Assurage (alpinisme et escalade)
Pour les sports de progression en hauteur comme l'escalade, l'alpinisme, la spéléologie, la randonnée pédestre, l'assurage est une technique fondamentale de réduction des conséquences de la chute d'une personne. Cette opération s'effectue par le contrÎle de la corde d'assurance, de maniÚre que le grimpeur en mouvement soit retenu s'il venait à chuter.
En alpinisme/escalade, le terme assurage a progressivement supplanté celui d'assurance que l'on peut néanmoins retrouver dans la littérature technique antérieure aux années 1990 (manoeuvres d'assurage/assurance, point d'assurage/assurance, etc).
Cette tĂąche est habituellement assignĂ©e Ă un assureur. Cependant, en escalade solitaire dite en solo, l'auto-assurage est aussi possible, mais il s'agit d'une technique particuliĂšre, rĂ©servĂ©e Ă cet usage. Pour assurer un grimpeur, l'assureur utilise gĂ©nĂ©ralement le principe de la friction de la corde sur ou autour d'un objet qui va lui permettre de coulisser mais qui pourra ĂȘtre bloquĂ© manuellement, voire automatiquement dans certains cas, lors de la chute. Durant leurs travaux en hauteur, les cordistes doivent aussi s'assurer eux-mĂȘmes mais le font gĂ©nĂ©ralement avec des moyens complĂ©mentaires Ă une corde unique.
Histoire
Historiquement, assurer un grimpeur signifiait simplement que l'assureur passait un bout de corde autour de sa taille ou de l'Ă©paule. La friction de la corde sur le corps de l'assureur suffisait pour arrĂȘter la chute. Cette technique est encore utilisĂ©e par les alpinistes ayant besoin de se mouvoir rapidement (gain de temps) sur des terrains faciles mais elle n'est plus utilisĂ©e sur du rocher raide car elle est moins efficace, plus alĂ©atoire et peut causer des blessures, notamment des brĂ»lures par frottement de la corde, Ă un assureur devant enrayer une chute.
Techniques d'assurage
Assurage en mouvement
Lorsqu'ils pratiquent l'assurage en mouvement, les membres d'une cordĂ©e s'assurent mutuellement sans arrĂȘter leur progression.
Assurage en mouvement sans point de protection
Lorsqu'elles pratiquent l'assurage en mouvement sans point de protection, les personnes s'assurent mutuellement en Ă©tant simplement reliĂ©es par une corde : si l'un des membres de la cordĂ©e chute, c'est l'autre ou les autres membres de la cordĂ©e qui retiennent ou tentent de retenir sa chute. Ce mode d'assurage suppose une progression sur un terrain peu raide pour que la chute de l'un des membres de la cordĂ©e puisse ĂȘtre arrĂȘtĂ©e. Aussi cette technique est utilisĂ©e en alpinisme sur des terrains peu difficiles ou sur glacier.
Lorsqu'on progresse sur un glacier peu raide, le principal risque est généralement la chute dans une crevasse qui n'est pas toujours visible[1]. Le simple encordement des alpinistes permet d'enrayer la chute de l'un des alpinistes par son ou ses compagnons de cordée à condition de respecter certains principes (grande longueur d'encordement ou courte selon le terrain et l'état du glacier et progression à corde tendue principalement), le frottement de la corde sur la lÚvre de la crevasse aidant à freiner la chute[2].
En terrain rocheux comme sur neige ou sur glace (en l'absence de risque de chute en crevasse), lorsque le terrain n'est pas trÚs raide, la corde qui relie les membres de la cordée peut permettre d'enrayer une chute sans que la corde ne soit reliée à un quelconque ancrage fixe. Cependant, seul celui qui est au-dessus (le premier de cordée), est généralement en mesure de retenir son compagnon[3], à condition de respecter quelques rÚgles :
- limiter le nombre de participants (deux, voire trois alpinistes maximum) ;
- avoir une longueur de corde réduite entre membres de la cordée (pour permettre une réaction rapide du premier de cordée)[3] ;
- progresser corde tendue afin que le premier de cordée sente immédiatement la tension de la corde due à la chute de son second et puisse réagir rapidement[3].
