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Bat Choua

Bat Choua (hĂ©breu : Ś‘Ö·ÖŒŚȘ Ś©Ś•ÖŒŚąÖ· « la fille de Shwa » ; koĂŻnĂš : ÎŁÎ±Ï…Î± Saua ou Sava) est un personnage du livre de la GenĂšse. Alors que la Bible ne lui attribue qu’un rĂŽle de figurante dans le rĂ©cit de Tamar, elle y devient dans la tradition juive ultĂ©rieure un antagoniste secondaire.

RĂ©cit biblique

Fille d’un homme cananĂ©en appelĂ© Choua, elle est prise pour femme par Juda, descendu du haut-pays de Canaan pour s’associer avec Hira l’Adullamite. Elle lui donne trois enfants, Juda appelant le premier 'Er[1], tandis qu’elle nomme le second Onan et le troisiĂšme ChĂȘla (GenĂšse 38:2-5). Elle meurt aprĂšs le dĂ©cĂšs de ses deux premiers enfants (GenĂšse 38:12).

ExégÚses du récit biblique

Le nom de Bat Choua

La dĂ©signation de l’épouse de Juda en sa seule qualitĂ© de « fille de Choua Â» pourrait relever d’une volontĂ© de la prĂ©senter en contraste avec Tamar : cette derniĂšre est nommĂ©e mais ses origines sont inconnues alors que la fille de Choua, innommĂ©e, est identifiĂ©e comme CananĂ©enne[2].

Le Chroniste fait de « Bat Choua Â» son nom (I Choniques 2:3), dĂ©nommant par ailleurs « Bat Choua fille d’Amiel Â» (I Chroniques 3:5), celle que les livres de Samuel et des Rois appellent Batsheva fille d’Eliam[3].
La LXX amende quant Ă  elle GenĂšse 38:2 et 38:12, estimant que Sava est le nom de la fille du CananĂ©en et non du CananĂ©en lui-mĂȘme (elle lit en effet oushema Shoua au lieu d’oushemo Shoua — « et son nom [Ă  lui] Ă©tait Choua » — peut-ĂȘtre sous l’influence de GenĂšse 38:6, oushema Tamar)[4]. La Vulgate porte cependant « filia suae Â» (cf. Genesis 38:12).

Le Livre des JubilĂ©s appelle la fille de Choua BetasouĂ«l (JubilĂ©s 34:20) ou BedsouĂ«l (JubilĂ©s 41:7). Le Testament de Juda (Ă©ditions Artom et Kee mais non Kahana et Charles) suit quant Ă  lui la Septante. Charles signale par ailleurs la variante Anan et en ce cas, son nom serait Anan bat Choua. Le Sefer HaYashar, un midrash apparemment reconstituĂ© ou compilĂ© au Moyen Âge, donne quant Ă  lui le nom d’Ilit bat Choua[5].

Si Bat Choua/Chewa est l’équivalent de Bat Cheva comme l’écrit le Chroniste, ce nom signifierait « figue » tandis que Tamar dĂ©signe une autre plante typique de la rĂ©gion ou son fruit, la « datte »[6]. La plupart des interprĂštes font cependant dĂ©river Chouwa d’un terme proche, chowa, mis en parallĂšle avec nadiv (« noble Â») dans IsaĂŻe 32:5 ou ashir (« riche Â») en Job 34:19. C’est probablement cette interprĂ©tation, peut-ĂȘtre associĂ©e Ă  une autre tradition qui fait des CananĂ©ens des hommes notables (d’aprĂšs IsaĂŻe 23:8), qui rend compte de la transformation de Choua en un homme riche et notable. Le Testament de Juda en fait mĂȘme le roi d’Adullam et l’appelle Bar (ou Ben) Sava, roi d’Adullam (apparemment d’aprĂšs Βαρσα, roi de Gomorrhe - GenĂšse 14:2)[7].

