Constance Stokes

The Royal Academy à Burlington House, où Constance Stokes a étudié dans les années 1930, et dans les galeries où ses œuvres ont été exposées en 1953.

Constance Parkin naît le 22 février 1906[1], dans le hameau de Miram, près de Nhill dans l'ouest de l'État de Victoria[2]. La famille s'installe à Melbourne en 1920, où elle termine sa scolarité au couvent de Genazzano (en), dans la banlieue de Kew[3]. Petite, Constance mesure un peu moins d'un mètre cinquante et a les cheveux foncés[4]. Elle est formée entre 1925 et 1929 à la National Gallery of Victoria Art School à Melbourne. Pendant l'été 1925-1926, la galerie organise un concours pour ses étudiants, qui doivent peindre des « sujets de vacances » ; Constance remporte le prix pour un paysage. Le concours est jugé par l'artiste George Bell, qui allait avoir une influence continue sur sa carrière artistique[5] - [6].

En 1930, Constance Stokes fait partie des artistes qui exposent dans une galerie de Melbourne, l'Athenaeum (en). Son tableau, Portrait de Mme W. Mortill, est l'un des deux seuls à recevoir les éloges d'un membre éminent de la Heidelberg School, Arthur Streeton[3], qui décrit l'œuvre comme une « attraction rare » qui est « liquide et lumineuse »[7]. À la fin de ses études, Constance Stokes remporte la prestigieuse National Gallery Travelling Scholarship de la National Gallery of Victoria Art School, qui lui permet de poursuivre sa formation à la Royal Academy of Arts de Londres[3] - [8]. En plus de sa formation à la Royal Academy, elle étudie auprès du peintre et sculpteur cubiste français André Lhote à Paris en 1932[2]. L'année suivante, elle retourne en Australie, où elle épouse l'homme d'affaires Eric Stokes. La famille s'installe à Collins Street (en), à Melbourne, et Constance Stokes a trois enfants entre 1937 et 1942[9]. Plus tard, Constance Stokes a un atelier dans la maison familiale à Toorak, une maison moderniste conçue par l'architecte Edward Billson[10].

Constance Stokes revient d'une lune de miel européenne en 1934, mais elle produit peu d'œuvres dans les années qui suivent. Bien que l'appartement de Collins Street soit devenu un atelier à plein temps pour elle, on ne connaît que deux peintures et deux esquisses de cette période. La plus remarquable est Le Village (vers 1933-1935), influencée, selon le propre témoignage de l'artiste, par le postimpressionniste et portraitiste Augustus John. Cette œuvre est accrochée dans l'exposition inaugurale de la Contemporary Art Society, qui se tient à la National Gallery of Victoria. Elle est incluse dans une exposition itinérante qui est présentée au Metropolitan Museum of Art de New York en 1941 et plus tard au Canada[11]. En 1946, Constance Stokes présente l'œuvre à la National Gallery of Victoria[12].

Au milieu du XX^e siècle, la scène artistique de Melbourne connaît des divisions, qui se mêlent à la politique culturelle complexe de l'époque de la guerre froide. À la fin des années 1940, on assiste à un mouvement contre le modernisme dans l'art, et le tonalisme prend le dessus. En partie en réaction à cette évolution, l'artiste George Bell créé en 1940 un groupe d'exposition appelé les Melbourne Contemporary Artists. Bell est un ancien artiste de guerre et un membre influent de l'establishment artistique victorien, qui après la Seconde Guerre mondiale est nommé pour enseigner à l'école de peinture de la National Gallery of Victoria[13]. Influencé par Bell[6], Constance Stokes fait partie des artistes pour lesquels le modernisme a une forte influence et qui exposent avec les Melbourne Contemporary Artists[2]. Parmi les autres membres du groupe figurent Russell Drysdale et Sali Herman[14].

L'art de Constance Stokes perdure, alors que celui de certains de ses collègues modernistes ne survit pas. En 1945, lorsque les Melbourne Contemporary Artists organisent une de leurs expositions, le critique d'art Alan McCulloch observe que les œuvres manquent de plus en plus d'originalité et que les anciens standards du groupe sont maintenus par quelques membres seulement. L'un d'entre eux est Constance Stokes, dont il loue l'œuvre La Famille, « fortement conçue et modelée avec sensibilité »[15]. L'année suivante, cependant, McCulloch se montre plus optimiste, décrivant l'exposition comme leur meilleure à ce jour, tout en complimentant à nouveau Constance Stokes sur ses « tableaux riches et opulents »[16]. Six ans plus tard, lorsque le groupe expose en 1952, le critique de l'Argus (en) de Melbourne est aussi peu impressionné que l'avait été McCulloch en 1945. Suggérant que l'exposition démontre que la scène artistique de Melbourne manque d'innovation, il retient néanmoins un petit nombre d'œuvres pour en faire l'éloge. L'une d'entre elles est le Christ avec Simon et Andrew de Constance Stokes, qui, selon lui, montre « la richesse et le sentiment »[17].

