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BronisƂawa Wajs

BronisƂawa Wajs, dite Papusza (Lublin?, ? - InowrocƂaw, ) est une poĂ©tesse et chanteuse polonaise-rom, membre de la communautĂ© Polska Roma, le groupe nomade le plus nombreux Ă  l’Est et au Nord de la Pologne au dĂ©but de XXe siĂšcle. Harpiste et danseuse talentueuse, elle apprend Ă  lire et Ă  Ă©crire en autodidacte avant de composer des chants et des poĂšmes d'une grande puissance, qui seront publiĂ©s grĂące au poĂšte Jerzy Ficowski. Ainsi, elle sera la premiĂšre Tsigane Ă  ĂȘtre publiĂ©e et traduite en Pologne communiste au dĂ©but des annĂ©es 1950. Papusza reste une figure essentielle de l’histoire de la littĂ©rature romani, en tant que premiĂšre poĂ©tesse et en tant que premiĂšre voix littĂ©raire rrom aprĂšs la Seconde Guerre mondiale. Également auteure de textes et d'une correspondance en polonais, son Ɠuvre forte et singuliĂšre a fait l'objet d'une rĂ©cente redĂ©couverte. Un film lui est d'ailleurs consacrĂ© en 2013, Papusza de Joanna Kos-Krauze et Krzysztof Krauze.

Papusza Wajs
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Bronislawa Wajs dite "Papusza"
Nom de naissance Bronislawa Wajs
Naissance
Lublin ou Plonsk
DĂ©cĂšs
InowrocƂaw
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture rromani, polonais
Mouvement Inclassable
Genres

ƒuvres principales

Piesny Papuszy, Wroclaw, Ossolineum, 1956; Piesni Mowione, Lodz, 1973.

Biographie

La date et le lieu de naissance de Bronislawa Wajs, surnommĂ©e "Papusza" (poupĂ©e en r romani) ne sont pas certains : elle serait nĂ©e en 1908 ou en 1910, Ă  Lublin ou Ă  Plonsk. Toutefois, elle a retenu pour ses dĂ©clarations administratives, la date du . Elle est issue d’une famille de harpistes itinĂ©rants, appartenant Ă  la communautĂ© Polska Roma et a grandi en Volhynie sur les bords du NiĂ©men. Son pĂšre meurt lorsqu'elle n'a que 4 ou 5 ans et sa mĂšre se remarie avec un Wajs. De son enfance, elle raconte: « Je suis une fille de la forĂȘt. Une Tsigane nĂ©e sous la broussaille. Je suis venue au monde dans un campement Ă  la lisiĂšre des bois, du cĂŽtĂ© de PƂoƄsk, non loin de Varsovie. On m'a portĂ© de la forĂȘt jusqu'Ă  l'Ă©glise du village. Maman me l'a racontĂ©[1]. » Enfant intelligente et joyeuse, aimant chanter et danser, Papusza Wajs apprend l'alphabet en jouant avec les enfants d'une Ă©cole prĂšs de Grodno, puis une commerçante lui enseigne la lecture en Ă©change de poulets. À l'Ă©poque, elle reprĂ©sente une exception, car peu d'enfants tsiganes savent lire et Ă©crire. Un peu plus tard, elle devient diseuse de bonne aventure. Originale et indĂ©pendante, elle est mal vue par les membres de sa communautĂ© et rejetĂ©e par la sociĂ©tĂ© polonaise.

