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Catholicité

La catholicitĂ© – issu du terme latin catholicus, lui-mĂȘme empruntĂ© au grec ÎșαΞολÎčÎșός signifiant « gĂ©nĂ©ral, universel » – dĂ©signe par son Ă©tymologie le caractĂšre de ce qui est « universel », notamment, en thĂ©ologie, l'« universalitĂ© de vocation ». Mais ce mot a d'autres sens[1].

Significations

Universalité de vocation

La « catholicitĂ© » - au sens d'« universalitĂ© » –- est une qualitĂ© revendiquĂ©e par nombre d'Églises chrĂ©tiennes[2], notamment parmi celles qui se rĂ©clament du symbole de NicĂ©e, dans lequel elles participent des « quatre notes de l'Église » : une, sainte, catholique et apostolique.

Doctrine

Apparu en français au milieu du XVIe siĂšcle, le terme, de nature didactique, dĂ©signe « la conformitĂ© Ă  la doctrine catholique »[3] et est restĂ© d'un emploi rare tandis que « catholicisme », synonyme prĂ©cĂ©demment rare de « catholicitĂ© » est devenu d'usage courant depuis 1794 pour dĂ©signer l'Église catholique[4]. La « catholicitĂ© » dĂ©signe alors la « conformitĂ© Ă  la doctrine propre Ă  l'Église catholique »[1].

Registres paroissiaux

Un acte de catholicité est un document attestant qu'une personne a reçu un sacrement[1] - [5].

Les actes de baptĂȘme, mariage et dĂ©cĂšs sont gĂ©nĂ©ralement Ă©crits dans un registre paroissial, tenant lieu d'Ă©tat civil jusqu'Ă  la rĂ©volution française.

Appartenance au catholicisme

Par mĂ©tonymie, le terme de catholicitĂ© peut dĂ©signer l'ensemble des fidĂšles de l'Église catholique[1]. CatholicitĂ© peut signifier Ă©galement l'appartenance Ă  l'Église, vue sous un angle administratif, ainsi le registre de catholicitĂ© ci-dessus.

Le débat sur la catholicité

Depuis le XVIe siÚcle, un débat sur la catholicité a lieu à l'intérieur du monde catholique et, plus largement, au sein du christianisme. Il met en jeu plusieurs notions d'ordre théologique.

L’universalitĂ© de l’Église

Chez les PĂšres apostoliques

Le corpus des Ă©crits des PĂšres apostoliques regroupe tous les plus anciens textes chrĂ©tiens ne figurant pas dans le Nouveau Testament. Ces neuf textes ont Ă©tĂ© Ă©crits alors que se constituait le canon des Ă©critures chrĂ©tiennes. Il y a ainsi un « tuilage » entre l’histoire rĂ©dactionnelle des textes du Nouveau Testament qui va des annĂ©es 50 aux annĂ©es 110 et celle des Ă©crits des pĂšres apostoliques[6]. La DidachĂš a ainsi Ă©tĂ© Ă©crite au Ier siĂšcle en mĂȘme temps que les Ă©vangiles tandis que la rĂ©daction du Pasteur d’Ermas, qui a Ă©tĂ© copiĂ© dans certains manuscrit de Bibles chrĂ©tiennes, s’étend jusqu’aux annĂ©es 150. D’un point de vue historique et scientifique, ces textes ont la mĂȘme importance que ceux du Nouveau Testament pour la connaissance du christianisme ancien. NĂ©anmoins, la constitution du canon qui a lieu dans le mĂȘme temps et qui amena Ă  distinguer les Ă©crits apostoliques des textes du Nouveau Testament est elle aussi un fait historique dont il faut tenir compte. Sur un plan thĂ©ologique, l’importance qu’il faut accorder Ă  ces textes a Ă©tĂ© objet de divergences entre catholiques et protestants, les premiers estimant plus volontiers qu’ils sont Ă  prendre en compte que les seconds. Outre ces divergences, un accord se fait autour de l’idĂ©e selon laquelle les Ă©crits du Nouveau Testament comme ceux des pĂšres apostoliques tĂ©moignent d’une certaine diversitĂ© de la tradition chrĂ©tienne dĂšs ses commencements.

