Bataille de Lukaya
La bataille de Lukaya (Kiswahili : Mapigano ya Lukaya) est une bataille de la guerre ougando-tanzanienne. Elle se déroule du 10 au 11 mars 1979 autour de Lukaya, en Ouganda, entre les forces tanzaniennes (soutenues par les rebelles ougandais) et les forces gouvernementales ougandaises (soutenues par les troupes libyennes et palestiniennes). AprÚs avoir briÚvement occupé la ville, les troupes tanzaniennes et les rebelles ougandais se retirent sous le feu de l'artillerie. Les Tanzaniens lancent ensuite une contre-attaque, reprenant Lukaya et tuant des centaines de Libyens et de loyalistes Ougandais.
Date | 10â11 mars 1979 |
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CoordonnĂ©es | 0° 09âČ 03âł sud, 31° 52âČ 28âł est |
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Le président Idi Amin de l'Ouganda essaie d'envahir la Tanzanie voisine au sud en 1978, lors de l'invasion de Kagera (en). L'attaque est repoussée et la Tanzanie lance une contre-attaque en territoire ougandais. En février 1979, les Forces de défense du peuple tanzanien remportent la bataille de Masaka. La 201e brigade des Forces de défense du peuple tanzanien reçoit l'instruction de sécuriser Lukaya et sa chaussée au nord, qui est la seule route directe à travers un grand marécage vers Kampala, la capitale ougandaise. Pendant ce temps, Amin ordonne à ses forces de reprendre Masaka et y envoie des troupes ougandaises, de soldats libyens alliés et une poignée de guérilleros de l'Organisation de libération de la Palestine, l'ensemble dirigé par le lieutenant-colonel Godwin Sule (en).
Le matin du 10 mars, la 201e brigade des TPDF sous le commandement du brigadier Imran Kombe (en), renforcée par un bataillon de rebelles ougandais, occupe Lukaya sans incident. En fin d'aprÚs-midi, les Libyens attaquent la ville avec des roquettes, et l'unité se retire dans le marais voisin. Les commandants tanzaniens ordonnent à la 208e brigade de marcher vers la route de Kampala pour prendre la force ougandaise-libyenne par le flanc. à l'aube du 11 mars, la 208e brigade atteint sa position cible et la contre-attaque tanzanienne commence. La 201e brigade regroupée attaque les Libyens et les Ougandais par le front et la 208e par l'arriÚre. Sule est tué, ce qui précipite l'effondrement des défenses ougandaises, tandis que les Libyens se retirent. Des centaines de membres du gouvernement ougandais et de soldats libyens sont tués. La bataille de Lukaya est la bataille la plus importante de la guerre, et affecte fortement les défenses ougandaises, permettant à la Tanzanie de continuer son avancée et de remporter la bataille de Kampala.
Contexte
En 1971, Idi Amin Dada destitue Milton Obote au cours d'un coup d'Ătat et prend la tĂȘte de l'Ouganda, ce qui complique les relations avec la Tanzanie[1]. Le prĂ©sident tanzanien Julius Nyerere est un proche d'Obote, Ă la fois personnellement et par ses politiques socialistes[2]. Nyerere refuse de reconnaĂźtre le nouveau gouvernement et offre l'asile Ă Obote et Ă ses soutiens. Il soutient une tentative d'invasion de l'Ouganda de 1972 par Obote, et aprĂšs quelques combats aux frontiĂšres, Amin et lui signent une trĂȘve. Leurs relations restent tendues, et Amin menace plusieurs fois d'envahir la Tanzanie[2].
Fin octobre 1978, aprĂšs une tentative de mutinerie dans l'armĂ©e ougandaise, des troupes traversent la frontiĂšre avec la Tanzanie pour poursuivre des soldats rebelles[3]. Le premier novembre, Amin annonce l'annexion du Kagera, au nord de la Tanzanie[4]. La Tanzanie arrĂȘte l'invasion, mobilise des groupes opposĂ©s Ă Idi Amin Dada, et lance une contre-offensive[5]. Nyerere affirme Ă des diplomates Ă©trangers qu'il souhaite donner une leçon Ă Amin, et pas le renverser, mais cette affirmation n'est pas prise au sĂ©rieux en raison de la haine portĂ©e par Nyerere Ă l'autre dirigeant et Ă des remarques sur un potentiel coup d'Ătat qu'il a faites auparavant devant ses collĂšgues. Le gouvernement tanzanien estime de plus que la frontiĂšre Nord ne sera pas sĂ©curisĂ©e tant qu'Amin n'est pas neutralisĂ©[6].
