Customisation de masse
La customisation de masse est un processus industriel utilisant des technologies et méthodes de management pour produire une multitude de variétés de produits par leur personnalisation afin de répondre rapidement à la demande des consommateurs.
DĂ©finitions
Dans ses travaux, Aurélie Merle définit simplement les offres de customisation de masse. Ce sont « des offres permettant au consommateur de modifier lui-même certains éléments constitutifs d’un produit, au sein d’un ensemble de modules de choix prédéfinis par la marque, et d’acheter le produit co-conçu »[1].
Le concept de customisation de masse est inventé par Stan Davis en 1987[2]. Il est le premier à présenter l'expression de « customisation de masse » qui a été reprise et développée par Pine II en 1993[3]. Ce concept est défini comme un processus par lequel les firmes appliquent les technologies et méthodes de management pour produire de la variété dans les produits et de la personnalisation à travers une flexibilité et une capacité de réponse rapide. La customisation de masse a pour but de produire suffisamment de variété afin que pratiquement tout le monde puisse trouver exactement ce qu’il désire à un prix raisonnable[3].
Une autre définition, par Dellaert et Stremerch, propose de voir la customisation de masse comme une personnalisation dans laquelle les préférences du produit d’un consommateur individuel sont atteintes en choisissant parmi des niveaux prédéfinis pour chaque ensemble de modules du produit[3].
Concept
La customisation de masse demande la participation du consommateur au design du produit. En effet, le consommateur peut modifier lui-même certains éléments constitutifs d'un bien ou d'un service, au sein d'un ensemble de modules de choix prédéfinis par la marque et d'acheter le produit co-conçu[4]. Cela implique par conséquent des moyens productiques spécifiques[5].
La customisation de masse est devenue réalisable grâce à des évolutions importantes au niveau technologique et productique. Dans la pratique, deux politiques de conception rendent possible la réalisation de différents produits en partant d’éléments standardisés  : la différenciation retardée et la conception modulaire. La différenciation retardée correspond à la volonté de produire un maximum d’éléments standard et à repousser le plus longtemps possible le moment où chaque produit acquiert sa propre identité[5]. Le consommateur peut alors[5] :
- Configurer son produit pré-achat : La marque propose au consommateur de réaliser sa propre configuration en le contraignant toutefois à un ensemble de modules disponibles. Par exemple, la marque Crypton, cité par Aurélie Merle, propose au consommateur de modifier les textures et les couleurs de différents éléments composant le coussin de son animal de compagnie, débouchant sur un « assemblage à la demande ». C'est à ce niveau qu'entre en jeu la conception modulaire : la réalisation d'un grand nombre de produits finis différents est possible par la différenciation puis la combinaison d'un nombre limité de composants indépendants.
- Concevoir une partie du produit pré-achat, plus ou moins à la marge. Par exemple, M&M's propose à ses clients de personnaliser leurs bonbons en choisissant les couleurs, les textures, le message personnel et même l'emballage.
- Personnaliser une partie du produit post-achat : il s'agit alors de vendre un produit standard, accompagné de moyens mis à disposition du consommateur pour qu'il effectue lui-même la personnalisation. Par exemple, un consommateur de Quiksilver peut modifier son jean post-achat grâce à une « râpe » permettant de le vieillir à sa guise. De même, Adidas proposait une paire de chaussures blanches accompagnée d’un kit de personnalisation[6].
Différences entre « customisation de masse » et « personnalisation de masse »
Contrairement à la customisation de masse, la personnalisation de masse ne fait pas appel à la notion de co-design par le consommateur. Sur la base des travaux d’Aurélie Merle, dans le cas de la personnalisation, « c’est l’entreprise elle-même qui prend en charge le processus de personnalisation du produit sur la base des informations préalablement collectées sur le consommateur ». Deux types de personnalisation de masse peuvent être distingués, à savoir : la personnalisation explicite et la personnalisation implicite[7].
- Personnalisation explicite : où l’on interroge directement les clients sur leurs besoins afin de leur proposer un produit ou service qui répond à leurs attentes. Il ne participe pas à la conception du produit. Par exemple, Swarovski propose un bijou adapté à ses clientes en fonction de leur forme de visage, de la couleur de leurs yeux et cheveux et de leur style vestimentaire.
