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Bureaucratie céleste

Le terme bureaucratie cĂ©leste dĂ©signe une reprĂ©sentation des dieux de la religion chinoise qui les inscrit dans une sorte de hiĂ©rarchie comparable Ă  celle des fonctionnaires et officiers de l’époque impĂ©riale. Il ne s’agit pas d’un systĂšme complet, universel et standardisĂ© qui ferait de l’ensemble des dieux un panthĂ©on structurĂ©, mais du fait que presque toute divinitĂ© peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme ayant virtuellement une position hiĂ©rarchique de type mandarinal.

l'Empereur du Ciel et sa cour céleste
Huangdi le premier Empereur légendaire de Chine
La triade taoĂŻste, avec de gauche Ă  droite : Taishang Laojun (Laozi), Yuanshi Tianzun et Lingbao Tianzun
Le Bouddha entouré de Poussahs
Deux des Quatre Rois CĂ©lestes
Les Trois Dieux du Bonheur
le Dieu du Sol
les Dieux des Portes
un Roi-Dragon Longwang
un Roi des Enfers
Les Huit Immortels

Authentiques fonctionnaires divins

En Chine, le monde divin ou celui des morts est souvent un miroir du monde rĂ©el ; il est donc naturel qu’on y retrouve les mĂȘmes circonscriptions territoriales administrĂ©es par des dieux. Les plus importants cultuellement sont les dieux du Sol (quartier, village, champ ou cimetiĂšre) et les dieux de la muraille et des douves (villes ou quartiers autrefois murĂ©s). Moins souvent invoquĂ©s sont les MaĂźtres du terrain qui gouvernent un seul bĂątiment. Le Seigneur du ciel ou l’Empereur de jade exercent sur l’ensemble des dieux un pouvoir semblable Ă  celui du souverain.

Divinités titrées

Des titres de mandarins ou d’officiers de la maison impĂ©riale, d’officiers militaires pour les dieux guerriers et de dames du palais pour les dĂ©esses Ă©taient attribuĂ©s aux divinitĂ©s des temples les plus populaires, ou pour marquer l’intĂ©rĂȘt de l'empereur pour la circonscription dans laquelle se trouvait le temple. Ces titres n’étaient pas donnĂ©s au dieu sur toute l’étendue de l’empire, mais uniquement Ă  la version honorĂ©e dans le temple distinguĂ© par la faveur impĂ©riale. Toutes les versions n’étaient donc pas titrĂ©es ou portaient des titres diffĂ©rents, crĂ©ant une hiĂ©rarchie entre diffĂ©rentes versions du dieu. À certaines pĂ©riodes des Ming et des Qing, les dieux de la muraille et des douves recevaient un titre rigoureusement dĂ©terminĂ© par l’importance administrative de leur ville.

Un modĂšle commode

TrĂšs Ă©clectique, le monde religieux chinois n’accorde guĂšre d’importance au dogme et laisse une grande latitude d’interprĂ©tation personnelle au croyant. Le modĂšle supĂ©rieur hiĂ©rarchique / collaborateur permet d’associer naturellement des divinitĂ©s d’origine diffĂ©rente ayant des fonctions semblables. Ainsi, le fait que Yanluowang issu du bouddhisme et Chenghuangye ancien dieu chinois prĂ©tendent tous deux juger les morts ne troublera pas le fidĂšle qui voit en eux deux collaborateurs supervisĂ©s par le Seigneur du ciel, par exemple. S’il se rappelle que le dieu taoĂŻste d’importance secondaire Zhongkui a Ă©galement le pouvoir de chasser les revenants indociles, il pourra en faire un policier divin au service du juge Yanluowang.

