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Chrysargyre

Le chrysargyre ou chrysargyron[Note 1], terme dérivé des mots grecs arguros, αργυρος (argent) et chrusos, χρυσος (or), était un impôt de l'Empire romain d'Orient puis de l'Empire byzantin.

L'empereur Constantin, créateur du chrysargyre (buste des Musées capitolins, Rome)

Cet impôt touchait ceux qui vivaient de la vente et concernait le commerce, l'artisanat et les métiers[1] - [Note 2] - [Note 3]. Cette taxe sur les profits commerciaux instituée par Constantin fut supprimée par l'empereur Anastase Ier[2], en 498.

Description

Compte tenu de la nature de l'impôt tous ceux qui avaient une fabrique ou une boutique, qui achetaient des matières premières pour les vendre ensuite transformées, ou des produits manufacturés pour les livrer simplement aux consommateurs étaient soumis à l'impôt. Le chrysargyre était une contribution que devaient payer « les commerçants et tous ceux qui vivent de la vente, à quelques exceptions près en particulier les paysans ou les propriétaires terriens qui vendent les produits de la terre, les naviculaires, les médecins, les professeurs de peinture vendant leurs propres œuvres et – dans certaines limites – les vétérans et les clercs »[1].

Cependant, le fermier, lorsqu'il pratiquait le commerce des blés, n'y échappait pas et l'ouvrier n'en était affranchi que s'il était au service d'un maître. Le savetier, dans son échoppe, ainsi que le peintre, parce que sa provision de couleurs se vendait sous forme de tableaux, étaient aussi ponctionnés. Puisque le chrysargyre était prélevé sur le revenu de tout capital autre que celui de l'agriculture, le préteur sur gages, la prostituée[3] et même parfois le mendiant n'en étaient pas exempts[4]. Il touchait donc particulièrement les populations urbaines. Sa perception s'appuyait sur les collèges corporatifs des divers métiers, collèges existants ou spécialement créés[5].

Origine

L'origine de cette taxe reste obscure. Selon Suétone, Caligula aurait introduit à Rome des taxes sur le commerce et l'artisanat[6]. Des impôts similaires sont connus en Égypte[1] et « il est probable que chaque cité avait parmi ses taxes locales quelque impôt du même genre »[1]. Aucun de ces cas cependant ne peut éclairer la création de l'impôt prélevé au Bas-Empire. Selon Zosime son créateur serait Constantin, mais le témoignage de l'historien grec du VIe siècle n'est pas totalement fiable. Les historiens modernes pensent que le chrysargyre est antérieur à 325-326 puisque Constantin en fit la remise à l'occasion de ses vicennales, et l'on s'accorde en général à le considérer comme le créateur de l'impôt[7] - [8]. Selon Jean-Michel Carrié, « il ne s'agissait donc pas d'une nouveauté aussi radicale qu'ont pu le faire croire des opposants païens récupérant à des fins idéologiques l'impopularité bruyante de cet impôt »[5] car finalement le chrysargire n'était que l'extension aux revenus non fonciers et aux populations urbaines des pratiques de prélèvement en métaux précieux qui avaient commencé avec les réquisitions pratiquées sous la Tétrarchie.

Nom et périodicité d'un impôt décrié

D'abord désigné sous le nom d'aurum negotiatorium (« or du commerce »), cet impôt prit le nom grec de chrysargyre, parce qu'il se percevait en or (χρυσος) ou en argent (αργυρος), ou celui d'« or lustral », aurum lustrale, lustralis collatio, functio auraria, parce qu'il était perçu tous les quatre ans[9]. Dans de nombreuses sources littéraires le retour de l'année du chrysargyre est présenté comme une perspective très difficile et terrible : l'impôt paraît insupportable et sa récurrence fatidique[10]. Toutefois la documentation papyrologique égyptienne laisse plutôt penser à un prélèvement annuel[11], quoi qu'il en soit au Ve siècle son prélèvement par fraction annuelle est bien attesté[12]. Outre le témoignage de Libanios celui de Zosime insiste sur le poids de cet impôt et lui attribue des conséquences tragiques : pour échapper à la flagellation et aux tortures les contribuables incapables de payer auraient vendu ou prostitué leurs enfants[13], toutefois le témoignage de Zosime sur Constantin est extrêmement partial et polémique puisque Zosime, resté fidèle au polythéisme, attribue au chrétien Constantin les malheurs de son époque et en brosse un portrait très négatif. Son tableau de villes ruinées et en déclin n'est pas corroboré par l'archéologie[14].

