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Banque canadienne de l'Ouest c. Alberta

Banque canadienne de l'Ouest c. Alberta [1] est un arrĂȘt de principe en droit constitutionnel canadien rendu par la Cour suprĂȘme du Canada en 2007 concernant le partage des compĂ©tences entre les corps lĂ©gislatifs fĂ©dĂ©ral et provinciaux.

Les faits

En 2000, l'Alberta adopté des modifications à sa Loi sur les assurances qui visaient à assujettir les banques à charte fédérale au régime de permis provincial régissant la promotion des produits d'assurance. DÚs l'entrée en vigueur de cette loi, la Banque Canadienne de l'Ouest, de concert avec d'autres banques à charte, a présenté une demande de déclaration :

  • que leur promotion de certains produits d'assurance autorisĂ©s par la Loi sur les banques relĂšve de la compĂ©tence fĂ©dĂ©rale sur les banques au sens de l'art. 91(15) de la Loi constitutionnelle de 1867, et
  • que la Loi sur les assurances et ses rĂšglements connexes Ă©taient constitutionnellement inapplicables Ă  la promotion de l'assurance par les banques en vertu de la doctrine de l'exclusivitĂ© des compĂ©tences ou, subsidiairement, inopĂ©rants en vertu de la doctrine de la prĂ©pondĂ©rance fĂ©dĂ©rale.

Le tribunal de premiĂšre instance a rejetĂ© la demande bancaire et a dĂ©clarĂ© que :

  • La Loi sur les assurances est un exercice valide des pouvoirs provinciaux en vertu de l'article 92(13),
  • La contestation fondĂ©e sur l'exclusivitĂ© des compĂ©tences Ă©choue parce que l'assurance n'est pas « au cƓur » des services bancaires
  • la prĂ©pondĂ©rance fĂ©dĂ©rale ne s'applique pas parce qu'il n'y a pas de conflit opĂ©rationnel entre les lois fĂ©dĂ©rales et provinciales.

La cour d'appel a maintenu la décision du tribunal de premiÚre instance.

DĂ©cision de la Cour suprĂȘme

La Cour suprĂȘme a rĂ©affirmĂ© la dĂ©cision de la Cour d'appel.

La Loi sur les assurances et ses rÚglements associés s'appliquent à la promotion de l'assurance par les banques. Le fait que le Parlement permette à une banque d'exercer une activité sous réglementation provinciale comme l'assurance ne peut, en vertu d'une loi fédérale, élargir unilatéralement la portée d'un pouvoir législatif fédéral exclusif conféré par la Loi constitutionnelle de 1867.

Évaluation de la constitutionnalitĂ© de la lĂ©gislation

La Cour a soulignĂ© que toutes les contestations judiciaires constitutionnelles d'une loi devraient suivre la mĂȘme approche :

  1. l'essence de la loi provinciale et de la loi fĂ©dĂ©rale devrait ĂȘtre examinĂ©e pour s'assurer qu'elles sont toutes deux des lois validement adoptĂ©es et pour dĂ©terminer la nature du chevauchement, le cas Ă©chĂ©ant, entre elles.
  2. l'applicabilitĂ© de la loi provinciale Ă  l'entreprise ou Ă  la matiĂšre fĂ©dĂ©rale en question doit ĂȘtre rĂ©solue en fonction de la doctrine de l'exclusivitĂ© des compĂ©tences.
  3. seulement si la loi provinciale et la loi fĂ©dĂ©rale ont Ă©tĂ© jugĂ©es valides, et seulement si la loi provinciale est jugĂ©e applicable Ă  la matiĂšre fĂ©dĂ©rale en question, alors les deux lois doivent ĂȘtre comparĂ©es pour dĂ©terminer si le chevauchement entre elles constitue un conflit suffisant pour dĂ©clencher l'application de la doctrine de la prĂ©pondĂ©rance fĂ©dĂ©rale.