Un copier-coller terre-ciel

« Au dĂ©part, les chinois avaient conçu l'organisation du Ciel et de la Terre comme les deux faces d'un mĂȘme univers qui se recouvraient exactement, et donc chacune garantissait l'authenticitĂ© de l'autre. Sur terre on avait ZhƍngguĂł (äž­ć›œ) « l'Empire du milieu », c'est-Ă -dire la Chine, entourĂ© de royaumes tributaires ; de la mĂȘme façon, au ciel existait un souverain du centre qui dominait l'ensemble, plus un souverain par orient ; un personnage Ă©tait affectĂ© Ă  chacune de ces cinq charges. Il y avait correspondance entre ces deux empires. Celui de la terre devait ressembler Ă  celui du ciel pour fonctionner avec la mĂȘme rĂ©gularitĂ©, qui est celle des mouvements de l'univers. Les troubles ou catastrophes s'expliquaient par un manquement Ă  cette copie de l'Administration CĂ©leste et constituaient un chĂątiment du ciel. Inversement, l'Empire CĂ©leste avait Ă©tĂ© humanisĂ©. Il Ă©tait rĂ©gi Ă  tous les degrĂ©s par des Esprits ou DivinitĂ©s qui Ă©taient la plupart du temps des hommes affectĂ©s aprĂšs leur mort Ă  diffĂ©rentes charges pour les qualitĂ©s dont ils avaient su faire preuve de leur vivant. Le passage entre ces deux mondes Ă©tait assurĂ© par le "Mandat du Ciel" confĂ©rĂ© Ă  l'Empereur terrestre tant que lui ou ses descendants Ă©taient dignes de l'assumer.[1] »

En Chine, ces divinités n'étaient pas immortelles (du moins pas comme on l'entend), et pouvaient perdre leur place dans l'organisation céleste au profit d'autres jugées plus méritantes ; l'ancienne divinité perdait son titre et était "dégradée", promise à un rang inférieur, pour des fois disparaßtre totalement du paysage.

Un Panthéon organisé

Des textes anciens, ainsi que des recherches ont quand-mĂȘme pu Ă©tablir qu'il existait une vĂ©ritable organisation dans cette "bureaucratie" qui se voulait l'exemple d'un panthĂ©on. Il serait trop hasardeux de citer un Ă  un les noms des principales divinitĂ©s qui peuplent le monde antique chinois, tant il en existe, mais tous s'accordent Ă  dire que le "panthĂ©on" s'organisait de la façon suivante :

D'aprÚs le sinologue et marionnettiste français, Jacques Pimpaneau dans son ouvrage "Chine, Mythes et dieux"[2] :

  • Au sommet trĂŽnait l'Empereur du Ciel ou « Empereur de Jade » ;
  • Puis, on avait tout de suite au-dessous de lui (ou au-dessus), les « Trois Purs » ;
  • On avait de bas en haut « les Huit MinistĂšres des Trois Mondes » (Ciel, Hommes et Terre) ;
  • les responsables des « Trois Montagnes » et des « Cinq Pics » (dont celui de l'Est qui supervisait les 18 Enfers) ;
  • les DivinitĂ©s Stellaires ;
  • les Neuf Luminaires (qui gĂšrent les mois, jours, heures et le bonheur) ;
  • les Quatre Gardes du Palais de l'EmpyrĂ©e ;
  • le Dieu de la Richesse et ses Quatre Subalternes (apportent les trĂ©sors, les richesses, l'argent et les bĂ©nĂ©fices) ;
  • les Quatre Rois CĂ©lestes (protecteurs des Directions) ;
  • « les Dieux des Portes » ;
  • les « Cinq Empereurs » ;
  • les Trois DĂ©esses du « Boisseau d'Or » ;
  • le Dieu du Levant et du Couchant.