Abolition

Cette taxe a été abolie par Anastase Ier dans tout l'Empire romain d'Orient en l'an 498. La suppression du chrysargyre par Anastase pourrait s'expliquer par une volonté de stimuler les échanges urbains au détail, la mesure prenant place dans une politique budgétaire globale et cohérente — les rentrées en or sont attendues désormais des zones rurales et du commerce international — elle-même liée à une réforme monétaire[14]. Dans la péninsule italienne, le chrysargyre aurait cependant encore été appliqué durant le gouvernement des Ostrogoths et Visigoths[15] - [16] jusqu'à ce qu'ils soient vaincus par Bélisaire. Heraclius semble avoir réintroduit cet impôt dans le monde byzantin[17].

Notes

  1. On trouve aussi les variantes dialectales chrusarguron ou chrysargyrum. Le terme chrysargyre est également employé pour désigner un substrat d’or et d’argent utilisé dans l'ornementation. Cf. Le mot sampan est-il chinois ? par L. Aurousseau. — Une tête de Çiva en chrysargyre, par H. Parmentier. In Bulletin de l’École française d'Extrême-Orient, numéro 22, 1922.
  2. La loi romaine ne considérait comme commerçants (negotiatores) que ceux qui possèdent un fonds de commerce ou un capital placé dans l'artisanat.
  3. Qui pecuniam habent in conversatione... qui pro mercimonio et substantiæ mercede ex rusticana plebe inter negotiatores sunt, sortem negotiationis agnoscant. Cod. Theod., lib. XIII, tit. I, 1. 10, anno 374 & Ibi um ad auri argentique detineantur oblationem qui merces emendo atque vendendo commutantes, qui in exercitio tabernarum usuque versantur. Cod. Theod., lib. XIII, tit. I, 1. 8, anno 370.

Références

  1. Delmaire 1985, p. 121
  2. Catherine Saliou, Le Proche-Orient : De Pompée à Muhammad, Ier s. av. J.-C. - VIIe s. apr. J.-C., Belin, coll. « Mondes anciens », , 608 p. (ISBN 978-2-7011-9286-4, présentation en ligne), II. Vivre au Proche-Orient romain, chap. 5 (« Institutions civiques et réalités urbaines »), p. 335.
  3. « …sans même permettre que les malheureuses courtisanes soient exonérées de cet impôt », Zosime, II, 38, 3 cité dans C. Brenot, X. Loriot, D. Nony, Aspects d'histoire économique et monétaire de Marc Aurèle à Constantin, Paris, 1999, p. 117.
  4. Émile Levasseur, Histoire des classes ouvrières et de l'industrie en France avant 1789, t. I, Arthur Rousseau, Paris, 1900.
  5. J.-M. Carrié et A. Rousselle, L'Empire romain en mutation des Sévères à Constantin, Paris, , p. 206
  6. Suétone, Caligula 40
  7. J.-M. Carrié et A. Rousselle, L'Empire romain en mutation des Sévères à Constantin, Paris, , p. 205
  8. André Chastagnol, L'évolution politique, sociale et économique du monde romain 284-363, Paris, 1994, p. 374-375.
  9. Delmaire 1985, p. 126 qui précise qu'il ne faut pas entendre le mot lustrum avec trop de rigidité compte tenu des manières de compter antique
  10. Delmaire 1985, p. 125-126
  11. Bagnall 1992
  12. Delmaire 1985, p. 127
  13. Zosime, II, 38, 3 cf. C. Brenot, X. Loriot, D. Nony, Aspects d'histoire économique et monétaire de Marc Aurèle à Constantin, Paris, 1999, p. 117.
  14. Évelyne Patlagean, Pauvreté économique et pauvreté sociale à Byzance, IVe – VIIe siècles, Paris, Mouton, , p. 174
  15. G. Humbert, « Chrysargyrum », dans G. Humbert, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines (lire en ligne)
  16. (en) « Chrysargyron », dans Oxford Classical Dictionary, , 2ème édition éd., p. 263
  17. MacCoul 1994

Bibliographie

  • (en) R.S. Bagnall, « The Periodicity and Collection of the Chrysargyron », Tyche. Beiträge zur Alten Geschichte Papyrologie und Epigraphik, vol. 7, , p. 15-17
  • Roland Delmaire, « Remarques sur le chrysargyre et sa périodicité », Revue numismatique, vol. 6, no 27, , p. 120-129 (lire en ligne)
  • (en) L.S.B. MacCoul, « BM 1079, CPR IX, 44, and the Chrysargyron », Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, vol. 100, , p. 139-143 (lire en ligne [PDF])
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