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Confession tétrapolitaine

La Confession tétrapolitaine (ou Confessio Tetrapolitana) est la confession de foi élaborée par les réformateurs strasbourgeois Martin Bucer et Wolfgang Capiton en 1530. Son nom fait référence aux quatre cités qui l'ont signée : Strasbourg, Memmingen, Constance et Lindau, c'est pourquoi elle est parfois surnommée « la confession des quatre villes ». Théoriquement, elle fut appliquée jusqu'en 1598, date à laquelle Jean Pappus la remplaça définitivement par la Confession d'Augsbourg et la Formule de Concorde. En réalité, elle fut délaissée à Strasbourg dès 1563 sur l'ordre du Magistrat de la ville, sous l'influence de Jean Marbach.

Histoire

Les princes protestants présentant la Confession d'Augsbourg à Charles Quint.

Lors de la diète d'Augsbourg en 1530, Mélanchthon (qui représente Martin Luther) et d'autres protestants veulent prendre leurs distances avec Zwingli et avec ceux qu'ils considèrent proches de lui, comme le strasbourgeois Bucer. Les délégués de Strasbourg souhaitent pourtant signer la Confession d'Augsbourg, à l'exception de l'article sur l'Eucharistie. Cependant, les autres signataires les excluent en prétextant leur désaccord quant à la signification de la Cène[1]. L'officialisation du credo de la ville a donc été portée paradoxalement par une impulsion extérieure. C'est le véritable commencement d'une réorganisation de l'Église de Strasbourg sur le plan doctrinal[2].

Les délégués strasbourgeois Jacques Sturm et Mathis Pfarrer sont tout d'abord désemparés par la situation. Ils appellent à la rescousse les théologiens Bucer et Capiton, restés à Strasbourg. Ces derniers s'empressent de rédiger leur propre confession de foi, notamment à partir de l'écrit de Bucer datant de 1523, Das ym selbst niemant, sondern andern liben soll[3]. Le , elle est acceptée par trois autres villes de l'empire : Constance, Memmingen et Lindau[4]. La Tétrapolitaine est finalement présentée à l'empereur Charles Quint, quelques jours après la Confession d'Augsbourg qui avait été élaborée par la majorité des princes protestants. Si elles se ressemblent beaucoup, la Confession des quatre villes se distingue de celle des princes essentiellement sur trois points :

  • Dans l'article 18, elle nuance la présence réelle du Christ lors de la Cène, ce qui est un grand point de litige avec les luthériens. Elle en propose une conception plus spiritualiste. En revanche, elle souligne ses bienfaits en tant que communion sainte entre tous ses participants.
  • Elle a une plus grande dimension éthique. En effet, les œuvres destinées au prochain sont une évidence et le fruit de l'action du Saint-Esprit pour les réformateurs strasbourgeois. Il y a donc une véritable pensée autour de l'assistance publique et des questions pratiques.
  • Elle possède de nombreuses citations bibliques, ce qui lui confère une tonalité apologétique. La confession est mise sous l'autorité de la Bible dès le préambule.

Si des propos diffèrent de Luther, d'autres se font aussi remarquer par leur absence. Par exemple, un certain nombre de problèmes théologiques sont passés sous silence, comme le péché originel et l'origine du mal[4].

Lors de l'assemblée de la ligue de Smalkalde, en 1532, la Tétrapolitaine est encore placée au même rang que la Confession d'Augsbourg. Elle joue un rôle important dans l'élaboration des 18 Articles de 1531 à Ulm, ainsi qu'à Strasbourg lors des discussions avec les anabaptistes. En outre, les Strasbourgeois ne voyaient pas de contradiction à accepter les deux confessions, du moins jusqu'à l'Intérim. Jacques Sturm et Jacques Meyer signent même la confession des princes le , à l'exception toujours de l'article sur la Cène[5]. Bucer explique ce point de vue dans une lettre en 1546 : « Lorsque nous avons agréé la confession saxonne [la Confession d'Augsbourg], nous avons explicitement attesté que nous la recevons uniquement dans la mesure où elle concerne les principes essentiels de la doctrine chrétienne et, ceux-ci étant saufs, nous nous sommes réservés la liberté dans les expressions de la doctrine et les cérémonies du culte. »[5]

Cependant, la volonté d'unité entre les protestants de Bucer, puis de la seconde génération de réformateurs strasbourgeois, signa la perte de la Tétrapolitaine. Dès 1536, après la Concorde de Wittemberg, elle est mise en arrière-plan. En 1562-1563, le Conseil de la ville fait savoir qu'il ne fallait plus parler de la Tétrapolitaine, à la suite des multiples demandes du président du convent ecclésiastique Jean Marbach. Enfin, l'Ordonnance ecclésiastique de 1598 stipule que les seules bases doctrinales reconnues par l'Église de Strasbourg sont la Confession d'Augsbourg et la Formule de Concorde. Strasbourg perd alors son originalité pour se rallier définitivement à l'orthodoxie luthérienne[3].

La Confession tétrapolitaine a été l'une des sources d'inspiration majeures de Jean Calvin[6]. Aujourd'hui, elle est peu connue du fait qu'elle n'est pas devenue une charte doctrinale d'une Église donnée.

Composition

Le texte est composé de vingt-trois articles. Il comprend une version latine et une version en langue vulgaire (donc en allemand de l'époque), qui ne sont pas exactement similaires[7]. On lui reproche souvent ses longueurs et sa rédaction hâtive.