Théorie de la validité

Si la constitutionnalitĂ© d'une loi est remise en question par rapport au partage des pouvoirs en vertu de la « Loi constitutionnelle de 1867 Â», une analyse de son caractĂšre vĂ©ritable doit ĂȘtre entreprise. Il y a une enquĂȘte sur la vĂ©ritable nature de la loi en question dans le but d'identifier la matiĂšre Ă  laquelle elle se rapporte essentiellement[2].

  • Si son caractĂšre vĂ©ritable peut ĂȘtre liĂ© Ă  une matiĂšre qui relĂšve de la compĂ©tence de la lĂ©gislature qui l'a Ă©dictĂ©e, les tribunaux le dĂ©clareront intra vires.
  • Si, toutefois, on peut dire qu'elle se rapporte Ă  une matiĂšre qui Ă©chappe Ă  la compĂ©tence de cette lĂ©gislature, elle sera dĂ©clarĂ©e invalide en raison de cette violation du partage des pouvoirs.
  • Le corollaire de cette analyse est qu'une lĂ©gislation dont le caractĂšre vĂ©ritable relĂšve de la compĂ©tence de la lĂ©gislature qui l'a promulguĂ©e peut, au moins dans une certaine mesure, affecter des questions dĂ©passant la compĂ©tence de la lĂ©gislature sans nĂ©cessairement ĂȘtre inconstitutionnelle. L'objectif dominant de la lĂ©gislation reste dĂ©terminant.
  • Des effets purement accessoires ne perturberont pas la constitutionnalitĂ© d'une loi par ailleurs « intra vires »[3].

La doctrine du caractÚre véritable est fondée sur la reconnaissance qu'il est en pratique impossible pour une législature d'exercer efficacement sa compétence sur une question sans affecter accessoirement des questions relevant de la compétence d'un autre ordre de gouvernement[4].

En outre, certaines matiĂšres sont, de par leur nature mĂȘme, impossibles Ă  classer sous un seul chef de compĂ©tence : elles peuvent avoir des aspects Ă  la fois provinciaux et fĂ©dĂ©raux. La doctrine du double aspect, qui s'applique dans le cadre d'une analyse de caractĂšre vĂ©ritable, assure le respect des politiques des lĂ©gislateurs Ă©lus des deux paliers de gouvernement. La doctrine du double aspect reconnaĂźt que tant le Parlement que les lĂ©gislatures provinciales peuvent adopter une lĂ©gislation valide sur un mĂȘme sujet selon la perspective Ă  partir de laquelle la lĂ©gislation est considĂ©rĂ©e, c'est-Ă -dire selon les divers aspects de la matiĂšre en question[5].

Dans certaines circonstances, cependant, les pouvoirs d'un ordre de gouvernement doivent ĂȘtre protĂ©gĂ©s contre les intrusions, mĂȘme incidentes, de l'autre ordre. Les tribunaux ont Ă©laborĂ© les doctrines de l'exclusivitĂ© des compĂ©tences et de la prĂ©pondĂ©rance fĂ©dĂ©rale[6].

Théorie de l'inapplicabilité

La doctrine de l'exclusivitĂ© des compĂ©tences reconnaĂźt que la Constitution du Canada est fondĂ©e sur l'attribution de pouvoirs exclusifs aux deux paliers de gouvernement, et non sur des pouvoirs concurrents, mais les pouvoirs sont tenus d'interagir. Il s'agit d'une doctrine d'application limitĂ©e dont l'application doit ĂȘtre restreinte Ă  sa limite prĂ©vue[7].

L'exclusivitĂ© des compĂ©tences devrait en gĂ©nĂ©ral ĂȘtre rĂ©servĂ©e aux situations dĂ©jĂ  couvertes par un prĂ©cĂ©dent. En pratique, elle est largement rĂ©servĂ©e aux chefs de compĂ©tence qui traitent de choses, de personnes ou d'entreprises fĂ©dĂ©rales, ou si, dans le passĂ©, son application a Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme absolument indispensable ou nĂ©cessaire pour atteindre l'objet pour lequel la compĂ©tence lĂ©gislative exclusive a Ă©tĂ© confĂ©rĂ©e, tel qu'il ressort de la division constitutionnelle des pouvoirs dans son ensemble, ou ce qui est absolument indispensable ou nĂ©cessaire pour permettre Ă  une entreprise de s'acquitter de son mandat dans ce qui la rend spĂ©cifiquement d'une juridiction ou de l'autre[8].