D'aprÚs le PÚre Henri Doré, dans son ouvrage « Recherches sur les Superstitions en Chine » (IIe partie "Le Panthéon chinois") en 7 volumes[3] :

  • « les Trois Saints » ;
  • « les Trois Purs » ;
  • « les Trois Nobles Bouddhas » ;
  • « les Trois Principes » ;
  • le Dieu de la LittĂ©rature et ses assistants ;
  • le Dieu de la Guerre ;
  • les Bouddhas, Poussahs et Saints du Bouddhisme ;
  • les Dix Rois des Enfers ;
  • les Immortels ;
  • les Quatre Rois CĂ©lestes ;
  • les Douze Esprits Stellaires ;
  • les Dieux des Portes du Palais ;
  • les Huit MinistĂšres (Tonnerre, MĂ©decine, Petite VĂ©role, Eaux, Feu, ÉpidĂ©mies, Temps) ;
  • les Cinq Pics SacrĂ©s ;
  • les Dieux du Sol et de l'Agriculture ;
  • les Dieux Protecteurs des Professions ;
  • le Dieu du Bonheur ;
  • le Dieu des Richesses ;
  • le Dieu de la LongĂ©vitĂ© ;
  • les Dieux des Portes ;
  • les Cinq Saints ;
  • les Cinq Empereurs ;
  • les DivinitĂ©s Stellaires et PlanĂ©taires.

ou plus simplement :

  • Tome VI : Dieux des LettrĂ©s ; l'Enfer Bouddhique, etc.
  • Tome VII : les Bouddhas, Poussahs, etc.
  • Tome VIII : Bonzes divinisĂ©s ; Ă©coles bouddhiques.
  • Tome IX : Dieux, etc. du taoĂŻsme.
  • Tome X : MinistĂšres Transcendants.
  • Tome XI : Dieux Patrons des Industries.
  • Tome XII : Dieux Protecteurs et Patrons, Dieux composites, DivinitĂ©s Stellaires.

D'aprÚs Wu Cheng En et son roman, le "Xiyouji" « le Voyage en Occident »[4] :

  • Bouddha, Bouddhas, Poussahs et Saints du Bouddhisme ;
  • L'Empereur de Jade et l'ImpĂ©ratrice de l'Ouest ;
  • les Trois Purs ;
  • les Quatre Empereurs ;
  • les Dieux des Cinq ÉlĂ©ments ;
  • les Luminaires (Soleil et Lune) ;
  • le MarĂ©chal de la VoĂ»te CĂ©leste ;
  • le MarĂ©chal de la BĂ©nĂ©diction CĂ©leste ;
  • les Patrouilles (de Jour et de Nuit) ;
  • les Douze Branches Horaires ;
  • les DivinitĂ©s Stellaires ;
  • le Commandant en Chef des ArmĂ©es CĂ©lestes ;
  • les Quatre Rois CĂ©lestes ;
  • les Quatre Gardiens du Temps ;
  • les Quatre MaĂźtres CĂ©lestes ;
  • les Cinq Portails ;
  • les Rois-Dragons des Quatre Mers ;
  • les Dix Rois des Enfers ;
  • le Gardien des Dix-Huit Places ;
  • le Dieu de la CitĂ© ;
  • le Dieu de la Terre ;
  • le Dieu de la Montagne.

C'est le roman de Xǔ ZhĂČng LĂ­n, le "Fengshenyanyi" « l'Investiture des dieux » enfin, qui le premier dĂ©crit Ă  la fin, le mieux, la fonction de chaque futurs soldats morts au combat et promis au titre de divinitĂ©s[5] :

[...] Alors l'Empereur du Ciel crĂ©a les trois cent soixante-cinq fonctions pour les GĂ©nies, rĂ©parties en huit classes : celles supĂ©rieures, Tonnerre, Feu, ÉpidĂ©mies, Constellations, celles subalternes, les GĂ©nies des Étoiles, des Trois Monts et Cinq Pics SacrĂ©s, les GĂ©nies dirigeant les Nuages et rĂ©partissant les Pluies, ceux distribuant Bonne ou Mauvaise Fortune. AprĂšs la destruction de la lignĂ©e de Chen Tang, Jiang Shang Zi ya devait procĂ©der aux investitures. [...][6].

Le sinologue, Henri Maspéro, dans son ouvrage "Le Taoïsme et les religions chinoises" organise les dieux comme suit[7].