Les premiùres mentions de l’Église

Une section de la DidachĂ© (seconde moitiĂ© du Ier siĂšcle) dĂ©crit une « eucharistie » dont les priĂšres Ă©voquent l'Église. PlutĂŽt que de la messe, il s'agit, dans le sens premier du terme ΔυχαρÎčÏƒÏ„ÎŻÎ± (reconnaissance / remerciement), d'une liturgie du christianisme primitif pour « rendre grĂące » Ă  Dieu. Selon la description qu'en donne la DidachĂ©, cette liturgie implique l'usage du pain et du vin. La priĂšre sur le pain est une priĂšre pour l'unitĂ© de l'Église. Son unitĂ© est dĂ©crite avec la mĂ©taphore de grains dispersĂ©s lorsqu'ils sont semĂ©s pour ensuite ĂȘtre assemblĂ©s en un seul pain : « Comme ce pain rompu, d'abord dispersĂ© sur les montagnes, a Ă©tĂ© recueilli pour devenir un, qu'ainsi ton Église soit rassemblĂ©e des extrĂ©mitĂ©s de la terre dans ton royaume ». Plus loin c'est encore de l'unitĂ© de l'Église dont il est question : « Souviens-toi Seigneur de ton Église, pour la prĂ©server de tout mal, la rendre parfaite dans ton amour, et rassemble-la des quatre vents ».

La premiĂšre mention de l’expression « Église catholique » se trouve dans la lettre d’Ignace d'Antioche aux Smyrniotes, un Ă©crit qui date au plus tĂŽt de 107 au plus tard de 112, date de la mort de son auteur. On trouve aussi quatre fois le mot catholique dans le Martyre de Polycarpe[7]. Ce rĂ©cit est de quelques annĂ©es postĂ©rieur Ă  la lettre d’Ignace aux Smyrniotes, a Ă©tĂ© Ă©crit dans la communautĂ© de Smyrne en Ă©tant adressĂ© de la façon suivante : « L’Église de Dieu qui sĂ©journe Ă  Smyrne Ă  l’Église de Dieu qui sĂ©journe Ă  PhilomĂ©lium et Ă  toutes les communautĂ©s de la sainte Église catholique qui sĂ©journent en tous lieux »[8].

Les plus anciennes attestations de l’expression Église catholique datent ainsi du dĂ©but du IIe siĂšcle. Il s’agit d’une date relativement tardive par rapport Ă  l’histoire rĂ©dactionnelle des textes du Nouveau Testament, dans la mesure oĂč c’est la fin de la pĂ©riode de rĂ©daction des textes qui seront plus tard retenus dans les Bibles chrĂ©tiennes. En mĂȘme temps, cette date est trĂšs prĂ©coce par rapport Ă  l’histoire du christianisme, ces occurrences se trouvant dans les textes qui, outre ceux du Nouveau Testament, sont les plus anciens de la tradition chrĂ©tienne.