AprĂšs que les Forces de dĂ©fense du peuple tanzanien reprennent le nord de la Tanzanie, le gĂ©nĂ©ral de division David Musuguri est nommĂ© commandant de la 20e division et reçoit l'ordre de pĂ©nĂ©trer en territoire ougandais[7]. Mi-fĂ©vrier, des troupes libyennes sont transportĂ©es par avion Ă Entebbe pour aider l'armĂ©e ougandaise (en)[8]. Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi estime devoir soutenir l'Ouganda, qu'il considĂšre comme un Ătat musulman attaquĂ© par une armĂ©e chrĂ©tienne[9].
Les forces de dĂ©fense du peuple tanzanien remportent la bataille de Masaka le . Nyerere prĂ©voit d'abord d'arrĂȘter son armĂ©e lĂ et d'autoriser les exilĂ©s ougandais Ă reprendre Kampala et Ă destituer Amin. Il semblerait que Nyerere ait demandĂ© Ă Obote, alors exilĂ© en Tanzanie, de se rendre en avion Ă Masaka pour accompagner les rebelles ougandais lors de la prise de la ville, mais qu'Obote aurait refusĂ©, estimant qu'un retour aussi thĂ©Ăątral lui rendrait le peuple hostile[10]. Cette demande de Nyerere vient de son inquiĂ©tude des rĂ©percussions d'une invasion tanzanienne dans la ville sur l'image internationale de la Tanzanie[11]. La chute de Masaka inquiĂšte beaucoup les commandants ougandais, qui estiment qu'elle rend Kampala vulnĂ©rable aux attaques. Les militaires ougandais commencent donc Ă mobiliser une armĂ©e plus importante et Ă prĂ©parer la dĂ©fense de la ville[12].
Du cÎté de l'armée ougandaise, plusieurs commandants de haut rang disparaissent ou sont assassinés. Pendant ce temps, la 20e division du TPDF se prépare à avancer de Masaka à Kampala[9].
Préparations
La seule route de Masaka Ă Kampala (en) passe par Lukaya, une ville Ă 39 kilomĂštres au nord de Masaka. De lĂ , le parcours se poursuit sur 25 kilomĂštres, traversant un marais jusqu'Ă atteindre Nabusanke. Le marais est impraticable pour les vĂ©hicules et la destruction de la chaussĂ©e, si elle arrivait, retarderait une attaque tanzanienne contre Kampala pendant des mois. L'armĂ©e est donc vulnĂ©rable sur cette route, mais Musuguri ordonne de la prendre quand mĂȘme[9]. La 207e brigade des TPDF est envoyĂ©e Ă travers le marais Ă l'est, la 208e brigade est envoyĂ©e loin Ă l'ouest pour arriver par l'extrĂ©mitĂ© nord du marais, et la 201e brigade sous le brigadier Imran Kombe doit avancer par la route jusqu'Ă la ville. Le 201e est presque entiĂšrement composĂ© de miliciens, dont beaucoup n'ont jamais combattu. L'unitĂ© est renforcĂ©e par un bataillon de rebelles ougandais, dirigĂ© par le lieutenant-colonel David Oyite-Ojok[13].