MariĂ©e Ă  15 ans, avec un harpiste beaucoup plus ĂągĂ© (dix ans de plus), elle choisit de rompre son mariage. Elle raconte Ă  ce propos : « À quatorze ans j'Ă©tais dchajory, pas laide et mĂȘme avenante. Je veillais Ă  ce que ma tenue soit toujours modeste et propre. Les gens ont fini par comprendre que mon instruction me profitait, et je suis devenue trĂšs populaire. Tout le monde parlait de moi, enfants et adultes. Quand j'ai eu mes quinze ans, on m'a demandĂ©e en mariage. Les Tsiganes ont coutume de marier leurs filles trĂšs tĂŽt. À l'Ă©poque, je gagnais ma vie mieux qu'une vieille Tsigane. Or chez nous, ce qui compte vraiment, c'est de savoir bien gagner sa vie[2].» À l'Ăąge de 26 ans, elle est ensuite enlevĂ©e par Dionis Wajs, frĂšre du mari de sa mĂšre, ĂągĂ© de 42 ans et musicien Ă  la tĂȘte d'un orchestre itinĂ©rant. Ce second mariage durera jusqu'Ă  la mort de Papusza Wajs.

Papusza Wajs et sa communauté, Polska Roma

Avec l'ensemble orchestral de la famille Wajs, Papusza Wajs chante et improvise des poĂšmes. Ces chants traditionnels, une pratique artistique dĂ©veloppĂ©e par les Tsiganes polonais, racontent souvent le quotidien difficile, la pauvretĂ©, ou font l'Ă©loge de la libertĂ©[3]. Mais, lĂ  encore, Papusza Wajs se distingue: par « la richesse de ses mĂ©taphores, sa prĂ©cision poĂ©tique, les couleurs des images et des mots», son chant se rapproche de l'art poĂ©tique[4]. Elle crĂ©e des Ă©popĂ©es et des ballades, qui sont autant d'odes, extrĂȘmement mĂ©lancoliques, Ă  la nature.

La poĂ©tesse et sa famille ne sont pas Ă©pargnĂ©es par les persĂ©cutions nazies visant les gens du voyage. En 1943, prĂšs de Wlodzimierz, son campement subit une violente attaque nazie, prĂšs d'une centaine de personnes, membre de sa famille Ă©largie, sont assassinĂ©es, les autres sont pourchassĂ©s. Papusza racontera l'extermination de son peuple dans le texte Les larmes de sang (Ratvale jasva). Dans cette longue lamentation, elle implore les forces de la nature Ă  la rescousse de son peuple et du peuple Juif : « Ah ma petite Ă©toile d'avant le jour / Toi qui scintilles/ franche au-dessus du monde / aveugle-les [...] / fais que vivent les enfants juifs et tsiganes[5].». Elle est bien plus belliqueuse dans un autre texte: « Moi, la Tsigane, je ne pleurais jamais. À cheval, le feu au cƓur, je poursuivais les Allemands. La nuit, dans les forĂȘts et par les chemins solitaires[6]».

AprÚs la guerre, en 1949, Papusza Wajs rencontre le jeune poÚte Jerzy Ficowski, qui, poursuivi par la police politique communiste, s'est réfugié dans des campements tsiganes jusqu'à 1951. La poétesse lui montre ses premiers textes. Profondément bouleversé par leur beauté, Ficowski lui propose de les traduire en polonais, ce qui signe le début d'une longue amitié entre les deux poÚtes. DÚs lors, Ficowski parvient à faire publier les premiers poÚmes dÚs 1950, dans une revue polonaise[7]. Puis, en 1953, il publie un ouvrage de référence sur la culture tsigane polonaise, citant des poÚmes de Papusza Wajs et proposant le premier glossaire romani/polonais jamais établi[8]. Puis, il obtient la publication, grùce à son ami Julian Tuwim, du recueil « Chants de Papusza », qui a ensuite été réédité plusieurs fois.