L’émergence de l’évĂȘque dans les communautĂ©s

Les Ă©crits d’Ignace tĂ©moignent de l’émergence de la figure de l’évĂȘque dans l’Église syrienne, fonction qui va rapidement se gĂ©nĂ©raliser Ă  partir de la forme qu’elle prend dĂšs la fin du Ier siĂšcle dans les communautĂ©s chrĂ©tiennes de la partie orientale de l’Empire. Au mĂȘme moment Ă  Rome, l’Église reste dirigĂ©e de façon plus collĂ©giale. Selon le tĂ©moignage qu’en donne la lettre de ClĂ©ment aux corinthiens, Il y a Rome un ensemble de presbytres (anciens) et d’épiscopes (surveillants), peut-ĂȘtre y avait-il une figure de plus grande autoritĂ© ou un primus inter pares parmi eux mais la lettre de ClĂ©ment n’en fait pas explicitement Ă©tat. NĂ©anmoins, l'auteur de la lettre, ClĂ©ment lui-mĂȘme, semble incontestablement avoir Ă©tĂ© une figure d'autoritĂ© dans cette communautĂ©. Il Ă©voque en outre dans cette lettre l'autoritĂ© et le respect dĂ» Ă  « celui qui fait entendre la parole de Dieu », c'est-Ă -dire un ministre de la parole ou celui qui prĂȘche Ă  la communautĂ© : « Mon enfant, souvient toi jour et nuit de celui qui te fait entendre la parole de Dieu, et tu le vĂ©nĂ©reras comme le Seigneur ; car lĂ  oĂč sa souverainetĂ© est annoncĂ©e, lĂ  le Seigneur est prĂ©sent ». Ce propos trouve de nombreux Ă©chos chez Ignace notamment lorsqu'il Ă©crit « LĂ  oĂč paraĂźt l'Ă©vĂȘque, que lĂ  soit la communautĂ©, de mĂȘme que lĂ  oĂč est le Christ JĂ©sus, lĂ  est l'Église catholique ».

Ignace Ă©tait Ă©vĂȘque d'Antioche. Dans ses lettres il exprime qu'il se considĂ©rait comme « un homme auquel Ă©tait confiĂ© le devoir de l'unitĂ© ». L'unitĂ© au service de laquelle entendait se mettre Ignace est avant tout celle de Dieu, tandis que l'unitĂ© Ă  rĂ©aliser sur terre par les chrĂ©tiens se conçoit chez Ignace comme l'image de l'unitĂ© de Dieu[9]. L'unitĂ© qui se rĂ©alise avec l'Ă©vĂȘque entre les membres de la communautĂ©, est aussi une unitĂ© ou une harmonie que chacun doit trouver en lui-mĂȘme :

« Aussi convient-il de marcher d'accord avec la pensĂ©e de votre Ă©vĂȘque, ce que d'ailleurs vous faites. Votre presbyterium justement rĂ©putĂ©, digne de Dieu, est accordĂ© Ă  l'Ă©vĂȘque comme les cordes de la cithare ; ainsi dans l'accord de vos sentiments et l'harmonie de votre charitĂ©, vous chantez JĂ©sus-Christ. Que chacun de vous aussi, vous deveniez un chƓur, afin que dans l'harmonie de votre accord, prenant le ton de Dieu dans l'unitĂ©, vous chantiez d'une seule voix par JĂ©sus-Christ un hymne au PĂšre, afin qu'il vous Ă©coute et qu'il vous reconnaisse, par vos bonnes Ɠuvres, comme les membres de son Fils. Il est donc utile pour vous d'ĂȘtre dans une insĂ©parable unitĂ©, afin de participer toujours Ă  Dieu »

— Ignace d'Antioche, Lettre aux ÉphĂ©siens, VI, 1-2.

Tradition grecque et latine

Jusqu'au milieu du IIe siÚcle les communautés chrétiennes sont presque exclusivement de langue grecque, non seulement parce qu'elles sont principalement présentes dans la partie orientale de l'Empire, mais aussi parce que le grec est parlé dans tout l'Empire. Ainsi, les premiÚres communautés chrétiennes se trouvant dans la partie occidentale de l'Empire, non seulement à Rome mais aussi jusqu'à Lyon ou Vienne en Gaule, ont longtemps été de langue grecque. Les textes du Nouveau testament et ceux des PÚres apostoliques sont intégralement et exclusivement rédigés en grec.