Un plan de destruction de la chaussĂ©e est prĂ©sentĂ© Ă Amin Ă Kampala, mais il le refuse afin de permettre Ă son armĂ©e de lancer une contre-offensive contre les Tanzaniens. Il pense qu'avec le soutien libyen, les Forces de dĂ©fense du peuple tanzanien seront bientĂŽt vaincues et qu'il est donc inutile de dĂ©truire puis de reconstruire la chaussĂ©e plus tard[9]. Du 2 au 4 mars, l'armĂ©e ougandaise arrĂȘte une attaque rebelle pendant la bataille de Tororo (en). La victoire Ă Tororo et les exhortations de ses commandants persuadent Idi Amin d'ordonner une contre-offensive[14]. Le 9 mars, plus d'un millier de soldats libyens[13] et une quarantaine de guĂ©rilleros de l'Organisation de libĂ©ration de la Palestine appartenant au Fatah arrivent par avion en Ouganda[15], rejoignant les quelque 400 militants de l'OLP qui se trouvent dĂ©jĂ dans le pays[16]. La force libyenne comprenait des unitĂ©s classiques, des sections des Forces armĂ©es libyennes et des membres de la LĂ©gion panafricaine[17][18]. Ils sont accompagnĂ©s de 15 chars T-55, d'une douzaine de vĂ©hicules blindĂ©s de transport de troupes, de plusieurs Land Rover Ă©quipĂ©s de canons sans recul M40, une douzaine de variantes de lance-roquettes Katioucha BM-21 Grad Ă 12 canons[13][19][17] et d'autres grosses piĂšces d'artillerie, telles que des mortiers de 122 mm[20] et deux batteries d'obusiers D-30[19]. Les forces de l'OLP sont commandĂ©es par le colonel Mutlaq Hamdan (connu sous le nom d'Abu Fawaz), le major Wassef Erekat, le capitaine Juma Hassan Hamdallah et le capitaine Ibrahim Awad[15].
Amin donne l'ordre de reprendre Masaka aux Libyens, ainsi qu'Ă des troupes ougandaises - dont le rĂ©giment d'artillerie et de transmissions[21], le rĂ©giment Chui, et peut-ĂȘtre le bataillon suicide[22] - et aux combattants de l'OLP. Une force est rassemblĂ©e Ă cet effet Ă l'extrĂ©mitĂ© nord du marais entre Lukaya et Buganga[13][23][24]. Le journal tanzanien News estime qu'environ 2000 soldats ougandais participent Ă la bataille[25], tandis que le journal libanais Al Akhbar estime que cinq bataillons ougandais prennent part au combat[15].
Les commandants libyens et de l'OLP élaborent des plans pour une contre-offensive dans le plus grand secret en raison des craintes que l'armée ougandaise comprenne des éléments rebelles. à l'exception d'Amin, les dirigeants militaires ougandais ne sont informés des plans de bataille que juste avant le début de l'opération[15]. Le lieutenant-colonel Godwin Sule (en), commandant parachutiste ougandais, est chargé de l'opération[26]. Les combattants de l'OLP sont intégrés dans les unités ougandaises, le colonel Hamdan co-commandant les forces de chars et d'infanterie, tandis que le major Erekat prend le commandement d'une partie de l'artillerie[15]. Les troupes libyennes sont informées de l'opération à Mitala Maria[20]. Radio Ouganda annonce le début de la contre-offensive à midi le 9 mars[27] tandis que les forces ougandaises présentes à Lukaya se retirent de la ville[17]. D'aprÚs Radio Ouganda, les troupes des TPDR atteignent Mpigi (en) le 8 mars, mais reculent le lendemain face à une contre-offensive ougandaise[27].
Bataille
10 mars
Le matin du 10 mars, les forces de dĂ©fense du peuple tanzanien bombardent lĂ©gĂšrement Lukaya, ville dĂ©serte de civils. La 201e brigade occupe la ville pour se prĂ©parer Ă traverser la chaussĂ©e le lendemain[13] et commence Ă creuser des tranchĂ©es par mesure de prĂ©caution[21]. Les Tanzaniens, les Ougandais et les Libyens ignorent les positions des uns et des autres[13]. Vers quinze heures[15], la force ougandaise-libyenne-palestinienne avance vers Lukaya, avec l'ordre de prendre Masaka en moins de trois heures. En voyant les Tanzaniens, ils lancent un barrage de roquettes Katioucha. L'artillerie tanzanienne arrĂȘte les roquettes, mais les soldats tanzaniens, pour la plupart inexpĂ©rimentĂ©s, fuient[13]. Bien que d'autres soient restĂ©s Ă leurs positions dĂ©fensives, ils sont pris par surprise et forcĂ©s de se retirer dans le marais le long de la route de Masaka aprĂšs avoir vu les T-55 libyens et trois chars ougandais M4A1 Sherman avancer vers eux. L'action ne fait aucun mort[21][28]. MalgrĂ© les ordres de reprendre Masaka, la force ougandaise-libyenne s'arrĂȘte Ă Lukaya[29], craignant que les Tanzaniens ne tentent de les prendre en embuscade[30]. Les Libyens Ă©tablissent des positions dĂ©fensives sans creuser de tranchĂ©es[29]. Les troupes sont autorisĂ©es Ă se reposer, tandis que les commandants se prĂ©parent pour la phase suivante de la bataille[15]. Seuls trois chars tanzaniens gardent la route[31]. Kombe et ses subordonnĂ©s essaient de rassembler leur brigade pour qu'elle puisse continuer Ă se battre, mais les soldats effrayĂ©s restent rĂ©fractaires aux ordres[30].
