libertĂ© de la presse[1]. Le/la laurĂ©at(e) est choisi(e) par un jury indĂ©pendant formĂ© d’une demi-douzaine de journalistes reprĂ©sentant toutes les rĂ©gions du monde et tous les types de mĂ©dias, y compris les numĂ©riques[7].

La valeur symbolique de la DĂ©claration de Windhoek pour les Africains

L’engagement personnel de quelques diplomates africains en poste Ă  Paris (UNESCO), Genève (ECOSOC) et New York (AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations Unies) a Ă©tĂ© dĂ©cisif dans la rĂ©ussite du processus de Windhoek. Ce sont eux qui ont proposĂ© et dĂ©fendu dans ces diverses enceintes intergouvernementales la suggestion faite Ă  Windhoek par les journalistes d’instituer une JournĂ©e mondiale de la libertĂ© de la presse cĂ©lĂ©brĂ©e annuellement le . Ce sont aussi eux qui ont prĂ©sentĂ© Ă  la ConfĂ©rence gĂ©nĂ©rale de l’UNESCO le premier projet de rĂ©solution dans laquelle les États ont adoptĂ© la DĂ©claration de Windhoek. Cette initiative africaine a ouvert la voie qui a permis aux quatre autres DĂ©clarations d’Alma Ata, Santiago, Sana’a et Sofia d’être adoptĂ©es Ă  leur tour sans opposition. Pour l’Ambassadeur du Niger Lambert Messan, prĂ©sident en 1995 du groupe africain Ă  l’UNESCO, « la DĂ©claration de Windhoek est la contribution de l’Afrique Ă  l’édifice des droits de l’homme »[7].

Références

  1. (en) Guy Berger, "Why the World Became Concerned with Journalistic Safety, and Why the Issue Will Continue to Attract Attention", The Assault on Journalism, Ulla Carlsson, Reeta Pöyhtäri, Nordicom, , 376 p. (ISBN 978-91-87957-50-5), p. 33-43
  2. William Horsley, Plaider pour la liberté : 20e anniversaire de la Journée mondiale de la liberté de la presse, Paris, UNESCO, , 100 p. (ISBN 978-92-3-002162-7, lire en ligne)
  3. Conférence générale de l’UNESCO, 28e session, Résolution 28 C/4.6
  4. « Events / Nations Unies », sur United Nations (consulté le ).
  5. Conférence générale de l’UNESCO, 25e session, Résolution 25/ C 104
  6. http://www.unesco.org/education/pdf/UNESCO_F.PDF
  7. (en) Guy Berger, Media in Africa : 20 years after the Windhoek Declaration on Press Freedom, Windhoek: Media Institute of Southern Africa, (lire en ligne)
  8. Alain Modoux, La diplomatie des mains vides (Partie III, La diplomatie par procuration, l’Afrique en première ligne), Editions universitaires européennes, (ISBN 978-620-2-27496-8)
  9. Conférence générale de l’UNESCO, 26e session, Résolution 26 C/4.3
  10. http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001492/149256fo.pdf
  11. www.ifex.org
  12. www.misa.org
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