Bat Choua la Cananéenne

Les parallĂšles entre le chapitre 38 de la GenĂšse et le livre de Ruth pourraient indiquer que son auteur considĂ©rait Tamar comme une Ă©trangĂšre dĂ©sireuse de s’attacher au peuple d’IsraĂ«l[8] et la cananĂ©itĂ© de la fille de Choua traduirait son refus d’en faire de mĂȘme[9]. Cette particularitĂ© contribuera Ă  donner dans la littĂ©rature post-biblique une Ă©paisseur Ă  une femme rĂ©duite dans la Bible Ă  son rĂŽle reproducteur et Ă  une rapide mention funĂ©raire[10].

MentionnĂ©e sans commentaire dans le livre de la GenĂšse, l’origine cananĂ©enne de l’épouse de Juda est interprĂ©tĂ©e de deux maniĂšres fort diffĂ©rentes dans la Bible :

  • d'une part, l’union aux CananĂ©ennes est condamnĂ©e Ă  deux reprises dans le livre de la GenĂšse (GenĂšse 24:3 & 28:6-8). Les ressemblances textuelles entre GenĂšse 38 et Juges 14-16 (oĂč il est question non d’une CananĂ©enne mais d’une Philistine) s’arrĂȘtent lorsqu’il est indiquĂ© que l’attrait de Samson pour une Ă©trangĂšre venait de Dieu, afin de confronter les Philistins. Pour le prophĂšte Malachie qui reproche aux JudĂ©ens revenus Ă  Sion d’avoir ramenĂ© de Babylone des conjointes non-juives, c'est peut-ĂȘtre Juda mĂȘme qui aurait profanĂ© ce qui est sacrĂ© devant Dieu en Ă©pousant cette Ă©trangĂšre, et c’est pour cette raison que ses fils Er et Onan meurent (Malachie 2:11-12).
  • D’autre part, la Bible indique dans la descendance de SimĂ©on son fils SaĂŒl, nĂ© des amours de son pĂšre avec une CananĂ©enne innommĂ©e (GenĂšse 46:10), sans commentaire particulier. Elle donne par ailleurs de nombreux exemples d’unions avec des Ă©trangĂšres, dont Abraham et Ketoura, MoĂŻse et Çippora, Mahlon et Ruth la Moabite, David et Maaca sans Ă©mettre de jugements, et le Chroniste semble les considĂ©rer avec bienveillance[11].

La position hostile semble avoir prĂ©valu dans l’ensemble des interprĂ©tations juives post-bibliques. Le livre des JubilĂ©s, rĂ©digĂ© vers le IIe siĂšcle avant l’ùre chrĂ©tienne, rappelle l’origine cananĂ©enne des Ă©pouses de Juda et SimĂ©on avec insistance. En outre, SimĂ©on prendra finalement une seconde femme, aramĂ©enne comme celle de ses frĂšres, ce qui traduit toute la dĂ©sapprobation de l’auteur des JubilĂ©s pour les unions mixtes en gĂ©nĂ©ral, et avec les CananĂ©ennes en particulier. Juda aurait sincĂšrement voulu marier ChĂȘla Ă  Tamar et ce serait BedsouĂ«l qui aurait empĂȘchĂ© cette union, mourant de ce fait (JubilĂ©s 41:7-9). Le pĂ©chĂ© de son fils aĂźnĂ© Er, qui se rend par lĂ  mĂȘme mauvais aux yeux de Dieu, aurait Ă©tĂ© son refus de s’unir Ă  Tamar l’AramĂ©enne car il aurait souhaitĂ© pour lui une femme dans la famille de sa mĂšre (JubilĂ©s 41:2)[12].