Les commandants tanzaniens modifient leurs plans pour éviter que la perte de Lukaya ne se transforme en débùcle. La 208e brigade sous le commandement du brigadier Mwita Marwa, qui est à 60km au nord-ouest de la ville, reçoit l'ordre de faire marche arriÚre et d'interrompre l'arrivée des Ougandais et des Libyens de Kampala[31][32]. Les chars sur la route de Masaka doivent avancer et ouvrir le feu sur les positions ougandaises et libyennes. Des volontaires sont recrutés dans la 201e brigade pour infiltrer Lukaya à travers le marais et recueillir des renseignements. L'armée pro-Amin et la 201e brigade des TPDF sont toutes les deux désorganisées. Il n'y a pas de clair de lune et les unités marchent dans le noir le long de la route et dans la ville, incapables de différencier alliés et ennemis[31][21]. David Oyite-Ojok mÚne le Kikosi Maalum quand ils entendent d'autres personnes parler en swahili. Oyite-Ojok et son groupe supposent qu'ils sont des alliés ; alors, une personne leur dit en Luo, une langue non parlée en Tanzanie, « Attendez juste jusqu'au matin et nous écraserons ces stupides Acholi »[31]. Oyite-Ojok ordonne à ses hommes d'ouvrir le feu, mais dans l'obscurité ils sont incapables de vérifier s'ils avaient frappé quelqu'un[31]. Les patrouilles tanzaniennes n'ont en grande partie pas réussi à vérifier les positions ougandaises-libyennes, de sorte que le tir de leurs chars est inefficace[33]. Au cours de la nuit, huit soldats tanzaniens et un combattant du KM sont tués[31].
11 mars
La 208e brigade atteint sa position sur le cĂŽtĂ© de la route de Kampala Ă l'aube du 11 mars et commence la contre-attaque[31]. La 201e brigade regroupĂ©e attaque par l'avant et la 208e par derriĂšre, exerçant ainsi une forte pression sur la force ougandaise et libyenne[23][31]. Les rebelles ougandais sous Oyite-Ojok soutiennent l'attaque[34]. L'artillerie tanzanienne dĂ©vaste les rangs ennemis[31], en particulier grĂące Ă ses roquettes Katioucha[20]. Les Ougandais et les Libyens sont pris par surprise et ne peuvent pas opposer une rĂ©sistance efficace[35]. La plupart des Libyens battent en retraite[31]. Les militants de l'OLP et leurs soldats ougandais associĂ©s tentent de rassembler une dĂ©fense. Un groupe utilise un canon antichar de 7,5 cm pour repousser le char tanzanien de tĂȘte, l'endommageant lĂ©gĂšrement et arrĂȘtant son avance pendant un court instant. La majoritĂ© des commandants de l'OLP, dont le colonel Hamdan, le major Erekat, ainsi que le capitaine Ibrahim Awad, sont blessĂ©s au cours des combats[15]. Ă son quartier gĂ©nĂ©ral plus au nord, le lieutenant-colonel ougandais Abdu Kisuule, commandant du rĂ©giment d'artillerie et de transmissions[21], est rĂ©veillĂ© par les Libyens qui battent en retraite. Il ordonne au major Aloysius Ndibowa de bloquer la route de Kampala pour interrompre la retraite. Il se dirige ensuite vers le front depuis Kayabwe, tandis que Sule prend le commandement de plusieurs chars et se dirige vers la bataille. PrĂšs du pont de Katonga, les forces tanzaniennes prennent position dans une forĂȘt d'eucalyptus du cĂŽtĂ© ouest de la route. Ils tendent une embuscade aux Ougandais et aux Libyens, infligeant de lourdes pertes[20]. Les combats sont acharnĂ©s[22] et plusieurs chars et armes sont dĂ©truits dans les bosquets et les plantations de la rĂ©gion[36]. Des dizaines de jeeps Ă©vacuent les blessĂ©s vers Kampala[20].
