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CĂ©mentochronologie

La cémentochronologie est une technique pour estimer l'âge au décès d'un individu et documenter la saisonnalité de la mort. Elle est utilisée en biologie animale pour l’étude des populations actuelles[1] et archéologiques[2] mais son utilisation est croissante en anthropologie dans le contexte archéologique[3] ou médico-légal[4].
La cémentochronologie est une des disciplines de la squelettochronologie qui porte sur les marqueurs au sein des éléments squelettiques des vertébrés et donc, d'une façon plus générale, de la sclérochronologie qui porte sur l'étude des tissus durs chez les animaux[5].

Principes

La cémentochronologie se fonde sur les phénomènes cycliques s'exprimant tout au long de la vie de l'individu et requiert l’analyse histologique du cément dentaire (i.e. l’ensemble des tissus conjonctifs minéralisés recouvrant les surfaces radiculaires des dents). Chez presque tous les groupes de mammifères terrestres et marins des couches périodiques de céments sont observées[6]. Le dénombrement des dépôts annuels d'un type de cément (le Cément Acellulaire à Fibres Extrinsèques - CAFE) caractérisés en microscopie optique par des alternances de bandes claires et sombres, ajouté à l’âge de l’achèvement de l’édification radiculaire permet donc de déduire l’âge au décès du sujet.

Principe de la cémentochronologie. Sélection et extraction d'une dent, coupe transversale de la racine et observation du cément en microscopie optique à lumière transmise.
Principe de la cémentochronologie. Sélection et extraction d'une dent, coupe transversale de la racine et observation du cément en microscopie optique à lumière transmise.

Histoire

Cette technique a initialement été appliquée à l’étude des populations animales dès les années 1950 puis parallèlement à son application en archéozoologie, la cémentochronologie sur dents humaines a été utilisée dans le cadre de la médecine légale. Dès 1970, Mina and Klevezal relient pour la première fois chez l'Homme le nombre des anneaux cémentaires à l’âge civil[7]. ll faudra attendre 12 ans pour que d’autres spécialistes de la biologie animale associés à un odontologiste renouvellent l’expérience [8].

Depuis, cette méthode est largement employée car elle offre un accès à une lecture directe de l’âge chronologique et des travaux présentent des résultats parmi les plus fiables avec des taux de corrélation pouvant atteindre 0,98[9]. Malgré ces résultats, la méthode demeure discutée car les phénomènes physiologiques à l’origine des dépôts annuels restent mal compris. La structure alternée des dépôts pourrait être déterminée par des facteurs génétiques mais serait également sous l'influence de processus physiologiques et bio-mécaniques en lien avec l’alimentation et/ou l’environnement.

Technique

Les techniques de préparation diffèrent selon les disciplines ou l'ancienneté du matériel considéré. Sur des dents actuelles, des techniques histologiques classiques nécessitant une decalcification des tissus et une coloration du collagène sont utilisées. Pour les dents archéologiques où le collagène peut être mal préservé, la dent est incluse dans une résine epoxy, particulièrement indiquée pour l'imprégnation d'échantillons poreux et fragiles. Après polymérisation (entre 12 et 15 heures à 20 °C), la préparation est placée dans une tronçonneuse de précision équipée d'une lame diamantée afin de réaliser des coupes de la racine. Des coupes de 80 à 120µm d’épaisseur sont réalisées. Ces préparations sont ensuite nettoyées et éventuellement polies, puis montées sur lames. Une fois les préparations effectuées, les lames sont placées sur la platine d’un microscope. L’acquisition des microphotographies est réalisée grâce à une caméra digitale. La sélection des champs peut s’opérer à des grossissements de 50 et 100x mais l’acquisition pour le comptage des anneaux cémentaires sur dents humaines est effectuée à 400x[4].

Critiques de la méthode

La destruction de l’élĂ©ment anatomique Ă©tudiĂ© est le premier obstacle de la mĂ©thode notamment dans les domaines de l'archĂ©ologie et de la palĂ©ontologie oĂą les techniques non destructives sont favorisĂ©es. De plus, l'application du protocole de prĂ©paration et d'observation nĂ©cessite du matĂ©riel de laboratoire et une certaine expĂ©rience. Le manque de standardisation lors de la prĂ©paration peut induire des biais qui peuvent influer sur la prĂ©cision de la mĂ©thode et peuvent conduire Ă  des avis divergents quant Ă  son efficacitĂ© et sa reproductibilitĂ©. La phase de comptage peut Ă©galement conduire des erreurs inter-observateurs. Enfin, la mĂ©connaissance des phĂ©nomènes physiologiques Ă  l'origine des dĂ©pĂ´ts reprĂ©sente un verrou Ă  lever.

En dépit de ces inconvénients, cette technique permet d'accéder à un indicateur très fortement corrélé à l'âge chronologique et permet d'estimer l'âge au décès d'un adulte avec une précision inégalée par les autres techniques dentaires et osseuses[10]. La cémentochronologie permet d'améliorer la précision des résultats en biologie animale, en archézoologie, en anthropologie, médecine et odontologie légale[11].

Notes et références

  1. (en) « Matson's Laboratory - A wildlife lab offering cementum aging and tetracycline biomarker screening »
  2. Rendu W., Armand D., Pubert E., Soressi M., « Approche taphonomique en Cémentochronologie : réexamen du niveau 4 du Pech-de-l’Azé I (Carsac, Dordogne, France) », Paleo, no 21,‎
  3. (en) Naji S, Colard T, Blondiaux J, Bertrand B, D’Incau E, Bocquet-Appel J-P., « Cementochronology, to cut or not to cut? », International Journal of Paleopathology. 2014.,‎
  4. (en) Colard, T., Bertrand, B., Naji, S., Delannoy, Y., Bécart, A., « Toward the adoption of cementochronology in forensic context », International journal of legal medicine,‎
  5. Naji, S., Gourichon, L., Rendu, W., La cémentochronologie in Messages d’os Archéométrie du squelette animal et humain, sous la direction de Philippe Dillmann, Collection Sciences Archéologiques, , p. 217-240
  6. (en) Grue H, Jensen B., « Review of the formation of incremental lines in tooth cementum of terrestrial mammals. », Danish Rev Game Biol, no 11(3),‎
  7. Mina M, Klevezal GA. Autobiographies of animals. Znanie. En. 1970
  8. (en) Stott, G.G., Sis, R.F., Levy, B.M., « Cemental annulation as an age criterion in forensic dentistry. », Journal Dental Research, no 61,‎ , p. 814–817
  9. (en) Wittwer-Backofen U., Gampe J., Vaupel J. W., « Tooth cementum annulation for age estimation: results from a large known-age validation study », American Journal of Physical Anthropology, no 123,‎ , p. 119-129
  10. Stephan Naji, William Rendu et Lionel Gourichon, Dental cementum in anthropology, (ISBN 978-1-108-56950-7 et 1-108-56950-1, OCLC 1256591198, lire en ligne)
  11. Bertrand B, Cunha E, Bécart A, Gosset D, Hédouin V (2019) Age at death estimation by cementochronology: Too precise to be true or too precise to be accurate? Am J Phys Anthropol 169(3):464–481.

Voir aussi

Articles connexes

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