Assurage en mouvement avec points de protection
Lorsque le risque de chute augmente et que le terrain de progression se redresse, il devient difficile aux membres d'une cordĂ©e d'arrĂȘter la chute de l'un d'entre eux par la seule prĂ©sence de la corde qui les relie. Aussi, l'assurage est obtenu en faisant passer la corde dans au moins un point de protection (ou point d'assurage) entre les membres de la cordĂ©e[4] : si la chute d'une personne provoque celle de toute la cordĂ©e, celle-ci sera retenue par le point de protection. Les points de protection peuvent ĂȘtre naturels (arbre ou bloc rocheux derriĂšre lequel on fait passer la corde)[4] ou artificiels (piton, coinceur, sangle passĂ©e autour d'un becquet rocheux, broche Ă glace, etc.).
Assurage par longueurs
Lorsque le terrain s'approche de la verticalité, l'assurage en mouvement avec points de protection ne suffit plus pour assurer la sécurité des membres de la cordée. Il devient alors nécessaire de progresser en tirant des longueurs : les membres de la cordée progressent alors alternativement, de relais en relais.
La progression par longueurs se déroule selon le cycle suivant[5] :
- les deux membres de la cordée (parfois trois) sont au relais sur lequel ils sont attachés (auto-assurance) ;
- le premier de cordĂ©e quitte le relais et grimpe « en tĂȘte » assurĂ© par son second (ou l'un de ses seconds), il passe la corde dans les points d'assurage ;
- le premier de cordée atteint le relais suivant sur lequel il s'attache (il prévient alors son camarade en criant « relais » puis, toujours à la voix, lui signale qu'il est désormais en mesure de le faire monter) ;
- le second de cordée (ou les seconds) défait son auto-assurance, signale à la voix son départ en criant « parti » et grimpe à son tour assuré par le premier pour le rejoindre au relais. Il aura pris soin de récupérer les protections mises en place par son leader.
Quel que soit le mode d'assurage, le grimpeur qui éprouve des difficultés dans un passage et entrevoit un probable dévissage crie à son compagnon de cordée "sec" afin que celui-ci se prépare à amortir le vol.
Selon les conditions mĂ©tĂ©o ou la configuration de la falaise, les grimpeurs ne peuvent pas toujours communiquer Ă la voix : le leader prend alors l'initiative du dĂ©roulement des opĂ©rations par une tension exagĂ©rĂ©ment ferme de la corde signifiant que tout a Ă©tĂ© mis en Ćuvre pour que le second de cordĂ©e entame sa progression en sĂ©curitĂ©. Plus rarement, les grimpeurs peuvent aussi communiquer par radio.
GĂ©nĂ©ralement, l'assureur (qu'il soit premier ou second de la cordĂ©e) passe sa corde dans un systĂšme d'assurage qui permet Ă la corde de coulisser alors que le grimpeur progresse, mais permet aussi Ă l'assureur de bloquer facilement la corde en cas de chute. L'assureur peut Ă©galement utiliser un nĆud de demi-cabestan et un mousqueton comme dispositif d'assurage, avec l'inconvĂ©nient de toronner la corde. En utilisant un dispositif d'assurage fixĂ© au relais, l'assureur peut supporter tout le poids du grimpeur avec trĂšs peu d'effort et mĂȘme arrĂȘter facilement une longue chute. Sur certains terrains, notamment en neige ou en terrain rocheux peu raide, l'assurage Ă l'Ă©paule ou Ă la taille peut ĂȘtre utilisĂ© afin de gagner en rapiditĂ© dans les manĆuvres de corde.