Pour tenter d'amĂ©liorer le moral des troupes, le gĂ©nĂ©ral ougandais Isaac Maliyamungu (en) et le gĂ©nĂ©ral de division Yusuf Gowon (en) se rendent sur la ligne de front. Les positions prises par les deux hommes sont frĂ©quemment soumises Ă des tirs de roquettes soudains et intenses. Des officiers subalternes ougandais tentent de convaincre leurs hommes que les Tanzaniens sont probablement au courant de la prĂ©sence des gĂ©nĂ©raux Ă ces endroits prĂ©cis, ce qui n'est pas le cas. Les troupes ougandaises tendent Ă estimer que la prĂ©sence de Maliyamungu et Gowon est un mauvais prĂ©sage. Le fils d'Idi Amin, Jaffar Rembo, Ă©met l'hypothĂšse que les deux gĂ©nĂ©raux auraient Ă©tĂ© corrompus par la Tanzanie pour leur donner des informations prĂ©cises sur leur emplacement[37]. Sule comprend rapidement que les gĂ©nĂ©raux n'ont pas un effet positif sur les troupes, et leur demande de quitter le front[26]. Il meurt peu aprĂšs, accidentellement Ă©crasĂ© par l'un de ses chars qui fait marche arriĂšre pour manĆuvrer autour d'un cratĂšre crĂ©Ă© par un obus d'artillerie tanzanien[38]. ImmĂ©diatement aprĂšs la situation, la mort de Sule est trĂšs confuse. Bernard Rwehururu (en), commandant du bataillon Suicide, entend plusieurs rapports contradictoires mentionnant ce char ou un tir ennemi. Quand il demande des Ă©claircissements, on lui rĂ©pond de s'occuper de ses affaires et la radio de Lusaka est coupĂ©e[26]. Kisuule cherche Sule, puis demande Ă Amin de donner l'ordre de chercher son cadavre dans les corps Ă©vacuĂ©s vers Kampala[20]. Le lendemain, Amin lui dit que Sule y a Ă©tĂ© retrouvĂ©, le visage Ă©crasĂ©[20]. Jaffar Rembo affirme que Sule a Ă©tĂ© touchĂ© par un « soi-disant tir ami »[37] ; d'autres sources corroborent l'hypothĂšse d'une mort suspecte[38][39]. Le lieutenant Muzamir Amule affirme que Sule a bien Ă©tĂ© Ă©crasĂ© par son propre char par accident, mais que la confusion du jour de la bataille nourrit les thĂ©ories du complot[38].
La mort de Sule provoque l'effondrement du commandement ougandais, et les troupes survivantes prennent la fuite[40].
Conséquences
Victimes et pertes
Les Tanzaniens rapportent plus tard que 7 000 TPDF et soldats rebelles ougandais ont participé à la bataille. AprÚs la bataille, les forces tanzaniennes comptent plus de 400 soldats morts dans la région, dont environ 200 Libyens[31]. D'autres corps sont amenés à Kampala par les troupes battant en retraite[20]. Les habitants de Kayabwe affirment avoir vu de nombreux corps libyens éparpillés sur la route de Kampala au nord de Lukaya et le long du pont de Katonga[22]. Les soldats tanzaniens ne veulent pas prendre de prisonniers libyens, les tuant immédiatement car on leur a dit que les Arabes viennent en Afrique subsaharienne pour rétablir l'esclavage. Un seul caporal suppléant blessé est capturé[31]. Selon des sources palestiniennes, un combattant de l'OLP est tué et huit sont blessés[15]. Trois avions évacuent des Libyens blessés de Kampala vers Tripoli[41]. Hamdan, Erekat et Awad sont évacués et soignés dans un hÎpital d'AthÚnes[15]. Les pertes tanzaniennes sont légÚres[23]. AprÚs la bataille de Lukaya, la radio ougandaise affirme que 500 Tanzaniens ont été tués et 500 blessés. Les exilés de l'opposition ougandaise affirment que 600 soldats du gouvernement ougandais et un nombre indéterminé de Libyens ont été tués. L'Africa Research Bulletin écrit qu'« aucun de ces chiffres n'est crédible »[42]. La presse gouvernementale tanzanienne affirme que deux bataillons d'environ 2 000 soldats ougandais ont été « anéantis »[43]. Trois tanks ougandais sont marqués détruits. Des sources diplomatiques indépendantes qualifient les pertes infligées revendiquées par les deux belligérants de trÚs exagérées[43]. Lors d'une réunion avec des diplomates étrangers le 15 mars, Amin déclare que ses forces avaient subi de lourdes pertes, notamment la mort d'un lieutenant-colonel et de cinq capitaines[44]. La force ougando-libyenne laisse de nombreuses armes derriÚre elle, ainsi qu'une copie de son plan de bataille qui est saisie par les Tanzaniens. Le document révÚle que les troupes d'Amin avaient prévu de chasser les Tanzaniens jusqu'à Kalisizo (en)[45].