Les Ă©crits de Tertullien, qui vivait en Afrique du Nord, sont l'une des toutes premiĂšres tentatives de formulation du christianisme en latin. Il est ainsi le premier Ă  avoir employĂ© nombre de mots et de catĂ©gories qui resterons ceux avec lesquels la foi chrĂ©tienne sera exprimĂ©e dans la tradition latine, notamment ce qui concerne la doctrine de la TrinitĂ© ou celle de la double nature du Christ, vrai Dieu vrai homme. Il compare souvent l'Église Ă  une MĂšre. NĂ©anmoins ses exigences d'un comportement toujours hĂ©roĂŻque du chrĂ©tien, son goĂ»t pour la polĂ©mique voire sa rigiditĂ© et son intolĂ©rance l'ont conduit Ă  s'isoler. Il a progressivement abandonnĂ© la communion avec l'Église pour rejoindre les montanistes.

Cyprien de Carthage

IcĂŽne orthodoxe de Cyprien de Carthage.

Cyprien de Carthage, Ă©crivant en latin, a laissĂ© une Ɠuvre qui n'est pas trop spĂ©culative, plutĂŽt destinĂ©e Ă  l'Ă©dification morale de la communautĂ© dont il Ă©tait l'Ă©vĂȘque. PrĂȘchant sur l'Église, il distingue « l'Église visible, hiĂ©rarchique, et l'Église invisible, mystique »[10] tout en affirmant que l'Église est une, fondĂ©e sur Pierre. En ce sens Cyprien Ă©crit « celui qui abandonne la chaire de Pierre, sur laquelle l'Église est fondĂ©e, se donne l'illusion de rester dans l'Église »[11]. Pour Cyprien, le ministĂšre de Pierre est celui de chaque Ă©vĂȘque, et ces Ă©vĂȘques ont le devoir absolu de maintenir l'unitĂ© entre eux, de mĂȘme que les apĂŽtres Ă©taient unis en se rapportant Ă  Pierre, le premier d'entre eux. Dans L'unitĂ© de l'Église catholique, Cyprien donne de nombreuses images pour exprimer cette unitĂ© dans laquelle chaque partie possĂšde la plĂ©nitude du tout dans la mesure oĂč elle lui est unie :

« Cette unitĂ© nous devons la retenir, la revendiquer fermement, nous autres surtout, les Ă©vĂȘques, qui prĂ©sidons dans l'Église, afin de prouver que l'Ă©piscopat est Ă©galement un et indivisible. Que nul ne trompe par ses mensonges l'ensemble des frĂšres, que nul ne corrompe la vĂ©ritĂ© de la foi par une prĂ©varication impie ! La dignitĂ© Ă©piscopale est une, et chaque Ă©vĂȘque en possĂšde une parcelle sans division du tout, et il n'y a qu'une Église qui, par sa fĂ©conditĂ© toujours croissante, embrasse une multitude toujours plus ample. Le soleil envoie beaucoup de rayons, mais sa source lumineuse est unique, l'arbre se divise en beaucoup de branches, mais il n'a qu'un tronc vigoureux, appuyĂ© sur des racines tenaces, d'une source dĂ©coulent bien des ruisseaux, cette multiplicitĂ© ne s'Ă©panche, semble-t-il, que grĂące Ă  la surabondance de ses eaux, et pourtant tout se ramĂšne Ă  une origine unique. SĂ©parez un rayon solaire de la masse du soleil, l'unitĂ© de la lumiĂšre ne comporte pas un tel fractionnement. Arrachez une branche Ă  un arbre : le rameau brisĂ© ne pourra plus germer. Coupez un ruisseau de sa source, l'Ă©lĂ©ment tronquĂ© tarit. Il en va de mĂȘme de l'Église du Seigneur : elle diffuse dans l'univers entier les rayons de sa lumiĂšre, mais une est la lumiĂšre qui se rĂ©pand ainsi partout, l'unitĂ© du corps ne se morcelle pas. Elle Ă©tend sur toute la terre ses rameaux d'une puissante vitalitĂ©, elle Ă©panche au loin ses eaux surabondantes. Il n'y a cependant qu'une seule source, qu'une seule origine, qu'une seule mĂšre, riche des rĂ©ussites successives de sa fĂ©conditĂ©. C'est elle qui nous engendre, c'est son lait qui nous nourrit, c'est son esprit qui nous anime. »

— Cyprien de Carthage, De l'unitĂ© de l'Église catholique, V.

