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Camille Senon

Camille Senon, née le à Oradour-sur-Glane, est une syndicaliste française.

Survivante du « tramway d'Oradour-sur-Glane Â» (10 juin 1944), membre de l'Association des familles des martyrs d'Oradour-sur-Glane, elle a Ă©tĂ© prĂ©sidente nationale de l'Association du Souvenir des fusillĂ©s du Mont-ValĂ©rien (1975-1980), prĂ©sidente nationale de l'Association nationale des familles des fusillĂ©s et massacrĂ©s de la RĂ©sistance française (1981-1986). Elle milite pour la mĂ©moire de la RĂ©sistance et de la dĂ©portation.

Biographie

Le massacre d'Oradour-sur-Glane

Petite fille de François Senon, cultivateur à Oradour-sur-Glane, et fille de Martial Senon, ouvrier journalier, soldat gazé lors de la Guerre de 1914-1918, revenu à Oradour-sur-Glane comme cantonnier, tous deux massacrés par les Allemands le 10 juin 1944, Camille Senon ne doit qu'au hasard d'avoir échappé au massacre[1] de 643 enfants, femmes et hommes de la bourgade du Limousin ce jour-là.

Travaillant à Limoges, elle prend l'après-midi de ce samedi 10 juin le tramway[2] pour rentrer chez ses parents au Repaire, hameau voisin d’Oradour[3]. Elle accomplit le trajet depuis Limoges et arrive à son village natal alors que les soldats SS viennent d'y accomplir leurs crimes[4].

Depuis ce jour, Camille Senon n'a de cesse de transmettre la mémoire de ces horreurs. Inlassablement elle accompagne les visiteurs, témoigne dans les écoles, dans la presse[5], manifeste contre le nazisme, contre les guerres et leur cortège de tueries, pour la paix entre les peuples :

« Aurai-je assez vécu pour tous ceux qui sont morts[6] ? »

Le procès de Bordeaux (1953)

En 1953, Camille Senon témoigne[7] lors du procès des auteurs du massacre d'Oradour-sur-Glane, à Bordeaux[8]. Sur le banc de l'accusation ne se trouvent que vingt et un accusés sur les quelque cent soldats qui ont déferlé sur le village martyr, vingt et un comparants ayant appartenu au premier bataillon de la division Das Reich, division qui a laissé dans son sillage des traces sanglantes en Russie, avant de poursuivre son périple d'incendies, de fusillades et de pendaisons à partir de la région de Montauban.

Leurs chefs sont absents au procès, dont le chef de la division, le général Heinz Lammerding, qui avait reçu mission du maréchal Gerd von Rundstedt, chef du commandement suprême des armées allemandes du front de l’Ouest, de faire mouvement vers la Normandie, tout en prêtant main-forte aux unités de la Wehrmacht du Sud-Ouest et du Massif central « pour nettoyer ces régions des bandes communistes en frappant durablement l’esprit des populations et en agissant sans aucun ménagement. »

Sur les quatorze Alsaciens mis en accusation en 1953 au procès de Bordeaux, douze avaient été sans conteste incorporés de force, à l’âge de 17 et 18 ans. Ces « douze enfants de l’Alsace martyre » sont rejoints par un homme, emprisonné depuis la fin de la guerre, qui a été le seul à reconnaître, au cours du procès, qu’il avait participé au massacre. Enfin, le quatorzième homme, chef du groupe lors du massacre d’Oradour, reconnaît s’être engagé volontairement et sera jugé comme traître à sa patrie.

Le procès, qui suscite des polĂ©miques violentes, son verdict puis l'amnistie votĂ©e prĂ©cipitamment par les dĂ©putĂ©s[9] laissent un sentiment amer d'injustice aux rescapĂ©s et aux familles des victimes qui considèrent qu'Oradour a Ă©tĂ© « tuĂ© deux fois ». Le criminel de guerre Lammerding, jamais extradĂ© d'Allemagne, meurt « dans son lit Â» en 1971.

L'après-guerre : militantisme syndical, politique et associatif

Ayant rĂ©ussi le concours pour travailler aux PTT en 1945, elle y accomplit sa carrière. NommĂ©e Ă  Paris-chèques en 1950, elle devient une militante syndicaliste de la FĂ©dĂ©ration CGT des PTT. SecrĂ©taire du syndicat des chèques postaux de Paris, une des plus grosses entreprises tertiaires de main d'Ĺ“uvre fĂ©minine de la rĂ©gion parisienne[10] puis du syndicat des services financiers, elle est une des dirigeantes de la fĂ©dĂ©ration « postale Â» de 1960 Ă  1975. Elle participe aux grèves qui secouent la profession en 1953, 1968 et 1974. Elle est en retraite en 1985.

