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Attaque du train de l'or

On a appelé « attaque du train de l'or » (ou du « train d'or ») l'attaque à main armée commise dans la nuit du 21 au contre un train transportant de l'or et des pierres précieuses qui venait de quitter la gare Saint-Charles de Marseille.

Les faits

Le braquage, qui nĂ©cessitait des moyens matĂ©riels et humains importants (on estime que 15 ou 16 personnes y ont participĂ©[1]), fut l’Ɠuvre de deux bandes de Marseille jusque-lĂ  rivales, mais occasionnellement rĂ©unies Ă  la suite d'un accord passĂ© entre Auguste MĂ©la dit « Gus le terrible » et Jo Rossi en au bar « le Comptoir National » Ă  la Belle de Mai. C’était la premiĂšre fois depuis le traitĂ© dit « des prophĂštes » de 1905, qui avait dĂ©limitĂ© le partage de la ville entre les bandes marseillaises, que deux d'entre elles dĂ©cidĂšrent de coopĂ©rer pour rĂ©aliser un gros coup sur le territoire mĂȘme de la commune[2].

Le , Ă  1h40 du matin, le train 4818 transportant 180 kilos d'or, des diamants et des rubis bruts, entreposĂ©s dans un wagon blindĂ© oĂč s'est installĂ© le garde financier[3], quitte la gare Saint-Charles Ă  Marseille. Le convoi a Ă©tĂ© formĂ© Ă  Marseille-Joliette oĂč l'or et les pierres prĂ©cieuses ont Ă©tĂ© dĂ©barquĂ©s du navire des Messagerie Maritime « Mariette Pacha » en provenance du Congo belge et placĂ©s dans le wagon blindĂ© Ă  destination de la SociĂ©tĂ© mĂ©tallurgique d'Hoboken dans la banlieue d'Anvers. Le train doit d'abord rejoindre Paris-Gare de Lyon avant de continuer son trajet vers la Belgique. Le wagon blindĂ© contient Ă©galement des bijoux, montres et piĂšces d'argent qui, quant Ă  eux, proviennent de Chypre, de l’Égypte et de la Syrie et doivent ĂȘtre redirigĂ©s vers la Suisse[4].

Quelques minutes aprÚs son départ, le train s'immobilise brusquement à hauteur de Saint-Barthélemy dans le nord de Marseille. Alors que des cheminots, croyant à un incident technique, sont descendus des voitures pour inspecter le train, une dizaine d'hommes masqués et armés de pistolets font irruption en hurlant et en tirant dans tous les sens. Puis, une partie des braqueurs tient en respect les cheminots pendant que les autres chargent dans une camionnette Renault de couleur bleue l'or et les diamants, ainsi que les bijoux et autres valeurs. Leur coup terminé, les gangsters repartent, dans la camionnette pour certains et dans une Hotchkiss pour le reste, en emportant leur butin[5].

Contexte

L'affaire fit à l'époque grand bruit, à cause de l'audace des voyous et du cÎté spectaculaire de l'attaque, mais aussi parce qu'elle confirmait aux yeux de beaucoup de français l'image péjorative de Marseille qui s'était formée au milieu des années trente avec l'avÚnement du milieu marseillais et qui rejaillissait sur sa classe politique et sa police[6].

Sous la direction du commissaire Guibbal, responsable de la 9e brigade mobile de Marseille, la sûreté marseillaise avait pourtant commencé à se réorganiser, peu avant l'affaire du train de l'or. Une section dite « section des agressions » avait été créée en pour s'occuper plus spécialement du grand banditisme. Cette section dirigée par le commissaire Mercuri avait entrepris de constituer des fichiers sur le milieu local afin de mieux connaßtre ses membres, ses liens et ses méthodes[7].

Ces fichiers seront d'un grand secours pour mener l'enquĂȘte sur l'attaque du Train de l'Or. Mais les indĂ©niables succĂšs obtenus par la police marseillaise dans cette affaire vont ĂȘtre rapidement occultĂ©s par un Ă©vĂšnement chronologiquement tout proche, l'incendie des Nouvelles Galeries[8].

L'enquĂȘte

Au dĂ©but de l'enquĂȘte, les policiers ne sont sĂ»rs que de deux choses : le coup a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e par des truands chevronnĂ©s et ils ont eu besoin d'un complice cheminot pour saboter le train.