- Personnalisation implicite : où l’entreprise dresse un profil de clients par la collecte d’informations indirectes afin de proposer un produit adapté auquel le consommateur n’aurait pas forcement pensé, sur la base de consommateurs similaires. Par exemple, Amazon et YouTube avec leurs systèmes de recommandation de produits ou de vidéos.
Le rôle du consommateur dans la co-conception du produit est donc très faible dans le concept de personnalisation de masse.
Afin de continuer d’illustrer ce concept de personnalisation de masse, on retrouve l’entreprise Coca-Cola ayant inscrit prénoms ou adjectifs sur ses bouteilles ou encore Nutella de Ferrero qui a personnalisé les étiquettes de sa fameuse pâte à tartiner sur un concept similaire en magasin.
Enjeux
En 2001, les deux ingénieurs Tseng et Jiao définissent la customisation de masse dans Futur Parfait comme « la production de biens et services pour répondre aux besoins individuels des clients avec une efficacité proche de celle de la production de masse »[2]. Le challenge des entreprises qui font le choix de la customisation de masse est donc de « concevoir un processus permettant la production d’objets personnalisés à des coûts proches d’une production en série » (approche d’optimisation des coûts). Ainsi, parce qu'elle nécessite un outil productif à la fois flexible et standardisé, la customisation de masse est surtout plébiscitée par de grands groupes qui ont la puissance financière nécessaire pour investir dans de tels outils.
Sources de valorisation
Selon Aurélie Merle, Jean-Louis Chandon et Elyette Roux, la littérature marketing montre que les sources de valorisation de la customisation de masse résident dans le produit customisé lui-même[1], et composé de quatre dimensions : la valeur utilitaire, la valeur de différenciation interpersonnelle, la valeur d’appropriation et la valeur d’expression de son individualité ; ainsi que dans l’expérience de la customisation, composée de trois dimensions : la valeur hédonique, la valeur de réalisation créative et la valeur de nouveauté[3].
Valeurs liées au produit customisé
- Valeur utilitaire : customiser permettrait à l’individu d’obtenir un produit qui lui correspond et qui est en adéquation avec ses attentes étant donné que c’est lui-même qui a conçu le produit.
- Valeur de différenciation interpersonnelle : une valeur retirée de la possibilité d’avoir un produit différent à celui des autres, d’avoir un produit original, un produit unique. Le consommateur souhaite se démarquer de son groupe social de référence.
- Valeur d’appropriation : l’expérience de customisation modifie la relation qu’a l’individu avec l’objet. À la suite de la création du produit, celui-ci devient un élément constitutif de soi, un produit propre à soi, appartenant à l’individu.
- Valeur d’expression de son individualité : la customisation permet à l’individu d’exprimer qui il est vraiment, de montrer sa personnalité à travers ses produits customisés. Elle permet donc de créer un objet à son image.
Valeurs liées à l’expérience de customisation
- Valeur hédonique : customiser un objet est une expérience amusante et enrichissante. Le consommateur éprouve du plaisir et de la fantaisie dans la création de l’objet.
- Valeur de réalisation créative : elle est liée à une valorisation de soi, un accomplissement personnel. L’individu exprime sa fierté d’avoir créé le produit.
- Valeur de nouveauté : l’expérience de customisation est liée à son caractère novateur. Elle est valorisée par sa rareté.
Les risques/ coûts perçus
D’après l’étude réalisée par Aurélie Merle, les consommateurs perçoivent en général 4 grandes catégories de risques ou coûts[3] à l’égard de la customisation de masse : D’abord, il y a le coût lié au surprix. Un produit customisé est plus complexe à fabriquer et requiert plus de soins. Il nécessite donc plus de ressources spécifiques à la création. Ensuite, il y a un coût lié à la distance, notamment en termes d’impossibilité d’essai du produit, qui durant la phase d’achat, reste un produit virtuel. Ce qui pourrait augmenter le risque de non-conformité, mais ne permettrait pas, dans ce cas, le retour de la marchandise puisque le produit est conçu spécialement pour un client. De plus, le délai de production d’une offre customisée est généralement plus long. La fabrication nécessitera plus ou moins de temps en fonction du modèle souhaité par le client : la production est seulement lancée après avoir conçu le modèle.