Alors qu'en thĂ©orie, l'examen de l'exclusivitĂ© des compĂ©tences peut ĂȘtre pris en considĂ©ration aprĂšs l'analyse du caractĂšre vĂ©ritable, en pratique, l'absence de jurisprudence antĂ©rieure favorisant son application Ă  l'objet en cause justifiera gĂ©nĂ©ralement une procĂ©dure judiciaire directement Ă  l'examen de la question de la prĂ©pondĂ©rance fĂ©dĂ©rale[9].

MĂȘme si la doctrine de l'exclusivitĂ© des compĂ©tences est disponible, le niveau de l'intrusion au cƓur du pouvoir de l'autre ordre de gouvernement doit ĂȘtre pris en considĂ©ration. Pour dĂ©clencher l'application de l'exclusivitĂ© des compĂ©tences, il ne suffit pas que la loi provinciale touche simplement ce qui fait qu'une matiĂšre fĂ©dĂ©rale ou un objet juridique spĂ©cifiquement de compĂ©tence fĂ©dĂ©rale. La diffĂ©rence entre « toucher » et « entraver Â» est que le premier verbe n'implique aucune consĂ©quence nĂ©gative, contrairement au second. En l'absence d'entrave, l'exclusivitĂ© des compĂ©tences ne trouve pas d'application. Ce n'est que si l'impact nĂ©gatif d'une loi adoptĂ©e par un niveau de gouvernement augmente en gravitĂ©, ne se contentant plus de simplement toucher la compĂ©tence de l'autre ordre de gouvernement, mais allant jusqu'Ă  l'entraver, que la compĂ©tence fondamentale de l'autre ordre de gouvernement ou la partie vitale ou essentielle d'une activitĂ© qu'il entrepend est dĂ»ment mise en pĂ©ril[10].

Théorie de la prépondérance fédérale

Selon la doctrine de la prépondérance fédérale, si les effets opérationnels de la législation provinciale sont incompatibles avec la législation fédérale, la législation fédérale doit prévaloir et la législation provinciale est rendue inopérante dans la mesure de l'incompatibilité. La doctrine s'applique non seulement aux cas dans lesquels la législature provinciale a légiféré en vertu de son pouvoir accessoire d'empiéter sur un domaine de compétence fédérale, mais aussi aux situations dans lesquelles la législature provinciale agit dans le cadre de ses pouvoirs principaux, et le Parlement en vertu de ses pouvoirs accessoires . Pour déclencher l'application de la doctrine, il incombe à la partie qui s'appuie sur la doctrine de la prépondérance fédérale de démontrer que les lois fédérales et provinciales sont de fait incompatibles en établissant soit qu'il est impossible de se conformer aux deux lois, soit que d'appliquer la loi provinciale irait à l'encontre de l'objet de la loi fédérale[11].

Notes et références

  1. [2007] 2 R.C.S. 3
  2. Banque canadienne de l'Ouest, par. 26
  3. « Banque canadienne de l'Ouest », par. 26-28
  4. Banque canadienne de l'Ouest, par. 29
  5. Banque canadienne de l'Ouest, par. 30
  6. Banque canadienne de l'Ouest, par. 32
  7. Banque canadienne de l'Ouest, par. 33
  8. Banque canadienne de l'Ouest, par. 77
  9. Banque canadienne de l'Ouest, par. 78
  10. Banque canadienne de l'Ouest, par. 48
  11. Banque canadienne de l'Ouest, par. 69-75

Lien externe

Voir aussi

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