La camionnette Renault est retrouvĂ©e abandonnĂ©e Ă  Plan-de-Cuques. Elle a Ă©tĂ© volĂ©e et repeinte en bleu alors qu'elle Ă©tait grise Ă  l'origine. Il s'agit bien du vĂ©hicule utilisĂ© lors de l'attaque puisqu'on y dĂ©couvre Ă  l'intĂ©rieur des morceaux de la cire qui a permis de sceller les sacs d'or et de pierres prĂ©cieuses du train 4418. La police entreprend la surveillance de suspects qu'on lui a signalĂ©s[9] et repĂšre un garage dans la rue de Montevideo qui s'avĂšre ĂȘtre celui oĂč la camionnette a Ă©tĂ© maquillĂ©e. À partir du garage et de ceux qui le frĂ©quentent, la sĂ»retĂ© marseillaise rĂ©ussit Ă  arrĂȘter le huit des participants Ă  l'attaque du train : Joe Rossi, un truand bien connu des services de police considĂ©rĂ© Ă  ce moment-lĂ  comme l'organisateur du coup, Étienne Demarge, Emile Long, Jean Silvestri, Ange Simon et Antonin Clary[10].

Chez Rossi, on trouve une mitraillette Mauser et un pistolet, mais aussi une liste manuscrite de ses complices dans l'attaque du train. Dans son autre maison du Pas des Lanciers, on tombe sur du matĂ©riel pour fabriquer de la fausse monnaie et des faux documents. La perquisition effectuĂ©e Ă  la villa CĂ©leste de Demarge, dans le quartier du Merlan, permet de mettre la main sur une nouvelle liste, celle-ci rĂ©pertoriant le butin, et sept lingots d'or cachĂ©s dans une armoire[11]. Chez Silvestri on dĂ©niche trois lingots d'or enfouis dans le sol de la cuisine. Quant Ă  Émile Long, il va rĂ©vĂ©ler aux policiers l'accord passĂ© entre Gu MĂ©la et Jo Rossi pour attaquer le train. En plus de « Gu », il va donner les noms d'autres truands impliquĂ©s dans l'affaire comme Attilio Dessi et Paul Leca[12].

La police marseillaise compte bien apprĂ©hender « Gu le terrible »[13], qu'elle connaĂźt bien, pour redorer son blason terni par des annĂ©es de compromission avec la pĂšgre locale. Mais elle n'y rĂ©ussira pas et laissera mĂȘme l'un des auteurs de l'attaque du train, Giovanni Michelis, s'Ă©chapper de l'HĂŽtel-Dieu oĂč il avait Ă©tĂ© placĂ© pour ĂȘtre soignĂ© aprĂšs avoir Ă©tĂ© blessĂ© lors de son arrestation[14].

En fait, Michelis va se rĂ©fugier Ă  Paris comme l'avait dĂ©jĂ  fait Gu MĂ©la. C'est lĂ , dans une planque dite "la maison du jockey" sur la commune de Lamorlaye, que ce dernier sera arrĂȘtĂ© par la suretĂ© parisienne, le [15],[16].

Bilan

Finalement, treize personnes, sur les seize présumés participants à l'attaque du Train de l'Or, seront identifiées. Parmi les non identifiés, il faut inclure le cheminot complice[17].

La plupart des truands arrĂȘtĂ©s seront condamnĂ©s dont Gu MĂ©la qui, bien que dĂ©jĂ  condamnĂ© Ă  mort par contumace, passera presque tout le reste de sa vie en prison. AprĂšs une Ă©vasion de la prison de Castres en 1944, il mourra Ă  l'infirmerie de la Centrale de NĂźmes le [18]. À noter que le personnage de « Gu Minda » dans le film Le DeuxiĂšme Souffle s'inspire largement de Auguste MĂ©la.

Paul Leca avait rĂ©ussi quant Ă  lui Ă  Ă©chapper aux premiĂšres arrestations. CondamnĂ© par contumace aux travaux forcĂ©s Ă  perpĂ©tuitĂ©, il sera acquittĂ© lors d’un second procĂšs en produisant un alibi qui l’innocentait et en se dĂ©barrassant, dans l’intervalle d'Attilio Deci qui l’avait doublĂ© dans une affaire de faux dollars[19].