Cyprien est l'auteur d'une phrase devenue cĂ©lĂšbre et qui fit l'objet de nombreuses interprĂ©tations pas toujours concordantes par la suite : « en dehors de l'Église, pas de salut »[12]. Dans les dĂ©bats sur le sens dans lequel il faut comprendre cet adage devenu une formule dogmatique, c'est-Ă -dire un article de foi dĂ©finie, les interprĂ©tations oscilleront entre l'idĂ©e selon laquelle l'Église est nĂ©cessaire au salut de tous, mĂȘme de ceux qui ne sont pas baptisĂ©s, et celle beaucoup plus restrictive selon laquelle celui qui n'est pas baptisĂ© dans l'Église catholique en communion avec le successeur de Pierre et y demeure jusqu'Ă  sa mort ne peut ĂȘtre sauvĂ©[13]. Bien que dans les Ă©crits de Cyprien « Il n'y a aucun exemple oĂč celui-ci applique explicitement sa sentence, « Pas de salut hors de l'Église » Ă  la majoritĂ© des personnes qui Ă©taient encore des paĂŻens Ă  son Ă©poque »[14], cette question alors envisagĂ©e comme celle du « salut des infidĂšles », suscita un vif dĂ©bat au XXe siĂšcle. Un jĂ©suite amĂ©ricain, Leonard Feeney, qui tenait Ă  la comprĂ©hension la plus restrictive de l'adage, fut sommĂ© en 1949 par la CongrĂ©gation pour la doctrine de la foi de revoir sa position. Rome dĂ©fendait que l'adage de Cyprien devait ĂȘtre compris dans les limites que lui imposaient d'autres principes dogmatiques[15]. L'un de ces principes est le baptĂȘme de vƓu, Ă  savoir qu'il est possible que quelqu'un ne soit pas baptisĂ© parce qu'il n'a pas la possibilitĂ© de l'ĂȘtre : dans la mesure oĂč, malgrĂ© ce qui l'empĂȘche d'ĂȘtre baptisĂ©, ses intentions correspondent Ă  ce qu'est vĂ©ritablement le baptĂȘme, alors il doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme Ă©tant baptisĂ© au moment de sa mort. D'autre part, l'Église catholique considĂšre que les baptisĂ©s sont sauvĂ©s par la foi qui les incite Ă  faire de bonnes Ɠuvres tandis que les non-chrĂ©tiens sont sauvĂ©s par les Ɠuvres qu'ils font en obĂ©issant Ă  leur conscience qui les incite Ă  toujours faire ce qui est bien. Il est possible que parmi les non-baptisĂ©s, certains aient une connaissance erronĂ©e de ce qu'est le christianisme, et refusent de se faire baptiser parce qu'ils considĂšrent que c'est mal. Dans ce cas, mĂȘme si du point de vue de l'Église la connaissance qu'ils ont du baptĂȘme n'est pas juste, ces non baptisĂ©s font tout de mĂȘme ce qu'il faut pour leur salut en refusant le baptĂȘme, dans la mesure oĂč ils obĂ©issent ainsi Ă  leur conscience qui leur indique de faire ce qui est bien. Leonard Feeney refusait quant Ă  lui de revoir sa position, maintenant une comprĂ©hension stricte et restrictive de l'adage « hors de l'Église point de salut », il fut finalement excommuniĂ© par Pie XII en 1953.

