Christiane F.
Christiane Felscherinow, née le à Hambourg, est une Allemande connue par le public à la fin des années 1970 sous le pseudonyme de Christiane F., par le livre Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… et par le film du même nom sorti en 1981 qui racontent l'un et l'autre son enfance puis son adolescence, dans la drogue et la prostitution.
Biographie
Une petite enfance violente et tourmentée
Christiane grandit dans une famille où elle ne connaît que manque d'affection et violence, battue régulièrement par son père, devenu alcoolique. Cette situation et le caractère soumis de sa mère marquent la vie quotidienne de la petite fille[1].
Lorsqu'elle a six ans, toute la famille quitte la campagne de Nützen pour Berlin-Ouest où ils emménagent à Gropiusstadt, un quartier de banlieue au sud de la ville. Ses parents ont pour projet de fonder une agence matrimoniale professionnelle, mais le projet échoue, si bien que la famille doit emménager dans une HLM. C'est dans cet appartement situé au onzième étage d'un immeuble qu'elle est battue par son père pour des motifs parfois aussi futile que la perte d'une souris apprivoisée, tout comme sa jeune sœur, et sa mère. Une fois, Christiane a si peur qu'elle tente de sauter par la fenêtre de l'appartement, mais son père l'en empêche in extremis.
La révolte adolescente et l'errance
La drogue et la prostitution
À quatorze ans, comme son compagnon Detlev et ses copines Babsi et Stella, après la sortie de l'école, Christiane fait la manche puis se prostitue aux abords de la gare de Berlin Zoologischer Garten pour gagner de quoi payer ses doses d'héroïne. D'abord stimulée par ce produit, elle rapporte de bonnes notes de l'école, mais se met ensuite à se l'injecter, ce qui aggrave sa dépendance. En , elle avoue à sa mère sa double vie de droguée et prostituée. Sa mère essaye sans succès de lui faire retrouver une vie saine, faisant appel à des services sociaux et des centres anti-drogue qui ne peuvent pas la prendre en charge car elle est trop jeune. En , sa mère parvient à la faire admettre dans une clinique très chère de la Scientologie, le centre Narconon à Berlin, d'où la jeune fille s'enfuit.
Envoyée chez sa grand-mère à la campagne, loin de toute tentation, Christiane finit par se sevrer une première fois[2].
La reconnaissance publique
En 1978, à l'âge de seize ans, Christiane Felscherinow témoigne devant un tribunal dans une affaire de pédophilie dans laquelle, entre autres, l'accusé payait des prostituées mineures — dont Christiane — avec de l'héroïne. Deux journalistes (Horst Rieck et Kai Hermann) du journal allemand Stern la remarquent. Elle qui a rempli des cahiers entiers de journaux intimes accepte de s'entretenir avec eux pendant deux heures. Au cours de cette conversation, ils parlent essentiellement de drogue. Les deux heures deviennent ensuite deux mois et leurs échanges sont publiés dans le livre Wir Kinder vom Bahnhof Zoo (Nous les enfants de la gare du Zoo), sorti en Allemagne en 1979, après avoir été publié en partie sous forme de reportages dans Stern en 1978. L'ouvrage rencontre un succès considérable en Allemagne (plus de 5 millions d'exemplaires vendus) puis dans le monde.
Il est traduit en français en 1981 sous le titre Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée…. Grâce à cette œuvre autobiographique, c'est le quotidien très difficile des jeunes drogués de Berlin, considéré du point de vue d'une toxicomane, qui est porté à la connaissance d'un public étonnamment intéressé par le sujet.
Le livre est adapté à l'écran en 1981, avec Natja Brunckhorst dans le rôle de Christiane et est également un énorme succès. Le film inclut des extraits d'un concert de David Bowie, qui habitait alors Berlin, spécialement mis en scène pour respecter le récit de Christiane selon lequel c'est après un concert de Bowie qu'elle s'est fait faire son premier shoot d'héroïne.