Mais un problème de perte de temps est également abordé, notamment dans cette conception du produit qui doit être faite minutieusement, surtout face à des consommateurs qui ne savent pas immédiatement ce qu’ils veulent. Il ne faut pas non oublié la phase d'apprentissage nécessaire par le client au maniement de l'outil de customisation mis à disposition par l'entreprise co-conceptrice. Enfin, il y a ce que l’on appelle le coût social ou le risque que le produit customisé sera vu comme étant un produit hors-norme par l’entourage du client. C’est donc surtout un aspect psychologique.
Ainsi, « la customisation de masse est applicable uniquement aux produits pour lesquels la valeur perçue de la customisation », dans la mesure où les clients sont disposés à la payer, « excède le coût perçu de la customisation »[8].
Limites
La customisation de masse semble être appréciée par bon nombre de consommateurs. Malgré cela, le programme présente quelques limites[9]. En effet, la cible en matière de customisation de masse reste petite, seule une petite niche est visée à cause de la complexité de l’offre. Ce qui nécessite beaucoup d’efforts financiers, surtout en termes de communication et de publicité, en plus de l'investissement dans l'appareil productif, afin d’intéresser au maximum ces niches. Donc, l’investissement pour la mise en œuvre de ce marketing au sein des entreprises est particulièrement élevé.
Éléments clés de succès d’un programme de customisation
Un programme de customisation est un travail ambitieux pour une entreprise qui peut rapidement tourner à l’échec. Dans ces recherches dans la compréhension et la gestion d’un programme de customisation de masse, Aurélie Merle met en avant des éléments-clés[5] à l’optimisation de ce type de programme :
- Participation élevée du consommateur : Dans un programme de customisation de masse, le client est plus qu’un simple acheteur puisqu’il peut aussi être qualifié de « co-concepteur » ou de « co-designer ». Sa participation mentale et physique à la conception du produit est requise dans la création du produit grâce aux outils mis à disposition par l’entreprise, c’est le co-design.
- Développement d’interface favorisant le « Consumer made » : Que ce soit sur internet ou par le biais d’une interface physique, l’entreprise doit développer un ensemble d’outils nécessaire (logiciels, modules) à la co-conception par le consommateur
- Développement d’Internet : Le développement d’Internet a permis aux marques de pouvoir atteindre le consommateur chez lui sans le contraindre à se rendre dans un point de vente. Internet est source d’importante économie pour ces programmes de customisation très coûteux.
Ouverture
Les avancées technologiques concernant Internet et la démocratisation de l'imprimante 3D permet aujourd’hui à la customisation de masse de prendre un nouveau tournant. L’impression 3D est aujourd’hui une technologie moins chère et plus rapide que les start-ups se sont appropriée[10]. Ce sont elles qui incarnent aujourd'hui la nouvelle vague de customisation de masse.
Notes et références
- A. Merle, J.-L. Chandon et E. Roux, « Comprendre la valeur perçue de la customisation de masse. Un modèle dissociant la valeur du produit customisé et de l’expérience de co-design », Recherche et Applications en Marketing, no N°23,‎ , p. 3, 27-50.
- « JDN : web & tech, media, management, business, patrimoine, vidéos, Premium et Le Hub », sur www.journaldunet.com (consulté le )
- « La customisation de masse : quelle valeur pour le consommateur ? Une approche exploratoire. » (consulté le )
- « P14_MEMOIRE_VIGIER_MIA », sur calameo.com (consulté le )
- Aurélie Merle, « Comprendre et gérer un programme de Customisation de Masse », Décisions Marketing, no N°59,‎ , p. 41
- « Adidas : Il était possible de personnaliser ses paires avec un kit de peinture - adidas spezial informations pratiques », sur meltyStyle, https://plus.google.com/u/0/b/115021583540977150944/+MeltystyleFr/posts (consulté le )
- (en) H. Fan et M. S. Poole, « What is personalization? Perspectives on the design and implementation of Personalization in information systems », Journal of Organizational Computing and Electronic Commerce,, no 16,‎ , p. 3-4, 179-202.
- (en) M. Tseng et F. Piller, The Customer Centric Enterprise : Advances in Mass Customization and Personalization, New York / Berlin,
- « Du marketing one to one vers la personnalisation de masse », sur Alchimy (consulté le )
- « Les quatre visages de la customisation de masse », sur www.journaldunet.com (consulté le )