L’universalitĂ© de la voie chrĂ©tienne chez Augustin

Pour Augustin d'Hippone, le christianisme est absolument universel, tandis que l’Église ne peut se renfermer sur un peuple ou un territoire donnĂ©. Augustin s’est ainsi battu autant contre ceux qui, tel le philosophe Porphyre, estimaient qu’il n’y avait pas de sagesse ou de philosophie universelle, que contre ceux qui tels les donatistes ont pensĂ© le christianisme comme la sagesse particuliĂšre d’une communautĂ© ou d’un nombre limitĂ© d’individu. Pour Augustin, il existe une « voie universelle » :

« VoilĂ  cette religion qui nous ouvre la voie universelle de la dĂ©livrance de l'Ăąme, voie unique, voie vraiment royale, par oĂč on arrive Ă  un royaume qui n'est pas chancelant comme ceux d'ici-bas, mais qui est appuyĂ© sur le fondement inĂ©branlable de l'Ă©ternitĂ©. Et quand Porphyre [
] dĂ©clare que, mĂȘme dans la philosophie la plus vraie, il ne trouve pas la voie universelle de la dĂ©livrance de l'Ăąme, il montre assez l'une de ces deux choses ou que la philosophie dont il faisait profession n'Ă©tait pas la plus vraie, ou qu'elle ne fournissait pas cette voie. [
] Quelle est donc cette voie universelle de la dĂ©livrance de l'Ăąme dont parle Porphyre, et qui, selon lui, ne se trouve nulle part [
] quelle est cette voie universelle, sinon celle qui n'est point particuliĂšre Ă  une nation, mais qui a Ă©tĂ© divinement ouverte Ă  tous les peuples du monde? [
] VoilĂ  donc la voie universelle de la dĂ©livrance de l'Ăąme ouverte Ă  tous les peuples de l'univers par la misĂ©ricorde divine, [
], la voie universelle de la dĂ©livrance de tous les croyants, qui fut ainsi annoncĂ©e par le ciel au fidĂšle Abraham : « Toutes les nations seront bĂ©nies en votre semence ». [
] La voilĂ  cette voie universelle dont le ProphĂšte a dit: « Que Dieu ait pitiĂ© de nous et qu'il nous bĂ©nisse ; qu'il fasse luire sur nous-la lumiĂšre de son visage, et qu'il nous soit misĂ©ricordieux, afin que nous connaissions votre voie sur la terre et le salut que vous envoyez Ă  toutes les nations». VoilĂ  pourquoi le Sauveur, qui prit chair si longtemps aprĂšs de la semence d'Abraham, a dit de soi-mĂȘme: « Je suis la voie, la vĂ©ritĂ© et la vie ». C'est encore cette voie universelle dont un autre prophĂšte a parlĂ© en ces termes, tant de siĂšcles auparavant: « Aux derniers temps, la montagne de la maison du Seigneur paraĂźtra sur le sommet des montagnes et sera Ă©levĂ©e par-dessus toutes les collines. Tous les peuples y viendront, et les nations y accourront et diront: Venez, montons sur la montagne du Seigneur et dans la maison du Dieu de Jacob ; il nous enseignera sa voie et nous marcherons dans ses sentiers; car la loi sortira de Sion, et la parole du Seigneur, de JĂ©rusalem ». Cette voie donc n'est pas pour un seul peuple, mais pour toutes les nations ; et la loi et la parole du Seigneur ne sont pas demeurĂ©es dans Sion et dans JĂ©rusalem; mais elles en sont sorties pour se rĂ©pandre par tout l'univers. »

Vatican I

Avec le premier concile ƓcumĂ©nique du Vatican l'affirmation de la souverainetĂ© du pape sur l'Église a culminĂ©. Ceux qui parmi les catholiques ont refusĂ© les dogmes promulguĂ©s Ă  cette Ă©poque ont dĂ©clarĂ© constater la vacance du siĂšge pontifical et se sont constituĂ©s en Églises autocĂ©phales ou autonomes appelĂ©es Églises vieille-catholiques. Le dogme de l'infaillibilitĂ© pontificale et la juridiction universelle du pape sur l'Église ont aussi Ă©tĂ© jugĂ©es inacceptables par les orthodoxes dans la mesure oĂč cela placerait le pape « au-dessus » du concile et de l'Église, c'est-Ă -dire finalement hors d'elle. Dans les dĂ©bats qui ont suivi le concile Vatican I, des explications ont Ă©tĂ© donnĂ©es par le pape pour nuancer l’interprĂ©tation et l'intention des dogmes qui furent proclamĂ©s affirmant qu'elle devaient ĂȘtre comprises dans les strictes limites de ce qu'autorise la tradition de l’Église.

