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BM 13901

La tablette d'argile babylonienne no 13901 du British Museum, BM 13901, est l'un des plus anciens textes mathématiques connus. Elle comporte environ vingt-quatre problèmes et leurs solutions, écrits en cunéiforme, les nombres étant notés en utilisant le système sexagésimal. Le nombre exact de problèmes n'est pas certain car la tablette est abîmée par endroits, seuls vingt et un problèmes peuvent être reconstitués avec certitude. Elle fut probablement écrite sous le règne d'Hammurabi, au tout début du XVIIIe siècle av. J.-C..

BM 13901
Image illustrative de l’article BM 13901
Type tablette d'argile
Dimensions 12 cm Ă— 20 cm
Matériau argile
Méthode de fabrication argile gravée d'écriture cunéiforme
Fonction manuel de résolution de problèmes mathématiques
Période XVIIIe siècle av. J.-C.
Culture MĂ©sopotamie
Lieu de découverte inconnu (en Irak)
Conservation British Museum
Fiche descriptive

Les problèmes sont classĂ©s suivant une progression pĂ©dagogique au point que Maurice Caveing qualifie cette tablette de « vĂ©ritable petit manuel d'algèbre, consacrĂ© Ă  l'Ă©quation du second degrĂ© et aux systèmes d'Ă©quations, et donnant les procĂ©dures rĂ©solutoires fondamentales »[1]. Chaque problème est Ă©noncĂ© Ă  la première personne et suivi d'une procĂ©dure Ă  suivre basĂ©e sur les donnĂ©es de l'Ă©noncĂ©, Ă©crite Ă  la seconde personne. Les problèmes prĂ©sentĂ©s sur la tablette donnent un panorama exhaustif de ce qui serait nommĂ© de nos jours « problèmes du second degrĂ© Â» Ă  une ou deux inconnues, avec les limitations des connaissances mathĂ©matiques de cette Ă©poque.

ConformĂ©ment Ă  la tradition mĂ©sopotamienne, le nombre inconnu cherchĂ© est appelĂ© le cĂ´tĂ© du carrĂ©, et le carrĂ© de ce nombre la superficie du carrĂ©. Mais cette interprĂ©tation gĂ©omĂ©trique est battue en brèche : le scribe n'hĂ©site pas Ă  ajouter un cĂ´tĂ© Ă  une superficie au mĂ©pris de l'homogĂ©nĂ©itĂ© des grandeurs, ce qui a conduit certains historiens des mathĂ©matiques Ă  parler d'algèbre mĂ©sopotamienne et d'Ă©quations[2], et Ă  considĂ©rer que les babyloniens manipulent des « nombres abstraits Â» et non simplement des grandeurs comme leurs contemporains Ă©gyptiens ou leurs successeurs grecs. Cependant, des recherches plus rĂ©centes montrent que ces calculs apparemment abstraits peuvent tous ĂŞtre interprĂ©tĂ©s Ă  l'aide de manipulations gĂ©omĂ©triques.

Description et histoire de la tablette

BM 13901 est une tablette d'argile rectangulaire, d'environ 12 cm de large pour 20 cm de long[3].

Elle a été transcrite, traduite en français et analysée en 1936 par François Thureau-Dangin, puis en 1937 par Otto Neugebauer, avec traduction en allemand. Neugebauer montre la maîtrise de l'algèbre par les paléo-babyloniens. La vision de Neugebauer a longtemps fait autorité, sans être remis en cause.

Maurice Caveing (1994) a montré la progression pédagogique des problèmes de cette tablette, la qualifiant de « manuel de calcul du second degré au temps d'Hammurapi »[4]. Jens Høyrup a proposé une nouvelle traduction, utilisant un vocabulaire plus concret et plus géométrique, à base de partage et recollement de figures. Cette nouvelle traduction est accompagnée d'une nouvelle interprétation, elle aussi plus géométrique et concrète, des méthodes de résolution[5].

Étude du premier problème

Le premier problème et sa solution occupent les quatre premières lignes de la tablette. Il est ainsi traduit par Thureau-Dangin[6] :

J’ai additionné la surface et (le côté de) mon carré : 45´.

Puis par Neugebauer :

La surface et le (côté du) carré j’ai additionnés, et c’est 0;45.

Et enfin par Høyrup :

La surface et ma confrontation j’ai accumulées : 45.

Si on note x le côté du carré, le problème à résoudre peut être traduit, en algèbre moderne, par l'équation x2 + x = 3/4[7].

Traductions

Thureau-Dangin[8]
J'ai additionné la surface et (le côté de) mon carré : 45'.
Tu poseras 1, l'unité. Tu fractionneras 1 en deux : 30'.
Tu croiseras 30' et 30' : 15'.
Tu ajouteras 15' Ă  45' : 1'.
C'est le carré de 1.
Tu soustrairas 30', que tu as croisé, de 1 : 30', le côté du carré.
Høyrup[9]
J’ai joint la surface et le côté de mon carré : c’est 45’. 1, le watsitum,
tu poseras. La moitié de 1 tu couperas. Tu croiseras 30’ et 30’.
15’ et 45’ tu accoleras : 1. 1 a pour côté 1. Le 30’ que tu as croisé,
du cœur de 1 tu arracheras : 30’ est le côté du carré.