Implications stratégiques
Kisuule déclare plus tard que Lukaya "était la derniÚre bataille sérieuse et c'est là que nous avons perdu la guerre"[20]. Le diplomate indien Madanjeet Singh (en) déclare que c'est essentiellement la bataille de Lukaya qui a brisé le moral de l'armée d'Amin[46]. Le fils d'Idi Amin, Jaffar Remo Amin, estime lui aussi que la bataille de Lukaya est la défaite décisive qui marque la fin des chances ougandaises[47]. Les historiens Tom Cooper et Adrien Fontanellaz concluent qu'aprÚs la bataille de Lukaya, l'armée ougandaise s'est de facto effondrée et a pris la fuite[48]. Sule est l'un des commandants les plus compétents de l'armée ougandaise et sa mort a un impact énorme sur l'armée ougandaise[38]. AprÚs l'engagement, de nombreux commandants ougandais se retirent des lignes de front[20]. La situation d'Amin devient plus désespérée et fait appel en vain aux Nations unies, à la Ligue arabe et à l'Organisation de l'unité africaine ; en désespoir de cause, il demande au pape Jean-Paul II d'intervenir pour appeler à la fin de la guerre[33]. Le Pape aurait répondu par une lettre conseillant à Amin de lire des passages du Livre d'Ezéchiel[49]. Charles Njonjo (en), le procureur général du Kenya, dit aux journalistes que les forces de défense du peuple tanzanien ont connu des difficultés à Lukaya et feront face à des problÚmes continus dus face à l'intervention libyenne[50].
Les Tanzaniens annoncent avoir le contrÎle total de Lukaya[43]. AprÚs cette victoire et celle de la bataille de Sembabule (en), les TPDF gardent l'initiative stratégique pour le reste de la guerre[51]. Malgré la victoire, les commandants tanzaniens estiment que la bataille de Lukaya a été menée de maniÚre désastreuse ; si les Ougandais et les Libyens avaient poussé aprÚs avoir pris la ville, ils auraient pu reprendre Masaka et chasser les Tanzaniens d'Ouganda[52]. Le 13 mars, le sous-ministre tanzanien de la Défense, Moses Nnauye, et Musuguri rencontrent des soldats présents à la bataille pour en savoir plus sur ce qui s'est passé[45]. Ceux qui ont fui les Libyens expriment leur anxiété et demandent un mois loin du front. Nnauye leur répond que cela serait trop dangereux pour l'armée tanzanienne[53]. La 201e brigade est réorganisée pour ne plus avoir une majorité de miliciens[54].
