Bourguibisme
Le bourguibisme (arabe : البورقيبية ou al-Būrqībiyah) fait référence à la politique de Habib Bourguiba, premier président de la Tunisie, et de ses partisans.
Définition
Le bourguibisme est défini par :
- un engagement fort en faveur de l'indépendance nationale et par un nationalisme spécifiquement tunisien (par opposition aux idées pan-maghrébines ou panarabes étant donné que la Tunisie n'aurait joué qu'un rôle mineur dans un potentiel projet panarabe qui aurait probablement été dominée par l'Égypte)[1] - [2] ;
- une approche d'un État capitaliste en ce qui concerne le développement économique[3] - [4] ;
- un État social[5] ;
- le républicanisme[6] ;
- une interprétation du populisme étatique et corporatiste[7] ;
- une laïcité stricte[8] ;
- une vision culturelle moderne, prônant la place de la Tunisie en tant que pont reliant la civilisation arabo-islamique à la civilisation occidentale[9].
Le bourguibisme est parfois décrit comme une variété du kémalisme mais avec un accent sur l'identité tunisienne[10].
Approche
En tant que style ou stratégie politique, le bourguibisme se caractérise par une intransigeance dans la poursuite de certains objectifs et par des principes non négociables, combinée à une flexibilité dans les négociations et une volonté de compromis en considérant les moyens de les atteindre[11]. Il est donc décrit comme pragmatique, non idéologique, modéré, procédant progressivement plutôt que révolutionnaire, mais déterminé et implacable à la fois[12] - [13].
Par exemple, bien qu'il soit résolument laïciste, Bourguiba s'est assuré de ne réduire le rôle public de l'islam que de manière prudente et progressive, afin de ne pas susciter l'opposition de la part des musulmans conservateurs[14].
Réalisations
C'est grâce au bourguibisme que des lois tunisiennes modernes garantissant des droits égaux pour les hommes et les femmes dans le mariage (contrairement à la charia), l'économie, la société et le travail a pu être développé[15] - [16].
Même si les bourguibistes condamnent les Tunisiens qui ont collaboré avec les dirigeants coloniaux français[17], ils ne répriment pas la forte influence culturelle européenne sur la Tunisie et le français continue à être la langue de l'enseignement supérieur et de la culture de l'élite[14].
Partis politiques
- Néo-Destour (1934-1964)
- Parti socialiste destourien (1964-1988)
- Rassemblement constitutionnel démocratique (1988-2011)
- Initiative destourienne démocratique (2011-2019)
- Al-Watan (2011-2013)
- Union populaire républicaine (depuis 2011)
- Parti de l'avenir (depuis 2011)
- Afek Tounes (depuis 2011)
- Nidaa Tounes (depuis 2012)
- Al Amal (depuis 2012)
- Parti destourien libre (depuis 2013)
- Machrouu Tounes (depuis 2016)
- Parti socialiste destourien (depuis 2016)
- Tahya Tounes (depuis 2019)
- Au cœur de la Tunisie (depuis 2019)
Représentation parlementaire
Durant la IIe législature de l'Assemblée des représentants du peuple, les groupes parlementaires qui se proclament comme bourguibistes sont quatre : Au cœur de la Tunisie, le Parti destourien libre (PDL), La Réforme et Tahya Tounes. Ces groupes regroupent 75 députes (soit 34 % du total de sièges). Il y a aussi onze autres députés bourguibistes (neuf démissionnaires d'Au cœur de la Tunisie, un démissionnaire du PDL et un membre du Parti socialiste destourien), ce qui donne un nombre total de 86 députés bourguibistes (40 % du total).
Notes et références
- (en) Christopher Alexander, Tunisia : Stability and Reform in the Modern Maghreb, Londres/New York, Routledge, coll. « The Contemporary Middle East », , 160 p. (ISBN 978-0-415-48330-8), p. 100-101.
- (en) Michael C. Hudson (en), Arab Politics : The Search for Legitimacy, New Haven, Yale University Press, , 434 p. (ISBN 978-0-300-02411-1, lire en ligne), p. 385.
- Christopher Alexander, op. cit., p. 7 et 112.
- (en) Nazih N. Ayubi, Over-stating the Arab State : Politics and Society in the Middle East, Londres/New York, I.B. Tauris, , 514 p. (ISBN 978-1-4416-8196-6), p. 212.
- (en) Jean-Pierre Cassarino, « Participatory Development and Liberal Reforms in Tunisia: The Gradual Incorporation of Some Economic Networks », dans Steven Heydemann, Networks of Privilege in the Middle East: The Politics of Economic Reform Revisited, New York, Palgrave Macmillan, (ISBN 978-1-349-52756-4), p. 229.
- « Mériem Bourguiba Laouiti : Bourguiba construisait un Etat républicain et non une dynastie », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
- (en) Elie Podeh et Onn Winckler, « Introduction: Nasserism as a Form of Populism », dans Rethinking Nasserism: Revolution and Historical Memory in Modern Egypt, Gainesville, University of Florida Press, (ISBN 978-0-813-02704-3), p. 27.
- Michael C. Hudson, op. cit., p. 380-381.
- (en) John Obert Voll, Islam : Continuity and Change in the Modern World, Syracuse, Syracuse University Press, , 439 p. (ISBN 978-0-8156-2639-8, lire en ligne), p. 331.
- (en) Steve A. Cook, « Tunisia: First Impressions », sur blogs.cfr.org, Council on Foreign Relations, (consulté le ).
- (en) Clement Henry Moore, Tunisia Since Independence : The Dynamics of One-Party Government, Cambridge University Press, , 230 p., p. 44-45.
- Christopher Alexander, op. cit., p. 111.
- (en) Ronald Steel (en), North Africa, New York, H. W. Wilson Company, coll. « The Reference Shelf » (no 38), , 224 p., p. 104.
- (en) John L. Esposito et John Obert Voll, Makers of Contemporary Islam, Oxford, Oxford University Press, , 272 p. (ISBN 978-0-19-514128-3, lire en ligne), p. 92.
- (en) David S. Sorenson, An Introduction to the Modern Middle East : History, Religion, Political Economy, Politics, Westview Press, , 560 p. (ISBN 978-0-8133-4922-0), p. 383.
- (en) Michaelle L. Browers, Democracy and Civil Society in Arab Political Thought : Transcultural Possibilities, Syracuse, Syracuse University Press, coll. « Modern Intellectual and Political History of the Middle East », , 292 p. (ISBN 978-0-8156-3099-9, lire en ligne), p. 173.
- (en) Michele Penner Angrist, Party Building in the Modern Middle East, Seattle, University of Washington Press, , 224 p. (ISBN 978-0-295-98646-3), p. 112.
Bibliographie
- (en) L. Carl Brown, « Bourguiba and Bourguibism Revisited: Reflections and Interpretation », The Middle East Journal, vol. 55, , p. 43-57 (ISSN 0026-3141).