Les problèmes

Les problèmes sont les suivants (pour faciliter la lecture, ils sont traduits en langage algĂ©brique actuel, les inconnues Ă©tant dĂ©signĂ©es par les lettres x et y). Dans ces textes « le carrĂ© Â» signifie toujours le cĂ´tĂ© du carrĂ©, que nous noterons x. Dans la mĂŞme idĂ©e, x2 traduira la surface du carrĂ©. Il est Ă  noter que, dans le système sexagĂ©simal babylonien, 20 et 1/3 sont notĂ©s de la mĂŞme façon, de mĂŞme que 45 et 3/4 et, plus gĂ©nĂ©ralement, tout nombre a est notĂ© comme aĂ—60 et a/60.

Problèmes 1 à 7

Les sept premiers problèmes correspondent Ă  des Ă©quations qui seraient aujourd'hui notĂ©es la forme ax2 + bx = c, les paramètres b et c Ă©tant des fractions positives, a pouvant ĂŞtre nĂ©gatif — dans ce dernier cas, les babyloniens parlent de soustraction, les nombres nĂ©gatifs ne leur Ă©tant pas connus. Les mĂ©thodes de rĂ©solution diffèrent suivant les valeurs de a et b et le fait que la solution « tombe juste Â» ou pas. Toutes les possibilitĂ©s sont passĂ©es en revue dans ces sept problèmes.

Problème 1

« J'ai additionné la surface et mon carré : 45. »

Équation correspondante : x + x2 = 45.

Problème 3

« J'ai soustrait le tiers de la surface, puis j'ai ajouté le tiers du carré : 20. »

Équation correspondante : x2 - 1/3x2 + 1/3x = 20.

Problème 5

« J'ai additionné la surface et mon carré et le tiers de mon carré : 55. »

Équation correspondante : x2 + x + 1/3x = 55.

Problème 6

« J'ai additionné la surface et les deux tiers de mon carré : 35. »

Équation correspondante : x2 + 2/3x = 35.

Problèmes 8 à 14

Les problèmes 8 à 14 portent sur des problèmes mettant en jeu deux inconnues. À chaque fois, la première partie du problème consiste à additionner deux carrés (équation de la forme x2 + y2 = c), les variantes portant sur la deuxième partie du problème.

Problème 8

Cette partie est endommagée. On y lit :

« J'ai additionné la surface de mes deux carrés : 21,40. »

Mais la suite est peu lisible. En se basant sur les problèmes suivants et en considérant que la tablette donne un panorama de tous les types de problèmes possibles résolubles par les mésopotamiens, sans répéter le même problème, les historiens proposent[10] une phrase semblable à :

« J'ai additionné mes carrés : 50. »

C'est-Ă -dire donnant l'Ă©quation x + y = 50.

Annexes

Bibliographie

  • Maurice Caveing, Essai sur le savoir mathĂ©matique : dans la MĂ©sopotamie et l'Egypte anciennes, Villeneuve d'Ascq, Presses Univ. Septentrion, , 417 p. (ISBN 2-85939-415-X, prĂ©sentation en ligne)
  • A. Dahan-Dalmedico et J. Peiffer, Une histoire des mathĂ©matiques : Routes et dĂ©dales, [dĂ©tail des Ă©ditions]
  • Jens Høyrup, « MatĂ©riaux en Français pour une confĂ©rence sur « l’algèbre » palĂ©obabylonienne », 12e Colloque Inter-IREM, Douai,‎ (lire en ligne)
    Ces notes destinées à préparer une conférence sont brèves, mais ont le mérite d'être écrites en français et très synthétiques. Les travaux de Jens Høyrup sont développés dans l'ouvrage suivant.
  • (en) Jens Høyrup, Lengths, Widths, Surfaces: A Portrait of Old Babylonian Algebra and Its Kin [dĂ©tail de l’édition]
  • Jens Høyrup, L'Algèbre au temps de Babylone, Paris, Vuibert/ADAPT-SNES, coll. « Inflexions », , 162 p.
  • (en) Otto Neugebauer, The Exact Sciences in Antiquity, Providence, 2, (rĂ©impr. 1969), 240 p. (ISBN 0-486-22332-9, prĂ©sentation en ligne)
  • Christine Proust, « Hoyrup, 2002 », Éducmath,‎ (lire en ligne)
    Présentation et critique de Lengths, Widths, Surfaces avec notamment l'étude par Høyrup du problème 1 de la tablette BM 13901.
  • Christine Proust, « Tablettes mathĂ©matiques cunĂ©iformes : un choix de textes traduits et commentĂ©s », CultureMath
    Transcription et traduction complète de la tablette en français.
  • (en) Photographie de la tablette et fiche succincte sur le site du British Museum
  • François Thureau-Dangin, « L'origine de l'algèbre », Comptes-rendus des sĂ©ances de l'annĂ©e, AcadĂ©mie des inscriptions et belles-lettres, vol. 84, no 4,‎ , p. 292-318 (lire en ligne)

Notes et références

  1. Caveing 1994, p. 21
  2. Neugebauer 1957, p. 42-44, par exemple. Dahan-Dalmedico et Peiffer 1986 sont plus prudentes et mentionnent l'algèbre babylonienne entre guillemets.
  3. Fiche de la tablette sur le site du British Museum.
  4. Caveing 1994, p. 35
  5. Høyrup 2002
  6. Les trois traductions suivantes sont issues de Høyrup 1998.
  7. Høyrup, p. 52 sur Google Livres.
  8. Thureau-Dangin 1940, p. 300, 301.
  9. Traduction en français de Proust 2007 d'après Høyrup 2002.
  10. Caveing 1994, p. 51 reprend cette hypothèse émise par Otto Neugebauer et S. Gandz.
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