Le Testament de Juda fait de cette union l’une des deux grandes fautes de Juda (l’autre Ă©tant son union certes involontaire avec Tamar) : elle a eu lieu parce qu’un esprit de fornication s’était emparĂ© de Juda en rĂ©ponse Ă  ses remontrances envers son frĂšre Reuben. À la suite de sa victoire sur diverses armĂ©es locales, Juda est introduit par son berger Hiram l'Adullamite Ă  la cour du roi Bar Sava d'Adullam. C'est alors qu'Ă©garĂ© par sa jeunesse, Ă©bloui par ses richesses et Ă©tourdi par son ivresse, il est mariĂ© par le roi Ă  Bat Choua. Il regrettera amĂšrement cette union, contractĂ©e sans avoir consultĂ© son pĂšre, tandis que Bat Choua Ă©duque ses fils comme des CananĂ©ens (Testament 8:2, 11:1-5).

Notes et références

  1. La Bible samaritaine porte la version « vatikra shemo Er Â» (« elle le nomma Er Â») et le Minhat ShaĂŻ rapporte cette variante dans quelques manuscrits hĂ©braĂŻques ainsi que dans les Targoumim. Il semble s’agir d’une harmonisation avec GenĂšse 38:4-5 - Shinan et Zakovitch 1992, p. 27
  2. Adelman 2013
  3. Shinan et Zakovitch 1992, p. 17, Da’at Mikra sur Bereshit 37-50, p. 76 & Shinan et Zakovitch 2009
  4. Shinan et Zakovitch 1992, p. 17 & Wevers 1993
  5. Shinan et Zakovitch 1992, p. 19 & 23
  6. Da’at Mikra sur Bereshit 37-50, p. 76, d’aprùs Maasserot 2:8
  7. Shinan et Zakovitch 1992, p. 19
  8. Benno Jacob, cité par (he) Nehama Leibowitz, « Maasse Tamar viYhouda - Hadimyon bein Ruth leTamar », sur nechama.org.il (consulté le )
  9. Menn 1997, p. 54
  10. Shinan et Zakovitch 1992, p. 219
  11. Shinan et Zakovitch 1992, p. 229-31 citant Japhet, Menn 1997, p. 51, note 56. Voir cependant ibid., notes 57-58
  12. Shinan et Zakovitch 2009, p. 133-142 et Segal 2007, p. 59-72

Voir aussi

Annexes

Bibliographie

  • (he) Avigdor Shinan et YaĂŻr Zakovitch, Maasse Yehouda veTamar : Bereshit lamed het bamikra, batargoumim haatikim oubasifrout hayehoudit hakdouma lesouggeiha, Magnes Press, (ISBN 965-35-0013-9)
  • (en) John William Wevers, Notes on the Greek Text of Genesis, Society of Biblical Literature, coll. « Septuagint and Cognate Studies » (no 35), , 880 p. (ISBN 978-1-55540-884-8)
  • (en) Esther Marie Menn, Judah and Tamar (Geneis 38) in Ancient Jewish Exegesis : Studies in Literary Form and Hermeneutics, vol. 51, Brill, coll. « Supplements to the Journal for the Study of Judaism », , 412 p. (ISBN 978-90-04-10630-7, prĂ©sentation en ligne)
  • (he) Yehouda Kiel et al., Sefer Bereshit, parashiyot vayeshev-vaye’hi, Yediot Sefarim, coll. « Sifrei hemed / Hamisha houmshei Torah im peroush Rashi veDaat Mikra »,
  • (en) Michael Segal, « Judah and Tamar (Jubilees 41) », dans The Book of Jubilees: Rewritten Bible, Redaction, Ideology and Theology, Brill, (ISBN 978-9004150577)
  • (he) Avigdor Shinan et YaĂŻr Zakovitch, Gam kakh lo katouv baTanakh, Tel-ÊŸAbiyb/ŚȘŚœ-ŚŚ‘Ś™Ś‘, Yediot Sefarim, coll. « Yahadout Kan VĂšAkhshav »,‎ (ISBN 978-965-54-5032-3)
  • (en) Rachel Adelman, « Ethical Epiphany in the Story of Judah and Tamar », dans Teresa G.Russo, Recognition and Modes of Knowledge: Anagnorisis from Antiquity to Contemporary Theory, University of Alberta Press, (lire en ligne), p. 51-76
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