Alors que Constance Stokes est encensée chez elle à Melbourne, l'un de ses portraits fait partie des six tableaux appartenant à la National Gallery of Victoria qui sont prêtés pour une exposition à l'autre bout du pays, à Perth. Le journal de la ville, The West Australian, choisit le portrait de Constance Stokes pour illustrer son reportage sur l'exposition. Appelée Girl Drying Her Hair, le journal décrit l'œuvre comme « remarquable par sa manipulation patiente, l'utilisation de couleurs vives et le mélange habile de la figure et du fond »[18]. La National Gallery of Victoria désigne l'œuvre sous le nom de Woman Drying Her Hair[19] - [Note 1], qu'elle avait acquise en 1947 à la demande du conservateur et artiste Daryl Lindsay[22]. Elle va bientôt voyager beaucoup plus loin que Perth.

En 1953, à la demande du Premier ministre Robert Menzies et du Conseil des arts de Grande-Bretagne (en), une exposition des œuvres de douze artistes australiens est montée. Elle est présentée à Londres, dans cinq villes britanniques régionales et à la Biennale de Venise. Sur les douze artistes sélectionnés, seuls deux sont originaires de Victoria, le reste étant de la Nouvelle-Galles du Sud ; Constance Stokes fait partie des artistes de Victoria[22] - [23]. Ses trois œuvres, dont Woman Drying Her Hair[22], sont accrochées aux côtés de celles des plus grands artistes australiens du milieu du XX^e siècle, dont Arthur Boyd, Russell Drysdale, William Dobell, Sidney Nolan, Lloyd Rees, Donald Friend (en) et Frank Hinder[23]. Malgré la sélection de ces peintres éminents, lorsque l'exposition est présentée à Londres, Girl in Red Tights (en) de Constance Stokes attire l'attention des critiques et est saluée. Admirée par le directeur de la National Gallery Sir Philip Hendy, l'œuvre est proclamée par le critique d'art du Times comme « le meilleur tableau de Londres cette semaine-là »[24]. Certains artistes de Sydney n'impressionnent pas autant. Une réunion de la Royal Art Society of New South Wales pousse le Premier ministre Menzies à intervenir, les membres décrivant les peintures comme « les pires jamais rassemblées en un seul endroit »[25]. Toutefois, le membre du Commonwealth Art Advisory Board qui annonce l'exposition estime que celle-ci représenterait la promotion la plus importante que l'art australien aurait connue jusqu'alors[23]. L'année suivante, Joseph Burke, professeur de beaux-arts à l'université de Melbourne, fait l'éloge de la peinture de Constance Stokes, en faisant particulièrement référence à son œuvre qui avait tant séduit les spectateurs lors de l'exposition de 1953. « Constance Stokes », écrit-il, est une peintre qui « annonce la poursuite de l'idéal classique comme [son] but. Sa Girl in Red Tights, avec sa richesse de couleurs vénitiennes, soutient habilement l'harmonie monumentale de la tradition classique »[26].

Les sujets religieux apparaissent régulièrement dans les peintures de Constance Stokes ; l'une de ces œuvres, The Baptism, se trouve dans la collection de la National Gallery of Victoria. Malgré l'attention récurrente qu'elle porte à ces sujets, l'artiste n'a cependant participé qu'une seule fois au Blake Prize (en), en 1953. Esmond George (en), critique au journal The Mail d'Adélaïde, admire l'œuvre (non identifiée) comme ayant « un fort intérêt pour l'art »[27]. L'intérêt de Constance Stokes pour le prix n'est pas assez fort pour l'inciter à participer à nouveau. Elle déclare à un interviewer que « la peinture abstraite a pris le dessus »[28].

Eric Stokes meurt subitement en 1962, une expérience qui laisse Constance dans le deuil ; un ami de longue date dit qu'elle ne s'en est jamais vraiment remise[29]. Confrontée à une hypothèque substantielle pour assurer le service, Constance Stokes reprend son travail : la peinture. Deux ans plus tard, elle ouvre sa première exposition personnelle en plus de trente ans. Elle comprend 43 œuvres, dont 27 peintures à un prix très élevé, à plus de 150 guinées. L'exposition est un succès tant sur le plan financier que sur le plan critique : Constance Stokes gagne plus de 4000 guinées, et l'exposition attire les éloges de l'historien et critique d'art Bernard William Smith[30]. Tout au long des années 1960, 1970 et 1980, elle peint et organise des expositions ; cette dernière phase de son travail est basée sur une palette de couleurs plus forte, bien que plus légère, et reflète l'influence de l'art d'Henri Matisse, que Constance Stokes admire[2] - [31]. Ses sujets changent également, passant de natures mortes « classiques », de groupes de personnages et de nus, à des thèmes plus décoratifs[2]. Les œuvres de Constance Stokes continuent à être bien accueillies[32], ayant été incluses dans l'exposition des femmes artistes australiennes de 1975 à l'université de Melbourne, et dans l'exposition itinérante de 1977 de la Regional Galleries Association of Victoria intitulée The heroic years of Australian painting, 1940-1965[2]. Le dernier tableau de Constance Stokes est Alice Tumbling Down the Rabbit Hole, peint vers 1989 ; elle meurt en 1991 à Melbourne[2].