Anatocisme
Lâanatocisme[1] est le fait que, dans les obligations portant sur une dette dâargent, les intĂ©rĂȘts Ă©chus des capitaux soient capitalisables. Les intĂ©rĂȘts Ă©chus sâajoutant Ă la dette initiale, ils sont donc eux-mĂȘmes producteurs d'intĂ©rĂȘts.
Droit français
Principes
Dans le Code civil français, lâanatocisme Ă©tait encadrĂ© par lâancien article 1154, qui disposait que :
- « les intĂ©rĂȘts Ă©chus des capitaux peuvent produire des intĂ©rĂȘts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spĂ©ciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il sâagisse dâintĂ©rĂȘts dus au moins pour une annĂ©e entiĂšre. »
- Désormais, l'article 1343-2 du code civil, issu de la réforme opérée par l'ordonnance du , prévoit que :
« Les intĂ©rĂȘts Ă©chus, dus au moins pour une annĂ©e entiĂšre, produisent intĂ©rĂȘt si le contrat l'a prĂ©vu ou si une dĂ©cision de justice le prĂ©cise. »
Pour que lâanatocisme soit possible, il faut que trois conditions soient cumulativement remplies :
- Il doit s'agir d'intĂ©rĂȘts Ă©chus de capitaux. La Jurisprudence a dĂ©cidĂ© que la demande de capitalisation pouvait ĂȘtre formĂ©e et obtenue judiciairement avant que les intĂ©rĂȘts visĂ©s ne soient Ă©chus du moment que la dĂ©cision de capitalisation ne produise effet qu'Ă partir du moment oĂč les intĂ©rĂȘts d'une annĂ©e pleine se trouveront Ă©chus (Cass. 3e civ., 26 fĂ©vr. 1974, Bull. civ. III, n° 91 ; Cass. com., 20 oct. 1982, Bull. civ. IV, n° 323 ; Cass. 1re civ., , Bull. civ. I, n° 89 ; 7 janv. 1992, pourvoi n° 89-11.894 ; 22 nov. 1994, pourvoi n° 92-19.554 ; Cass. 3e civ., , Bull. civ. III, n° 77 ; D. 1996, Somm. p. 121, obs. R. Libchaber ; 2 fĂ©vr. 2000, pourvoi n° 97-21.840, AJDI 2000, p. 612, obs. J.-P. Blatter ). De la mĂȘme façon, les parties peuvent prĂ©voir dans leur contrat, au nom de la libertĂ© contractuelle Ă©noncĂ©e Ă lâarticle 1134 du Code civil, la capitalisation des intĂ©rĂȘts (Cass. 1re civ., 7 janv. 1992, pourvoi n° 90-12.318.). Le terme « capitaux » ne doit pas ĂȘtre compris limitativement dans le sens de capitaux prĂȘtĂ©s. Il s'agit Ă©galement de sommes qui sont dues Ă la suite d'une dĂ©cision judiciaire. Lâanatocisme peut ĂȘtre appliquĂ© Ă toutes sortes dâintĂ©rĂȘts : conventionnels moratoires, lĂ©gaux, judiciaires ou lâintĂ©rĂȘt capitalisĂ©.
- Il doit s'agir d'intĂ©rĂȘts qui sont dus pour une annĂ©e entiĂšre. Pour des crĂ©dits Ă court terme, il nâest pas possible dâajouter chaque mois lâintĂ©rĂȘt Ă©chu au capital et de calculer en sus lâintĂ©rĂȘt. Une capitalisation des intĂ©rĂȘts sur un cycle infĂ©rieur Ă 12 mois est nulle de nullitĂ© absolue[2]. Une capitalisation pour une pĂ©riode excĂ©dant un an est tout Ă fait possible.
- Il faut une sommation judiciaire ou une clause contractuelle expresse, qui doit ĂȘtre renouvelĂ©e annuellement Ă l'Ă©chĂ©ance. Rien nâempĂȘche dâadresser une sommation avant lâĂ©coulement dâun an.
Dans le Code suisse des obligations, l'anatocisme est en principe interdit (art. 105 al. 3 CO en matiĂšre d'intĂ©rĂȘts moratoires, art. 314 al. 3 CO en matiĂšre de prĂȘt de consommation). Des exceptions sont toutefois possibles selon certaines rĂšgles commerciales (cf. art. 314 al. 3 CO in fine).
MatiĂšre commerciale
En matiĂšre commerciale, l'anatocisme n'est pas soumis Ă ces conditions par le jeu d'une coutume contra legem. On peut toutefois noter qu'aujourd'hui c'est plutĂŽt la qualitĂ© de professionnel que celle de commerçant qui permet la mise en Ćuvre de ce systĂšme sans les conditions prĂ©citĂ©es. L'anatocisme concerne donc les comptes professionnels dĂ©biteurs. L'usage est de 3 mois en droit commercial contre 1 an en droit civil, Ă©tant un usage et plus particuliĂšrement une coutume, il s'agit d'une norme non-Ă©crite.
Droit québécois
D'aprĂšs l'arrĂȘt Tupula Yamba c. Lesage[3] de la Cour d'appel du QuĂ©bec, les articles 1618 Ă 1620 du Code civil du QuĂ©bec prĂ©voient des rĂšgles concernant l'anatocisme.
« 1618. Les dommages-intĂ©rĂȘts autres que ceux rĂ©sultant du retard dans lâexĂ©cution dâune obligation de payer une somme dâargent portent intĂ©rĂȘt au taux convenu entre les parties ou, Ă dĂ©faut, au taux lĂ©gal, depuis la demeure ou depuis toute autre date postĂ©rieure que le tribunal estime appropriĂ©e, eu Ă©gard Ă la nature du prĂ©judice et aux circonstances. »[4]
« 1619. Il peut ĂȘtre ajoutĂ© aux dommages-intĂ©rĂȘts accordĂ©s Ă quelque titre que ce soit, une indemnitĂ© fixĂ©e en appliquant Ă leur montant, Ă compter de lâune ou lâautre des dates servant Ă calculer les intĂ©rĂȘts quâils portent, un pourcentage Ă©gal Ă lâexcĂ©dent du taux dâintĂ©rĂȘt fixĂ© pour les crĂ©ances de lâĂtat en application de lâarticle 28 de la Loi sur lâadministration fiscale (chapitre A-6.002) sur le taux dâintĂ©rĂȘt convenu entre les parties ou, Ă dĂ©faut, sur le taux lĂ©gal. »[5]
« 1620. Les intĂ©rĂȘts Ă©chus des capitaux ne produisent eux-mĂȘmes des intĂ©rĂȘts que sâil existe une convention ou une loi Ă cet effet ou si, dans une action, de nouveaux intĂ©rĂȘts sont expressĂ©ment demandĂ©s. »[6]
Notes et références
- Ătymologie : le mot est issu du grec ana (« encore une fois ») et tokos (« revenu »).
- Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 juillet 2014, 13-21.144, Inédit, (lire en ligne)
- 2012 QCCA 1112
- Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art 1618 <http://canlii.ca/t/6c3nl#art1618> consulté le 2020-01-22
- Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art 1619 <http://canlii.ca/t/6c3nl#art1619> consulté le 2020-01-22
- Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art 1620 <http://canlii.ca/t/6c3nl#art1620> consulté le 2020-01-22