  • II les Dieux SuprĂȘmes

(L'Auguste de Jade,Yuhuang ; la Famille et la Cour de l'Auguste de Jade ; l'Administration et les MinistĂšres CĂ©lestes) ;

  • III les Dieux de la Nature

(le Soleil et la Lune ; la Dame qui en balayant fait le ciel serein ; Monseigneur le Tonnerre et la Mùre des Éclairs ; la Pluie ; les Rois-Dragons, Longwang)

  • IV les Dieux chargĂ©s des Groupements Administratifs

(le Grand Empereur du Pic de l'Est ; les Dieux des Circonscriptions Administratives ; les Dieux Familiers)

  • V Dieux des Professions, des MĂ©tiers, des Corporations, etc

(les Mandarins Civils ; les Mandarins Militaires ; les Paysans ; les Marins : l'Impératrice du Ciel (Tianhou) ; les Commerçants et les Artisans)

  • VI les Dieux chargĂ©s de s'occuper de l'homme individuellement

(Guandi ; le Seigneur SuprĂȘme du Ciel Sombre ; la MĂšre du Boisseau (Doumu) ; les Trois Agents (Sanguan) ; les Trois Étoiles (Dieux du Bonheur) ; les Dix-Huit Arhats et les Huit Immortels ; les Deux Protectrices TaoĂŻque et Bouddhique des Femmes ; l'Immortel Zhang qui donne des enfants mĂąles ; les Dieux des Maladies et les Dieux GuĂ©risseurs)

  • VII les Dieux de l'Autre Monde

(les Dix Enfers et leurs Rois ; l'Existence des Âmes aux Enfers ; le Bodhisattva Dizang (Kshitigarbha) ; le Paradis d'Amitabha ; les Immortels et la Dame Reine de l'Occident, Xiwangmu).

Notes et références

  1. Jacques Pimpaneau, Chine, Mythes et Dieux (Ă©ditions Picquier, 1999), p. 93.
  2. Jacques Pimpaneau, Chine, Mythes et Dieux (Ă©ditions Picquier, 1999), p. 104-105
  3. PĂšre Henri DorĂ©, ZhƍngguĂł shĂŹjiān xĂŹnyǎng (äž­ć›œæ°é–“äżĄä»°) , « Recherches sur les superstitions en Chine » : le PanthĂ©on Chinois (Ă©ditions You Feng, 1995), table analytique et index p. 297
  4. Wu Cheng'en, XÄ« YĂłu JĂŹ (è„żæžžèź°) ( (BibliothĂšque de la PlĂ©iade, 1991) vol. 1, Livre I et II
  5. Xu Zhonglin, FēngshĂ©n yǎnyĂŹ (ć°ç„žæŒ”çŸ©) ( (Ă©ditions You Feng, 2002)
  6. Xu Zhonglin, FēngshĂ©n yǎnyĂŹ (ć°ç„žæŒ”çŸ©) ( (Ă©ditions You Feng, 2002)p. 173
  7. Henri Maspéro, Le Taoïsme et les religions chinoises (éditions Gallimard, 1971)p. 101-220

Bibliographie

  • Jacques Pimpaneau, Chine : Mythes et dieux, Arles, Philippe Picquier, , 357 p. (ISBN 2-87730-450-7) 1 vol. : 357 p.
  • Wu Cheng'en, La PĂ©rĂ©grination vers l'Ouest : (Xiyou ji), Paris, Gallimard, coll. « La PlĂ©iade », , 1160 p. (ISBN 2-07-011203-9) 2 vol. : 1312 et 1200 p.
  • PĂšre Henri DorĂ© et Gilles Faivre, Recherches sur les superstitions en Chine : (IIĂšme Partie :Le PanthĂ©on chinois), You Feng, 7 vol., tomes VI Ă  XII.
  • Xu Zhonglin, L'Investiture des dieux : roman chinoise de l'Ă©poque Ming, Paris, You Feng, , 944 p. (ISBN 2-84279-108-8) 1 vol. : 944 p.
  • Henri MaspĂ©ro, Le TaoĂŻsme et les religions chinoises, Gallimard, (ISBN 2-07-027907-3) 1 vol. : 662 p.
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