Suite de la guerre
Peu de temps aprĂšs avoir occupĂ© Lukaya[41], la TPDF lance l'opĂ©ration Dada Idi (en). Dans les jours suivants, les 207e et 208e brigades dĂ©gagent la route de Kampala et capturent Mpigi[23] le 28 mars[55]. Les troupes ougandaises et libyennes reculent vers la capitale[41]. L'opposition ougandaise se rĂ©unit Ă Moshi fin . Elle Ă©lit Yusufu Lule Ă la tĂȘte du Front de libĂ©ration nationale de l'Ouganda et monte un gouvernement[56].La crĂ©ation rĂ©ussie du gouvernement temporaire du Front de libĂ©ration nationale de l'Ouganda rassure les Tanzaniens quant aux consĂ©quences d'une prise de la capitale[57]. MalgrĂ© l'Ă©chec de ses troupes Ă Lukaya, Kadhafi envoie encore de grandes quantitĂ©s d'Ă©quipement et 2 000 membres de la milice populaire libyenne. Le personnel et le matĂ©riel sont amenĂ©s Ă l'aĂ©roport international d'Entebbe par avion[58]. L'OLP envoie aussi une derniĂšre Ă©quipe de renforts, soit 75 guĂ©rilleros sous le commandement de Mahmoud Da'as. Da'as divise les combattants palestiniens en deux groupes. L'un participe Ă la dĂ©fense de Kampala, tandis que l'autre prĂ©pare des voies d'Ă©vacuation Ă travers le nord de l'Ouganda vers le Soudan[15].
Les commandants tanzaniens supposent qu'Idi Amin Dada gardera l'essentiel de l'armĂ©e Ă la capitale, et leurs premiers plans appellent Ă une attaque directe de la ville. Or, depuis Mpigi, qui est situĂ©e en altitude, ils voient la pĂ©ninsule d'Entebbe et y dĂ©couvrent un trafic aĂ©rien libyen important et un gros contingent de soldats ougandais et libyens. L'armĂ©e comprend alors que si elle prend Kampala sans d'abord prendre le contrĂŽle d'Entebbe, elle pourrait ĂȘtre attaquĂ©e par le flanc[57]. La chute d'Entebbe couperait l'approvisionnement libyen et permettrait de prendre la capitale par le Sud[59]. Msuguri dĂ©cide donc d'attaquer la pĂ©ninsule en premier, et ordonne Ă la 208e brigade de s'en occuper. Un premier bombardement pousse Amin Ă se rĂ©fugier dans sa rĂ©sidence officielle d'Entebbe puis Ă prendre un hĂ©licoptĂšre vers Kampala. Le , l'armĂ©e prend Entebbe. Plusieurs soldats libyens essaient de fuir Ă Kampala, mais sont interceptĂ©s et tuĂ©s[60]. AprĂšs la prise d'Entebbe, des centaines de soldats ougandais fuient les garnisons de Kampala[61], le plus souvent en repartant avec quelques affaires vers le Nord du pays[62]. Une unitĂ© se rend de Bombo, dans le district de Luweero, Ă Kampala pour dĂ©fendre le gouvernement d'Amin. Il est majoritairement composĂ© de membres de tribus de l'Ouest du Nil, fidĂšles au prĂ©sident en raison de son soutien financier Ă leur peuple[63]. Les restes des forces libyennes intĂšgrent les troupes ougandaises et prennent leur poste dans la capitale. Le moral des Libyens[64] et de l'armĂ©e ougandaise (en) est trĂšs bas, mais Amin affirme le contraire[65]. La guerre continue avec la bataille de Kampala. AprĂšs la chute de Kampala, les combats ne provoquent plus de dommages importants en Ouganda[66]. Les combats continuent jusqu'au , date Ă laquelle les Tanzaniens arrivent Ă la frontiĂšre soudanaise et Ă©liminent ce qui reste de la rĂ©sistance[67].
Postérité
La bataille de Lukaya est la plus grosse bataille de la guerre ougando-tanzanienne[68][69]. Malgré l'implication de l'OLP dans l'effort de guerre ougandais, Nyerere n'a aucune mauvaise volonté envers l'organisation, citant plutÎt son isolement sur la scÚne internationale comme la raison de sa proximité avec Amin[13]. L'OLP décrit la bataille de Lukaya comme une victoire de facto, affirmant qu'elle a infligé de terribles pertes à la TPDF et que l'éventuelle défaite ougandaise ne découle que des incapacités de l'armée ougandaise[15].
Le 7 février 1981, Obote donne à Musuguri deux lances en l'honneur de "son action vaillante dans la bataille de Lukaya"[70]. Plusieurs années aprÚs la bataille, une grande plaque est placée à Lukaya pour commémorer les soldats libyens qui y ont été tués[22]. Dans les années 2000, le gouvernement ougandais crée l'Ordre de Lukaya, décerné aux rebelles ougandais anti-Amin et aux étrangers alliés qui ont participé à la bataille[71].
Notes et références
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Voir aussi
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