Allemand Latin
Der stet vbergeben opinion [Einleitung] Exordium
I) Waraus die predigen genomen werden I) De Materia concionum
II) In wellchem von gemainer Ler der gaistilichen ettwas abgetretten II) De Sacro sancta Trinitate Mysterioque Incarnati verbi
III) Woher kome vnsere Rechtuertigung III) De Iustificatione et Fide
IV) Was glaubens der Rechtuertigung werd zugeben IV) De bonis operibus ex fide prouenientibus per dilectionem
V) Wem die guten werck zuzeschreiben, vnd wie nötig sy seind V) Cui bona opera adscribenda et quam necessaria sint
VI) Wess aines Christenlichen menntschen thun sey VI) De Christiani hominis officijs
VII) Von betten vnd vasten VII) De Precibus atque Ieiunijs
VIII) Vom gebott bettens vnd fastens VIII) De Ieiuniorum preceptis
IX) Von vnderschid der Speiss IX) De delectu Ciborum
X) Das man mit vasten vnd betten Gott nichtzit abuerdiene X) Nullum esse queredum in precibus et ieiunijs meritum
XI) Von anrueffung vnd vererung der haylligen XI) Vnum Deum inuocandum per Christum
XII) Von dem Münchstandt XII) De Monachatu
XIII) Vom ampt, würde vnd gewallt der gaistlichen XIII) De Offcio, dignitate et potestate Ministrorum Ecclesiae
XIV) Von mensch XIV) De traditionibus humanis
XV) Von der Kirchen XV) De Ecclesia
XVI) Von Sacramenten XVI) De Sacramentis
XVII) Vom Tauff XVII) De Baptismo
XVIII) Von dem Sacrament des Leibs vnd bluets Christi XVIII) De Eucharistia
XIX) Von der Mess XIX) De Missa
XX) Von der Beicht XX) De Confessione
XXI) Von gemainem gsanng vnd gepett der gaistlichen XXI) De cantionibus et precibus Ecclesie
XXII) Von Bildern XXII) De Statuis et imaginibus
XXIII) Von den weltlichen Oberkaiten XXIII) De Magistratibus


La Tétrapolitaine traite successivement de la prédication, de la Trinité et de l'Incarnation, de la justification par la foi, des bonnes œuvres, des devoirs du chrétien, de la prière et du jeûne, de la distinction des aliments, de l'invocation des saints, du monachisme, du ministère et de l'état des clercs, des traditions humaines, de l'Église, des sacrements, du baptême, de la Cène, de la confession, du chant, des images et des autorités civiles[8].

À partir d', la Tétrapolitaine est accompagnée de son Apologie, également écrite par Bucer. La version latine de cette Apologie paraît en septembre[9].

Notes et références

  1. Marc Lienhard, « Bucer et la Tétrapolitaine », dans Un temps, une ville, une réforme, Hampshire, Variorum, 1990, p. 271.
  2. Gottfried Hammann, Entre la secte et la cité. Le projet d'Église du Réformateur Martin Bucer, Genève, Labor et Fides, coll. « Histoire et Société » n°3, p. 45.
  3. Bernard Vogler, « Tétrapolitaine », dans Encyclopédie de l'Alsace, vol. 12, Strasbourg, Éditions Publitotal, 1986, p. 7267.
  4. Richard Stauffer , « Histoire et théologie de la Réforme », dans École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses, Annuaire, Tome 87, 1978, p. 401-402.
  5. René Bornert, La Réforme protestante du culte à Strasbourg au XVIe siècle, Leiden, E.J. Brill, 1981, p. 289.
  6. Carrière Victor, Jacques Pannier, « Les origines de la Confession de foi et la discipline des Églises réformées de France », Revue d'histoire de l'Église de France, 1938, vol. 24, n° 103, p.199 ou en ligne (consulté le 14 mars 2014).
  7. (de) Martin Bucer, Robert Stupperich (éd.), Martini Buceri opera omnia. Series I, Deutsche Schriften (im Auftrage der Heidelberger Akademie der Wissenschaften herausgegeben von Robert Stupperich), Band 3 : Confessio Tetrapolitana und die Schriften des Jahres 1531, Gütersloh, Gütersloher Verlagshaus Gerd Mohn, 1969, p.37-185.
  8. Marc Lienhard, op. cit., p.272.
  9. (de) Martin Bucer, Robert Stupperich (éd.), op. cit., p.190.

Voir aussi

Source

  • (de) Martin Bucer, Robert Stupperich (éd.), Martini Buceri opera omnia. Series I, Deutsche Schriften (im Auftrage der Heidelberger Akademie der Wissenschaften herausgegeben von Robert Stupperich), Band 3 : Confessio Tetrapolitana und die Schriften des Jahres 1531, Gütersloh, Gütersloher Verlagshaus Gerd Mohn, 1969 (dernière édition de la Tétrapolitaine, remaniée par Bernd Moeller (en))
  • Jacques Geyer (dir. Marc Lienhard), Aux côtés de la Confession d'Augsbourg : la Tétrapolitaine, Université de Strasbourg (mémoire de maîtrise en théologie protestante), 1981 - (une première traduction en français).

Bibliographie

  • Charles Bartholomé, Étude sur la Confession Tétrapolitaine. Thèse présentée à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg, Strasbourg, G. Silbermann, 1866, 57 p.
  • Marc Lienhard, « Bucer et la Tétrapolitaine », dans Un temps, une ville, une réforme, Hampshire, Variorum, 1990, p.269-285.
  • Roger Mehl, « Strasbourg et Luther : la Tétrapolitaine », Georges Livet, Francis Rapp, Jean Rott (éd.), Strasbourg au cœur religieux du XVIe siècle. Hommage à Lucien Febvre, Strasbourg, Istra, 1977, p.145-152.
  • Bernard Vogler, « Tétrapolitaine », dans Encyclopédie de l'Alsace, vol. 12, Strasbourg, Éditions Publitotal, 1986, p.7267.

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