- Assurage Ă la taille en haut d'une falaise
Moulinette
Lorsqu'on grimpe des voies d'une seule longueur, en falaise Ă©cole notamment, il est courant de s'assurer « en moulinette ». Ce mode d'assurage est dĂ©rivĂ© de l'assurage par longueurs : au lieu d'assurer le second depuis le relais, l'assureur assure depuis le bas de la voie, la corde reliant le grimpeur Ă son assureur passant alors par un point d'ancrage solide situĂ© au sommet de la voie. Cela suppose, pour installer la moulinette, que la voie ait d'abord Ă©tĂ© parcourue « en tĂȘte » par un grimpeur assurĂ© par son second afin de passer la corde dans le point d'ancrage situĂ© au sommet de la voie ou encore que ce point d'ancrage soit accessible par un autre moyen (chemin).
Matériel d'assurage
Parmi l'ensemble du matériel d'escalade ou du matériel d'alpinisme, une partie est destinée à l'assurage.
Corde
La corde est nécessaire à l'assurage quelle que soit la technique adoptée, elle permet de retenir la chute ou le déséquilibre du compagnon de cordée.
Baudrier
Si les premiers grimpeurs s'encordaient en nouant la corde autour de la taille, l'usage du baudrier sur lequel est attachée la corde s'est généralisé depuis les années 1970 et son usage est aujourd'hui devenu quasiment systématique. Il permet d'améliorer la sécurité et le confort de la personne assurée.
Points d'ancrage et relais
DÚs lors que le risque de chute augmente et que le terrain de progression se redresse, la sécurité de la progression des alpinistes ou des grimpeurs nécessite de relier la corde au sol ou à la paroi au moyen de points d'assurage et par la confection de relais. Le matériel utilisé pour constituer ces points d'assurage et relais dépend du terrain de progression :
- en neige, on pourra utiliser un piolet planté verticalement (si la neige est suffisamment dure), utiliser une ancre à neige, ou encore utiliser un corps mort réalisé au moyen d'un piolet ou d'un sac enfoui dans la neige[6] ;
- sur glace, les points d'assurage et les relais sont gĂ©nĂ©ralement confectionnĂ©s au moyen de broches Ă glace mais peuvent Ă©galement ĂȘtre des abalakovs rĂ©alisĂ©s avec une cordelette passĂ©e dans une lunule ;
- en rocher, les points d'assurage et relais pourront ĂȘtre obtenus en utilisant des Ă©lĂ©ments naturels (arbre, becquet rocheux, etc., sur lesquels un anneau de sangle ou la corde est fixĂ©) ou en utilisant des matĂ©riels tels que des pitons, des coinceurs ou encore des broches scellĂ©es.
Mousqueton et dégaine
Pour relier la corde aux points d'ancrage et relais, les alpinistes et grimpeurs utilisent des mousquetons et des dégaines.
Dispositif d'assurage
Le dispositif d'assurage permet Ă la corde de coulisser alors que le grimpeur progresse, mais permet aussi Ă l'assureur de bloquer facilement la corde en cas de chute. L'assureur peut Ă©galement faire redescendre doucement le grimpeur jusqu'Ă un point oĂč l'escalade peut ĂȘtre reprise, en jouant avec l'angle de la corde dans le dispositif d'assurage et en faisant coulisser la corde Ă la main.
Enjeux
L'assureur a un rĂŽle dĂ©terminant lors d'une ascension car c'est lui qui est responsable de la sĂ©curitĂ© de son compagnon. Il en dĂ©coule un lien de confiance indispensable entre l'assureur au relais et le grimpeur en action. L'un doit pouvoir compter sur l'autre qui lui-mĂȘme doit bien connaĂźtre son partenaire, ses limites et les risques qu'il prend. Il est indispensable que les diffĂ©rents membres de la cordĂ©e aient un vocabulaire adaptĂ© et connu de tous car une erreur d'interprĂ©tation, selon la situation (mauvais temps, fatigue) pourrait ĂȘtre fatale.
Notes et références
- Ărik Decamp, p. 38
- Ărik Decamp, p. 40 et 42
- Ărik Decamp, p. 30
- Ărik Decamp, p. 31
- Ărik Decamp, p. 60
- Ărik Decamp, p. 112