Parallèlement à son activité de militante syndicale et au Parti communiste, auquel elle adhère en 1951, elle s'investit dans les associations des familles de victimes du nazisme. Membre de l'Association des familles des martyrs d'Oradour-sur-Glane, avec sa mère, dès la fin 1944, elle est longtemps active dans l'Association des familles de fusillés et massacrés de la Résistance, (aux côtés de Mathilde Gabriel-Péri), dont elle devient présidente, dans l'Association du Souvenir des Fusillés du Mont Valérien, et à la direction de la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP).

Distinctions

  • LĂ©gion d'honneur :
    • Chevalier en 1982
    • Officier en 2009
  • Palmes acadĂ©miques en 2008
  • Ordre national du MĂ©rite Elle refuse publiquement la proposition faite par le Premier ministre Manuel Valls le 17 mai 2016 de la nommer commandeur dans cet ordre en se dĂ©clarant « solidaire des luttes menĂ©es depuis deux mois par les salariĂ©s, les jeunes, une majoritĂ© de dĂ©putĂ©s et de Français contre la loi travail que vous venez d'imposer par le 49-3. » Ce refus a un Ă©cho non nĂ©gligeable dans les mĂ©dias[11] - [12].

Hommage

Le une « Allée Camille Senon » est inaugurée[13] à Saint-Junien en (Haute-Vienne).

Publication

  • Camille Senon : survivante du tramway d'Oradour-sur-Glane : aurai-je assez vĂ©cu pour tous ceux qui sont morts ?, Ă©crit avec la collaboration de Guy Perlier, Brive-la-Gaillarde, Ă©ditions Les MonĂ©dières, 2013 (ISBN 978-2-36340-048-2)

Notes et références

  1. Guy Pauchou, Pierre Marchand, Oradour-sur-Glane, vision d'Ă©pouvante, Charles Lavauzelle, Limoges-Paris, 1970. Liste nominative des victimes en pages 134-188.
  2. À la gare des Charentes à Limoges.
  3. Le témoignage de Camille Senon se trouve dans Franck Linol, Hélène Delarbre, Oradour le dernier tram (voir en bibliographie), ainsi que Guy Perlier, Camille Senon et l'ouvrage bilingue français-allemand de Martin Graf & Florence Hervé.
  4. Voir aussi : Roland Passevant, RĂ©sistance rouge et milice noire, Le temps des cerises, 1995, p. 87-97, « Marie-Camille raconte… Â».
  5. L'HumanitĂ©, juillet 1994 « Camille Senon tĂ©moigne Â».
  6. Guy Perlier, témoignage de Camille Senon, p. 1.
  7. Guy Perlier, Camille Senon, survivante du tramway d'Oradour, p. 89 et suiv. : « Bordeaux, un procès pour Oradour Â».
  8. Le procès s'ouvre le 12 janvier 1953.
  9. La loi d'amnistie est votée le 19 février 1953, par 319 voix contre 211 (et 83 abstentions). Le 21 février, les Alsaciens condamnés sont libres. Les Allemands condamnés voient ensuite leur peine réduite, les deux condamnations à la peine capitale sont commuées.
  10. Sylviane Mangiapane, Les Filles des Chèques postaux. Contribution Ă  l'histoire du syndicalisme des PTT, p. 21 : en 1960, plus de 20 000 agents travaillent aux services financiers de La Poste, dont plus de 80 % de femmes. Les Chèques postaux et la Caisse nationale d'Ă©pargne de Paris comptent plus de 8 000 employĂ©s.
  11. L'Express, « Loi travail : une rescapĂ©e d'Oradour refuse d'ĂŞtre dĂ©corĂ©e par Valls Â».
  12. L'HumanitĂ©, « OpposĂ©e Ă  la loi travail elle refuse d'ĂŞtre honorĂ©e par Valls Â».
  13. Le Populaire du Centre, , deux plaques inaugurées à Saint-Junien en hommage à Camille Senon, figure emblématique et militante locale.

Voir aussi

Bibliographie

  • Claude Pennetier, notice « Camille Senon Â», in Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social
  • Martin Graf / Florence HervĂ©, Oradour Regards au-delĂ  de l'oubli. Blicke gegen das Vergessen, Klartext Verlag, Essen, 1995 (ISBN 3-88474-265-5)
  • Franck Linol (texte) & HĂ©lène Delarbre, Oradour le dernier tram, MĂ©tive, 2014. PrĂ©face de Guy Perlier (ISBN 978-2-37109-001-9)
  • Sylviane Mangiapane, Les Filles des Chèques postaux. Contribution Ă  l'histoire du syndicalisme PTT 1945-1978, Le Temps des cerises & Institut d'histoire sociale FAPT-CGT, 2003 (ISBN 2-84109-415-4)

Filmographie

  • Camille Senon, la dame du pays rouge, documentaire de François Perlier, Leitmotiv Production, 53 min, 2017, fiche du film

Liens externes

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