Contrats réels en droit romain
En droit romain, les contrats peuvent divisĂ©s entre les re c'est-Ă -dire liĂ©s par le remise de la chose (res), les consensuels, et les contrats innommĂ©s[1]. Bien que Gaius identifie uniquement un seul type de contrat re, selon Justinien il y en a quatre, le mutuum (prĂȘt Ă la consommation), le commodat (prĂȘt Ă l'emploi), le depositum (dĂ©pĂŽt) et le pignus (gage).
Chaque contrat varie selon ses caractéristiques propres. Ils ont tous pour finalité la remise d'une chose qui est une caractéristique déterminante. Ils étaient généralement complétés par la stipulatio.
Les types de contrats de prĂȘt
Le mutuum
Le mutuum est le plus ancien des contrats rĂ©els, il s'agit d'un contrat de prĂȘt Ă la consommation. Le bĂ©nĂ©ficiaire du prĂȘt deviendra propriĂ©taire de la chose prĂȘtĂ©e. Il consiste pour une personne de prĂȘter Ă son voisin ou Ă un membre de sa famille une petite somme dâargent ou une certaine quantitĂ© de blĂ© pour faire la cĂ©sure ou pour ensemencer son champ. Celui qui a reçu la chose sera tenu de rendre lâĂ©quivalent, le mutuum porte en fait sur des biens fongibles, câest-Ă -dire des biens interchangeables. C'est par abus de langage que les juristes traducteurs l'ont appelĂ© prĂȘt Ă la consommation.
Ă lâorigine, ce prĂȘt est considĂ©rĂ© comme un contrat de bienfaisance câest-Ă -dire conclu Ă titre gratuit. Le dĂ©biteur doit rendre lâĂ©quivalent de ce quâil a reçu mais pas plus. Le mutuum nâest donc pas accompagnĂ© normalement du paiement dâun quelconque intĂ©rĂȘt. Mais les parties ont la possibilitĂ© de stipuler un tel intĂ©rĂȘt au moyen dâun contrat verbis (verbal) qui annexera une clause au contrat de prĂȘt, clause par laquelle le dĂ©biteur rendra davantage que ce quâil a reçu. Pour cela, il fallait ajouter au mutuum un contrat nommĂ© stipulatio. Ă Rome, lâintĂ©rĂȘt variera entre 8 et 12%. Il descendra mĂȘme en deçà de 6% sous Justinien. La rĂšglementation Ă©conomique cherchera Ă lutter contre les pratiques usuraires mais le droit romain permettra toujours le prĂȘt Ă la grosse, câest-Ă -dire un prĂȘt Ă la grosse aventure accordĂ©e en matiĂšre de commerce maritime.
Tous ces contrats solennels ou rĂ©els sont sanctionnĂ©s par un mĂȘme type dâaction, les actions dites de droit strict.
Le commodat
Le commodat est un prĂȘt Ă usage qui se distingue du mutuum par le fait que le bĂ©nĂ©ficiaire de ce prĂȘt ne devient pas propriĂ©taire de l'objet prĂȘtĂ© mais peut juste l'utiliser pendant un temps ou un nombre d'usages dĂ©terminĂ©. Il s'agit d'un contrat rĂ©el synallagmatique de bonne foi qui peut porter sur une res mancipi comme une res nec mancipi.
Le commodant remet à titre gratuit une chose au commodataire à charge de la restituer aprÚs usage (la conservation de la chose entrainerait un "vol d'usage"). Ce contrat s'étend aux immeubles mais non aux choses consommées dÚs le 1er usage (biens consomptibles). Il est gratuit (sinon, il entrainerait la qualification de "locatio rei").
Le commodataire est responsable pour dol ou faute, mais est exempt de toute responsabilitĂ© pour force majeure. Il peut Ă©galement ĂȘtre tenu pour le dommage subi par l'emprunteur, s'il lui a sciemment remise une chose atteinte d'un vice.
Il existe également une action contraire de commodat pour celui qui garde, afin d'exiger l'indemnisation des dépenses causées par la garde de la chose.
Enfin, une action de commodat directe permet la restitution de la chose au commodant.
Le depositum
Le depositum est l'obligation réelle de bonne foi par laquelle un déposant confie à un dépositaire une chose meuble. Celui-ci doit la garder gratuitement et la rendre dÚs que le déposant le lui demande, ou au plus tard à la date fixée dans la convention.
Le dĂ©positaire ne peut pas se servir de la chose ou en percevoir les fruits au risque de commettre un vol d'usage. Dans certains cas, il peut ĂȘtre indemnisĂ© par le dĂ©posant des dĂ©penses exposĂ©es pour la conservation de la chose (impenses nĂ©cessaires) ou de dommages subis, mĂȘme si le dĂ©posant n'en avait pas la connaissance.
Le dépÎt irrégulier
Le dépÎt irrégulier porte sur une somme d'argent, et le dépositaire s'engage à en restituer l'équivalent, le rendant propriétaire de l'argent déposé dont il peut user librement.
En droit classique, ce contrat est considĂ©rĂ© comme un mutuum et les intĂ©rĂȘts du prĂȘts doivent ĂȘtre prĂ©vus dans une stipulatio distincte.
A la fin de la pĂ©riode classique, grĂące Ă l'influence grecque, il est considĂ©rĂ© comme un dĂ©pĂŽt qui engendre Ă charge du dĂ©positaire, en vertu de la bonne foi, l'obligation de rĂ©tribuer la jouissance qu'il a du capital par le paiement d'un intĂ©rĂȘt.
Le séquestre
Le sĂ©questre est le dĂ©pĂŽt dâune chose litigieuse (res litigiosae) par les personnes en litige Ă un tiers (sĂ©questre), qui la conserve et la restitue Ă la partie qui gagne le procĂšs.
Des interdits possessoires ont Ă©tĂ© accordĂ©s au sĂ©questre, comme dans le cas du dĂ©pĂŽt ordinaire afin de protĂ©ger la possession avant lâissue du litige.
Le pignus
Le pignus est l'obligation réelle de bonne foi par laquelle un constituant remet à un créancier gagiste une chose afin de garantir une dette. à charge pour le créancier gagiste de rendre cette chose quand la dette aura été payée. Le débiteur n'a jusqu'à la restitution que la possession de la chose qu'il doit considérer en bonus vire i.e. en bon pÚre de famille. Ce sera au constituant de rembourser les frais nécessaires à sa conservation. Par ailleurs, si le débiteur ne rembourse pas sa dette, le créancier gagiste peut vendre la chose à condition qu'une clause spéciale ait été prévue entre les parties. L'action de bonne foi se trouve dans les mains du constituant afin que lui soit restituée la chose (actio pigneraticia) tandis que le créancier gagiste dispose d'une action moins importante lui permettant d'obtenir le remboursement des frais engagés pour la conservation de la chose.
Notes et références
- GERKENS J-F, Droit privé comparé, Bruxelles, Larcier, 2007