Pour les orthodoxes la primautĂ© de l’Église de Rome se conçoit, non pas en termes de monarchie pontificale tel que cela s'est imposĂ© dans le second millĂ©naire et a culminĂ© en 1870, mais en fonction de ce qu'Ă©tait la primautĂ© dans le premier millĂ©naire. Il s'agit en premier lieu d'une primautĂ© Ă  l'Église de Rome dont le pape est l'Ă©vĂȘque et non pas d'une primautĂ© qui revient personnellement au pape dont le rĂŽle et la singularitĂ© n'ont cessĂ© de se renforcer au cours du second millĂ©naire. À ce sujet, Benoit XVI Ă©crit, alors qu'il envisage le rĂ©tablissement de la communion avec les orthodoxes : « Rome ne doit pas exiger de l'Orient, au sujet de la primautĂ©, plus que ce qui a Ă©tĂ© formulĂ© et vĂ©cu durant le premier millĂ©naire. [...] l'union pourrait se rĂ©aliser ici sur la base suivante : d'un cĂŽtĂ© l'Orient renonce Ă  combattre comme hĂ©rĂ©tique l'Ă©volution rĂ©alisĂ©e en Occident durant le deuxiĂšme millĂ©naire, et accepte l’Église catholique comme lĂ©gitime et orthodoxe dans la forme qu'elle a prise au cours de cette Ă©volution, et de son cĂŽtĂ© l'Occident reconnait l’Église d'Orient comme orthodoxe et lĂ©gitime dans la forme qu'elle a conservĂ©e. Bien entendu, un tel acte d'acceptation et de reconnaissance mutuelle dans la catholicitĂ© commune jamais perdue n'est pas une affaire facile »[16].

Références

  1. Article Catholicité du TLFI, consulté le 19/05/2014
  2. cf. Yves Congar, « RomanitĂ© et catholicitĂ©. Histoire de la conjonction changeante de deux dimensions de l’Église », in Revue des sciences philosophiques et thĂ©ologiques, vol. lxxi/1, 1987, p. 161-190
  3. Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française éd. Le Robert, 1998, p. 655
  4. Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française éd. Le Robert, 1998, p. 656.
  5. Site de la Mairie de Paris, 2013.
  6. Dominique Bernard, « Introduction » dans Les PÚres Apostoliques, texte intégral, Paris, Cerf, 2006, p. 12. (ISBN 978-2-204-06872-7)
  7. ="Louvel PA 507-509"
  8. Le Martyre de Polycarpe dans Les PÚres Apostoliques, texte intégral, Paris, Cerf, 2006, p. 243. (ISBN 978-2-204-06872-7)
  9. Benoüt XVI, Les bñtisseurs de l'Église, Salvator, 2008, p. 159. (ISBN 978-2-7067-0554-0)
  10. Benoüt XVI;, Les bñtisseurs de l'Église, p. 197.
  11. Cyprien de Carthage, L'unitĂ© de l'Église catholique, IV.
  12. Cyprien de Carthage, Lettres 4,4 et 73,21.
  13. Bernard SesboĂŒĂ©, Hors de l'Église pas de salut Histoire d'une formule et problĂšmes d'interprĂ©tation, Paris, DesclĂ©e de Brouwer, 2004.
  14. F. A . Sullivan, Savaltion outside the Church ?, p. 22-23.
  15. Lettre du Saint-Office Ă  l'archevĂȘque de Boston (8 aoĂ»t 1949), Denzinger 3866-3873.
  16. Cardinal J. Ratzinger, Les fondements de la théologie catholique. p. 222.

Bibliographie

  • GĂ©rard Siegwalt, Dogmatique pour la catholicitĂ© Ă©vangĂ©lique, 9 vol., Labor et Fides

Liens externes

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