PourchassĂ©e par la police communiste, dans un climat de violence et de mĂ©fiance, la communautĂ© de Papusza Wajs voit d'un mauvais Ɠil la publication des poĂšmes, allant jusqu'Ă  accuser la poĂ©tesse d'avoir trahi des secrets et des coutumes tsiganes. RejetĂ©e, victime de diffamation, l’artiste souffre d’une profonde dĂ©pression. Elle en vient Ă  exiger que son livre soit retirĂ© de la vente puis, s’étant vue Ă©conduire sans mĂ©nagement par l'Ă©diteur, Ă  brĂ»ler ses manuscrits. Plusieurs fois hospitalisĂ©e, mise Ă  l’écart, elle cesse d’écrire et de chanter. Elle Ă©crit Ă  Ficowski : « Je n’ai pas trahi [...] Je n’ai dĂ©voilĂ© que ce que le monde savait depuis longtemps. Tant pis, cher P’tit frĂšre, je n’ai qu’une peau, s’ils me l'arrachent une autre poussera, plus belle et plus noble, plus immaculĂ©e. Ils me traiteront de chienne. Mais un jour, le monde comprendra peut-ĂȘtre que je n‟ai rien fait de mal, que je n’en ai jamais eu l’intention[9]. »

Statue de Papusza Wajs, GorzĂłw Wielkopolski

ComplĂštement rĂ©appropriĂ©e par les Tsiganes polonais d’aujourd’hui, l’Ɠuvre de Papuska Wajs fait l’objet d’un nouvel intĂ©rĂȘt dont tĂ©moignent des recherches historiques, des commĂ©morations, la rĂ©Ă©dition de ses textes, et la sortie Ă  l’automne 2013 du film de fiction Papusza de Joanna Kos-Krauze et Krzysztof Krauze.

ƒuvres

  • Bronislawa Wajs Papusza, Piesny Papuszy, Wroclaw, Ossolineum, 1956.
  • Bronislawa Wajs Papusza, Piesni Mowione, Lodz, 1973.
  • Bronislawa Wajs Papusza, Routes d’antan/Xargatune droma, traduction du romani par Marcel Courthiade, Paris L'Harmattan, 2010.

Bibliographie

  • Jerzy Ficowski, The Gypsies in Poland, History and Customs, Varsovie, Interpress, Ă©dition en anglais, 1989
  • Magdalena Machowska, Bronislawa Wajs Papusza, miedzy biografia a legenda, Cracovie, Éditions Nomos, Cracovie, 2011.
  • NumĂ©ro spĂ©cial "Papusza poĂ©tesse tsigane et polonaise", Études Tsiganes, no 48 et 49, 2011/2012.
  • Jean-Yves Potel, "Papusza, poĂšte tsigane en Pologne communiste" in COQUIO Catherine, POUEYTO Jean-Luc (dirs.), Roms, Tsiganes, Nomades. Un malentendu europĂ©en, KARTHALA Éditions, 2014.

Filmographie

Notes et références

  1. Papusza Wajs, "Autobiographie", 1956, citĂ© par Jean-Yves Potel, "Papusza, poĂšte tsigane en Pologne communiste" in COQUIO Catherine, POUEYTO Jean-Luc (dirs.), Roms, Tsiganes, Nomades. Un malentendu europĂ©en, KARTHALA Éditions, 2014, p. 598
  2. Extrait d’un journal inĂ©dit, conservĂ© au musĂ©e de TarnĂłw, citĂ© par Magdalena Machowska, Bronislawa Wajs Papusza, miedzy biografia a legenda, Cracovie, Éditions Nomos, Cracovie, 2011, p. 37.
  3. Jerzy Ficowski, The Gypsies in Poland, History and Customs, Varsovie, Interpress, Ă©dition en anglais, 1989
  4. Ibid., p. 110.
  5. Texte traduit par Jean-Yves Potel, "Papusza, poĂšte tsigane en Pologne communiste", art. cit., p. 618
  6. Smutna pieƛƄ, poĂšme datant de 1951, citĂ© Ă  partir de la version polonaise. Ibid., p. 603.
  7. Problemy, no 10, Varsovie, 1950
  8. Jerzy Ficowski, The Gypsies in Poland, History and Customs, op. cit.
  9. Lettre cité par Jerzy Ficowski en 1986 dans Tout ce que je ne sais pas, poÚmes traduits par Jacques Burko, Paris, Buchet-Chastel, 2005.
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