Après le succès : vie d'artiste et rechutes
Le livre et le film lui permettent de vivre relativement confortablement — en 2013, elle percevait une rente mensuelle de 2000 € issue des droits. Après le succès du film, elle tente une carrière dans la musique[3] et le cinéma.
Elle vit d'abord en communauté avec des musiciens, dans un quartier underground de Berlin. Elle tombe amoureuse d'Alexander Hacke[4], guitariste du groupe Einstürzende Neubauten, qu'elle suit en tournée. Ensemble, ils créent le groupe Sentimentale Jugend (« jeunesse sentimentale ») et se produisent au Festival Genialer Dilletanten[1].
En 1981 elle joue dans Neonstadt, film sur la vie des étudiants à l'École supérieure de la télévision et du cinéma de Munich, et en 1983 dans Decoder, film qui a comme thème principal la musique et les sons.
Cette même année 1983, à 21 ans, elle recommence à se piquer. Elle est finalement arrêtée et passe dix mois en détention pour possession de drogue. Elle est libérée en 1986. Elle a alors 25 ans et part pour une île en Grèce, où elle vit en couple pendant six ans avec un compagnon grec, Panagiottis, avec qui elle se drogue à nouveau[1].
En 1996, elle a un fils, Phillip. Après ses années plutôt agitées passées aux États-Unis et en Grèce, Christiane Felscherinow s'installe dans le quartier berlinois de Neukölln, où elle travaille en tant que relieuse.
En 2008, elle perd la garde de son fils Ă cause de la drogue[5].
En 2013, elle publie une deuxième autobiographie, Mein Zweites Leben (Ma deuxième vie) — dont le titre est traduit en français par Moi, Christiane F., la vie malgré tout. —, écrite en trois ans en collaboration avec la journaliste allemande Sonia Vukovic[6] - [1]. Cela fait alors 20 ans qu'elle est sous méthadone, comme 75 000 autres toxicomanes allemands, quand elle ne se drogue pas à nouveau. Son hépatite C, maladie fréquemment contractée par les toxicomanes injecteurs, est devenue chronique et elle souffre d'une cirrhose du foie, d'autant que l'alcool s'est ajouté au fil des ans à ses addictions[1].
Documentaire
- 2023 : Une génération perdue | Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée... de Claire Laborey.
Bibliographie
- Kai Hermann, Horst Rieck et Horst-Eberhard Richter, Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée, [Gallimard], (ISBN 2-07-037443-2 et 978-2-07-037443-4, OCLC 461924318)
- Christiane Felscherinow et Sonja Vukovic, Moi, Christiane F., la vie malgré tout : autobiographie, J'ai lu, impr. 2014 (ISBN 978-2-290-09272-9 et 2-290-09272-X, OCLC 894408476)
Notes et références
- (nl) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en néerlandais intitulé « Christiane Felscherinow » (voir la liste des auteurs).
- Géraldine Schwarz, « Christiane F., tome 2 », M, le magazine du Monde, semaine du 5 octobre 2013, pp. 35-42.
- « "Christiane F., droguée, prostituée" raconte sa deuxième vie », sur francetvinfo.fr, .
- Télérama, 2 février 2022.
- The Camera Behind, « Sur Alexander Hacke, Berlin, Christiane F. et Birol Ünel », sur The Camera Behind, (consulté le )
- Banhof Zoo Revisited, Spiegel, 11 août 2008.
- « Christiane F.: "Pour tout le monde, j'ai toujours 18 ans" », sur nouvelobs.com, (consulté le )
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- Ressources relatives Ă la musique :
- Discogs
- (en) MusicBrainz
- (en) Muziekweb
- Ressources relatives Ă l'audiovisuel :
- Allociné
- (de + en) Filmportal
- (en) IMDb
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Jamila Aridj, Christiane F., une vie maudite, Le Point,
- Norine Raja, La nouvelle vie de l’auteure de « Moi, Christiane F. », Elle
- (de) Article en allemand sur la rechute de Christiane F et la perte de la garde de son fils.