Notes et références

  1. Alain Tourre, L'Histoire de l'evĂȘchĂ©, la police judiciaire marseillaise, p. 155.
  2. Jean Bazal, Le Clan des Marseillais, des nervis aux parrains, p. 112, et Jean Contrucci, Marseille des faits divers, p. 27.
  3. Le garde financier qui porte une arme est chargé de surveiller la soute « aux espÚces ».
  4. Alain Tourre, L'Histoire de l'evĂȘchĂ©, la police judiciaire marseillaise, p. 152
  5. Jean Bazal, Le Clan des Marseillais, des nervis aux parrains, p. 113, Jean Contrucci, Marseille des faits divers, p. 28, et Alain Tourre, L'Histoire de l'evĂȘchĂ©, la police judiciaire marseillaise, p. 153
  6. Marseille capitale du crime. Histoire croisĂ©e de l’imaginaire de Marseille et de la criminalitĂ© organisĂ©e (1820-1940) Laurence Montel (universitĂ© Paris-X), thĂšse de doctorat, UniversitĂ© de Paris X.
  7. Alain Tourre, L'Histoire de l'evĂȘchĂ©, la police judiciaire marseillaise, p. 151.
  8. Aujourd'hui encore, tout fait divers marseillais permet à la presse nationale ou locale de rappeler le caractÚre historique criminogÚne de la cité voir article de JérÎme Pierrat du 8 juillet 2011 sur le site de Métro.
  9. Les indicateurs sont d'autant plus prĂȘts Ă  collaborer avec la police que le milieu traditionnel, dominĂ© par Paul Carbone et François Spirito, n'apprĂ©cie guĂšre tout le remue-mĂ©nage fait autour de cette affaire
  10. Alain Tourre, L'Histoire de l'Ă©vĂȘchĂ©, la police judiciaire marseillaise, p. 154.
  11. Le 7 octobre, une grosse partie du butin sera découvert dans le bassin de décantation du Merlan par un scaphandrier requis de la police. Voir Jean Bazal, Le Clan des Marseillais, des nervis aux parrains, p. 118.
  12. Jean Bazal, Le Clan des Marseillais, des nervis aux parrains, p. 114, et Alain Tourre, L'Histoire de l'Ă©vĂȘchĂ©, la police judiciaire marseillaise, p. 154.
  13. Gu MĂ©la, connu pour son amour des belles voitures et notamment des Hotchkiss, est un truand redoutĂ© qui a commencĂ© tardivement sa carriĂšre (Ă  36 ans), mais qui a vite rattrapĂ© le temps perdu. À l'Ă©poque de l'attaque du Train de l'Or il est recherchĂ© pour des agressions commises Ă  Nice, Aix-en Provence, Marseille et Alger, mais aussi et surtout pour le braquage le 28 octobre 1936 d'un coffre-fort avec tentative d'homicide dans l'enceinte du terrain militaire de Bron pour lequel il est condamnĂ© Ă  mort par contumace par la cour d'assises du RhĂŽne. Voir Jean Contrucci, Marseille des faits divers, p. 29, et Alain Tourre, L'Histoire de l'Ă©vĂȘchĂ©, la police judiciaire marseillaise, p. 155.
  14. Jean Bazal, Le Clan des Marseillais, des nervis aux parrains, pp. 114-115.
  15. Alain Tourre, L'Histoire de l'Ă©vĂȘchĂ©, la police judiciaire marseillaise, p. 155.
  16. https://criminocorpus.org/fr/bibliotheque/page/102121/#page
  17. Alain Tourre, L'Histoire de l'Ă©vĂȘchĂ©, la police judiciaire marseillaise, p. 155
  18. Jean Contrucci, Marseille des faits divers, p. 30.
  19. Jean-Pax Mefret, Le vol des bijoux de la Bégum, Pygmalion, Paris, 2010, p. 17 (ISBN 2756402478).

Voir aussi

Bibliographie

  • Alain Tourre avec Christophe d'Antonio et Danielle ThiĂ©ry, L'Histoire de l'Ă©vĂȘchĂ©, la police judiciaire marseillaise, Jacob-Duvernet, 2011, p. 151–155 (ISBN 978-2847243260)
  • Jean Contrucci, Marseille des faits divers, Éditions Autres Temps, coll. Tout savoir sur Marseille, 2005, p. 27–30 (ISBN 978-2845212237).
  • Jean Bazal, Le Clan des Marseillais, des nervis aux parrains, Autres Temps Éditions - Collection Temps Romanesques, 2006, p. 112–116 (ISBN 978-2845212633).

Articles connexes